Les faits divers les plus extraordinaires peuvent exprimer
avec évidence des tendances sourdes des sociétés, exacerbant des traits
immémoriaux comme ici au Japon où le vieillissement de la population est un
problème aigu.
Emue par un massacre de 19 personnes dans un établissement pour
personnes handicapées, la réalisatrice imagine une fiction très réaliste avec
une loi qui encouragerait l’euthanasie ne figurant plus seulement en tant que droit
mais - on vient de me le souffler - comme un devoir.
La condition des vieux contraints de travailler au-delà du
temps réglementaire est décrite en évitant toute caricature. Nous suivons
également la trajectoire d’un jeune travaillant à ce programme, d’une accompagnante
et d’une employée immigrée, tous crédibles dans cette entreprise terrible.
Je n’ai
pas lu dans les critiques d’allusion au film bouleversant « La ballade de Nayarama » (1983) où un fils porte sa mère au sommet
de la montagne après qu’elle eut réglé ses affaires. Mais je n’ai cessé d’y penser comparant les récits
à 40 ans de distance pour des modalités de fins de vie ayant quelques siècles d’écart :
la rudesse est la même.
La beauté de l’actrice amenée à choisir une issue fatale, les
lumières de la photo magnifiant les gestes
de la vie les plus anodins et le rythme lent permettent une réflexion face à la
mort q échappant aux hystéries qui ne manqueront pas de se déchainer autour des
réflexions engagées sur le sujet dans notre pays sage, pas tant que ça.
Le hasard voudrait que je te lis après avoir lu une enquête de PMO sur l'histoire de l'industrialisation en France. C'est une grosse généralisation que je fais là, mais je comprends que PMO concentre toute sa hargne contre l'organisation industrielle de nos vies... modernes. Et je les comprends. Il y a plusieurs univers entre "Narayama" et l'euthanasie telle qu'on l'évoque en ce moment. Il se trouve qu'à l'heure actuelle, nous sommes individuellement et collectivement ? incapables d'envisager la mort en dehors d'un contexte... industriel qui a l'avantage majeur de répondre à nos exigences folles et démesurées que le monde soit prévisible, ordonné, rationalisé... à mort. L'organisation industrielle du monde répond à nos fantasmes, nos exigences qu'il soit ordonné par nos choix et nos "besoins". Le monde physique de "Narayama" n'est pas celui de maintenant. La nature à laquelle nous sommes soumis dans et par la mort est encore présente dans "Narayama", ne serait-ce qu'au sommet de la montagne. Et dans le film ci-dessus ? Où est la nature ? Tu le sais mieux que moi ; tu as vu le film.
RépondreSupprimerIl est trop facile d'agiter l'épouvantail de l'hystérie. Freud a eu le pressentiment dans son oeuvre qu'il y avait une opposition ? entre pensée hystérique et pensée obsessionnelle, qu'on pourrait traduire par pensée "rationnelle". N'en déplaise, la pensée hystérique, la dramatisation, est vivante, de vie forcément inconfortable, alors que la pensée obsessionnelle tend vers l'immobilisation de tout et de tous. Vers... la mort, pourrait-on dire, et sans la résurrection, détail important.
C'est fou comme les choses les plus... inquiétantes font irruption dans cette espace publique si poreuse, où l'on ne parvient pas à faire la distinction entre ce qui est privé ou public. L'euthanasie... un devoir... et je dis que l'économie du sacrifice renaît constamment de ses cendres. L'art d'ériger la mélancolie (individuelle et collective) en monument ? ou... en idole ?