En ces temps où la moindre contrariété mobilise des
bataillons de psychologues où le moindre lapsus enflamme les réseaux zoziaux,
quand l’hystérie est la mieux portée des névroses, cette réponse désinvolte
signe pourtant l’époque.
Comme je ne me suis pas encore enrôlé dans les commandos des
Grammarnazis - ça se dit comme ça - je pense qu’effectivement ce n’est pas
grave, mais inviterais volontiers à la correction, qui n’est pas dramatique non
plus. Evidemment il n’est pas question d’humilier le fautif mais le
« respect » qui se tague sur tous les murs subventionnés, commence
par là. La précision, quand on lit, va de pair avec des égards envers celui qui
vous lit.
Dans cette négligence à l’encontre de la langue, du langage,
c’est bien sûr la communication qui devient approximative, « globish » ;
les jeux de mots deviennent impossibles.
Il est aussi une autre expression énervante : « J’ai pas fait exprès ! ».
Ainsi parle le gamin qui déchiquette, sous vos yeux, des plantes de la
copropriété ou celui qui vient d’éclater le nez de son interlocuteur devant un
surveillant. Ils ne croient même pas à leurs mots, ne s’appliquent plus à
mentir. S’ils n’ont pas vu forcément les politiques nier les évidences alors
qu’ils étaient pris le doigt dans le pot de confiture, ces futurs citoyens ont
bien subi la perte du sens des mots, le mépris envers l’exigence, l’inversion
des valeurs quand c’est la honte de ramasser un papier. Il y a des femmes de
ménage pour ça !
Pas responsables, ils reproduisent des attitudes tellement
courantes qui s’affranchissent de toute implication dans la collectivité. Crachats,
haine, colères programmées, dégradations de l’outil de travail quand subventions,
pensions, remboursements sont quand même bienvenus, bien que pour ces
vindicatifs patentés, il serait souhaitable que transports et cantines deviennent
en outre gratuits, et eau et électricité également, pendant qu’on y est.
D’ailleurs ce gouvernement, coupable par nature, est un impuissant
auquel il convient de mettre des bâtons dans les roues jusque dans les
bulletins météo de France Inter.
Nous riions quand les footballeurs italiens se roulaient par
terre pour rien, mais les caméras de surveillance ont atténué le phénomène. Nous
rions moins avec les scandaleuses provocations corses lors du match AC Ajaccio
contre Le Havre, où la mauvaise foi vient au secours de la victimisation; les
réactions bien timides encourageront la reproductions des intimidations.
Devenue comme une ponctuation entre pairs, « Je m’en balec » qui
consiste, tous sexes confondus, à en martyriser une paire, cette expression
violente cohabite avec une susceptibilité de rosière quand un adulte n’a pas
mis assez de fleufleurs autour de son jugement. C’est du même ordre paradoxal lorsqu’un
groupe de jeunes glousse devant un baiser à l’écran alors que le porno leur est
tellement familier. Conjuguer le verbe sucer expose à quelques déboires et l’expression,
une fille « bonne » ne vante pas sa bonté mais ses performances
sexuelles.
Le ministre de l’éducation a beau mettre en exergue le mot
« confiance », c’est qu’il y a problème. L’héritage
« tuitard » des prétentions à proclamer : « l’école c’est
l’affaire de tous, et la santé …» la déresponsabilisation, les positions
défensives, sont devenus monnaie courante. Alors les institutions se blindent
de protocoles, se déshumanisent. Les déchaînements médiatiques, les
dramaturgies entretenues aggravent les furies et surélèvent les murailles.
Pour une opératrice du SAMU qui n’a pas pris au sérieux un
appel, trois de ses collègues qui n’avaient rien à voir avec la regrettable
affaire ont été menacées de mort, jetées en pâture avec leur famille sur les
réseaux sociaux.
Où sont les adultes ?
Pas chez ceux qui promettent que tous les prétendants aux
études supérieures, « c’est pas grave », « c’est pas de
leur faute », tous peuvent y prétendre, ils pourront devenir ingénieurs,
proctologues ou magistrat à la cour des comptes, traders. Université pour tous,
bac pour tous, seconde générale pour tous, charpente pour personne, EPAD pour
personne, train pour personne… Une recalée de « parcoursup »
gémit qu’aucun de ses vœux n’ait été
retenu, je vais me rouler par terre de ne pas avoir eu les palmes académiques,
pas plus que je n’ai pu rejoindre les Immortels … de l’académie française.
.........
Dans "Le canard" de cette semaine:
oui, bien sûr, tu as raison même si dire tout cela peut sembler appartenir à l'espèce des vieux grognons... A quoi cela tient-il? Pas à "68" comme on l'entend trop, à mon avis, mais bien à un phénomène de massification dans tous les secteurs de la vie sociale auquel il est bien difficile de résister. Essayons de cultiver les relations au niveau local, en petits groupes, ne craignons pas de nous faire accuser d'élitisme.
RépondreSupprimerUne petite note en passant sur le "ne pas faire exprès", c'est le symptôme d'une déresponsabilisation apprise très tôt. On enseigne aux enfants dès 3 ou 4 ans à ne pas faire du tort aux petits copains en disant ouvertement ce qu'ils nous ont fait subir, cela donne : "Machin, sans le faire exprès, il m'a donné un coup de poing"...
Moi, je n'emploie pas le mot "désinvolte" pour parler de ces comportements, mais le mot "inconséquent".
RépondreSupprimerJe trouve qu'il faut faire une distinction entre ce qui serait de l'ordre... moral, et ce qui est de l'ordre métaphysique, et qui touche à l'essence de l'Homme, de la vision de Lui-même qu'il lui est possible d'avoir en ce moment.
Le paradoxe étant, qu'au moment où nous sommes l'Espèce (mammifère) gagnante sur la planète, le moment où nous chouinons pour protester contre l'injustice de la mort pour les personnes forcément singulières que nous sommes... en très grand nombre, d'ailleurs, nous sommes devant le grand spectacle triste de notre propre inconséquence.
Qui gagne gros... perd gros en même temps.
Depuis le temps où j'habite le pays de la Révolution Française, je ne cesse de m'étonner de l'aveuglement des Français quant à la nature du pouvoir, et tout ce qu'il pèse sur ceux qui le détiennent..
Même en très grand nombre, d'ailleurs.
Je tiens à "l'inconséquence". C'est... PLUS GRAVE ENCORE que "désinvolte". L'espèce... est inconséquente, maintenant.
Quelle tristesse. "How have the mighty fallen !" comme on dit.
Il y a une autre observation qui me vient : tu décris... la très grande vulgarité de notre époque, comme moi, je parle de "brownies trop cuits avec trois cuillères à soupe de cannelle dedans". Oui. L'époque n'est pas à la subtilité, à la nuance. Elle s'en méfie. Elle veut... des sensations fortes.
Mais, de grâce, Guy, n'incrimine pas trop l'hystérie et les hystériques... elles ont déjà beaucoup souffert de l'amalgame entre l'hystérie et.. l'histrionisme ?
Décidément, le monde n'est pas beau quand hommes et femmes se vantent de rouler les mécaniques et regardent vers le bas pour vérifier que leurs couilles sont bien (toujours....) là.
Toutes mes excuses pour ma vulgarité. Moi-même je cède parfois aux sirènes de l'époque...