samedi 12 janvier 2019

Saisir. Jean-Christophe Bailly.

J’ai fait confiance au poète, écrivain, dramaturge, philosophe, enseignant à l’École nationale supérieure de la nature et du paysage de Blois, pour lier nature et culture, à la recherche des traces d’un peintre, de photographes et d’écrivains au Pays de Galles, faisant preuve d’une érudition qui ne submerge pas la précision de l'écriture. Son livre de 256 pages nous emmène à l'Ouest de La Grande Bretagne par artistes interposés.
Après avoir évoqué un posto di niente, endroit de rien, un aperçu de sa persévérance à  essayer de rendre compte des traces, d’exprimer la réalité :
«  On pourrait, dans la foulée, parler aussi de moments de rien, ou en tout cas dénués à priori de tout accès au sublime et même incapable d’un bond hors de l’oubli ; et pourtant voilà qu’il se mettent, ces instants et ces lieux, les deux ensemble, à prendre la valeur d’un nouage qui a été fait hors du temps, et qui survit longtemps après son passage. »
A partir d’un tableau, «Un mur à Naples », il nous fait rencontrer un peintre, Thomas Jones, qui en réalisant cette petite huile sur papier représentant un mur dans son éclatante banalité, rencontre notre appétit de nouveauté.
«  Ah, la ville s’éveillait à présent et j’entendais distinctement, couvrant les murmures de la mer, ses voix insistantes dont la rumeur montait jusqu’à moi. »
Je ne saurai aller plus loin du côté de Dylan Thomas, hors de la mise en bouche qu’il nous propose, avec précautions, compte tenu des difficultés de la traduction en poésie où la musique des mots est primordiale, mais quand même :
« C’est une nuit de printemps sans lune dans la petite ville, nuit sans étoiles et noir de bible, rue aux pavés arrondis silencieuses et le bois voûté, bois des amoureux et des lapins boitillants jusqu’à la mer noir prunelle, lente, noire, noir corbeau, agitées de bateaux de pèche. »
Entre le « Rimbaud de Cwmdonkin Drive » et W.G. Sebald écrivain allemand de passage à l’Ouest de l’île,  nous approfondissons une même recherche sensible autour de la narration.   
Les yeux des mineurs des vallées du sud quand ils sortaient noirs de la mine brillaient, saisis par les photographes Eugène W. Smith et Robert Frank.
« …  leur entrée dans la vérité contient aussi la marque muette d’une résistance, qui est celle de ces hommes épuisés revenus des profondeurs et prouvant sans emphase non seulement qu’ils tenaient à la vie, mais que la vie aussi tenait par eux. »

1 commentaire:

  1. Très beau poste, Guy.
    Ces mineurs, là, dans le sud du pays de Galle, ont du fournir un contingent à la famille de ma mère, partant pour le Nouveau Monde autour de 1850/60.
    Oui, pour la capacité de voir la beauté du monde, le murmure du transcendant sous un quotidien apparemment banal et ordinaire.
    Oui pour le poète Dylan Thomas et ses mots/vers incantatoires qui célèbrent... le quotidien ? l'irruption de quelque chose dans et par le quotidien ?
    Il y a des écrivains/naturalistes en Angleterre qui se sont mis à arpenter les "vieux chemins", les chemins empruntés par l'Homme avant l'arrivée de la voiture, avec les... balises ? que les voitures ont introduites dans les têtes, ne serait-ce que par la nécessité de passer par des routes goudronnées : Robert MacFarlane. Je ne sais pas s'il a été traduit en français.

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