La question est lancinante, les réponses, sont elles attendues impatiemment?
En tous cas pour moi, l'échange de lettres entre les deux intellectuels est bienvenu.
Si je suis plus familier de la prose de l’éditorialiste qui
écrit désormais dans Marianne après l’Obs, c’est que j’ai comme lui milité à la
CFDT. Par ailleurs la problématique de la
distance entre la gauche et le peuple se superpose à d’intimes distances
culturelles, au moment où je vois ma petite fille à 3 ans accéder à plus de
livres que ma mère en plus de 90 ans.
Lui, l’historien est plutôt rugby alors que le philosophe
montpelliérain est footeux, plus âpre, plus radical, mais vif et toujours
passionnant, atypique.
Leur constant souci de pédagogie fait que l’échange de haute
volée est passionnant.
« Quels enfants
allons- nous laisser au monde ? »
En 318 pages, l’entretien au bout de neuf lettres échangées,
remonte aux racines des débats à l’intérieur de la gauche : la question du
progrès, du libéralisme, les rapports nature-culture et de la morale. Le débat n’est pas qu’économique
et va chercher dans les passions.
Pour avoir finalement bien ri aux caricatures de beauf de
Cabu ou des Deschiens, j’avais aimé oublier que je venais de chez ces gens là. Quand
bobo parvenu, j’ai pu croire que j’étais plus familier d’un guide Dogon
que d’un chauffeur routier d’Apprieu, je saisis la distance qui s’est installée
entre sédentaires et nomades, autochtones et étrangers, alors que la défense de
la classe ouvrière s’est dévaluée au détriment de la figure du sans papier. Du
social au sociétal.
Julliard fait le constat de la mort de la deuxième
gauche dont il fut un des plus brillants promoteurs, il revient à des
fondamentaux tels que la planification démocratique, la nationalisation
des banques, la non-reconductibilité des mandats électifs, et rejoint son
comparse pour ne pas se prosterner
devant les écrans et le pédagogisme libéral …
« Il y a moins de
différence entre deux députés dont l'un est révolutionnaire et l'autre ne l'est
pas qu'entre deux révolutionnaires, dont l'un est député et l'autre ne l'est
pas.» R. De Jouvenel
La thèse de Michéa faisant remonter à la fin de la
colonisation le regard condescendant des intellectuels sur la classe ouvrière
remplaçant désormais les indigènes, est originale.
Et dans la ronde des citations je retiens aussi Fredric
Jameson :
Pour rendre compte de ce livre, je passe par-dessus
certaines difficultés de compréhension et recopie une pincée de définitions qui
peuvent préciser certains sujets :
« Golem : Dans la mythologie juive, un être artificiel,
incapable de parole et dépourvu de libre-arbitre, façonné afin d’assister ou
défendre son créateur.
Téléologie: Doctrine qui considère que dans le monde
tout être a une fin, qui conçoit le monde comme un système de relations, de
rapports entre des moyens et des fins. Syn : Finalisme
Agonistique : Forme
de démocratie où le conflit
joue un rôle central.
La brigue : Manœuvre
secrète
et détournée
pour obtenir
de quelqu'un un avantage, intrigue, magouille.
Le lit de Procuste : Procuste était un terrifiant
brigand de l’Attique qui non seulement détroussait ses victimes, mais les
faisait étendre sur un lit de fer avant d’étirer leurs membres au moyen de
cordages ou leur coupait les pieds pour les mettre à la mesure du lit. Désigne
toute tentative de réduire les hommes à un seul modèle, une seule façon de penser
ou d'agir.
Démopédie : opinion
publique »
Les formules « les eaux glacées du calcul
égoïste » de Marx ou la « common decency » d’Orwell sont
travaillées en commun.
Je regrette qu’un
tel dispositif de débat aussi fécond ne soit pas plus fréquent mais on me dit à
l’oreillette que Gauchet et Badioux sont depuis peu dans un même livre. Au
boulot !
..............
Les dessins ci-dessus viennent du "Point", celui ci-dessous, du "Canard":
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire