Le sous-titre « Théâtre d’ombres » souligne l’importance
de la Chine et de l’illusion dans les recherches littéraires et intimes d’un
écrivain qui m’est cher.
« La nuit dit
mieux la vérité de la vie. Elle la transforme en une sorte de théâtre d’ombres
sur la scène duquel où que l’on soit, les spectres familiers auxquels le jour
avait provisoirement donné congé reprennent du service et offrent à qui les
observe la représentation inchangée des songes que chacun emporte avec
soi. »
L’auteur avait mis en scène la Seine débordante confinant
chacun chez soi dans « Crue ».
Tourné vers l’Orient dans « Sarinagara » qui
signifie en japonais « cependant » mais également « tout »
et « rien »,
il revient toujours à la mort de sa fille : «Tous les
enfants sauf un ».
« Des ombres
prennent la place des vivants dont elles évoquent les formes afin que reviennent
à l’existence les fantômes de ceux qui sont partis. Si j’ai bien compris.»
Vacciné des fantastiques de pacotille, j’étais plutôt
méfiant et puis je me suis laissé envelopper par ses douces prudences, ses
approches pleines d’humilité, d’honnêteté qui nous feraient presque avancer en
sagesse : savoir qu’on ne sait pas.
« La solution et
l’énigme ne se distinguent pas. »
Bien des phrases simples extraites de ces 330 pages sembleraient
provenir de quelque manuel de « développement personnel » alors qu’il
n’y a ni surplomb, ni recette, simplement une littérature profonde et
élémentaire, légère et exigeante, qui fait du bien.
« A mesure,
chacun invente le passé qui convient à son présent. On fait croire, en général,
que le passé entraine le présent. Mais c’est l’inverse qui est vrai. »
Et même si des références à des auteurs chinois peuvent
sembler lointaines, nous sommes rassurés que tant d’érudition laissent toute la
place aux mystères, au lecteur.
« Les idéogrammes
sont trop anciens ou bien la manière dont ils ont été tracés les rend
méconnaissables. Cela n’a pas beaucoup d’importance. Une page est un paysage.
L’inverse aussi. »
Il est question de vie et de mort,
« au pied de ces autels obscurs où, sous sa forme la plus nue,
s’éprouve une insupportable inquiétude, une angoisse sans nom et parfois
l’épouvante que, dans les cauchemars, fait naître ce qui, inexorable, vient
vers nous dans la nuit et que l’on ne comprend pas. »
Il est question d’éternité et de modestie, alors dans le
reflet d’un miroir, quelques phrases peuvent nous concerner :
« On peut rester
fidèle à ce qui n’a été qu’à peine, l’ombre que l’on a laissée sur un écran de
pierre ou de papier et qui, pour la simple distraction de quelques-uns qui n’y
accordent vraiment d’importance, s’agite avant que la lampe s’éteigne, que les
artistes rangent leur matériel, remisent leurs marionnettes, que la musique se
taise et que la salle se vide, ne laissant aux rares spectateurs qui déjà s’en
sont retournés à leurs vies que le souvenir d’une histoire qui, pourtant, ils
le savent même s’ils ne s’en soucient pas, pour chacun, était aussi plus ou
moins la sienne. »
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