Dans le mouvement du « Nouveau réalisme » auquel
le Niçois et le Suisse ont appartenu un temps, ils ont occupé le territoire de
l’immatériel.
Ce groupe d’une « singularité collective » pour
« une approche perceptive du réel » eut une durée de vie qui occupa
les années 60.
« Yves le monochrome » et « Jean le
cinétique » comme ils furent nommés, tels des empereurs byzantins, comme
l’a précisé le conférencier Thierry Dufrêne devant les amis du musée, vont
utiliser d’autres moyens que la peinture pour peindre.
Yves Klein, fils de deux artistes, fut ingénieur de la navale
et étudia les langues orientales.
Il présenta un projet de peinture avant de s’atteler à la
tâche, avec une préface de son livre constituée uniquement de traits.
Il assure le renouvellement de la peinture monochrome, avec
dans sa tête Kandinsky, Malevitch, Rodchenko.
Loin des jeux d’esprit d’Alphonse Allais qui dans « L'Album primo-avrilesque » intitule une
toile bleue :
« Stupeur de jeunes recrues apercevant pour la
première fois ton azur, o Méditerranée! »
Lui, ce serait plutôt la couleur d’un tatami évoquée dans la toile bleue intitulée « Tokyo », il était un très bon
judoka.
Au « Salon des Réalités Nouvelles »,
il est refusé alors que Tinguely est accepté avec « Relief méta mécanique »
où les formes géométriques sont mises en mouvement depuis le châssis.
Lessing, écrivain allemand, dans son traité d’esthétique
« Laocoon », estime que le poète a du temps, alors que l’artiste,
homme de l’espace, doit être tangible dans l’instant.
Tinguely en déléguant le métier d’artiste à la machine,
bouscule les codes, et Klein en utilisant le corps de femmes enduit de couleur
comme « pinceau vivant » qu’il se garde de toucher tout en les
dirigeant, aurait- il à faire présentement avec les chiennes de garde ?
Mais le passage sur la toile du rouleau trempé dans le bleu
IKB « International Klein Blue », déposé à l'Institut national de la
propriété industrielle n’est pas une mono manie. Il gorge de bleu des
éponges qui offrent « une qualité de respiration », elles sont
le portrait de ses spectateurs qui « absorbent ».
Il lit Bachelard, le philosophe des éléments
primordiaux : feu, air, eau, terre, mais leur rencontre se passe mal. Il
crame ses toiles, aux endroits que les corps enduits d’eau ont laissés à la
flamme. Les silhouettes d’Hiroshima flashées sur le béton par la bombe vont le
hanter.
Une de ses expositions s’intitule : « le
vide », les salles de la galerie
sont vides.
Il met en scène, une autre fois, un « saut
dans le vide », un photomontage où il prétend léviter pour mieux
peindre l’espace, qu’il commente dans un journal d’un jour.
Pour un exvoto destiné à Sainte-Rita de Cascia,
patronne des causes désespérées, il ajoute au bleu, celui qui sort des
ténèbres, couleur du fils sensible, le rose du Saint Esprit et l’or du père
immortel.
Il vend ainsi des « zones de sensibilité picturale
immatérielle » contre des feuilles d’or, Dino Buzzati participe à
la transaction, une zone désignée par un geste donne droit à un certificat… à
détruire. Le rosicrucien est l’un des pères du happening et des performances
accompagnés de musique concrètes. Son projet d’Obélisque éclairée en bleu sera
réalisé après sa mort à 34 ans.
Tinguely était aussi performant avec son
« Hommage à New York »,
sa machine s’autodétruit dans la cour intérieure du MOMA. Dans le désert à côté
de Las Vegas, il met en scène une fin du
monde et sur le parvis de la cathédrale de Milan un phallus géant s’enflamme
pour fêter les 10 ans du NR, nouveau réalisme.
La collaboration particulière que Tinguely entretint avec
Yves Klein fut une « super collaboration » d’après l’appréciation du
sculpteur qui mit la peinture en mouvement, alors que des sculptures apparurent
de la part de celui qui déposa quelques roses sur la dalle funéraire
intitulée « Ci-git
l'Espace ». Ils
réalisent ensemble « Excavatrice de l’Espace » et « Vitesse
pure et Stabilité monochrome », des machines bleues.
« Le
cyclope » géant de Milly la forêt où ont travaillé Arman, Raynaud,
César, Nicky de Saint Phalle … sur son
toit couvert d’eau, reflète le ciel, un ciel bleu Klein.
Juste un petit pinaillement...
RépondreSupprimerLe poète... S'IL EST POETE, n'a pas plus de temps qu'un artiste qui se coltine l'espace matériel, ou le musicien.
Parce que le poète est orfèvre des mots. Il les sculpte, DANS LEUR MATERIALITE SONORE.
Bon, c'est peut-être ma définition.. restrictive de la poésie, mais je ne vois pas... l'intérêt d'une poésie de l'IMAGE écrite...divorcée de l'image sonore qui, pour moi, doit primer.
Ça doit être mon côté juif...