Sous l’autoportrait réalisé à 18 ans par un
des acteurs majeurs de la peinture abstraite, le conférencier, directeur de la
fondation Hartung-Bergman cite devant les amis du musée de Grenoble, un extrait
d’ « Autoportrait », le livre:
« Mes dessins
étaient traversés de traits entortillés, étranges, embourbés, désespérés comme
des griffures […] C’était une peinture véhémente, révoltée. Comme moi-même.
J’avais le sentiment d’avoir été floué. À part quelques Français qui avaient
été mobilisés, les autres peintres avaient tous passé la guerre réfugiés
quelque part. Ils n’avaient cessé de travailler, de progresser. »
Engagé
dans la légion étrangère Hartung a perdu une jambe.
Malgré ce sentiment de défaite intérieure, il intégrera l’histoire
de l’art dans la deuxième partie de sa vie. Aujourd’hui, sa notoriété a été
dépassée par celle de son élève Soulages, mais un processus de redécouverte
serait à l’œuvre.
Hans Hartung et son télescope. Né en 1904 à Leipzig, la ville
du romantique Friedrich,
dans une famille de la bourgeoisie protestante, ses aspirations sont
diversifiées : sportif, il hésite à devenir pasteur. Très marqué par les
techniques de l’optique, il fabrique son propre télescope et aussi un appareil
photographique. Comme Andy Warhol avec son polaroid, il enregistre la
réalité en permanence jusqu’à devenir compulsif pour confirmer ses intuitions de peintre et
non pour développer une œuvre sur un autre support.
T 1936-2, son œuvre est minutieusement
répertoriée, mentionnant l’année et l’ordre chronologique.
Sa singularité visionnaire émerge dès 1920 : son langage
est gestuel, pas symbolique comme chez Kandinsky où le triangle est jaune, le carré
rouge. La pulsion de ses traits ne prétend pas à une authenticité comme chez
les surréalistes. Il va chercher une voie plus sèche, abrupte, plus « pure »,
sans séduction visuelle. L’option n’est pas celle d’un Mondrian qui par le biais de la
géométrie tend vers une perfection formelle pouvant rejoindre les arts décoratifs.
Il est difficilement assimilable à d’autres
artistes à part peut être Miro qu’il fréquenta. Il hésite à un moment,
séduit par les expressionnistes ou Picasso, mais il choisit de poursuivre ses
traces éparses, ses enregistrements du hasard, ses graphies improbables qui
s’enchevêtrent.
Il fuit Berlin et après un passage à Paris, s’installe aux
Baléares avec sa jeune épouse Anna-Eva Bergman. Revenu à Paris, en 39, l’Allemand est parqué dans le stade
de Colombes. 3 mois après il s’engage dans la légion étrangère. Démobilisé
après l’armistice, il revient d’Afrique du Nord, en zone libre dans le Lot,
accueilli par le sculpteur Julio González dont il a épousé la fille
Roberta. Après l’occupation du sud de la France, il traverse les Pyrénées où il
est emprisonné dans les geôles franquistes. Après sept mois de captivité, il
revient comme brancardier dans la légion étrangère ; gravement blessé, il
devra être amputé d’une jambe. Il s’inquiète alors surtout de ses dessins
perdus.
Ayant usé de différentes identités :
Jean Gauthier puis Pierre Berton pour la légion, voire Jean Hartung, il obtient
la nationalité française, et reprend le fil de son travail avec la même « spontanéité
calculée ».
Dans un
premier temps il se laisse aller à des gestes intuitifs puis agrandit ses
traces « au carreau », très rigoureusement.
Parfois dans les fiches méthodiques de ses œuvres, il donne
des surnoms, ainsi « La prison » dont je n’ai pu retrouver les noirs
barreaux saturant la toile, matérialise un destin individuel pénétré par
l’histoire. En 1952, reconnu comme « chef de file de l’art
informel » et « précurseur de l’action painting », décoré, il
expose beaucoup et retrouve Anna-Eva Bergman
avec laquelle il se remarie.
Il multiplie les
procédés avec le grattage, les outils : sulfateuse et pistolet à
peinture. Il renouvelle ses moyens d’expression mais reste cohérent. Il s’en
tiendra contre vents et marées à la force du geste depuis des taches, des
formes simples et dérisoires. Faisant accéder l’anecdotique au monumental, l’individuel
à l’universel.
Il
meurt, l’année de la chute du « mur », deux ans après la femme de sa
vie.
Sa maison d’Antibes est devenue la fondation
Hartung-Bergman, accessible sur rendez-vous
« Pour l'enfant, amoureux de cartes et
d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! Que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! ».
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! Que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! ».
Baudelaire, dont on ne se lasse pas.
On devine un homme exceptionnel dans ton portrait, même si sa démarche artistique ne me convainc pas. Merci.
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