Le livre de Sorj Chalandon « le quatrième mur »
était voué à être joué au théâtre, puisque le sujet porte sur le défi de monter
la pièce « Antigone »
d’Anouilh dans un Liban en pleine guerre avec des acteurs de chaque camp, et
les camps sont nombreux.
Souvent quand un livre est fort, http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/10/le-quatrieme-mur-sorj-chalandon.html
son adaptation déçoit, mais ce n’est
absolument pas le cas, puisque cette œuvre déjà foisonnante a pris pour moi
encore plus d’envergure, malgré quelques acteurs quelque peu déclamatoires par
la faute vraisemblablement du dispositif qui nous les rend très proches avec des spectateurs sur trois faces de la scène.
Le personnage principal, ballotté, sous ses airs fragiles
devient lui même Antigone l’inflexible. A défaut d’éloigner la mort, il essayera d’ensevelir
dignement les morts.
Quand les acteurs enfin réunis revêtent un plaid qui peut
ressembler à une toge antique recouvrant l’identité confessionnelle de chacun,
se superposent toutes les époques où la résistance était de mise. De Sophocle à
Anouilh en passant par Chalandon, l’ancien d’un Libé aux pages froissées :
68 et consort, Chatila, tant de contradictions, de complexité et dans un square
parisien la glace de la petite fille vient de tomber :
« Et j’ai voulu
faire taire son chagrin. Je me suis accroupi. Une glace ? Ce n’était pas
grave. Mais quel enfant pleure pour une glace ? Tu te rends compte, une boule
de chocolat ? Tu n’as pas honte ? Je l’avais prise par les épaules.
Elle ne m’écoutait pas. Je lui ai arraché le cornet vide de la main, j’ai raclé
le sol, la boule écrasée, les cailloux, la poussière. Je lui ai tendu le cadeau
brutal.
- Tiens mange ! Mange-la
ta glace ! » ( Je peux prêter le livre)
Les différences d’interprétation du caractère des personnages
par chacun des acteurs sont vivement et justement vues. Les vérités les plus
pénétrantes se révèlent dans le jeu.
Le fait que ce soit un étudiant bien tendre qui se met dans
les pas de son ami mourant pour accomplir son rêve de paix ajoute une dimension
passionnante de plus où se glissent les lâchetés, les mensonges, les abandons.
Le théâtre ne peut rien contre les bombes, Paris est loin de
Beyrouth, la guerre ne tue pas que les corps, mais aussi les âmes. Sous les
gravats, une petite lueur s’obstine; c’est celle de « la servante » dont
j’avais appris l’existence dans une autre pièce, une lampe qui brille quand
tout est plongé dans le noir, elle chasserait les fantômes. Hier au soir, à la
sortie, l’éclairage public dans la ville était éteint.
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