Le club de la presse de Grenoble et
le CLAME (Club Alpin des Lecteurs de Mediapart) avaient invité Laurent
Mauduit à présenter son livre : « Main basse sur l’information ».
Aude Lancelin qui vient d’être licenciée de « l’Obs »
n’a pas pu être là comme prévu.
Le grandiose cadre historique est posé, avec en face de Robespierre :
«Pas de liberté pour
les ennemis de la liberté »,
Thomas Jefferson, ambassadeur en France avant de devenir
Président des EU :
« Notre liberté
dépend de la liberté de la presse ».
La loi de 1881 qui consacre le principe de la liberté
d’informer est rappelée ainsi que les recommandations du Conseil National de la Résistance invitant à
tourner la page de la presse affairiste de la III° République : rétablir l’honneur et
l’indépendance des journaux par rapport au puissant Comité des forges. D’actualité.
Mais du coup, l’éditorial
de Camus dans le journal Combat paraît bien ambitieux :
«… libérer les journaux de l’argent
et leur donner un ton et une vérité qui
mettent le public à̀ la hauteur de ce qu’il y a de meilleur en lui. Nous
pensions alors qu’un pays vaut souvent ce que vaut la presse. Et s’il est vrai
que les journaux sont la voix d’une nation, nous étions décidés, à notre place
et pour notre faible part, à élever ce pays en élevant son langage ».
Voilà encore un prof !
Le Dauphiné Libéré qui porte toujours sur son fronton,
« Un journal libre pour des hommes libres », était alors une coopérative ouvrière. Aujourd’hui,
il appartient au Crédit Mutuel avec le Progrès et tant de journaux de l’Est de la France. La Banque avait
aidé Bolloré, patron de Canal +, si bien que la chaîne cryptée n’a pu diffuser
un reportage faisant part du système d’évasion fiscale organisé par des
dirigeants du Mutuel Crédit.
Bolloré qui a constitué sa fortune sur les décombres de
l’empire colonial, censure sans vergogne et met en place à iTélé le petit-fils d’André Zeller, l’un des
généraux du putsch d’Alger en 1961, défenseur de la mémoire du général Aussaresse
qui eut recours à la torture.
La grève des journalistes pour leur dignité s’est éternisée,
le gouvernement est resté passif, comme si les fréquences attribuées aux
chaînes n’étaient pas un bien public, alors que pour l‘attribution des droits
télévision du foot, Hollande était intervenu.
Le journaliste, fondateur de Mediapart qui n’aime pas voir
préciser « journaliste d’investigation » car cela lui semble un
pléonasme comme s’il y avait « des journalistes de connivence, de
salon… » en est presque à regretter Hersant, le papivore, qui au moins
était de la maison, alors qu’aujourd’hui ce sont les opérateurs téléphoniques
(Niel), les acteurs du capitalisme financier (Drahi), les patrons du luxe (
Arnaud, Pinault, Berger) qui possèdent les journaux. Sans insister sur Tapie et
« La Provence »,
les oligarques décomplexés peuvent compter sur l’autocensure de rédacteurs, mais
il n’était pas utile de revenir à Jean Marc Sylvestre pour mettre en évidence
les conformismes éditoriaux qui accompagnent les normalisations économiques. Alors
que les conflits d’intérêt se conjuguent, la presse discréditée ne vaut plus grand-chose :
sur le plan moral, elle se situe au niveau le plus bas avec les politiques. Les
sociétés de journalistes sont parait-il déliquescentes, si bien que l’appel à
un sursaut citoyen pour intervenir dans un domaine qui ne concerne pas qu’une
corporation, paraît comme un vœu pieux.
Quand l’atonie démocratique a été soulignée tout au long de
la présentation, la croyance dans le discernement de la jeunesse pour profiter
du foisonnement des infos sur le web s’avère également artificielle.
L’avenir semble appartenir aux « pure player » mais que
ceux qui les animent aient la délicatesse de ne pas nommer « vieille presse »
la presse papier : la vieille boulette se sent froissée et les procureurs
accusent également un certain âge.
Entre média tristes donneurs de leçons, fouillant sans cesse
dans le noir des sociétés et les ricanements perpétuels qui minent tous débats,
la tentation d’aller vers les romans aux pages à corner devient plus pressante.
……….
Le dessin du haut de Tjeerd découpé dans Courrier international
vient des Pays Bas.
Ci-dessous celui du « Canard enchaîné » de cette
semaine :
Je crois que le pire de la corruption, c'est quand "lepeuple" se sent dans son bon droit, et plus vertueux que ses leaders, tout en zappant d'une page à une autre, pour percevoir "laréalité" en pointillé, en connectant les points, comme dans nos jeux d'enfants.
RépondreSupprimerS'imaginer qu'ingurgiter des images peut remplacer mettre ses neurones au travail, c'est se leurrer sur SON rôle dans le processus de l'information.
En ce moment, je ne suis pas impressionnée par nos dons pour la lecture critique...ni par notre capacité à nous dire qu'il pourrait y avoir... quelque chose d'autre derrière la surface des apparences.
J'ai lu Rory Stewart, un écossais qui est parti en Afghanistan pour faire un périple difficile et dangereux, seul, et à pied, décrire son contact avec la presse occidentale en.... 2001, au moment de l'attaque contre les deux tours, et ce qu'il disait de la presse d'information/investigation à ce moment là faisait déjà état des effets ravageurs de nos vies trop faciles, sans idéaux, sans danger, (pour beaucoup d'entre nous) où s'enrichir est présenté comme le but de l'homo normalus.
Quand on s'acharne à détruire le sacré comme nous le faisons, il ne faut pas s'étonner que... TOUT devient soluble dans le "faire commerce", même... nos idéaux...ou ce qu'il en reste.
Mais, le commerce doit nous "civiliser", Guy, ce qui veut dire, dans l'esprit de Monsieur et Madame tout le monde, éloigner de manière définitive le moindre risque qu'on se mette à se taper dessus...