et encore mieux.
J’avais le sentiment de connaître des personnages présentés
dans les courts chapitres de ce volume de 315 pages, mais je ne savais s’ils
venaient des livres déjà lus de mon auteure favorite ou de souvenirs de mon
pays d’enfance.
L’écrivaine qui finalement ne viendra pas à la librairie du
Square comme annoncé donne à la fin de cette livraison des clefs de sa démarche
dont on avait pu soupçonner l’exigence, l’élégance.
Pas un mot qui ne soit juste, pas une virgule de trop ou de
pas assez, pas un battement, une odeur, un silence, une poussière qui ne soit
pas vrai, dense, intense.
« Quelque chose
de la pâleur des livres, peut être, avait coulé dans la chair de Jeanne, qui
parlait d’ailleurs et d’autrement. »
Les taupes, les grenouilles, le tour de France à la
télévision, quelques gourmandises à la Delerm mais prises dans tellement de
solitudes, « le monde et sa plaie ouverte ».
Les phrases ultimes, à la fin de chaque récit, sont des
clous.
«Les enfants
n’écoutent pas. Ils attendent le dessert. »
«Des gens ont parlé en
bas. Ils ont crié. Il a attendu »
Et pourtant ce n’est pas faute de manquer de conviction
comme cette religieuse qui n’est plus de son temps, ou de courage comme cette
petite et son corset dans les dortoirs d’un pensionnat ou d’esprit de liberté
en fin de journée de communion.
Pour illustrer le poids des mots qui n’est pas qu’affaire
littéraire : un homme n’arrive pas à dire « fleur artificielle »,
il dit fleur « surnaturelle » pour celle qu’il apporte au cimetière.
On en partage tout le prix, et la beauté
indestructible. Je crois bien qu’il a raison de dire ainsi en ces lieux massifs
de chez central où l’on meurt beaucoup, avec tellement de dignité.
Racontées avec cette probité, ces tragédies qui nous
transpercent en deviennent presque consolantes.
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