Déjà l’objet est gracieux en donnant l’impression de
feuilleter un album de photographies qui auraient traversé le temps, à la fois
familières et délicatement surprenantes.
J’ai d’abord feuilleté les 130 pages rapidement, tant l’histoire
de cet émigré est fluide, et puis je suis revenu pour savourer chaque dessin à
la fois très réaliste et onirique avec des êtres imaginaires qui se glissent
dans le quotidien et accompagnent la découverte d’un pays énigmatique pour un
homme qui a laissé sa femme et sa fille dans
son pays natal.
L’auteur d’origine chinoise travaille en Australie mais
beaucoup de ses paysages rappellent Elis Island où débarquaient les migrants à
l’entrée de New York, ils évoquent pour chacun la découverte d’un nouveau monde
rêvé et qui ne se donne pas facilement.
Rien de dramatique : malgré la violence, la tendresse
et la poésie transfigurent une âpre réalité. Le dosage entre récit documentaire
et conte est subtilement pesé. Le soin apporté au travail qui a duré 4 ans ajoute
à notre plaisir, nous sommes indifférents à sa date de sortie puisqu’il échappe
à toute mode fugace et traite de la solitude, de nos apprentissages, de
l’étrangeté du monde, de sa beauté.
Roman graphique sans parole où les formats des dessins varient
naturellement. Le fantastique devient ordinaire. Cette œuvre a la mobilité d’un
film, et sa douce inventivité par le moyen d’un dessin traditionnel, ferait
glisser l’ouvrage des rayons BD vers ceux de la littérature dont le prestige
suranné s’accorderait très bien au côté un peu désuet de l’ouvrage.
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