Un tel titre, après les évènements de Cologne, sonnerait
comme un infranchissable commandement, alors
qu’avec les siècles écoulés depuis « Les liaisons dangereuses »
(1782) dans le genre « pas touche minouche ! » aurait pu être compris comme
une rebuffade ambigüe.
De cette époque des lumières qui pointaient alors en Europe,
m’émerveille toujours la sophistication des sentiments. Cette liberté portée
avec élégance par quelques aristocrates allait accompagner, vivifier, les
libertés politiques promulguées par la révolution de 1789.
D’autres, aujourd’hui, ennemis de la complexité, veulent la
tuer, la liberté, la tuent.
L’utilisation de mots anglais dans le texte proposé m’a
plutôt semblé vulgaire (« game over ») alors que les dialogues, sans parodier la
langue de Pierre Choderlos de Laclos, rendent bien la richesse des relations,
les jeux, les drames des deux amants qui ne cessent de parler d’amour et se
retrouvent encore plus seuls. Pourtant l’idée de faire évoquer les aventures
passées de madame de Merteuil et Valmont avec des mots du cinéma est
bienvenue : qui aujourd’hui n’est pas venu au théâtre avec dans la tête
Malkowitch, voire Gérard Philippe et Jeanne Moreau?
Le vicomte militaire se serait inspiré de « la
chronique scandaleuse de Grenoble où il fut en garnison pendant six ans ».
Le « Quartett » de Müller qui est une réinterprétation
de l’œuvre originale a aussi servi pour cette vision contemporaine qui ne supportait pas la fin tragique des femmes.
«Cessez de mépriser
vos proies, Monsieur, vous me prenez pour une dinde ou toute autre femelle à
plumes incapable de distinguer vos manœuvres d’approche…vous rêvez de me fouler
aux pieds. Lâchez ma main… ne me touchez pas. »
Le destin des manipulateurs libertins est donc
transformé : la dame poitrine nue au départ a gagné en liberté mais la
mélancolie supplante bien vite la sensualité, Don Juan est fatigué.
Malgré une certaine froideur, la sincérité, le désir, la
révolte, sont toujours là, par le pouvoir de mots qui ne tiennent pas en 140
caractères.
Un troisième personnage, la voix off, est incarné par une
actrice, avec une belle présence parmi les miroirs ayant perdu leur éclat, des
carrelages défaits, devant une projection vidéo discrète éclairée
magnifiquement qui prolonge dans la rêverie un noble décor en voie de désagrégation.
Quel metteur en scène essaiera comme avec la version fleuve
telle que Madame de Lafayette avait écrit sa « Princesse », de donner
l’intégralité des « liaisons » par Laclos ?
Quand on lit à la page 379 de l’édition Flammarion :
« Adieu, ma chère
et digne amie ; j’éprouve en ce moment que notre raison, déjà si
insuffisante pour prévenir nos malheurs, l’est encore davantage pour nous en
consoler »
Il n’y a pas besoin de rajouter des « much love» ou des
« fuck ».
Tu sais, Guy, mon mari a écrit un délicieux pastiche de Laclos, qui s'intitule "Dangereuses Liaisons". La pastiche est un art avec beaucoup de possibilités. Je te recommande son livre ne serait-ce que pour le style éblouissant.
RépondreSupprimerComme tu dois le savoir, je ne raffole pas des manifestes de libertinage (mais "les Liaisons" n'est pas cela).
J'ai eu une petite trouvaille dernièrement : je me demande s'il n'y a pas deux chemins qui se présentent à l'homme : la possibilité d'aimer, d'adorer son Dieu par corps de femme incarnée et interposée ou bien... la possibilité de niquer son Dieu par corps de femme incarnée et interposée..Les débouchés pour la deuxième approche sont glauques et stériles, à mes yeux.
Il faut reconnaître qu'il y a des endroits où le binaire est de règle, comme, par exemple, dans la différence des sexes.
Refuser la binarité, comme de vouloir la mettre au mauvais endroit, est lourd de conséquences, et elles ne sont pas heureuses.
Et enfin, en réponse à ces.. libertines, je vois le tableau de Fragonard, "Le Verrou" qui continue à me toucher...il ne fait pas si mauvais être la proie...à certains moments...