vendredi 21 décembre 2018

Super demain. Lyon 2018.

Sous les hauts plafonds du palais du commerce de Lyon datant du second empire, l’association « Fréquence écoles », engagée depuis 20 ans dans l’éducation aux médias,  proposait aux familles,   le dimanche après La Fête des Lumières, de tester jeux vidéos et autres dispositifs numériques, tout en apportant un regard critique sur les mutations induites par ces outils.
Vaste programme sous forme d’ « espace de médiations » bardés de #  et de « playroom » où j’ai accompagné mes petits enfants que les parents épargnent plus des écrans que moi qui ai  souvent la partie belle à leur faire découvrir des films : fastoche, la pelloche.
Nous avons testé Super Mario et réalité virtuelle, coloriages à animer : ainsi Perrette a vu disparaître cochons et couvée. Quand La Fontaine se redécouvre ainsi, j’adore, comme la rencontre des lambris et des hastags.
Et puis le nostalgique des forums de Libé, que je suis, a  retrouvé dans deux conférences quelque plaisir lointain, bien que le format d’une heure m’ait paru trop petit, d’autant plus qu’était introduit un dispositif interactif de questions-réponses par téléphone portable que les geeks présents ont investi promptement.
Peut-on élever ses enfants grâce à Internet ? « Grâce » ou « Malgré » ?
Michel Guillou  aime se présenter comme un observateur et avec Louise Tourret journaliste à France Culture, ils ont distingué information et savoir alors que le numérique s’est affranchi de ses racines informatiques pour devenir plus culturel et social. Ceux qui diabolisent ces machines permettant un accès à une masse d’informations colossale et un accès inédit à la liberté d’expression appellent plutôt à un rappel des apports essentiels d’Internet.
Vis-à-vis des enfants, un peu d’attention, un accompagnement, une surveillance, un apprentissage de la frustration leur permettront d’avancer vers des choix éclairés. 
Qui consulte encore des encyclopédies ? Qui lit encore des journaux ? J’ai bien aimé l’image d’un bambin lâché dans une bibliothèque, il faut lui donner un mode d’emploi. Pour le web c’est pareil ,  bien que pas facile, alors que se jouent les problèmes éternels du temps.
Après coup j’ajoute : plus que jamais les enjeux sont cruciaux depuis que les tutoriels s'apprêtent à tuer les tuteurs. Qui émet ? Qui aime ? Qui est entendu ?  Quand nous sommes assaillis par tant de porteurs de casques et de cagoules, et tous ces pseudos, que peuvent encore la littérature, la culture ? Qui veut du lien ? 
Ces grains de sel viennent tardivement en n’ayant pas osé poser la question qui me semblait trop conventionnelle pour une tribune de spécialistes.
« Pourquoi les enfants des ingénieurs de la Silicon Valley sont inscrits dans des collèges où l’on utilise moins les écrans que dans les écoles publiques du coin ? »
Ceux qui passent le plus de temps devant les écrans sont davantage issus de milieux modestes, comme l’obésité d’ailleurs.
Peut-on s’aimer grâce aux réseaux ? Plus de liberté ou plus de servitude ?
Emily Witt auteure de « Future sex » livre apprenant à ses lecteurs ce qu’est la « méditation orgasmique » et Lucile Belan qui tient le courrier du cœur sur Slate.fr pensent que la technologie permet de partager des singularités et rappellent aussi quelques évidences : le corps n’est pas une entité secondaire, que pour bien aimer il vaut mieux bien s’aimer, et que l'époque où les opportunités se résumaient au garçon qui t’inviterait au prochain slow n’était pas forcément folichonne. 
Le terrain de jeu «  safe » s’est élargi et l’échange épistolaire en est revigoré dans un usage aux allures psychanalytiques puisque la parole est reine. Les relations peuvent y être superficielles ou enrichissantes mais à défaut de trouver l’amour, se sentir moins seul est déjà un bienfait, quand désormais nous sommes condamnés à "habiter Internet".     
Le titre de ces journées avait bien sûr attiré l’Insoumis de service qui ne pouvait supporter l’affichage d’un tel optimisme : « Super demain ! » : quelle provocation ! Il a pu distribuer ses tracts, qui ont coûté un certain nombre d’arbres, en lui permettant d’épancher quelques onces d’une bile noire toujours prête à servir. Quant à moi je me suis régalé d’un petit pain viennois au bœuf  Teppanyaki  qui n’avait rien de virtuel, échappant pendant un court instant aux GAFA, nos monstres indispensables. 
.....................
Dessin découpé dans "Le Point" :

2 commentaires:

  1. Tu es très optimiste, Guy. Je le suis beaucoup moins. Beaucoup de bile noire circule dans mon foie, même si ça ne m'empêche pas de sourire.
    L'avantage du slow, c'est qu'on tenait un monsieur dans ses bras, et le monsieur nous tenait dans ses bras.
    C'est monumental. A combien d'époques vraiment en Occident cela a-t-il été pensable ou possible ? Peut-être pas tant que ça, et notre époque n'est pas une exception, loin de là. (Mais peut-être valser est plus grisant que le slow. Plus sensuel.)
    La parole qui est reine ?... Elle a énormément d'inconvénients. C'est comme la démocrachie : plus y en a, moins ça vaut, et plus la cacophonie menace, tout comme la surdité, d'ailleurs.
    Pour méditer sur les jeux "safe"... je me demande si ma belle mère, dans sa maison de retraite où RIEN NE PEUT PLUS LUI ARRIVER ne se sent pas flouée : certes, rien ne peut plus lui arriver dans une maison de retraite qu'elle vit comme hôpital ? prison ?
    Quand est-ce que l'endroit où rien ne peut plus nous arriver cesse d'être un refuge pour être une prison ?
    C'est très difficile, tout ça, et ce qui vaut pour la maison de retraite vaut aussi pour le monde dans lequel nous vivons.

    RépondreSupprimer
  2. C’est bien parce que je vois les évolutions de la société en noir que je force un peu sur le rose. Le titre « super demain » est surligné avec cette expression « super », datée, mais qui va à contre courant de l’ambiance délétère que nous subissons. Dans une des discussions, éloge avait été fait des avatars et pseudos qui sont la règle sur les sites de rencontre pour faire valoir la multiplication des possibles, la richesse de l’imagination… Paradoxalement cette façon de s’identifier hégémonique va avec la mode de la transparence. Cette forme de relation participe à la fausseté, aux mensonges de la vie en société. Etre déjà en paix avec ses images privées et publiques ce serait déjà pas mal.

    RépondreSupprimer