Je viens d’accéder enfin au fin du fin de la littérature,
avec une certaine fierté d’avoir surmonté quelques à priori concernant les
fameuses phrases interminables décrivant un milieu mondain d’un autre siècle.
La forme arborescente, hors du commun, intense, va fouiller
au plus vif les passions, les caractères, les faux-semblants, la vérité, au
cœur de la mémoire où l’imagination rend plus coloré le réel.
Les notations fiévreuses qui embellissent les lieux, les
intermittences du cœur, transcendent les descriptions d’une belle époque parmi tant
de beautiful people semblables aux nôtres si lointains et, si proches :
« … il la suivait de ses yeux attendris,
qui enfilait courageusement la rue Bonaparte, l’aigrette haute, d’une main
relevant sa jupe, de l’autre tenant son en-tout-cas et son porte-cartes dont
elle laissait voir le chiffre, laissant baller devant elle son manchon. »
La tentation d’accumuler les citations peut vite s’épuiser,
tant sont abondantes les occasions d’enchâsser de pertinentes observations
teintées d’humour,
« Qui du cul d'un
chien s'amourose,
Il lui parait une
rose. »
de revenir sur des périodes déjà abondamment renseignées,
« Mais, quand
d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la
destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus
immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent
encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la
ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque
impalpable, l'édifice immense du souvenir. »
de s’enivrer d’une langue tellement précise et délicate.
« …se substituait
en moi le rêve contraire le plus diapré, non pas le printemps de Combray qui piquait
encore aigrement avec toutes les aiguilles de givre, mais celui qui couvrait
déjà de lys et d’anémones les champs de Fiesole et éblouissait Florence de
fonds d’or pareils à ceux de Fra Angelico. »
L’essentiel se mérite.
Tu donnes envie de lire Proust, là...On verra.
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