« Jamais la lumière
pourtant n’avait été si belle, jamais l’air n’avait été aussi frais,
revigorant, jamais le vert des prairies n’avait été aussi intense, jamais le
miroitement du soleil sur les vaguelettes de l’océan presque étale n’avait été
si enchanteur ; jamais non plus, je crois, je n’avais été si malheureux.»
Dans la première partie classiquement désabusée, il pétille
d’humour, et les 347 pages nous comblent comme une armoire (normande) qui
aurait été destinée à conserver les objets et l’esprit d’une époque.
« Les lettres
personnelles sont devenues si rares qu’elles ont toujours un impact, c’était
surtout la sensation de mon incompétence qui m’avait fait abandonner
l’idée. »
L’écriture est efficace, la multiplication des réflexions
n’alourdit pas une lecture menée avec dans le coin un sourire sarcastique, me
sentant comme ce patron de bar :
« Le patron avait achevé Paris-Normandie, mais
s’était lancé dans une lecture tout aussi exhaustive de France Football,
c’était un lecteur exhaustif, il en existe, j’avais connu des gens comme ça,
qui ne se contentent pas des gros titres, des déclarations d’Édouard Philippe
ou du montant du transfert de Neymar, ils veulent aller jusqu’au fond des
choses ; ils sont le fondement de l’opinion éclairée, le pilier de la
démocratie représentative.
Les mouvements de l’humeur du narrateur sont influencés par la prise d’anti
dépresseurs.
Je ne sais si la littérature a les mêmes effets, mais ce
pessimisme définitif m’a convenu au point que je me suis écouté « Child on
Time » de Deep Purple évoqué dans une séquence pour être dans l’ambiance.
J’ai différé la conclusion de l’ouvrage pour mieux le
déguster, me régalant d’une tension parfaitement entretenue. J’ai adoré le va-et-vient
de petites histoires particulières et de dégagements généraux qui ne se
prennent pas au sérieux.
« Lorsque sa mère avait rendu sa vilaine petite âme à Dieu-ou plus
probablement au néant-le troisième millénaire venait de commencer, et c’était
peut-être, pour l’Occident antérieurement qualifié de judéo-chrétien, le millénaire
de trop … »
Je sais qu'avant de mourir, Bernard Maris était arrivé à la même conclusion que moi, c'est à dire, que la littérature est notre bouée de sauvetage, et qu'il avait conçu une admiration certaine pour Houellebecq.
RépondreSupprimerJe n'oublie pas que Bernard, que j'ai lu, et admiré comme un grand intellectuel, avait aussi été un fervent... mais très désenchanté... marxiste. Je remercie Dieu de m'avoir fait échappée à cette (mauvaise...) foi.
J'ai feuilleté quelques livres de Houellebecq, qui m'ont laissé l'impression que me laisseraient certains actes sexuels que je serai suffisamment pudique pour passer sous silence.
Autrement dit, la lecture de Houellebecq peut aller pendant quelques minutes, mais je crains qu'à la longue, elle finisse par corrompre, et faire perdre les toutes petites particules d'innocence qui nous restent, l'âge avançant.
C'est un enjeu important de pouvoir non pas se refaire une virginité/naïveté, mais protéger les lambeaux qui nous en restent. Si. Dans le meilleur des cas, il nous reste quelques lambeaux.
Soyons tendres et miséricordieux envers nous-mêmes...