samedi 23 février 2019

La chamade. Françoise Sagan.

Ces années soixante sont si lointaines,
si inaccessibles ces gens qui dînent au Pré Catelan,
si démodé l’amant élégant qui sait que sa belle amie reviendra après une saison de passion avec un plus jeune,
et pourtant Sagan, que je n’avais jamais lu, m’a bien plu.
« Elle se sentait la proie d’une maladie merveilleuse, bizarre, qu’elle savait être le bonheur mais qu’elle hésitait à nommer ainsi. »
L’exotisme des années soixante, l’insouciance d’un milieu qui roule en Rolls, ont peut être un certain charme désuet, mais c’est surtout la finesse de l’observation, la légèreté de l’écriture qui nous transportent.
Avec une telle entame : 
« Elle ouvrit les yeux. Un vent brusque, décidé, s’était introduit dans la chambre. Il transformait le rideau en voile, faisait se pencher les fleurs dans leur grand vase, à terre, et s’attaquait à présent à son sommeil. C’était un vent de printemps, le premier : il sentait les bois, les forêts, la terre, il avait traversé impunément les faubourgs de Paris, les rues gavées d’essence et il arrivait léger, fanfaron, à l’aube, dans sa chambre pour lui signaler, avant même qu’elle ne reprit conscience, le plaisir de vivre. »
Il faut aller au bout des 189 pages :
« - D’où vient l’expression « la chamade », demanda le jeune Anglais à l’autre bout de la table.
- D’après le Littré, c’était un roulement joué par les tambours pour annoncer la défaite dit un érudit. »
Ce joli mot évoque bien la passion, élégamment décrite avec une pointe de lucidité, où se devine la fragilité.
Sans jamais insister, ni proclamer, cet aperçu d’une société lointaine m’a pourtant semblé proche, ces relations frivoles intéressantes, cette succession des saisons charmante.
Voilà qui en arriverait à faire trouver de la sagesse à nos rides. 

1 commentaire:

  1. O, merci, Guy, c'est délicieux ce que tu écris, là.
    Ça fait bien longtemps que j'en oublierais presque que je suis venue en France chercher ce côté éphémère de l'esprit français qu'on trouve dans les poésies de Verlaine, "Mandoline", par exemple. Une grande délicatesse dans le choix des mots, des tons pastels, pas guimauve pour deux sous, mais pas criardes non plus. Le comble du raffinement, en quelque sorte, que j'ai toujours du admirer... de loin, me sachant vraiment incapable d'accéder à ces hauteurs. Les pudding ne sont pas raffinés... Ils peuvent être très bons, les pudding, mais pas raffinés...
    Ça donne envie de lire le roman. Je le chercherai en bibliothèque, en espérant le trouver dans notre monde...o combien sauvage et pudding en ce moment.

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