Whistler. Caprice in Purple and Gold No 2
La conférencière
devant les amis du musée de Grenoble a montré comment la curiosité envers le Japon passa à l’engouement à travers les expositions
universelles de 1853 à New York et Paris en 1900 (15 millions de visiteurs en
1878), et ce qu’il en advint
dans les ateliers : « la
découverte d’un continent esthétique nouveau » dans un enthousiasme
qui avait pris « avec la rapidité
d’une flamme courant sur une piste de poudre ».
Hokusai, à qui l'on doit cette vue étonnante parmi 36 du Mont Fuji, fut comparé par le Nabis Gauguin à Michel Ange. La princesse Mathilde, cousine de Napoléon
III, tenait alors salon, et disait préférer un vase japonais à un vase
étrusque. Le magasin « La porte chinoise » qui venait d’ouvrir à Paris proposait estampes
et porcelaines « comparables aux beautés de l’art grec » pour les
Goncourt qui peuvent y croiser Baudelaire, Millet, Degas, Monet, Fantin Latour, Zola…
« Admirable, l'exposition japonaise. Hiroshige est un impressionniste
merveilleux […] ces artistes japonais me confirment dans notre parti pris
visuel. » Pissarro
Hiroshige Pruneraie à Kameido. Van Gogh,
Japonaiserie
: pruniers en fleurs
C’est madame Monet qui pose pour La japonaise rayonnante
avec kimono et éventail, le mouvement est dansant.
Breitner a bien saisi, lui, la langueur du modèle qui
porte Le kimono rouge.
Avec très peu de moyens, Utamaro, cadre hardiment une Femme
au miroir aux courbes sensuelles.
La Femme à l'éventail, par Klimt, a des lignes tout aussi pures parmi
mille fleurs où brillent les textiles.
Le pont Ōhashi à
Atake sous une averse soudaine d’Hiroshige (à gauche)
a été copié par Van Gogh qui dans un autoportrait aux couleurs
incandescentes dédicacé à Gauguin, se voit comme un moine bouddhiste. Il
avait exposé des estampes appelées aussi Ukiyo-e (image du monde flottant) au « Tambourin »
et rendu hommage au marchand de couleurs,
Le père Tanguy, représenté
frontalement dans un environnement très « soleil levant » et montagne
sacrée.Le joueur de fifre de Manet, travaillé en larges aplats dans une luminosité forte, dont il est facile de voir les inspirateurs, a remis en question toute une tradition picturale.
Le cadrage insolite des Bateaux en mer, soleil couchant, du même Manet doit aussi quelque
chose aux visions nouvelles venues de l’Orient Extrême.
Henri Rivière, le parisien, signe avec un sceau son estampe sur fond de
Tour Eiffel .La vue est plongeante, les ombres chinoises, le premier plan tronqué Sur une véranda de Harunobu Bijin
Le procédé où les images
encadrées entrent en rivalité est fécond. La belle Angèle Gauguin.
Dans les kakemonos,
rouleaux étroits, l’œil observe par une fente et oublie le point d’appui des
modèles. Bonnard « le japonard » s’empare allégrement des
formats bien adaptés aux architectures comportant des piliers Les femmes
au jardin.
Ces piliers structurent
le Café Concert : La Chanson du Chien chez Degas,comme les grilles des cloisons coulissantes chez Utamaro Lovers beside a freestanding screen,
ou dans Le Chemin de fer de Manet.
Les couleurs dans les surimonos
sont riches de poudres métalliques, où le regard se perd comme dans Le
portrait d'Adèle Bloch-Bauer de
Klimt,
phare de l’art nouveau,
qui avait saisi les volutes des paravents, la
combinaison des motifs, la réduction des corps également dans un Arbre
de vie.
La lune à travers une cascade d’ Hiroshige dont la douceur nous
ravit, sollicite la nature d’une
façon moins audacieuse
que sa Cascade de Kirifuri au bleu
strident.
L’art occidental ne s’occupait guère des activités liées à
l’intime en dehors des prétextes mythologiques.
Hokusaï
met en scène des bains publics et donne par
comparaison
une occasion de découvrir ou revoir Mary Cassatt : La toilette.
Avec sa Vague, Hokusaï
orchestre la violence sous des griffes fantastiques ; fragiles
humains, nous sommes conduits vers l’humilité.
Si les volumes plissés du
styliste Issey
Miyake nous emmènent loin de ces débuts du XX° siècle, nous pouvons nous
inviter à méditer avec le sage Soulages.
Le pont au dessus du Bassin aux Nympheas, de Monet
était japonais.
« Je savais
lorsque je me débattais au Japon avec l’encre et le pinceau, je savais fort
bien que je ne serai jamais rien d’autre que l’occidental que je suis […]. Mais
j’ai ressenti là bas ce que je nommerai l’impulsion calligraphique qui a ouvert
de nouvelles dimensions à mon travail [...]. Avec cette méthode, je me suis aperçu que je
pouvais peindre les rythmes frénétiques des villes modernes, l’entrecroisement
des lumières et les torrents humains qui sont pris dans les mailles de ce
filet. » Mark Tobey
Written over the Plains.
P. S. : Est ce parce que lorsqu’on
googelise : « estampes japonaises » arrivent évidemment
bien vite quelques samouraïs sévèrement burnés et quelques images à
« l’origine du monde », que par réaction anticonformiste, prudemment, dans le prude air du temps,
il ne fut pas mentionné cet aspect de la verve japonaise ? Comme je n’ai
pas retrouvé un repas sur l’herbe polisson où les deux cultures cohabitent, je
ne finirai donc pas sur des notes gaillardes qui n'auraient d'ailleurs pas été fidèles à l'esprit de la conférence. .
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