« Cours
camarade, le vieux monde est derrière toi » : les camarades sont
accablés, le vieux monde a disparu, les mots sont décourageants. Nous étions pourtant
habitués aux enterrements, et puis il y en eu trop, et nous ne savons plus rien
reconnaître.
Par exemple, il était prévisible que « Nuit debout »
allait se coucher tôt ou tard sans que nulle leçon n’en soit tirée. Son avatar,
plus flashy, populaire en diable, perdure par contre, s’opposant à toute
intellectualité; toute prise en compte de la complexité étant assimilée à du
mépris.
Ainsi depuis mon toboggan, après avoir maugréé avec d’autres,
je me suis fait aux visages masqués, aux façades souillées, aux statues
déboulonnées, aux réputations déculottées, on n’y peut rien.
Les évènements nous donnent le tournis et qu’importent les exemples, les conseils, les bougonnements, nous en sommes juste à souhaiter une pause quand montent les eaux et le populisme. On se dépatouille.
Les évènements nous donnent le tournis et qu’importent les exemples, les conseils, les bougonnements, nous en sommes juste à souhaiter une pause quand montent les eaux et le populisme. On se dépatouille.
Et voilà la ritournelle : « c’était bien, c’était
chouette du temps des guinguettes » qui revient.
A notre tour de la chanter.
La morale a tourné à la moraline, la dérision a tout envoyé
balader quand nous en étions des complices ravis. Qu’est ce qu’on riait !
Hara Kiri, Coluche, « les Guignols » sont aux racines d’Hanouna pour
la partie la plus grossière, dont l’évocation conviendra aux auditeurs d’Inter
baignés pourtant dans le même courant railleur. Je m’étais aperçu des ravages
de la moquerie quand en voyage à Paris avec des enfants, passant devant
l’Elysée, alors occupé par Jacques Chirac, ce fut un rire qui submergea
l’autobus. Ce n’est pas d’aujourd’hui que les
comiques se prennent pour des philosophes parce qu’ils s’en prennent à eux.
Et ce sont des cohortes en selfie sur les trottoirs, fiers
de braver la loi, de ceux qui brûlent les radars, tronçonnent des arbres au
bord des routes du Gard, qui ne votent pas, mais veulent plier tout un pays à leur
loi.
Même si la fameuse phrase du « Guépard » est trop
répétée : « Il faut que tout
change pour que rien ne change », elle recèle encore la richesse des
paradoxes qui appellent au progrès tout en le redoutant, à la fois le mouvement et la
stabilité, « fuir le bonheur de peur
qu'il ne se sauve ». Nous avons été, avec le numérique, en situation constante
d’apprentissage, donc de déséquilibre.
Les informations fusent dans tous les sens et le statut de
prof n’a jamais été si peu reconnu. J’allais écrire «
contesté » : même pas ! Encore eut-il fallu que son magistère fût
considéré comme légitime, alors que l’institution elle-même a miné l’affaire et
que les intellos sont cloués aux portes des granges superstitieuses. Que dire
après ce collégien ? « A quoi bon apprendre puisque c’est sur
Internet ».
« Face au monde
qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement. »
Francis Blanche.
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