vendredi 31 mai 2024

Poteaux.

La tentation est grande de ne pas lever le nez après avoir admiré le cœur d’une pivoine plutôt que de se piquer les yeux aux incendies de Nouméa à 20 h d’avion d’ici, à Kharkiv à 3h de Paris, à Rafah...
Bien que le moment approche pour les citoyens de donner une voix aux députés européens, le temps consacré à l’Europe est restreint par les candidats eux-mêmes : symptôme des difficultés à envisager notre appartenance.
Alors que l’Occident joue contre le reste du monde, il serait malvenu de dire que la balle est dans notre camp; des équipiers semblent bien indécis avec même quelques buts CSC (contre son camp).
Les débats sont sommaires : toute objection à l’encontre de l’extrême gauche vous renvoie à l’extrême droite. De même l’accusation d’antisémitisme pour toute critique envers Netanyahou s’avère stupide, inopérante, et participe à l’aveuglement, à l’isolement, au rejet d’Israël.
Dans bien des domaines, je m’en remets à la fataliste formule : «  c’est comme ça ! » 
mais  qui empêchera le sujet de la Palestine de supplanter les chicanes concernant la politique agricole de l’U.E. ?
Les problèmes enfouis resurgissent, amplifiés, échappant à toute raison et il est vain de regretter l’inculture américaine ou les hors sujets hexagonaux.
La Palestine est une question centrale quand devient indécidable un engagement de troupes   européennes ici ou là.
Pour reprendre la formule féconde de Badiou à propos de Sarkozy : « De quoi est-il le nom ? » il n’est pas besoin d’ânonner les éléments de langage intersectionnels pour comprendre que les échauffements des campus recouvrent une surface plus étendue que « du fleuve à la mer » et remontent bien avant la déclaration Balfour (1917).
« La paix n’a pas de frontières » Yitzhak Rabin a été assassiné.
Si les comparaisons fleurissent avec mai 68, ne pas oublier juin et le ras de marée conservateur (387 sièges de députés à 91). Dans le pays où avait brouté la bête immonde, et pas que là, l’extrême droite prospère et sourit devant les selfies (égo portraits).
Il était prometteur le slogan : « Cours camarade, le vieux monde est derrière toi » et voilà le cacochyme revenant promis à la victoire et nous à bout de souffle.
Mais est-ce parce que le courage était prôné par les forts de la mâchoire qu’il a déserté le camp progressiste ?
L’épisode néo calédonien condense quelques paradoxes quand certains osent avancer qu’il est urgent d’attendre, alors que le dialogue est engagé depuis des décennies.
Jean-Marie Tjibaou a été assassiné par un indépendantiste en 1989.
Droit du sol ici et pas là bas et inversement.
Tiens, où en est la proposition de droit de vote des étrangers aux élections (locales) ?
Qu’en pensent les militants sans frontières qui pansent les plaies occasionnées par les dresseurs de miradors aux « anciens parapets » ?
La violence nait de l'ignorance avec cependant une conscience de ses limites qui interdit d'écouter les autres. Le vide en politique représenté par le sourire de Lecanuet faisant jadis se pâmer la rombière s'est élargi.  
Si bien que contaminé par les délires présents, il est tentant de s'approcher, pour le fun, des mirages utopiques voire absurdes, guère plus vains que les rodomontades chroniques.
L’harmonie régnerait sur le monde si les contours des contrées plutôt que de suivre fleuves et crêtes des montagnes, épousaient les rotondités de chaque être humain :
Somalie sommeillerait avec Somaliland, la Corse voguerait sous son pavillon à tête de Maure, la Transnistrie cesserait sa sécession et Le Soudan n’aurait pas perdu le Nord… 
Feujs et rebeux joueraient dans le même championnat en Judée-Samarie et la « Bonne mère » marseillaise aurait fait rebondir le ballon parisien du bon côté des poteaux (PSG= Poteau Saint Germain). 
« L'humour ne peut exister que là où les gens discernent encore la frontière entre ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Aujourd'hui, cette frontière est indiscernable. » 
Milan Kundera

1 commentaire:

  1. Oui, malgré la multiplication des humoristes dans leurs shows, l'humour me semble avoir déserté la scène... de nos vies. Cela laisse la place à un Puritanisme tristounet et dangereux, à mes yeux, et dans des camps.. opposés, de surcroît. Incroyable, mais vrai.
    Pour les frontières... il était un temps où les fleuves, les lacs, les montagnes étaient des frontières... NATURELLES, mais nos inventions ont brouillé la donne, et quand les Allemands ont largué leurs bombes sur Londres nuit après nuit, nous avons pu voir que l'eau n'était plus un obstacle pour nos inventions.
    Qu'est-ce qui nous limite maintenant dans notre désir prométhéen de repousser... les limites naturelles, et la nature elle-même ? Que dois-je penser quand la zone industrielle construite selon des normes écologiques s'étend autour de nos villes, dans nos campagnes, et villages, même ?
    Pour l'Europe, j'ai dit il y a des années que je ne voyais pas comment des pays indépendants européens pouvaient créer un système politique fédéraliste qui ressemblerait au système fédéraliste américain, et ceci pour des raisons historiques. Je maintiens ce... constat. Et j'ajouterai qu'au moment où j'ai dit cela, je ne m'étais pas encore aperçue que les Etats-Unis n'étaient pas si unis que ça.
    Il y a d'énormes tensions, et de conflits politiques (et sociaux ?) dans un état fédéral/fédéraliste qui tend vers la démocratie, du moins en apparence. Je ne vois pas en quoi les populations européennes sont prêtes à accepter cette violence... endémique à la structure fédéraliste "démocratique". L'épisode récent du Covid suggérerait que les gens ordinaires ? (et les politiques qui les écoutent...) n'acceptent pas le conflit, l'incertitude, la violence qui vont main dans la main avec l'idéologie démocratique.
    C'est un comble, non ?
    Nous vivons physiquement dans un pays où les gens, ordinaires ou pas, sont doués pour vouloir le beurre et l'argent du beurre en même temps. C'est vieux comme le monde, ça...

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