« Le Roi-Soleil
était défiguré. Certaine lèpre qui, dans les pays de l’Orient, corrompt les
huiles, s’était introduite jusque sous le vernis et s’y étalait de jour en
jour. Louis XIV avait sur la joue gauche, celle que le peintre lui faisait
tendre en majesté vers le spectateur, une grosse tache noirâtre, hideuse étoile
qui projetait jusqu’à l’oreille ses filaments d’un brun rouillé […] Le
tableau ornait le consulat de France du Caire depuis trois ans»
La virtuosité de ces première phrases ne se démentira pas
jusqu’à la 800 ième page, avec reprise subtile d’un motif essentiel
entrevu au cours de ce récit haletant. Les talents de médecin du personnage
principal lui ouvriront les portes des rois d’Ethiopie et de France pour l’amour
d’une belle.
Etranges majestés :
« Il dispose d’un
officier pour dédoubler chacun de ses organes. Il y a l’œil du Roi, qui lui
rapporte tout ce qu’il voit dans la cour. L’oreille du Roi écoute pour lui. Il
y a le chef de sa main droite et celui de sa main gauche, pour les armées. Et
vous allez entendre le serach masery celui qui répète ses phrases à voix
haute. »
L’auteur a été médecin et diplomate : « La
diplomatie est un art qui requiert une si constante dignité, tant de majesté
dans le maintien, tant de calme, qu’elle est fort peu compatible avec la
précipitation, l’effort, bref avec le travail. M. de Maillet, en diplomate
avisé, ne remplissait jamais si bien son rôle que dans ces moments où, n’ayant
positivement rien à faire, il pouvait s’y consacrer tout entier. »
Roman épique où tous les rebondissements forcément heureux
sont bienvenus avec quelques portraits
savoureux :
Le héros traverse la France à cheval :
« Jean Baptiste
riait, ouvrait la bouche pour mordre la pluie froide qui, dans ces années de
tropique lui avait tant manqué sans qu’il le sût. »
Après tant d’épreuves, les amants se trouvent :
« L’écart des
naissances, la volonté d’un père, l’indifférence d’un Roi et la méchanceté de
tant d’hommes n’encombraient pas plus leur chemin que les petits cailloux de
lave éteinte qui roulaient sous leurs pieds. »
Ces citations sont exquises. Nous avons ce roman à la maison. Je crois que je vais l'emporter en vacances, à côté de mon... "Marchand de Venise"...
RépondreSupprimerJamais depuis Rufin a trouvé cette prose luxuriante...
Jamais depuis non plus il ne l'a cherchée, je crois...
Du bonheur en perspective.