Je ne savais pas le nom de celui qui a mis en lumière le
pont du Gard : c’est lui, JamesTurrell, et Gilbert Croué le conférencier
devant les amis du musée de Grenoble a montré la place éminente de cet artiste
qui change notre regard sur l’art, sur le monde.
Son « Rondo blue » permet de
mieux voir les évidences.
Le projet de Klee consistait
à « rendre visible l’invisible », cette grande pierre, « Stone
sky », au bout d’un plan
d’eau, restitue la lumière évoluant entre son lever et son coucher en un
miracle toujours renouvelé. Evidence et banalité rencontrent « la lumière
idéalisée ».
Celle-ci joue dans une proposition enveloppante et
dynamique, elle habille le moment. Dans cet entonnoir de lumière, « The
inner way » est la voix de l’intérieur.
Au centre d’un ensemble architecturé à Canberra, un ombilic
de basalte ouvre vers le ciel, en un « Sky space ».
Le ciel est cerné, sculpté, concentré. « Within without ».
L’oculus bi millénaire du Panthéon
romain est révisé.
Né en 1943 dans une famille de
quakers où toute idée de représentation est rejetée, son œuvre consacrée à
l’immatériel de la lumière ne comporte ni sujet ni narration et les formes géométriques
sont élémentaires. Sa formation est aussi scientifique et artistique avec Rembrandt
et Le
Caravage comme phares.
Il a réalisé cette salle
de réunion quakers avec un toit qui peut glisser au dessus de la pièce
réservée à la méditation de groupe, et découvrir le ciel afin d’ « entrer en soi pour saluer la lumière ».
Héritier de Rothko, aux couleurs qui se frottent, d’où
jaillit souvent la lumière, sombre dans sa chapelle oecuménique construite à
Houston où la puissance de la couleur peut s’exprimer pour elle-même en
d’immenses champs colorés. Il a apprécié les travaux d’ Yves Klein, de Franck Stella
précurseur du minimalisme,
les grandes surface colorées de Barnett Newman
et son ambition « Vir heroïcus sublimus » aux résonances bibliques et bien sûr Dan Flavin, qui a inventorié des possibilités de décor, de barrières de lumières, avec des tubes fluorescents du commerce dans des aéroports, des magasins, à « Santa Maria Annunciata in Chiesa Rossa » à Milan.
« Wide Out ». Georges Didi-Huberman lui a consacré un livre : L'homme qui marchait dans la couleur. Les
spectateurs ont envie de plonger une main au-delà du cadre, et s’immerger dans
des installations amples appelées « environnements
perceptuels », où se ressent pour beaucoup du bien être.
« Afrum » Il brouille
les repères, le cube semble flotter, venir en avant des murs.
Des dispositifs sophistiqués mettent en œuvre les
techniques les plus modernes: LED, lampes à ultra violets, néons pilotés par
ordinateurs qui modulent les éclairages, varient les couleurs.
Depuis l’avion qu’il pilote, il repère un volcan éteint, le Roden
Crater en Arizona, il l’achète et entreprend une œuvre titanesque. Il
fait creuser des galeries qui mènent à quatre chambres d’observation du
ciel (sky space), chaque espace aux
quatre points cardinaux, produit une lumière différente. Des escaliers mènent
vers le ciel : où s’arrête le réel tangible et où commence le
fictif ?
A l’intérieur de la soucoupe volante du musée Guggenheim de
New York, il a mis en place une œuvre gigantesque :
« Aten Reign »,
du nom du disque solaire de l’Egypte ancienne. Cinq cônes de taille
décroissante en forme d’ellipse, aux dégradés soyeux, montent vers une lumière
hypnotique.
L’éblouissante « Montée
des bienheureux vers l'empyrée » de Jérôme Bosch un des quatre volets de ses « visions de l’au-delà »,
peut nous être rappelée, à la façon de ceux qui sont revenus d’un coma et ont
raconté cette impression de tunnel blanc.
Sollicité dans le monde entier, au Japon dans
une maison traditionnelle « House
of Light »,
il joue avec
l’ombre, au musée de Wolfsburg, il sublime
l’architecture.
« Je ne suis pas un artiste de la lumière. Je suis plutôt
quelqu'un qui utilise la lumière comme matériau afin de travailler le médium de
la perception »
En tous cas, son travail au Pont du Gard m’a beaucoup
plu, respectant ce haut lieu du patrimoine mondial, le jour, et le
transfigurant, le magnifiant la nuit.
L’art contemporain n’est pas toujours un
coucou dans les lieux séculaires mais peut les vivifier et mettre des
étincelles dans les regards.
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