La
température fraîche offre un contraste important avec hier.
Nous
destinons notre matinée à la visite commentée de la cathédrale Notre Dame que nous retenons et réglons à l’Office du
tourisme.
Notre conférencier, un petit monsieur avec son parapluie partage son
érudition à l’ancienne, méthodique et passionné.
Il commence
par aborder l’historique:
1220-1268 : Les fonds pour construire l’Eglise ne manquent pas.
D’abord la
ville est riche grâce au commerce des drapiers, aux impôts, aux péages sur les
ponts et aux droits de passages des bateaux sur la Somme.
Rapportent aussi les reliques
dont la tête de Saint Jean-Baptiste. Elles
attirent les pèlerins, ainsi que le bleu d’Amiens au procédé de fabrication gardé
secret, réputé même hors des frontières.
Elle fut épargnée par les conflits ;
pendant la seconde guerre, les Stukas l’évitaient dans leurs bombardements en
plongée se concentrant sur l’anéantissement du reste de la ville. Elle fut la
dernière cathédrale de style « gothique » ou « ogival » et
bénéficia des expériences de celles qui l’avaient précédée. Elle atteint la
longueur de 142 m, sa hauteur de 48 m est un peu plus basse que celle de
Beauvais mais cette dernière dut réduire sa longueur suite à l’effondrement de
la travée.
Ces deux tours inégales déplaisaient à Eugène Viollet-Le- duc, adepte de la
symétrie. Jusqu’à 23 couches de peintures
successives ont recouvert l’édifice ; il est difficile aujourd’hui
d’imaginer cette façade et ses ornements ainsi que ses statues autrefois
multicolores quand on se trouve face à cette pierre claire.
Ce fut l’œuvre
des sculpteurs« imagiers »,
que l’absence d’images, de livres en papier, voire d’imprimerie ont poussé à
raconter le contenu de l’ancien et du nouveau testament, dans une lecture
compréhensible par tous.Trois
portails donnent accès au lieu saint.
Le portail
central est consacré au Jugement dernier
représenté dans le tympan. Le Christ apparait dans le trumeau entouré par les
statues latérales des apôtres. Les autres personnages en pierre font appel aux
prophètes comme Jonas dont l’histoire
est racontée en sculpture dans les quadrilobes.
Le portail
de droite fait référence à la naissance
du Christ. Dans le trumeau, prennent place la vierge et l’enfant. La tête
du petit serait attribuée à Viollet le duc.
Des traces et restes très atténués
de couleurs affleurent par endroit et
témoignent de la peinture disparue. Au Sud trône une autre belle Vierge dorée.
En dessous de la Vierge à l’enfant du portail de la mère de Dieu, Adam,
créé à l’image de Dieu et Eve née de sa côte, chassés tout deux du paradis
rappellent la faute originelle, mais Marie sainte mère veille sur les pauvres
pécheurs. Les autres sujets sculptés traités concernent l’annonciation, la
visitation, la présentation de Jésus au temple. A gauche, les fidèles peuvent
identifier de grandes figures de l’ancien testament que ce soit
les trois rois mages, ou Hérode surmontant un quadrilobe décrivant le massacre des innocents
ou encore le roi
Salomon fondateur du temple de Jérusalem, (clin d’œil des architectes)
accompagné de la reine de Saba. Le portail
de gauche est dédié à Saint Firmin. De chaque côté de l’évêque 12 quadrilobes enferment les signes du zodiaque,
en dessous desquels correspondent pour chacun d’entre eux une scène de vie en
relation avec les saisons évoquées.
Lorsque nous
pénétrons à l’intérieur, nous nous
sentons bien petits dans cet espace de hauteur et de lumière caractéristiques
de l’art ogival.
Un labyrinthe
au sol long de 240 mètres
occupe en grande partie le dallage de la nef. Son cheminement le long d’un
ruban noir enroulé oblige à poursuivre rigoureusement tout le tracé avant
d’atteindre le centre sans possibilité de raccourci.
Au milieu, dans le cercle
noir, une croix dont les branches se terminent par un lys indique les quatre
coins cardinaux, mais tout le monde peut
constater que le bâtiment n’est pas dans l’axe. Cependant, au moment des
solstices la lumière qui filtre par une fenêtre divise parfaitement la croix en
deux parties et met en évidence ombre et
lumière : cette symbolique s’explique par une parole de saint Jean
Baptiste désignant le Christ : « je suis l’ombre, Il est la
lumière ». Des anges évêques et bâtisseurs s’invitent dans le cercle et
s’imbriquent entre les branches de la croix.
Nous ne
verrons rien de l’orgue de la Renaissance en réfection. Mais
nous ne manquerons pas l’ange qui pleure au dos du chœur.
Pendant la guerre de 14-18, les soldats australiens, néo zélandais et
britanniques le rendirent célèbre dans le monde entier lorsqu’ils combattirent
au front à une quinzaine de kilomètres d’Amiens.
Pour écrire à leur famille, ils envoyaient des cartes postales de la
cathédrale, mais en raison de l’épuisement
du stock, ils se sont rabattus sur celui inexpliqué de l’ange qui pleure. Ce putto est une
petite sculpture du XVII° placée au-dessus d’un enfeu d’évêque. Il fut rajouté
à la suite d’un différend entre l’artiste
et le commanditaire qui trouvait la note du tombeau trop salée. Main
appuyée sur un sablier et coude reposant
sur un crâne, il dénonce la Vanité du monde terrestre.Les chapelles
et monuments du déambulatoire gardent trace aujourd’hui encore du 1er
conflit mondial, comme par exemple la présence d'un drapeau
australien offert, exposé telle une relique…
Quant au
bâtiment, il souffre de l’œuvre du temps et des hommes ; pour maintenir
l’écartement des piliers et les consolider, une chaîne de métal a été insérée
tout le long du triforium, à l’image d’un tonnelage.
Il n’y a plus grand-chose à contempler au niveau des
peintures ou fresques, ni au niveau des vitraux encrassés dont seulement 5 %
ont survécu aux guerres.
Durant la
visite nous avons pu apprécier notre guide ; ce passeur, grand bavard, n’a manqué ni d’anecdotes ni d’érudition, sans mégoter sur le temps
consenti. Lorsque nous quittons les lieux, un prêtre célèbre le baptême d’un petit métis du nom de Shun au
milieu de sa parentèle blanche et noire ; la cérémonie me semble bien plus
étoffée que celle pratiquée de par chez nous…
Merci pour la visite, Guy. Instructif, comme toujours.
RépondreSupprimer