Une vidéo à l’entrée remplace la cabane de Ben, il s’agit d’un guitariste à moitié maquillé en noir dont les paroles sont prises dans des discours d’Obama : il faut le savoir !
Comme sont oubliables des vidéos de scènes de plage, ou des automates en uniformes qui battent tambours. Par contre des reconstitutions de tableaux classiques avec des personnages contemporains parfaitement éclairés, ne manquent pas d’attirer notre attention. Et la salle remplie de représentations évolutives d’un village en république tchèque est spectaculaire. Sarkis a été plus discuté entre nous, l’atmosphère créée dans de grands espaces qui lui sont réservés rassure un de mes amis, je suis plutôt refroidi. Une certaine poésie peut naître cependant de ces journaux soulevés par un courant d’air et bien que traditionnelles des phrases au néon peuvent intéresser. Par contre la profusion de bandes vidéos brillantes et noires de Mounir Fatmi produit un effet visuel spectaculaire et la question figurant sur le livret d’accompagnement est d’importance :
« le visiteur est invité à utiliser les photocopieuses, mais que conservent-ils de ce jeu ? Une image vide ? La trace vaine d’un rectangle de papier ? Comment aujourd’hui construit-on une mémoire, comment s’écrit l’histoire ?
Au centre de son œuvre le bégaiement des transmissions culturelles et mentales »
Nous y sommes.
jeudi 31 décembre 2009
mercredi 30 décembre 2009
J 15 : Pléku, Kontum
Un jeune guide charmant nous prend en charge quelques heures pour nous conduire à l’aéroport et enregistrer nos bagages pour un vol sur les lignes intérieures. L’une d’entre nous a gardé son Opinel dans son bagage de cabine, elle est accompagnée au bureau d’enregistrement où on range l’arme dans une boite volumineuse qui voyagera dans la soute.
L’avion à hélice se pose au bout d’une heure sur le petit aéroport de Pleiku que nous avons atteint en crevant l’édredon des nuages. Une bruine insignifiante n’appelle pas la protection du parapluie à la descente de l’avion.
Notre nouvelle guide, madame Thien, parle un français très correct, son fils vit en France… elle connaît l’Ardèche. Nous pouvons vite embarquer dans notre voiture en direction de Kontum, à une trentaine de kilomètres de Pleiku. Nous sommes à 500 m d’altitude, l’air est frais. Nous arrivons chez les montagnards. Les rizières à perte de vue ont cédé la place aux caféiers, au manioc et au maïs. La route parfaitement rectiligne connait des travaux d’élargissement et un tronçon est à l’état de piste.
Le véhicule stoppe devant l’hôtel « Indochine » qui correspond à notre image d’un tel bâtiment dans un état socialiste : démesuré avec une décoration minimaliste et des finitions bâclées. Nous nous installons dans nos chambres de taille imposante, sans ibiscus ni pétale de rose. Nous déjeunons dans un restaurant modeste, en soulevant le couvercle des marmites qui cuisent sur le trottoir : porc aux vermicelles avec ce qu’il faut de piments. Pour la communication, le père s’efface devant son adolescente scolarisée.
Thien s’impatiente car le guide local obligatoire a une minute de retard. Elle nous fait part de sa conception assez rigide du correct et de l’incorrect. « Madame le colonel », c’est ainsi que l’appelait son ex mari, quand on lui a posé la question ce matin sur le service militaire, nous a répondu : trois ans pour les garçons et pour les filles : « ce sont des juments qui veulent devenir cheval ! »
Le guide local a des airs d’un professeur de notre connaissance et se débrouille très bien en français. Il commence son tour par l’église en bois de Kontum construite sur pilotis dans le style des maisons banhars: basse, en bois de fer avec nef et transept, elle est éclairée de nombreuses fenêtres de style gothique dont les vitres sont recouvertes de faux vitraux collés représentant des scènes bibliques naïves.
En voiture nous poussons un peu plus loin vers un premier village banhar. Nous découvrons d’abord une maison communale avec son élégant toit pentu en paille. On y accède par une « échelle Dogon ». A l’intérieur on peut voir le nouveau « génie » Ho Chi Minh, des photos de la rénovation du toit nécessaire tous les dix ans. C’est le lieu de tradition orale : il n’y a pas d’écrit chez les Banhars. Les vieux initient et conseillent les jeunes avant qu’ils fondent une famille de même quand on chuchote une formule magique dans l’oreille d’un bébé, c’est la vie qu’on lui insuffle. Nous traversons ce premier village très dispersé au milieu de la végétation envahissante sur des chemins voire des sentiers d’une terre rouge ravinée par la pluie. Des maisons reposent sur des pilotis avec l’avancée centrale protégée comme un balcon. Sous l’habitation, on peut voir des bêtes dans leur enclos, des outils, des motos appuyées contre des troncs d’arbre évidés, cercueils en attente d’utilisation. Les poules logent dans de petites constructions également sur pilotis telles des châteaux forts.
De pauvres habits sont suspendus sous l’avancée centrale. Les enfants jouent et rient sans excitation. Au point d’eau près de la route, les femmes et les enfants se lavent ou sont de corvée d’eau.
Le deuxième village Banhar, parmi les 650 recensés, est moins disséminé que le premier. Nous y voyons une jeune femme, dans son jardin, tisser une pièce avec beaucoup d’art, entourée de poteaux sculptés par son mari. De jeunes garçons et filles boivent de la bière et jouent de la guitare au bord de la rivière, échappant un moment aux occupations et traditions. Leurs ainés travaillent à la construction d’une église.
Le troisième village parait plus important en nombre d’habitants et d’animaux. Des cochons noirs de toutes tailles surgissent de partout, les poulets, les chiens courent entre les maisons. Nous nous pressons: c’est l’heure où les vaches reviennent des prés situés sur l’autre rive et traversent le fleuve à la nage, les enfants accrochés à leur queue. Les bêtes dérivent avec le courant et mettent pied sur la terre ferme à l’endroit prévu. Dans la lumière du soleil déclinant, c’est une image biblique. Elles doivent ensuite franchir un raidillon pénible, glissant et boueux. Avec nous, sur la rive qui domine, des enfants encouragent et dans le même temps se moquent des animaux dans la difficulté. Une vache glisse et se retrouve coincée sur le dos, les pattes en l’air, sans parvenir à se redresser, ce qui provoque les rires et les lazzis des gamins. L’un d’eux essaie de tirer la vache par la queue, puis la frappe à grands coups de pieds dans les flancs. La pauvre bête trouve enfin l’énergie et le bon mouvement pour se redresser ;
Nous dinons tôt, le restau du Routard s’avérant fermé, nous en trouvons un autre modeste, comme celui de ce matin. Bon bœuf ananas et noodles with vegetables. Il n’est que huit heures quand nous rentrons à l’hôtel.
Nous sommes passés de la côte touristique avec toutes les infrastructures et même plus, à l’intérieur, loin des passages. Notre hôtel « Indochine », seulement vieux de quatre ans, est en passe d’être vendu et sombre doucement vers l’abandon, il n’y a déjà plus de restaurant.
L’avion à hélice se pose au bout d’une heure sur le petit aéroport de Pleiku que nous avons atteint en crevant l’édredon des nuages. Une bruine insignifiante n’appelle pas la protection du parapluie à la descente de l’avion.
Notre nouvelle guide, madame Thien, parle un français très correct, son fils vit en France… elle connaît l’Ardèche. Nous pouvons vite embarquer dans notre voiture en direction de Kontum, à une trentaine de kilomètres de Pleiku. Nous sommes à 500 m d’altitude, l’air est frais. Nous arrivons chez les montagnards. Les rizières à perte de vue ont cédé la place aux caféiers, au manioc et au maïs. La route parfaitement rectiligne connait des travaux d’élargissement et un tronçon est à l’état de piste.
Le véhicule stoppe devant l’hôtel « Indochine » qui correspond à notre image d’un tel bâtiment dans un état socialiste : démesuré avec une décoration minimaliste et des finitions bâclées. Nous nous installons dans nos chambres de taille imposante, sans ibiscus ni pétale de rose. Nous déjeunons dans un restaurant modeste, en soulevant le couvercle des marmites qui cuisent sur le trottoir : porc aux vermicelles avec ce qu’il faut de piments. Pour la communication, le père s’efface devant son adolescente scolarisée.
Thien s’impatiente car le guide local obligatoire a une minute de retard. Elle nous fait part de sa conception assez rigide du correct et de l’incorrect. « Madame le colonel », c’est ainsi que l’appelait son ex mari, quand on lui a posé la question ce matin sur le service militaire, nous a répondu : trois ans pour les garçons et pour les filles : « ce sont des juments qui veulent devenir cheval ! »
Le guide local a des airs d’un professeur de notre connaissance et se débrouille très bien en français. Il commence son tour par l’église en bois de Kontum construite sur pilotis dans le style des maisons banhars: basse, en bois de fer avec nef et transept, elle est éclairée de nombreuses fenêtres de style gothique dont les vitres sont recouvertes de faux vitraux collés représentant des scènes bibliques naïves.
En voiture nous poussons un peu plus loin vers un premier village banhar. Nous découvrons d’abord une maison communale avec son élégant toit pentu en paille. On y accède par une « échelle Dogon ». A l’intérieur on peut voir le nouveau « génie » Ho Chi Minh, des photos de la rénovation du toit nécessaire tous les dix ans. C’est le lieu de tradition orale : il n’y a pas d’écrit chez les Banhars. Les vieux initient et conseillent les jeunes avant qu’ils fondent une famille de même quand on chuchote une formule magique dans l’oreille d’un bébé, c’est la vie qu’on lui insuffle. Nous traversons ce premier village très dispersé au milieu de la végétation envahissante sur des chemins voire des sentiers d’une terre rouge ravinée par la pluie. Des maisons reposent sur des pilotis avec l’avancée centrale protégée comme un balcon. Sous l’habitation, on peut voir des bêtes dans leur enclos, des outils, des motos appuyées contre des troncs d’arbre évidés, cercueils en attente d’utilisation. Les poules logent dans de petites constructions également sur pilotis telles des châteaux forts.
De pauvres habits sont suspendus sous l’avancée centrale. Les enfants jouent et rient sans excitation. Au point d’eau près de la route, les femmes et les enfants se lavent ou sont de corvée d’eau.
Le deuxième village Banhar, parmi les 650 recensés, est moins disséminé que le premier. Nous y voyons une jeune femme, dans son jardin, tisser une pièce avec beaucoup d’art, entourée de poteaux sculptés par son mari. De jeunes garçons et filles boivent de la bière et jouent de la guitare au bord de la rivière, échappant un moment aux occupations et traditions. Leurs ainés travaillent à la construction d’une église.
Le troisième village parait plus important en nombre d’habitants et d’animaux. Des cochons noirs de toutes tailles surgissent de partout, les poulets, les chiens courent entre les maisons. Nous nous pressons: c’est l’heure où les vaches reviennent des prés situés sur l’autre rive et traversent le fleuve à la nage, les enfants accrochés à leur queue. Les bêtes dérivent avec le courant et mettent pied sur la terre ferme à l’endroit prévu. Dans la lumière du soleil déclinant, c’est une image biblique. Elles doivent ensuite franchir un raidillon pénible, glissant et boueux. Avec nous, sur la rive qui domine, des enfants encouragent et dans le même temps se moquent des animaux dans la difficulté. Une vache glisse et se retrouve coincée sur le dos, les pattes en l’air, sans parvenir à se redresser, ce qui provoque les rires et les lazzis des gamins. L’un d’eux essaie de tirer la vache par la queue, puis la frappe à grands coups de pieds dans les flancs. La pauvre bête trouve enfin l’énergie et le bon mouvement pour se redresser ;
Nous dinons tôt, le restau du Routard s’avérant fermé, nous en trouvons un autre modeste, comme celui de ce matin. Bon bœuf ananas et noodles with vegetables. Il n’est que huit heures quand nous rentrons à l’hôtel.
Nous sommes passés de la côte touristique avec toutes les infrastructures et même plus, à l’intérieur, loin des passages. Notre hôtel « Indochine », seulement vieux de quatre ans, est en passe d’être vendu et sombre doucement vers l’abandon, il n’y a déjà plus de restaurant.
mardi 29 décembre 2009
En famille
La soupe aux choux de grand-mère, un événement.
Grand-père se déchaussait le premier : cors, durillons, oeils de perdrix, quelques poils blancs. Il riait, agitait les orteils- les vieux sont joueurs- remontait le bas de son bleu de travail- on ne lui connaissait pas d’autre accoutrement- trempait le doigt dans la marmite. Vérifions la température du bouillon. Trop chaud c’est pas bon pour mes varices.
On l’aidait à se hisser sur le banc, puis sur la table paysanne de bois brut poli par le temps comme il se doit dans les illustrations de bouquins pour gamins, une manière de leur apprendre l’histoire des classes populaires.
Grand-père aimait les soupes de sa femme. Il levait le pied droit, soutenu par sa descendance, le plongeait dans la marmite, le gauche suivait vite le même chemin.
C’est qu’il avait fait la guerre dans les Aurès ; alors, la soupe vous pensez bien !
Le patriarche de son piédestal : oui, elle est assez salée. Comment un pied peut-il doser la salinité d’un liquide ? Je n’ai aucune réponse, de toute façon c’est en famille, les secrets, vous savez. Non, elle n’était pas trop grasse, l’os à moelle avait la bonne taille. Nous devinions que le pépé palpait la chose consciencieusement. Comment un pied peut-il palper, hein ? C’est un secret pour personne que les pieds palpent surtout dans les contes.
Il poussait un soupir de soulagement comme après une longue séance de massage podologique, lâchait un pet. Nous, on aimait les pets de Pépé : c’est pas un vice quand même !
Enfin il redescendait sur la terre battue, eh ! Pauvre terre ! C’était le tour d’oncle Hubert.
Il ne s’asseyait pas sur le tabouret à trois pattes placé dans la marmite. Debout, ses fesses de gendarme pointant. Son regard bleu ne mentait pas ; il fixait par la fenêtre les terres de l’héritage. Il jouissait du glissement des poireaux entre ses orteils et nous en avisait. Ca lui rappelait les algues à marée basse du côté de St Valérie-en-Caux.
Ma grande sœur Berthe, prenait la relève, son missel-mi-raisin, à la main. Droite comme une sainte médiévale, elle gravissait le banc, la table. Sa tête ignorait ce que trafiquaient ses panards. Avec un prénom pareil, on ne peut avoir que des panards, même si ce n’est pas élégant pour une future sainte d’en avoir de si grands.
Je souhaitais furieusement, follement, violemment que mon étourdie de sœur renversât le faitout. Je savais, hélas, de quelle extrême attention sont capables les distraits. Quant aux distraites…
C’était mon tour. Je n’étais pas bien vieille et si timide. Alors monter sur les planches même en famille me fichait la chamade. Je chougnais bien que je susse l’inutilité de mes larmes. Oh ! La grande fille pas courageuse ! Oh la brailloux !
On me juchait de force parmi les couverts. Le bouillon m’arrivait au bas des cuisses. C’était gluant et doux, ça sentait le laurier. Je fermais les yeux toujours et je chantais.
Qui aurait supporté tant d’appétit dans leurs yeux de loups ?
Marie Treize
Grand-père se déchaussait le premier : cors, durillons, oeils de perdrix, quelques poils blancs. Il riait, agitait les orteils- les vieux sont joueurs- remontait le bas de son bleu de travail- on ne lui connaissait pas d’autre accoutrement- trempait le doigt dans la marmite. Vérifions la température du bouillon. Trop chaud c’est pas bon pour mes varices.
On l’aidait à se hisser sur le banc, puis sur la table paysanne de bois brut poli par le temps comme il se doit dans les illustrations de bouquins pour gamins, une manière de leur apprendre l’histoire des classes populaires.
Grand-père aimait les soupes de sa femme. Il levait le pied droit, soutenu par sa descendance, le plongeait dans la marmite, le gauche suivait vite le même chemin.
C’est qu’il avait fait la guerre dans les Aurès ; alors, la soupe vous pensez bien !
Le patriarche de son piédestal : oui, elle est assez salée. Comment un pied peut-il doser la salinité d’un liquide ? Je n’ai aucune réponse, de toute façon c’est en famille, les secrets, vous savez. Non, elle n’était pas trop grasse, l’os à moelle avait la bonne taille. Nous devinions que le pépé palpait la chose consciencieusement. Comment un pied peut-il palper, hein ? C’est un secret pour personne que les pieds palpent surtout dans les contes.
Il poussait un soupir de soulagement comme après une longue séance de massage podologique, lâchait un pet. Nous, on aimait les pets de Pépé : c’est pas un vice quand même !
Enfin il redescendait sur la terre battue, eh ! Pauvre terre ! C’était le tour d’oncle Hubert.
Il ne s’asseyait pas sur le tabouret à trois pattes placé dans la marmite. Debout, ses fesses de gendarme pointant. Son regard bleu ne mentait pas ; il fixait par la fenêtre les terres de l’héritage. Il jouissait du glissement des poireaux entre ses orteils et nous en avisait. Ca lui rappelait les algues à marée basse du côté de St Valérie-en-Caux.
Ma grande sœur Berthe, prenait la relève, son missel-mi-raisin, à la main. Droite comme une sainte médiévale, elle gravissait le banc, la table. Sa tête ignorait ce que trafiquaient ses panards. Avec un prénom pareil, on ne peut avoir que des panards, même si ce n’est pas élégant pour une future sainte d’en avoir de si grands.
Je souhaitais furieusement, follement, violemment que mon étourdie de sœur renversât le faitout. Je savais, hélas, de quelle extrême attention sont capables les distraits. Quant aux distraites…
C’était mon tour. Je n’étais pas bien vieille et si timide. Alors monter sur les planches même en famille me fichait la chamade. Je chougnais bien que je susse l’inutilité de mes larmes. Oh ! La grande fille pas courageuse ! Oh la brailloux !
On me juchait de force parmi les couverts. Le bouillon m’arrivait au bas des cuisses. C’était gluant et doux, ça sentait le laurier. Je fermais les yeux toujours et je chantais.
Qui aurait supporté tant d’appétit dans leurs yeux de loups ?
Marie Treize
lundi 28 décembre 2009
Huacho
Film de Alejandro Fernández Almendras.
Jusqu’au sud du Chili, la globalisation pousse sa corne dans une famille où le grand père à la fin de ses travaux dans les champs profite des coupures de courant pour rabâcher ses histoires d’un monde disparu, la grand-mère assure la vente de ses fromages au bord de la route, la fille chouchoute son fils unique et se débrouille pour ramener quelques pesos à la maison, le petit s’affronte à la modernité mais reste un paysan aux yeux des titulaires de la PSP. La beauté des images, la profusion dans une habitation où manque pourtant le minimum, viennent atténuer la brutalité de conditions sociales qui s’aggravent. Le misérabilisme est absent, mais jusque dans les détails la perte des valeurs est manifeste dans ces quatre parcours si proches du documentaire. La vitalité des acteurs amateurs nous les rend familiers, leur dignité nous amène à nous interroger. Dans la répartition des classes sociales c’est bien nous qui passons commande depuis notre grosse voiture.
Jusqu’au sud du Chili, la globalisation pousse sa corne dans une famille où le grand père à la fin de ses travaux dans les champs profite des coupures de courant pour rabâcher ses histoires d’un monde disparu, la grand-mère assure la vente de ses fromages au bord de la route, la fille chouchoute son fils unique et se débrouille pour ramener quelques pesos à la maison, le petit s’affronte à la modernité mais reste un paysan aux yeux des titulaires de la PSP. La beauté des images, la profusion dans une habitation où manque pourtant le minimum, viennent atténuer la brutalité de conditions sociales qui s’aggravent. Le misérabilisme est absent, mais jusque dans les détails la perte des valeurs est manifeste dans ces quatre parcours si proches du documentaire. La vitalité des acteurs amateurs nous les rend familiers, leur dignité nous amène à nous interroger. Dans la répartition des classes sociales c’est bien nous qui passons commande depuis notre grosse voiture.
dimanche 27 décembre 2009
Bortsch
Ce plat est une institution dans les pays de l’Est, et comme le couscous sous d’autres latitudes, les variantes sont infinies. Par exemple en Ukraine, il y a des champignons…
Ce qui fait la spécificité de cette soupe, c’est la betterave rouge et l’alliance crème et vinaigre.
Il est même dit dans certaines recettes de mettre de la crème aigre.
Dans celui que je prépare, dont la recette de base est celle de la cocotte minute "old style", j’ai fait cuire la viande de boeuf taillée dans le gite avec deux cubes de bouillon de bœuf Maggi, et écumé au bout d’une demi-heure. Puis mis les légumes, carottes, pommes de terre, navets coupés en petits dés, oignons et chou taillés en lamelles, des tomates et une boite de concentré dans une cocotte pas minute. Au fur et à mesure de la cuisson lente de deux heures - réchauffé c’est mieux encore- j’ai ajouté du laurier, du bouquet garni, des graines de coriandre, de poivre, des clous de girofle, salé. Et en fin de mijotage, les betteraves rouges en dés bien sûr. La touche qui en fait plus qu’une soupe à la viande, c’est l’ajout dans l’assiette d’un peu de vinaigre et d’un trait de crème avec quelques brins de persil, on peut mettre de l’aneth.
Ce qui fait la spécificité de cette soupe, c’est la betterave rouge et l’alliance crème et vinaigre.
Il est même dit dans certaines recettes de mettre de la crème aigre.
Dans celui que je prépare, dont la recette de base est celle de la cocotte minute "old style", j’ai fait cuire la viande de boeuf taillée dans le gite avec deux cubes de bouillon de bœuf Maggi, et écumé au bout d’une demi-heure. Puis mis les légumes, carottes, pommes de terre, navets coupés en petits dés, oignons et chou taillés en lamelles, des tomates et une boite de concentré dans une cocotte pas minute. Au fur et à mesure de la cuisson lente de deux heures - réchauffé c’est mieux encore- j’ai ajouté du laurier, du bouquet garni, des graines de coriandre, de poivre, des clous de girofle, salé. Et en fin de mijotage, les betteraves rouges en dés bien sûr. La touche qui en fait plus qu’une soupe à la viande, c’est l’ajout dans l’assiette d’un peu de vinaigre et d’un trait de crème avec quelques brins de persil, on peut mettre de l’aneth.
samedi 26 décembre 2009
Arrêtera-t-on la prolifération des ghettos ?
Une fois encore la confrontation d’un universitaire et d’une politique tourne au désavantage de celle qui bénéficie de la lumière médiatique, où le temps d’un débat, avec Libé à Lyon, elle apparaît dans toute son artificialité. Christine Boutin, certes est pour nous, à gauche, une de nos cibles préférée, tant elle s’applique à ressembler à sa caricature de réac, mais sa liberté de ton parfois pouvait valoir parfois le purgatoire. Las, aligner les clichés : « l’enfer, c’est les autres », « les murs de la haine », « le malaise n’est pas qu’économique, il est culturel et moral » comme si elle n’avait pas eu de responsabilités avec son cortège de retard de financements, épuise toute indulgence, même si elle est d’accord pour le vote des étrangers.
Lapeyronnie, l’universitaire n’a pas besoin d’emballage démagogique : « le ghetto est une cage et un cocon » pour pointer la dégradation de la situation sociale dans les quartiers populaires. Ces communautés ne peuvent se construire sur une situation subie de racisme et de pauvreté.
La société est fragmentée, les structures urbaines éclatées, les centres se vident, et la banlieue est un archipel : il n’y a plus d’espace commun. La lutte des espaces reproduit la lutte des classes. Il se garde bien d’euphémiser en disant « quartier sensible » quand il s’agit de pauvreté. Il ne nie pas non plus le caractère racial des tensions persistantes. L’écart de revenus entre Paris et le 93 a triplé en vingt ans. Le ghetto prospère chez les riches avec la même attirance pour le modèle américain que pour les quartiers pauvres où la prison reproduit le ghetto. Il semble mieux admis d’être pauvre que de vivre chez les pauvres.
Quelques rappels de dates apparues au cours du débat peuvent être utiles pour comprendre la solidification du ressentiment pour ces populations reléguées.
80 : Décomposition du mouvement ouvrier.
81 : Les Minguettes, « politique de la ville »
90 : Vaux en Velin, plus de référence au travail, « économie noire »
98 : Le Mirail, fermeture renforcée.
Les images sont obsédantes pour tous, peut être encore plus dans les familles où la situation des femmes se crispe sur des définitions traditionnelles où élever des enfants est source de culpabilité. Les institutions se sont éloignées, même si reste l’école qui a perdu la carte et apparaît comme un centre de tri.
Au bureau de poste, on vient pour retirer 2€.
Lapeyronnie, l’universitaire n’a pas besoin d’emballage démagogique : « le ghetto est une cage et un cocon » pour pointer la dégradation de la situation sociale dans les quartiers populaires. Ces communautés ne peuvent se construire sur une situation subie de racisme et de pauvreté.
La société est fragmentée, les structures urbaines éclatées, les centres se vident, et la banlieue est un archipel : il n’y a plus d’espace commun. La lutte des espaces reproduit la lutte des classes. Il se garde bien d’euphémiser en disant « quartier sensible » quand il s’agit de pauvreté. Il ne nie pas non plus le caractère racial des tensions persistantes. L’écart de revenus entre Paris et le 93 a triplé en vingt ans. Le ghetto prospère chez les riches avec la même attirance pour le modèle américain que pour les quartiers pauvres où la prison reproduit le ghetto. Il semble mieux admis d’être pauvre que de vivre chez les pauvres.
Quelques rappels de dates apparues au cours du débat peuvent être utiles pour comprendre la solidification du ressentiment pour ces populations reléguées.
80 : Décomposition du mouvement ouvrier.
81 : Les Minguettes, « politique de la ville »
90 : Vaux en Velin, plus de référence au travail, « économie noire »
98 : Le Mirail, fermeture renforcée.
Les images sont obsédantes pour tous, peut être encore plus dans les familles où la situation des femmes se crispe sur des définitions traditionnelles où élever des enfants est source de culpabilité. Les institutions se sont éloignées, même si reste l’école qui a perdu la carte et apparaît comme un centre de tri.
Au bureau de poste, on vient pour retirer 2€.
vendredi 25 décembre 2009
Le blog de Frantico
BD de 300 pages éditée chez Albin Michel après avoir connu le succès sur Internet. Les débats des amateurs de BD pour savoir qui est derrière ce pseudonyme ne me concernent pas vraiment, bien qu’un tel manque de générosité chez le personnage principal m’ait semblé invraisemblable. Un dessinateur se raconte avec sa paranoïa bien cognée, et il faut bien du temps pour percevoir une certaine sensibilité sous des flots d’amertume, des trésors de petitesse. Il met à l’épreuve tous les degrés de l’humour et ses obsessions pourraient être drolatiques, mais sa franchise n’arrive même pas à entrainer l’empathie tant il se montre obsédé de lui-même, n’ayant mérité comme compagnons que ses doubles fantasmés : il se retrouve avec sa bite et ses obsessions de trou du cul, triste et geignard. Il passe son temps à se masturber. Fascinant : un tel désenchantement nous révèle-t-il l’état de nos relations sociales où même les chants d’oiseau disent la violence du monde ?
jeudi 24 décembre 2009
L’art brut
C’était une gageure que de déambuler dans le musée de Grenoble pour nous entretenir de l’art brut puisque même Chaissac parait-il et Dubuffet le père de l’appellation ne répondent pas strictement aux critères pour désigner les productions de personnes indemnes de culture artistique.
Alors « art singulier », art des fous, des médiums, des autodidactes ; à distinguer de l’art populaire, des dessins d’enfants, de l’art naïf qui verse parfois dans un certain académisme.
Peu importe, une de mes émotions artistiques parmi les plus fortes c’était à Lausanne dans le temple de l’art brut, il y aurait aussi un lieu remarquable à Dicy dans l’Yonne à la Fabuloserie où une collection Bourdonnais est installée.
« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. » c’est l’intellectuel Dubuffet, que nous pouvons remercier d’avoir bousculé le frontières pour nous faire mieux comprendre des formes artistiques qui viennent du plus profond des obsessions, des douleurs, de la jubilation.
Elles se dévaluent au feu des baratins, mais ont ouvert la voie aux productions contemporaines les plus émouvantes.
J’ai aperçu Chaissac, je vais y retourner et prendre mon temps, c’est prometteur !
Alors « art singulier », art des fous, des médiums, des autodidactes ; à distinguer de l’art populaire, des dessins d’enfants, de l’art naïf qui verse parfois dans un certain académisme.
Peu importe, une de mes émotions artistiques parmi les plus fortes c’était à Lausanne dans le temple de l’art brut, il y aurait aussi un lieu remarquable à Dicy dans l’Yonne à la Fabuloserie où une collection Bourdonnais est installée.
« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. » c’est l’intellectuel Dubuffet, que nous pouvons remercier d’avoir bousculé le frontières pour nous faire mieux comprendre des formes artistiques qui viennent du plus profond des obsessions, des douleurs, de la jubilation.
Elles se dévaluent au feu des baratins, mais ont ouvert la voie aux productions contemporaines les plus émouvantes.
J’ai aperçu Chaissac, je vais y retourner et prendre mon temps, c’est prometteur !
mercredi 23 décembre 2009
J14 . Hoi An
Je commence la journée à 5h pour photographier les pêcheuses qui arrivent au marché. Je me retrouve en compagnie de quelques suédoises et les vieilles vietnamiennes sont plus souvent coiffées de casques de moto que de leurs chapeaux traditionnels. La vie débute tôt au bord du fleuve pour les pêcheurs, les commerçants. Je reviens au bout d’une heure trente, tâter à nouveau du lit confortable.
Vers 10h, nous partons à la découverte des trésors de la ville munis d’un billet à coupons.
Nous commençons par la représentation de danses et chants traditionnels organisée dans une vieille demeure d’Andicraft. Nous nous régalons avec le solo du violoniste. Nous pouvons ensuite déambuler dans la demeure, où nous regardons travailler des femmes aux lanternes, à la poterie, à la broderie, à la confection de nattes, les garçons sculptent bois et pierre en maintenant l’objet travaillé entre les pieds. La maison traditionnelle s’organise en pièces en long séparées par des cours. Des trappes au plafond permettent de hisser à l’aide de poulies, les meubles à l’étage lors des crues de l’hiver.
Nous dirigeons nos pas vers la vieille maison privée Tan Ky dans la même rue, elle concilie les traditions chinoises, japonaises et vietnamiennes. Nous sommes reçus dans le salon de réception d’inspiration japonaise : piliers en bois sombre incrustés de nacre (bois de fer et jacquier) posés sur des supports de marbre. Si l’on s’approche de deux panneaux de bois figurant des signes d’écriture chinoise ou japonaise, nous découvrons que chaque signe constitue un assemblage de poissons et d’oiseaux. Deux autels dédiés aux ancêtres occupent une place importante de la pièce. Après la cour, la maison comprend la chambre du maître, simple lit de bois recouvert d’une natte, et la cuisine dans laquelle s’affaire une femme de la famille à la préparation du repas, ensuite la maison s’ouvre sur la rue arrière face à la rivière. Nous sommes accueillis par un guide francophone avec une tasse de thé offerte en bienvenue et quelques explications pas toujours identiques à celles du Routard. Nous avons l’occasion d’entrer dans une autre maison ancienne moins métissée et luxueuse, utilisée aujourd’hui comme musée de la céramique rue Tran Phu. Céramiques du 18° et 17° bleue bien sûr pour les disques (plats) et en terre brute pour les poteries cham.
Tout à côté, au numéro 23 de la même rue se trouve le très coloré Phuc Kien Assembly Hall. Il s’agit d’un temple élevé par une congrégation de chinois arrivés du Sud Est de la Chine et visant à la protection du commerce maritime, d’où la présence d’une maquette de bateau. Le rouge domine. Nous sommes frappés par l’abondance de spirales d’encens rouges pendues au plafond et payées par des croyants dont le nom et l’âge apparaissent sur une pancarte jaune. L’endroit ne manque pas de pittoresque avec ses dragons, sa dame céleste, aux couleurs vives, dorées. A l’extérieur, des bonzaïs bien sûr et une reproduction miniature de la muraille de Chine au milieu de rocailles et d’épines du christ toujours monstrueuses se disputent la cour, et sur les portiques se réunissent une variété d’animaux mythiques à base de tessons de porcelaine aux couleurs gaies. La girouette en haut de son mât est un poisson, en relation avec la mer, comme le temple. Cet endroit est vraiment propice à la photo, je me couvre de cendres d’encens.
Nous nous accordons une halte vers 13h30/14h que nous passons au « Café des amis » avec un menu à la viande pour trois qu’on ne finit pas. Le renoncement à la bière est reporté à demain. Le patron vient nous saluer sur le petit balcon et nous met Brassens… en Russe.Nous rentrons doucement à l’hôtel découvrant une halle complète de marchands de tissus et tailleurs inemployés ou jouant aux cartes. Ma compagne renonce dans un premier temps à un ensemble en soie mais son doute s’estompe pendant la sieste. Nous retrouvons notre commerçante, ou plutôt elle accourt vers nous. Commande est passée de deux chemises vietnamiennes, il est déjà plus de 17h et nous les récupèrerons à 19h à la fermeture (4100000 D) La halle sera pratiquement vide avec le gardien qui s’impatiente pour la fermeture. La vendeuse nous appelle afin d’éviter de rester bloqués derrière les grilles et la couturière finira de couper ses fils dans la rue à la lumière d’un estanco mobile de fruits.
Nous trouvons facilement Quan Long’s temple dédié à un général chinois victorieux. Des personnages ventripotents et des chevaux sur roulettes occupent à eux seuls le sanctuaire. Passés la cour, nous pénétrons dans le deuxième bâtiment transformé en musée de la ville, assez restreint. Nous partons à la recherche d’un puits signalé dans Lonely Planet comme ayant des vertus particulières pour la confection de cao lâu plat traditionnel de Hoi An. Riche idée qui nous permet de découvrir un monde parallèle insoupçonné avec des venelles et des petites maisons résidentielles, calmes, où il semble qu’il fait bon vivre, loin du commerce et du tourisme. Nous discutons avec un maître d’art martial vietnamien qui vient de terminer un cours pour enfants. Les deux ou trois élèves plus âgés s’entrainent encore avec des bâtons, des sabres dans de gracieux mouvements chorégraphiques.
Nous faisons confiance au Routard pour nous indiquer un restau : le 399 (Nguyen Duy Hien) ce qui nous donne la possibilité de goûter au cao lâu (pates plates, viande, morceau de galette). Nous mangeons pour 77 000D à 3, boisson comprise (eau et jus de fruit et pas de bière !) : 3€ pour 3. Retour dans nos foyers pour boucler nos valises.
Vers 10h, nous partons à la découverte des trésors de la ville munis d’un billet à coupons.
Nous commençons par la représentation de danses et chants traditionnels organisée dans une vieille demeure d’Andicraft. Nous nous régalons avec le solo du violoniste. Nous pouvons ensuite déambuler dans la demeure, où nous regardons travailler des femmes aux lanternes, à la poterie, à la broderie, à la confection de nattes, les garçons sculptent bois et pierre en maintenant l’objet travaillé entre les pieds. La maison traditionnelle s’organise en pièces en long séparées par des cours. Des trappes au plafond permettent de hisser à l’aide de poulies, les meubles à l’étage lors des crues de l’hiver.
Nous dirigeons nos pas vers la vieille maison privée Tan Ky dans la même rue, elle concilie les traditions chinoises, japonaises et vietnamiennes. Nous sommes reçus dans le salon de réception d’inspiration japonaise : piliers en bois sombre incrustés de nacre (bois de fer et jacquier) posés sur des supports de marbre. Si l’on s’approche de deux panneaux de bois figurant des signes d’écriture chinoise ou japonaise, nous découvrons que chaque signe constitue un assemblage de poissons et d’oiseaux. Deux autels dédiés aux ancêtres occupent une place importante de la pièce. Après la cour, la maison comprend la chambre du maître, simple lit de bois recouvert d’une natte, et la cuisine dans laquelle s’affaire une femme de la famille à la préparation du repas, ensuite la maison s’ouvre sur la rue arrière face à la rivière. Nous sommes accueillis par un guide francophone avec une tasse de thé offerte en bienvenue et quelques explications pas toujours identiques à celles du Routard. Nous avons l’occasion d’entrer dans une autre maison ancienne moins métissée et luxueuse, utilisée aujourd’hui comme musée de la céramique rue Tran Phu. Céramiques du 18° et 17° bleue bien sûr pour les disques (plats) et en terre brute pour les poteries cham.
Tout à côté, au numéro 23 de la même rue se trouve le très coloré Phuc Kien Assembly Hall. Il s’agit d’un temple élevé par une congrégation de chinois arrivés du Sud Est de la Chine et visant à la protection du commerce maritime, d’où la présence d’une maquette de bateau. Le rouge domine. Nous sommes frappés par l’abondance de spirales d’encens rouges pendues au plafond et payées par des croyants dont le nom et l’âge apparaissent sur une pancarte jaune. L’endroit ne manque pas de pittoresque avec ses dragons, sa dame céleste, aux couleurs vives, dorées. A l’extérieur, des bonzaïs bien sûr et une reproduction miniature de la muraille de Chine au milieu de rocailles et d’épines du christ toujours monstrueuses se disputent la cour, et sur les portiques se réunissent une variété d’animaux mythiques à base de tessons de porcelaine aux couleurs gaies. La girouette en haut de son mât est un poisson, en relation avec la mer, comme le temple. Cet endroit est vraiment propice à la photo, je me couvre de cendres d’encens.
Nous nous accordons une halte vers 13h30/14h que nous passons au « Café des amis » avec un menu à la viande pour trois qu’on ne finit pas. Le renoncement à la bière est reporté à demain. Le patron vient nous saluer sur le petit balcon et nous met Brassens… en Russe.Nous rentrons doucement à l’hôtel découvrant une halle complète de marchands de tissus et tailleurs inemployés ou jouant aux cartes. Ma compagne renonce dans un premier temps à un ensemble en soie mais son doute s’estompe pendant la sieste. Nous retrouvons notre commerçante, ou plutôt elle accourt vers nous. Commande est passée de deux chemises vietnamiennes, il est déjà plus de 17h et nous les récupèrerons à 19h à la fermeture (4100000 D) La halle sera pratiquement vide avec le gardien qui s’impatiente pour la fermeture. La vendeuse nous appelle afin d’éviter de rester bloqués derrière les grilles et la couturière finira de couper ses fils dans la rue à la lumière d’un estanco mobile de fruits.
Nous trouvons facilement Quan Long’s temple dédié à un général chinois victorieux. Des personnages ventripotents et des chevaux sur roulettes occupent à eux seuls le sanctuaire. Passés la cour, nous pénétrons dans le deuxième bâtiment transformé en musée de la ville, assez restreint. Nous partons à la recherche d’un puits signalé dans Lonely Planet comme ayant des vertus particulières pour la confection de cao lâu plat traditionnel de Hoi An. Riche idée qui nous permet de découvrir un monde parallèle insoupçonné avec des venelles et des petites maisons résidentielles, calmes, où il semble qu’il fait bon vivre, loin du commerce et du tourisme. Nous discutons avec un maître d’art martial vietnamien qui vient de terminer un cours pour enfants. Les deux ou trois élèves plus âgés s’entrainent encore avec des bâtons, des sabres dans de gracieux mouvements chorégraphiques.
Nous faisons confiance au Routard pour nous indiquer un restau : le 399 (Nguyen Duy Hien) ce qui nous donne la possibilité de goûter au cao lâu (pates plates, viande, morceau de galette). Nous mangeons pour 77 000D à 3, boisson comprise (eau et jus de fruit et pas de bière !) : 3€ pour 3. Retour dans nos foyers pour boucler nos valises.
mardi 22 décembre 2009
C’est un jour de mai. (Troisième partie)
C’est un jour de mai, peut-être un dimanche dans un bourg de Moselle. Un homme, les chaussures alourdies de boue se présente d’abord chez le curé puis au commissariat de police. Il s’appuie sur un grand parapluie noir.
Il dit à voix haute et claire :
- Je viens de tuer ma femme, Philomène.
Il sort de sa poche un revolver, de marque Ortgies, le dépose sur une table que j’imagine en bois brut. Et il attend.
Cet homme s’appelle Jean-Baptiste. Il a 44 ans. Il vient d’assassiner ma grand-mère Philomène d’un coup tiré à bout portant à dix centimètres de sa bouche, en présence de trois de leurs onze enfants. Les témoins sont le bébé de deux ans que la victime a entraîné dans sa chute, leur fille Catherine âgée de seize ans, mon père Charles, adolescent de treize ans.
Les archives de Strasbourg m’ont révélé ce drame en 2003.
Charles est décédé sans jamais parler de ce meurtre.
Vit toujours Ernestine, en Lorraine. Le bébé que tenait Philomène quand une balle tirée à dix centimètres de son visage l’a rayée des vivants.
Les survivants ont poursuivi leur existence, ont fondé des familles. Mon grand-père a fini ses jours en Guyane au bagne de St Laurent du Maroni. Condamné à 30 ans de réclusion en 1924, il fut élargi 9 ans plus tard pour bonne conduite. Il est mort vers 1944 de « suites de tuberculose », formule consacrée depuis toujours…
Les archives du Bagne à Aix en Provence disent très peu de choses de l’existence de Jean-Baptiste. Il n’avait pas le droit de retourner en France et aurait exercé son métier de menuisier au 17 rue Victor Hugo à St Laurent-du-Maroni.
La fille d’Ernestine m’a dit qu’il envoyait à sa famille des objets de marqueterie mais n’écrivait jamais aucune lettre.
Un de mes frères, travaillant à Cayenne m’a envoyé la photo du dernier logement de Jean-Baptiste. Une case de bois peint en blanc avec un toit de tôle ondulée rapiécé. Cette habitation exiguë est encore habitée.
Je n’ai jamais visité les dernières demeures de mes grands parents paternels. Pour lui, une case rongée à l’équateur avant la fosse commune. Pour elle une grande cuisine meublée d’un buffet, d’un poêle, de quelques étagères, d’une table et de deux bancs, comme la décrit un des rapports versés au dossier de cette affaire de violence extrême. Philomène et Jean-Baptiste avaient le même âge : 45 ans. Ils avaient eu onze enfants et vivaient en instance de divorce quand les mines de la jalousie, du lucre, de l’alcoolisme leur ont explosé en pleine gueule : une morte, un bagnard, onze orphelins.
Une de leurs petites filles cherchant par l’écriture comme perdue dans les bois de l’écriture la piste menant aux paroles qui ne lui avaient pas été dites. Paroles exécutées par une balle d’Ortgies dans la bouche de sa grand-mère, paroles à jamais foudroyées sur les lèvres d’un jeune homme, mon père.
Et que faire de pareille histoire, sinon parler juste à défaut d’être exacte.
Ecrire.
Marie Treize
Il dit à voix haute et claire :
- Je viens de tuer ma femme, Philomène.
Il sort de sa poche un revolver, de marque Ortgies, le dépose sur une table que j’imagine en bois brut. Et il attend.
Cet homme s’appelle Jean-Baptiste. Il a 44 ans. Il vient d’assassiner ma grand-mère Philomène d’un coup tiré à bout portant à dix centimètres de sa bouche, en présence de trois de leurs onze enfants. Les témoins sont le bébé de deux ans que la victime a entraîné dans sa chute, leur fille Catherine âgée de seize ans, mon père Charles, adolescent de treize ans.
Les archives de Strasbourg m’ont révélé ce drame en 2003.
Charles est décédé sans jamais parler de ce meurtre.
Vit toujours Ernestine, en Lorraine. Le bébé que tenait Philomène quand une balle tirée à dix centimètres de son visage l’a rayée des vivants.
Les survivants ont poursuivi leur existence, ont fondé des familles. Mon grand-père a fini ses jours en Guyane au bagne de St Laurent du Maroni. Condamné à 30 ans de réclusion en 1924, il fut élargi 9 ans plus tard pour bonne conduite. Il est mort vers 1944 de « suites de tuberculose », formule consacrée depuis toujours…
Les archives du Bagne à Aix en Provence disent très peu de choses de l’existence de Jean-Baptiste. Il n’avait pas le droit de retourner en France et aurait exercé son métier de menuisier au 17 rue Victor Hugo à St Laurent-du-Maroni.
La fille d’Ernestine m’a dit qu’il envoyait à sa famille des objets de marqueterie mais n’écrivait jamais aucune lettre.
Un de mes frères, travaillant à Cayenne m’a envoyé la photo du dernier logement de Jean-Baptiste. Une case de bois peint en blanc avec un toit de tôle ondulée rapiécé. Cette habitation exiguë est encore habitée.
Je n’ai jamais visité les dernières demeures de mes grands parents paternels. Pour lui, une case rongée à l’équateur avant la fosse commune. Pour elle une grande cuisine meublée d’un buffet, d’un poêle, de quelques étagères, d’une table et de deux bancs, comme la décrit un des rapports versés au dossier de cette affaire de violence extrême. Philomène et Jean-Baptiste avaient le même âge : 45 ans. Ils avaient eu onze enfants et vivaient en instance de divorce quand les mines de la jalousie, du lucre, de l’alcoolisme leur ont explosé en pleine gueule : une morte, un bagnard, onze orphelins.
Une de leurs petites filles cherchant par l’écriture comme perdue dans les bois de l’écriture la piste menant aux paroles qui ne lui avaient pas été dites. Paroles exécutées par une balle d’Ortgies dans la bouche de sa grand-mère, paroles à jamais foudroyées sur les lèvres d’un jeune homme, mon père.
Et que faire de pareille histoire, sinon parler juste à défaut d’être exacte.
Ecrire.
Marie Treize
lundi 21 décembre 2009
La fille la plus heureuse du monde
Long métrage roumain autour du tournage d’un spot publicitaire avec une adolescente dont les parents lui extorquent une signature pour céder la voiture qu’elle vient de gagner. Original pour traiter un sujet souvent abordé à Cannes cette année : les rapports conflictuels des parents et de leurs enfants avec l’argent et le chantage affectif comme pauvre relation. Le véhicule à moteur tient une haute place dans nos sociétés. Les images répétitives d’une satiété désabusée ajoutent une couche à l’absurde toujours bien débusqué dans ce pays.
dimanche 20 décembre 2009
La nuit de l’iguane
Tennessee Williams a secoué le puritanisme de la société américaine dans les années soixante. Mais dire, dans les termes d’aujourd’hui, que lors de cette nuit où l’iguane seul s’en sort bien, qu’un prêtre pédophile ne respecte pas le cahier des charges de l’agence de voyage qui l’a embauché et tient en otages le groupe de touristes, cela ne constitue pas une base favorable pour créer de l’empathie. Et même si c’est Tcheky Karyo à qui Lavaudant a confié le rôle, cette tragédie ne nous touche pas intimement. A cette occasion, je viens de lire que la tragédie suit son cours fatal alors que dans la comédie les personnages connaissent des accidents. Certes nous sommes contents de voir revenir Jo Lavaudant dans la région avec ses décors : cette fois des agaves géantes resteront dans nos mémoires mais ce climat tropical est trop sec, les acteurs manquent de sueur sous les bras, les confidences ne s’accommodent pas forcément d’un grand plateau. Nous sommes plus appelés à la réflexion existentielle qu’à partager les affres de destins qui se cherchent avec cet homme qui aime être perdu, une femme qui assure, une qui s’est épuisée, une autre qui est une esquisse traversant le plateau en courant… mais dans ce dernier cas c’est du Galotta.
samedi 19 décembre 2009
« Les frites de mamie sans aller voir mamie »
Trouver un slogan, un titre, être attentif au public, le convaincre; j’apprécie la publicité dans ces activités là et je me délecte de ses trouvailles. Mais l’originalité se fait de plus en plus rare à mes yeux blasés. Je trouve même que le royaume de la créativité auto proclamée est bien conformiste et leurs campagnes tombent dans l’indifférence. Même si je ne dédaigne pas l’humour vache à la tronçonneuse pour Orangina par exemple, j’ai été estomaqué par la dernière de Findus :
« les frites de mamie sans aller voir mamie ».
Bien sûr toujours le cliché de l’authenticité lié à un passé fictif, mais dans le réel, il est recommandé de se défaire de tout lien affectif avec ces mains ridées qui vous pincent les joues. La solitude de la ménagère de plus de 50 ans.
En même temps, à la radio, un enfant prescripteur demande à sa mère de changer ses assiettes ringardes où grand-mère morte a mangé. Les arts de la table: « Du passé faisons table rase »
Les boules de neige d’Orange en pleine rue tropicale pour vanter un éternel Noël me font froid dans le cou ; et les hordes hystériques qui photographient compulsivement me confortent, à l’inverse, dans mon plaisir de cadrages soignés et rares.
La planète se réchauffe et les même agences vont tartiner du "durable" à vous en dégouter. Ces marchands participent à user les mots, et dire que ces camelots sont les conseillers des princes, nous laisse pantois devant cette course à la deshumanisation, où l’humour tourne à la méchanceté et la poésie finit à la déchetterie.
« les frites de mamie sans aller voir mamie ».
Bien sûr toujours le cliché de l’authenticité lié à un passé fictif, mais dans le réel, il est recommandé de se défaire de tout lien affectif avec ces mains ridées qui vous pincent les joues. La solitude de la ménagère de plus de 50 ans.
En même temps, à la radio, un enfant prescripteur demande à sa mère de changer ses assiettes ringardes où grand-mère morte a mangé. Les arts de la table: « Du passé faisons table rase »
Les boules de neige d’Orange en pleine rue tropicale pour vanter un éternel Noël me font froid dans le cou ; et les hordes hystériques qui photographient compulsivement me confortent, à l’inverse, dans mon plaisir de cadrages soignés et rares.
La planète se réchauffe et les même agences vont tartiner du "durable" à vous en dégouter. Ces marchands participent à user les mots, et dire que ces camelots sont les conseillers des princes, nous laisse pantois devant cette course à la deshumanisation, où l’humour tourne à la méchanceté et la poésie finit à la déchetterie.
vendredi 18 décembre 2009
Soupe froide
Charles Masson l’auteur de cette BD chez Casterman est médecin. Nous sommes glacés par cette histoire graphique d’une centaine de page au format d’une nouvelle qui vous marquera.
Un homme en pyjama s’enfuit sous la neige de la maison de convalescence où il finit sa vie de clochard, pour n’avoir pas supporté qu’on lui serve une soupe froide. Il a sa dignité, il fera preuve d’une endurance désespérée dans cette ultime sortie. Son monument sera cette œuvre poignante au dessin nerveux parfaitement accordé à la colère de ce praticien du social qui nous fait partager le destin d’un SIP( Sans Intérêt Particulier), notre frère crucifié.
Un homme en pyjama s’enfuit sous la neige de la maison de convalescence où il finit sa vie de clochard, pour n’avoir pas supporté qu’on lui serve une soupe froide. Il a sa dignité, il fera preuve d’une endurance désespérée dans cette ultime sortie. Son monument sera cette œuvre poignante au dessin nerveux parfaitement accordé à la colère de ce praticien du social qui nous fait partager le destin d’un SIP( Sans Intérêt Particulier), notre frère crucifié.
jeudi 17 décembre 2009
Galeries du quartier Saint Laurent
A la recherche d’artistes que je ne connais pas, renseigné par «le petit bulletin», je suis allé faire un tour du côté du quartier Saint Laurent, qui m’a paru bien morne, en ce samedi après midi, avec ses appartements murés et ses nouveaux immeubles vite vieillis. Les galeries qui exposent des artistes sont raccord avec cette impression morose.
« La galerie Xavier Jouvin » présente une exposition collective pluridisciplinaire et il semble qu’il y ait eu un commissaire pour cette dizaine d’œuvres dont le titre « petit manichéisme » est plus justifié par le côté exigu que par la lutte grandiose des ténèbres et de la lumière ; quelques petits gags et des rouleaux genre tapisserie avec des arabesques au fusain attirent un peu le regard.
Je n’entre pas dans la galerie « l’étranger », les tableaux érotiques annoncés n’ont pas plus de sensualité qu’un papier d’emballage des années 60.
Et c’est seulement à la fin de ce petit tour, dans « la galerie Alter art » que nous nous sommes montrés attentifs aux peintures et collages de Gilbert Claudot qui se tiennent avec leurs couleurs harmonieuses et des rythmes recherchés.
« La galerie Xavier Jouvin » présente une exposition collective pluridisciplinaire et il semble qu’il y ait eu un commissaire pour cette dizaine d’œuvres dont le titre « petit manichéisme » est plus justifié par le côté exigu que par la lutte grandiose des ténèbres et de la lumière ; quelques petits gags et des rouleaux genre tapisserie avec des arabesques au fusain attirent un peu le regard.
Je n’entre pas dans la galerie « l’étranger », les tableaux érotiques annoncés n’ont pas plus de sensualité qu’un papier d’emballage des années 60.
Et c’est seulement à la fin de ce petit tour, dans « la galerie Alter art » que nous nous sommes montrés attentifs aux peintures et collages de Gilbert Claudot qui se tiennent avec leurs couleurs harmonieuses et des rythmes recherchés.
mercredi 16 décembre 2009
J 13 : Hoi An, My Son
Papaye, mangues, mangoustans, fruits de la passion, nous attendent au petit déjeuner.
Nous pouvons ainsi aborder dans de bonnes dispositions la visite du sanctuaire du royaume Champa à My Son. Royaume disparu. Après trente cinq kilomètres par des petites routes, dans un paysage moins uniformisé par les rizières, nous quittons la voiture pour emprunter à pied une mince route dallée. Bruit des cigales, chants d’oiseaux, nous pouvons imaginer le site au moment de sa découverte par le français Parmentier, en croisant des sentiers de terre qui s’enfoncent dans la jungle. Apparaît un ensemble de tours de briques avec des dallages de tommettes qui ont conservé une couleur rouge inaltérée alors que les briques modernes noircissent et verdissent. Le secret n’a toujours pas été élucidé. Quelques unes abritent yoni et lingams ou servent de musée, d’autres vides aujourd’hui recevaient les offrandes. Notre guide Jane les appelle les cuisines. Nous observons et constatons l’épaisseur des murs de briques, les piliers et les linteaux de grès, la finesse des sculptures. Des zones sont fermées à la visite car des Italiens y poursuivent des fouilles, et arrivons aux premiers groupes découverts et dégagés par les français, extrêmement endommagés par les bombardements américains. Le site fut occupé par les résistants Viêt-Cong, et bombardé copieusement par les B52. On peut voir encore des cratères, des édifices ébranlés, écroulés ou recouverts de terre. D’ailleurs dans une tour musée sont exposés deux énormes obus retrouvés sur place. Nous finissons le circuit par un chemin coupant à travers la forêt et regagnons la voiture.Au retour vers Hoi An, nous devons stopper car un enterrement occupe toute la chaussée. Le maître des cérémonies, aux habits colorés, officie devant le cercueil enfermé dans une boîte colorée posée sur des bambous supportée par des hommes, un cortège de porte-drapeaux le devance avec un joueur de gros tambour, un joueur de gong et l’homme chargé de semer les billets votifs et les feuilles symbolisant l’or et l’argent. Bondissant hors de la voiture, nous nous mêlons à la foule et suivons le cortège dans le cimetière. Les enfants gambadent, les habitants nous indiquent les lieux et nous désignent du doigt la veuve éplorée. Trois jeunes habillés de blanc portent le portrait du défunt, de l’encens, une bougie, tandis que le géomancien procède au rituel. La communauté villageoise enterre un ouvrier de 45 ans, tailleur de pierres, mort accidentellement dans une carrière.
Durant le trajet, Jane nous raconte les enterrements de ses parents ou celui des gens de la campagne, comment le corps est gardé plusieurs jours à la maison dans son cercueil de bois épais lesté avec du sable et du thé afin de contenir les « liquides ». Le corps doit être enseveli dans le village natal. Pour son père mort loin de Hué, à Saigon, il fut incinéré, les os récupérés. Son frère lui refusa le droit d’en conserver un, car il craignait que le père revienne hanter la famille ; petit rire de petite fille de Jane la benjamine.
« Le guide du Routard » nous conseille le restau, « le café des amis » décoré avec des images de Brassens ; au son de chansons de Trenet ou Piaf, nous mangeons sans tout finir, un menu pour trois sur une terrasse qui surplombe le bac. Chaleur : c’est "l’heure des français et des chiens". Nous rentrons à l’hôtel par les rues commerçantes et entrons dans un magasin de confection au hasard. Nous choisissons des tissus, coton ou soie, la coupe. Mes femmes cèdent à la tentation, une chemise en coton rayé, une rouge et une chinoise noire et jaune. 200 000 D pour une chemise d’homme, 250 000 pour un top en soie pour fille et à nos mesures : tout sera prêt ce soir à 19h30. Nous admirons, dans une boutique proche, des photos en noir et blanc ou en couleurs, et l’auteur nous montre ses dernières réalisations inspirées par les chapeaux coniques des pêcheuses. Nous faisons l’acquisition d‘une boite à deux tiroirs en marbre puis nous rentrons profiter de l’hôtel et de son jardin. Nous sirotons un jus de mangue ou de citron en regardant les mines émerveillées des nouveaux arrivants à l’Hôtel. Ce soir, les boutiquiers brûlent des feuilles votives dans des cuves métalliques en face de leur magasin ; certains ont dressé des autels sur le pas de la porte avec offrandes et encens à côté de bouquets de fleurs ou de bonbons. Les vêtements récupérés, nous traversons la rivière dans le but de nous rassasier dans notre restau d’hier, le « Thanh Phuong » mais la place réservée au balcon ne l’a pas été et il nous a fallu longtemps avant de voir arriver le premier plat. Nos renoncements à la bière ne tiennent pas longtemps.
Nous pouvons ainsi aborder dans de bonnes dispositions la visite du sanctuaire du royaume Champa à My Son. Royaume disparu. Après trente cinq kilomètres par des petites routes, dans un paysage moins uniformisé par les rizières, nous quittons la voiture pour emprunter à pied une mince route dallée. Bruit des cigales, chants d’oiseaux, nous pouvons imaginer le site au moment de sa découverte par le français Parmentier, en croisant des sentiers de terre qui s’enfoncent dans la jungle. Apparaît un ensemble de tours de briques avec des dallages de tommettes qui ont conservé une couleur rouge inaltérée alors que les briques modernes noircissent et verdissent. Le secret n’a toujours pas été élucidé. Quelques unes abritent yoni et lingams ou servent de musée, d’autres vides aujourd’hui recevaient les offrandes. Notre guide Jane les appelle les cuisines. Nous observons et constatons l’épaisseur des murs de briques, les piliers et les linteaux de grès, la finesse des sculptures. Des zones sont fermées à la visite car des Italiens y poursuivent des fouilles, et arrivons aux premiers groupes découverts et dégagés par les français, extrêmement endommagés par les bombardements américains. Le site fut occupé par les résistants Viêt-Cong, et bombardé copieusement par les B52. On peut voir encore des cratères, des édifices ébranlés, écroulés ou recouverts de terre. D’ailleurs dans une tour musée sont exposés deux énormes obus retrouvés sur place. Nous finissons le circuit par un chemin coupant à travers la forêt et regagnons la voiture.Au retour vers Hoi An, nous devons stopper car un enterrement occupe toute la chaussée. Le maître des cérémonies, aux habits colorés, officie devant le cercueil enfermé dans une boîte colorée posée sur des bambous supportée par des hommes, un cortège de porte-drapeaux le devance avec un joueur de gros tambour, un joueur de gong et l’homme chargé de semer les billets votifs et les feuilles symbolisant l’or et l’argent. Bondissant hors de la voiture, nous nous mêlons à la foule et suivons le cortège dans le cimetière. Les enfants gambadent, les habitants nous indiquent les lieux et nous désignent du doigt la veuve éplorée. Trois jeunes habillés de blanc portent le portrait du défunt, de l’encens, une bougie, tandis que le géomancien procède au rituel. La communauté villageoise enterre un ouvrier de 45 ans, tailleur de pierres, mort accidentellement dans une carrière.
Durant le trajet, Jane nous raconte les enterrements de ses parents ou celui des gens de la campagne, comment le corps est gardé plusieurs jours à la maison dans son cercueil de bois épais lesté avec du sable et du thé afin de contenir les « liquides ». Le corps doit être enseveli dans le village natal. Pour son père mort loin de Hué, à Saigon, il fut incinéré, les os récupérés. Son frère lui refusa le droit d’en conserver un, car il craignait que le père revienne hanter la famille ; petit rire de petite fille de Jane la benjamine.
« Le guide du Routard » nous conseille le restau, « le café des amis » décoré avec des images de Brassens ; au son de chansons de Trenet ou Piaf, nous mangeons sans tout finir, un menu pour trois sur une terrasse qui surplombe le bac. Chaleur : c’est "l’heure des français et des chiens". Nous rentrons à l’hôtel par les rues commerçantes et entrons dans un magasin de confection au hasard. Nous choisissons des tissus, coton ou soie, la coupe. Mes femmes cèdent à la tentation, une chemise en coton rayé, une rouge et une chinoise noire et jaune. 200 000 D pour une chemise d’homme, 250 000 pour un top en soie pour fille et à nos mesures : tout sera prêt ce soir à 19h30. Nous admirons, dans une boutique proche, des photos en noir et blanc ou en couleurs, et l’auteur nous montre ses dernières réalisations inspirées par les chapeaux coniques des pêcheuses. Nous faisons l’acquisition d‘une boite à deux tiroirs en marbre puis nous rentrons profiter de l’hôtel et de son jardin. Nous sirotons un jus de mangue ou de citron en regardant les mines émerveillées des nouveaux arrivants à l’Hôtel. Ce soir, les boutiquiers brûlent des feuilles votives dans des cuves métalliques en face de leur magasin ; certains ont dressé des autels sur le pas de la porte avec offrandes et encens à côté de bouquets de fleurs ou de bonbons. Les vêtements récupérés, nous traversons la rivière dans le but de nous rassasier dans notre restau d’hier, le « Thanh Phuong » mais la place réservée au balcon ne l’a pas été et il nous a fallu longtemps avant de voir arriver le premier plat. Nos renoncements à la bière ne tiennent pas longtemps.
mardi 15 décembre 2009
Ma grand-mère Philomène. 2° partie
Ma grand-mère s’appelait Philomène, elle est morte à 45 ans, elle était née un 20 décembre.
Son fils, un fils d’assassin, a épousé ma mère, Augustine, née un 20 décembre. Ils ont eu un premier enfant, une fille. Son nom est le mien, je suis cette petite fille d’un assassin envoyé au bagne à Saint Laurent du Maroni, décédé en 1944.
Il était menuisier, souffleur de verre. Il avait été allemand, puis français selon les oscillations de l’histoire de l’Alsace. IL est devenu alcoolique sur le front de Russie. Les pioupioux, on les dopait à la vinasse des deux côtés de la boucherie. Je suis la petite fille d’une jeune mère de onze enfants que son époux a privé de mots et de vie. Direct, d’une balle tirée direct à bout portant devant trois de leurs enfants.
Je suis la fille de Charles, celui qui n’a pu sauver sa mère, celui qui a scellé sa mémoire, croyait-il, celui qui m’a langée de secrets, m’a nourrie de vide, m’a aimée de désespoir.
Je suis cette enfant-là se mirant dans le chagrin fou d’un père privé de mots. Je suis née un 20 décembre, solstice d’hiver.
Et arrive toujours le moment. Le choix. Enquêter ou dépérir.
J’ai choisi de vivre. J’ai pris le train pour Strasbourg au printemps.
Je n’ai pas vu Strasbourg. Pendant deux jours munie d’un crayon et de papier j’ai lu les archives, j’ai promené les yeux dans des témoignages du passé, les témoignages de Français parlant allemand, rapport d’autopsie que je n’ai pas eu la force de lire jusqu’au bout.
Philomène, ma grand-mère inconnue. Je n’ai connu de son apparence que ce qu’en a écrit le médecin légiste. Le cadavre de ma grand-mère dans les yeux d’un technicien de l’autopsie.
Je n’ai pas vu ses yeux vivants, entendu sa voix et ses rires. Elle ne m’a pas prise sur ses genoux. A Strasbourg j’ai lu sans répit. Le ventre tordu d’effroi et de pitié.
Maie Treize
Son fils, un fils d’assassin, a épousé ma mère, Augustine, née un 20 décembre. Ils ont eu un premier enfant, une fille. Son nom est le mien, je suis cette petite fille d’un assassin envoyé au bagne à Saint Laurent du Maroni, décédé en 1944.
Il était menuisier, souffleur de verre. Il avait été allemand, puis français selon les oscillations de l’histoire de l’Alsace. IL est devenu alcoolique sur le front de Russie. Les pioupioux, on les dopait à la vinasse des deux côtés de la boucherie. Je suis la petite fille d’une jeune mère de onze enfants que son époux a privé de mots et de vie. Direct, d’une balle tirée direct à bout portant devant trois de leurs enfants.
Je suis la fille de Charles, celui qui n’a pu sauver sa mère, celui qui a scellé sa mémoire, croyait-il, celui qui m’a langée de secrets, m’a nourrie de vide, m’a aimée de désespoir.
Je suis cette enfant-là se mirant dans le chagrin fou d’un père privé de mots. Je suis née un 20 décembre, solstice d’hiver.
Et arrive toujours le moment. Le choix. Enquêter ou dépérir.
J’ai choisi de vivre. J’ai pris le train pour Strasbourg au printemps.
Je n’ai pas vu Strasbourg. Pendant deux jours munie d’un crayon et de papier j’ai lu les archives, j’ai promené les yeux dans des témoignages du passé, les témoignages de Français parlant allemand, rapport d’autopsie que je n’ai pas eu la force de lire jusqu’au bout.
Philomène, ma grand-mère inconnue. Je n’ai connu de son apparence que ce qu’en a écrit le médecin légiste. Le cadavre de ma grand-mère dans les yeux d’un technicien de l’autopsie.
Je n’ai pas vu ses yeux vivants, entendu sa voix et ses rires. Elle ne m’a pas prise sur ses genoux. A Strasbourg j’ai lu sans répit. Le ventre tordu d’effroi et de pitié.
Maie Treize
lundi 14 décembre 2009
La merditude des choses
Le titre peut faire hésiter et puis finalement quand les bras vous en tombent, devant l’absurdité de la vie, c’est bien ce qui vient au bord des lèvres, comme une nausée.
« Affreux, sales et méchants » chez les Chtis. Bien sûr dans ce film de Félix Van Groeningen, il y a une franche folie flamande poussée par des torrents de bière, mais aussi une chaleur humaine, animale, violente et tendre. Encore une famille des plus fermement déjantée, où les enfants sont abandonnés par les parents qui ne veulent pas grandir. Une fois de plus c’est la grand-mère qui assure. De l’humour certes noir, mais tout est noir. Quelle sera la transmission ? Désespéré, violent, mais à voir, où les genres se mélangent pour expérimenter jusqu’où va la représentation d’une civilisation suicidaire.
« Affreux, sales et méchants » chez les Chtis. Bien sûr dans ce film de Félix Van Groeningen, il y a une franche folie flamande poussée par des torrents de bière, mais aussi une chaleur humaine, animale, violente et tendre. Encore une famille des plus fermement déjantée, où les enfants sont abandonnés par les parents qui ne veulent pas grandir. Une fois de plus c’est la grand-mère qui assure. De l’humour certes noir, mais tout est noir. Quelle sera la transmission ? Désespéré, violent, mais à voir, où les genres se mélangent pour expérimenter jusqu’où va la représentation d’une civilisation suicidaire.
dimanche 13 décembre 2009
Vincent Delerm
Celui qui égrène avec finesse nos petites mythologies de ces années Cosmopolitan a vérifié ses connivences avec son public l’autre soir à la MC2. Il y a sept ans il était à Saint Marie d’En bas et « Kouchner était alors à gauche, et on ne pensait pas avoir pire comme président »…
J’apprécie toujours autant sa poésie du quotidien où la pluie dégouline désormais sur le Club Mickey et non plus devant une masure au toit de chaume de Verhaeren . Ses amours les plus belles sont celles qu’il n’a pas embrassées. Le grand théâtre a connu des sonorisations plus veloutées, mais souvent le jeune homme n’avait que quelques mots à susurrer, la salle complétait. Patrick Bruel n’était pas loin. L’atmosphère des bords de Seine, Deauville, le cinéma de Truffaut, n’avait pas besoin de mises en scènes si explicites pour laisser échapper ses parfums nostalgiques. Ses enchainements plein d’humour étaient bienvenus pour entremêler légèreté et mélancolie comme dans cette chanson« la vipère du Gabon » où alternent habilement les annonces graves et les propos anodins:
« A l'entrée du zoo
Tu sais j'attends des jumeaux
J'espère qu'y aura des éléphants
Et ta mère elle est au courant
Ca c'est des genres de wapitis
Pour l'instant je lui ai encore rien dit
Et devant la cage des gibbons
Ah bon
Ils doivent être planqués dans un coin
Et Mathieu lui il le vit bien
Putain j'ai horreur des vautours
Au début il était pas pour
C'est pas un vautour c'est un condor des Cévennes
Même si il se casse je les garde quand même
Oui enfin c'est quand même un petit peu pareil les vautours les faucons …»
J’apprécie toujours autant sa poésie du quotidien où la pluie dégouline désormais sur le Club Mickey et non plus devant une masure au toit de chaume de Verhaeren . Ses amours les plus belles sont celles qu’il n’a pas embrassées. Le grand théâtre a connu des sonorisations plus veloutées, mais souvent le jeune homme n’avait que quelques mots à susurrer, la salle complétait. Patrick Bruel n’était pas loin. L’atmosphère des bords de Seine, Deauville, le cinéma de Truffaut, n’avait pas besoin de mises en scènes si explicites pour laisser échapper ses parfums nostalgiques. Ses enchainements plein d’humour étaient bienvenus pour entremêler légèreté et mélancolie comme dans cette chanson« la vipère du Gabon » où alternent habilement les annonces graves et les propos anodins:
« A l'entrée du zoo
Tu sais j'attends des jumeaux
J'espère qu'y aura des éléphants
Et ta mère elle est au courant
Ca c'est des genres de wapitis
Pour l'instant je lui ai encore rien dit
Et devant la cage des gibbons
Ah bon
Ils doivent être planqués dans un coin
Et Mathieu lui il le vit bien
Putain j'ai horreur des vautours
Au début il était pas pour
C'est pas un vautour c'est un condor des Cévennes
Même si il se casse je les garde quand même
Oui enfin c'est quand même un petit peu pareil les vautours les faucons …»
samedi 12 décembre 2009
Faut-il déglobaliser ?
Pascal Lamy directeur de l’OMC et Jean Marie Harribey d’ATTAC étaient parmi les invités les plus emblématiques du forum de Libé. Confrontation courtoise mais ferme d’un responsable éminent de la globalisation dont l’acuité du regard peut apporter des éléments à sa famille, la gauche, et d’un économiste également pointu et pédagogue, engagé dans une contestation radicale du désordre du monde. Il demande que l’OMC passe sous le contrôle des nations unies pour échapper aux lobbies capitalistes.
Je rentre tout tremblant dans cette cathédrale où de tels sujets sont posés, en essayant de ne pas trop jouer au perroquet qui n’en garde pas moins sa cervelle d’oiseau. Mais je sais aussi qu’il y a des lieux, des moments, pas forcément des églises, où se posent les questions de notre place dans l’univers.
La crise actuelle accélère la prise de conscience de la finitude du monde : depuis la misère endurée par les multitudes qui ont un accès difficile à l’eau jusqu’aux maux créés par marchandisation de la santé, de l’éducation en passant par les effets néfastes de la déconnection des salaires et de la production. Les gouvernements ont tendance à se dédouaner sur l’OMC, à choisir des stratégies de repli sur soi.
« La globalisation est un système efficace et injuste. » P Lamy
« Il faut mettre des bornes, car, si ce processus se poursuit, ça va être mortel pour les sociétés. » JM Harribey
Je rentre tout tremblant dans cette cathédrale où de tels sujets sont posés, en essayant de ne pas trop jouer au perroquet qui n’en garde pas moins sa cervelle d’oiseau. Mais je sais aussi qu’il y a des lieux, des moments, pas forcément des églises, où se posent les questions de notre place dans l’univers.
La crise actuelle accélère la prise de conscience de la finitude du monde : depuis la misère endurée par les multitudes qui ont un accès difficile à l’eau jusqu’aux maux créés par marchandisation de la santé, de l’éducation en passant par les effets néfastes de la déconnection des salaires et de la production. Les gouvernements ont tendance à se dédouaner sur l’OMC, à choisir des stratégies de repli sur soi.
« La globalisation est un système efficace et injuste. » P Lamy
« Il faut mettre des bornes, car, si ce processus se poursuit, ça va être mortel pour les sociétés. » JM Harribey
vendredi 11 décembre 2009
L’homme est un grand faisan sur terre
« Il bâille. Son haleine sent l’alcool. Dans le village, les coqs chantent. Ils ont encore la nuit dans le gosier » Oui, il y a quelques images réussies dans ce livre d’Herta Müller prix Nobel de désespoir. Le rythme de ses phrases courtes sujet/verbe/complément lassant, ajoute de l’agacement à la neurasthénie de ce roman heureusement de 124 pages. Pas d’autre issue pour le meunier à la farine humide que d’essayer de fuir ce pays de feuilles mortes ( la Roumanie) où les chouettes souhaitent la mort, et les pommiers dévorent leurs pommes. Pour sortir de ce fantastique poisseux, se précipiter sur « Rire et chansons » quitte à tomber sur du mauvais goût mais au moins vous saurez pourquoi ils n’ont pas obtenu le Nobel de littérature.
jeudi 10 décembre 2009
Hammershoi
Voilà un nom qui a échappé à la trappe de ma traitre mémoire. Après l’avoir découvert à Orsay il y a10 ans, je n’ai cessé de penser au peintre danois dès que je voyais une femme de dos, une porte ouvrant sur un couloir, des couleurs sourdes, tant sa patte est caractéristique. Dans ses toiles , le temps s’arrête, la paix s’installe, le vide incite à la mélancolie. Ses paysages horizontaux sont déserts, la rigueur de ses compositions me rassure et le flou de sa touche éloigne les anecdotes. Ce peintre du XIX° influencé par les Hollandais du XVII° est pleinement notre contemporain ; quand un rare rayon de soleil blanc pénètre par les fenêtres, il prend tout son prix, une femme s’en approche et ouvre un livre.
mercredi 9 décembre 2009
J12 : Hué, Danang, Ho Ian
Nous partons pour la visite de deux mausolées. Nous commençons par celui de l’empereur Tu Duc. Il s’agit plus d’un palais que d’un grand tombeau. L’empereur poète le dessina lui-même avec une recherche d’harmonie. Un certain romantisme émane du canal qui serpente, envahi par les lotus et alimenté par la rivière des parfums. La montagne n’est pas bien loin, pour l’équilibre de la nature. C’est le palais de « la modestie » nom donné par le bien peu modeste Tu Duc suite à une insurrection du peuple due au travail forcené pour construire l'édifice entrainant beaucoup de morts. Cour d’honneur avec cheval, éléphant et soldats, appartements pour le roi, pour le harem, présence d’un théâtre, pavillon du repos au bord de l’eau avec embarcadère. Nous longeons le canal pour atteindre le tombeau, élevé dans la pinède pour que le défunt puisse entendre le bruit du vent dans les arbres. A l’arrière du bâtiment est dressé un autel dédié aux concubines stériles afin que leurs âmes n’errent pas, puisque privées de descendance. L’autobiographie de l’empereur est gravée sur une stèle devant son tombeau. Craignant vengeance et pillages, il ne reposerait pas dans son tombeau, mais dans un endroit tenu secret. Le personnel chargé de l’y conduire venait du Nord et sur le chemin du retour, le bateau coula.
Le deuxième mausolée celui de l’empereur Minh Mang se situe un peu plus loin à 11km de Hué. Pour y accéder nous empruntons une allée équipée de barbelés d’un côté afin d’empêcher les enfants de mendier. D’autres mausolées sont ruinés mais l’un d’eux subsiste en béton sur les hauteurs comme les cimetières situés sur les collines pour échapper aux inondations.
La route qui mène au col des nuages est tellement pentue que des étals proposent des cales en bois. Nous sommes presque seuls, car les véhicules préfèrent emprunter la voie avec tunnel. Nous avons une jolie vue sur la péninsule de Lang Co, village de pêcheurs de coquillages qui une fois broyés fourniront de la chaux et sur une longue langue de sable clair face à la mer de Chine. Ce col constituait un passage stratégique à toutes les époques ; des vestiges de fortins chinois et des bunkers français et américains en témoignent. C’est la frontière entre le Nord et le Sud. A Danang, après un restaurant au prix inhabituellement élevé, nous visitons le musée Champa, placé dans une jolie maison coloniale construite par l’école française d’extrême orient au début du siècle. La civilisation cham aujourd’hui disparue adopta la religion hindouiste et son panthéon encombré de dieux. Le musée abrite des sculptures trouvées sur le site de Mison en particulier, s’échelonnant du 7° au 14° siècle. Quelques photos d’époque prises sur le terrain des fouilles montrent les conditions de découverte parmi une végétation luxuriante. Nous tournons autour des yonis /lingams symboles sexués féminins et masculins, les Shiva, les nandus, Hanuman, Garuda, les Râma Sita et Râvana, les musiciens et danseuses en bas reliefs et grès. Puis c’est la route vers Hoi An. Des camps militaires américains, il ne reste qu’un grand terrain plat avec la plage où les GI se délassaient, quelques abris à hélicoptères sont conservés pour la mémoire de ce lieu stratégique. Le bord de mer se transforme aujourd’hui, avec des complexes touristiques immenses et pas moins de six golfs prévus. La plage n’appartient plus au peuple, les vivants et les morts sont expropriés avec transferts des cimetières.
Qui a gagné la guerre ?
Les monuments aux morts et cimetières militaires pour les soldats du Nord jalonnent les routes.
Nous pénétrons dans Hoi An sous la pluie. Le « Hô An hôtel », superbe maison dans le style colonial, nous éblouit avec un jardin au centre des bâtiments en U. Des petits pots de riz en herbe sont disposés sur les tables. Nous sommes accueillis avec un verre de citronnade, des petits gâteaux au soja et des nougatines. Fleurs d’ibiscus et pétales de roses décorent les chambres petites mais luxueuses et raffinées. « Lonely Planet » annonce l’établissement comme prix moyen, que penser des prix plus élevés ?
Sans guide nous partons découvrir la ville. L’habitat ressemble à celui de la Chine et ses maisons avec des boutiques en bas et un étage moins important servant d’entrepôt ou d’appartement. La température est délicieuse après la pluie. Nous suivons vaguement le plan donné par l’hôtel, traversons un marché, protégé par des bâches. La rue suit la rivière et mène jusqu’à l’adorable pont japonais couvert. Il est intact, c’est le lieu privilégié pour les photos. Nous nous promenons un moment avant de terminer au restau « Thanh Phong » où nous nous régalons de white rose (ravioli enroulé dans une feuille de riz frite) et de spécialités locales. Ambiance de soir d’été, de vacances sucrées, avec les lanternes colorées, les gamins qui vendent des sifflets en forme d’animaux, un jeu de loto avec musique sous un banian. Douce nuit.
Le deuxième mausolée celui de l’empereur Minh Mang se situe un peu plus loin à 11km de Hué. Pour y accéder nous empruntons une allée équipée de barbelés d’un côté afin d’empêcher les enfants de mendier. D’autres mausolées sont ruinés mais l’un d’eux subsiste en béton sur les hauteurs comme les cimetières situés sur les collines pour échapper aux inondations.
La route qui mène au col des nuages est tellement pentue que des étals proposent des cales en bois. Nous sommes presque seuls, car les véhicules préfèrent emprunter la voie avec tunnel. Nous avons une jolie vue sur la péninsule de Lang Co, village de pêcheurs de coquillages qui une fois broyés fourniront de la chaux et sur une longue langue de sable clair face à la mer de Chine. Ce col constituait un passage stratégique à toutes les époques ; des vestiges de fortins chinois et des bunkers français et américains en témoignent. C’est la frontière entre le Nord et le Sud. A Danang, après un restaurant au prix inhabituellement élevé, nous visitons le musée Champa, placé dans une jolie maison coloniale construite par l’école française d’extrême orient au début du siècle. La civilisation cham aujourd’hui disparue adopta la religion hindouiste et son panthéon encombré de dieux. Le musée abrite des sculptures trouvées sur le site de Mison en particulier, s’échelonnant du 7° au 14° siècle. Quelques photos d’époque prises sur le terrain des fouilles montrent les conditions de découverte parmi une végétation luxuriante. Nous tournons autour des yonis /lingams symboles sexués féminins et masculins, les Shiva, les nandus, Hanuman, Garuda, les Râma Sita et Râvana, les musiciens et danseuses en bas reliefs et grès. Puis c’est la route vers Hoi An. Des camps militaires américains, il ne reste qu’un grand terrain plat avec la plage où les GI se délassaient, quelques abris à hélicoptères sont conservés pour la mémoire de ce lieu stratégique. Le bord de mer se transforme aujourd’hui, avec des complexes touristiques immenses et pas moins de six golfs prévus. La plage n’appartient plus au peuple, les vivants et les morts sont expropriés avec transferts des cimetières.
Qui a gagné la guerre ?
Les monuments aux morts et cimetières militaires pour les soldats du Nord jalonnent les routes.
Nous pénétrons dans Hoi An sous la pluie. Le « Hô An hôtel », superbe maison dans le style colonial, nous éblouit avec un jardin au centre des bâtiments en U. Des petits pots de riz en herbe sont disposés sur les tables. Nous sommes accueillis avec un verre de citronnade, des petits gâteaux au soja et des nougatines. Fleurs d’ibiscus et pétales de roses décorent les chambres petites mais luxueuses et raffinées. « Lonely Planet » annonce l’établissement comme prix moyen, que penser des prix plus élevés ?
Sans guide nous partons découvrir la ville. L’habitat ressemble à celui de la Chine et ses maisons avec des boutiques en bas et un étage moins important servant d’entrepôt ou d’appartement. La température est délicieuse après la pluie. Nous suivons vaguement le plan donné par l’hôtel, traversons un marché, protégé par des bâches. La rue suit la rivière et mène jusqu’à l’adorable pont japonais couvert. Il est intact, c’est le lieu privilégié pour les photos. Nous nous promenons un moment avant de terminer au restau « Thanh Phong » où nous nous régalons de white rose (ravioli enroulé dans une feuille de riz frite) et de spécialités locales. Ambiance de soir d’été, de vacances sucrées, avec les lanternes colorées, les gamins qui vendent des sifflets en forme d’animaux, un jeu de loto avec musique sous un banian. Douce nuit.
mardi 8 décembre 2009
L’effroi et la pitié(Première partie)
Depuis quinze ans elle remettait cette expédition. A quoi bon aller enquêter sur le passé de ses ancêtres, qu’est-ce que cela changerait aux destins particuliers, à l’Histoire.
Laisse les morts enterrer les morts, laisse les archives en paix, va de l’avant, amuse-toi. Les vivants seuls sont importants, le présent. L’ici et maintenant… Foutaises de psy !
Elle s’en racontait de bien bonnes pour ne pas bouger ; elle dorlotait ses insomnies, ses crises d’asthme, ses accès de gastrite. Jusqu’à ce que ça pète, jusqu’au bord du terrain miné.
Vos ulcères sont inguérissables… On doit y aller voir… C’est peut-être un lymphome… C’est quoi ?... Rassurez-vous un lymphome c’est curatif (lapsus du médecin, lapsus parfait comme toujours), je veux dire curable… Rougissements, balbutiements.
On l’opère, on lui retire cet épaississement de l’estomac, ce bouclier de chair qui empêche que l’organe ne crève. Cette résistance à être percée qu’elle a. On la tuyaute, on examine ses tissus, on la ravigote…
La Faculté se dit penaude : il n’y a pas de lymphome, régime, petit estomac à chouchouter, régime, estomac d’enfant de huit ans, régime, quatre repas par jour, vous en avez pour deux ans à vous remettre, régime, pas de, pas de, pas de. Pas.
Elle a su, quelqu’un lui a dit ce que son corps savait depuis toujours, quelqu’un lui a dit enfin et peu importe qui le lui a dit :
"tu as raison, ce n’était pas un accident : le pépé a tué la mémé."
Bouches privées de mots, de cela personne n’était coupable, surtout pas coupable la bouche de son père scellée par l’horreur. Un cœur de treize ans écrabouillé.
Elle a connu chose faite, épreuve traversée, enquête achevée, la violence de sa joie de vivre.
Elle a compris la bouche infirme du père. Violence infligée à la parole qui se tarit.
Haine, peur, désespoir. Non, ces mots sont trop usés, ils sont les oripeaux de la littérature. Régime de la honte, fabrique du secret, sève mortelle pour les générations à venir.
Il a treize ans : devant ses yeux, le père tire une balle de revolver dans la bouche de la mère. Elle dit : Jésus Marie, s’écroule cramponnée à la dernière des onze, la petite de deux ans qu’elle portait sur le bras.
Marie Treize
Laisse les morts enterrer les morts, laisse les archives en paix, va de l’avant, amuse-toi. Les vivants seuls sont importants, le présent. L’ici et maintenant… Foutaises de psy !
Elle s’en racontait de bien bonnes pour ne pas bouger ; elle dorlotait ses insomnies, ses crises d’asthme, ses accès de gastrite. Jusqu’à ce que ça pète, jusqu’au bord du terrain miné.
Vos ulcères sont inguérissables… On doit y aller voir… C’est peut-être un lymphome… C’est quoi ?... Rassurez-vous un lymphome c’est curatif (lapsus du médecin, lapsus parfait comme toujours), je veux dire curable… Rougissements, balbutiements.
On l’opère, on lui retire cet épaississement de l’estomac, ce bouclier de chair qui empêche que l’organe ne crève. Cette résistance à être percée qu’elle a. On la tuyaute, on examine ses tissus, on la ravigote…
La Faculté se dit penaude : il n’y a pas de lymphome, régime, petit estomac à chouchouter, régime, estomac d’enfant de huit ans, régime, quatre repas par jour, vous en avez pour deux ans à vous remettre, régime, pas de, pas de, pas de. Pas.
Elle a su, quelqu’un lui a dit ce que son corps savait depuis toujours, quelqu’un lui a dit enfin et peu importe qui le lui a dit :
"tu as raison, ce n’était pas un accident : le pépé a tué la mémé."
Bouches privées de mots, de cela personne n’était coupable, surtout pas coupable la bouche de son père scellée par l’horreur. Un cœur de treize ans écrabouillé.
Elle a connu chose faite, épreuve traversée, enquête achevée, la violence de sa joie de vivre.
Elle a compris la bouche infirme du père. Violence infligée à la parole qui se tarit.
Haine, peur, désespoir. Non, ces mots sont trop usés, ils sont les oripeaux de la littérature. Régime de la honte, fabrique du secret, sève mortelle pour les générations à venir.
Il a treize ans : devant ses yeux, le père tire une balle de revolver dans la bouche de la mère. Elle dit : Jésus Marie, s’écroule cramponnée à la dernière des onze, la petite de deux ans qu’elle portait sur le bras.
Marie Treize
lundi 7 décembre 2009
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe et que vous n’avez jamais osé demander.
Il ne fait pas bon vieillir parfois : ce monument d’humour de Woody Allen a perdu tout son arôme.
Les histoires de ceinture de chasteté dont il manque la clef est aussi daté que « le Hérisson » journal dit d’humour de ces années 70.
Et nous avons depuis tellement vu de parodies d’émissions de télévision que la séquence de ce genre tombe à plat. Un moustachu qui se déguise en femme c’est d’une lourdeur!Sans parler du berger et sa brebis, d’un sein gigantesque, ou de la séquence italienne…
Surnage celle du pauvre spermatozoïde très « Odyssée de l’espace », qui ne veut pas entreprendre le grand voyage; la tour de contrôle sablera le champagne une fois que l’armada à long flagelle a sauté dans l’inconnu, mais il faut revenir au boulot car le patron est vigoureux !
Les histoires de ceinture de chasteté dont il manque la clef est aussi daté que « le Hérisson » journal dit d’humour de ces années 70.
Et nous avons depuis tellement vu de parodies d’émissions de télévision que la séquence de ce genre tombe à plat. Un moustachu qui se déguise en femme c’est d’une lourdeur!Sans parler du berger et sa brebis, d’un sein gigantesque, ou de la séquence italienne…
Surnage celle du pauvre spermatozoïde très « Odyssée de l’espace », qui ne veut pas entreprendre le grand voyage; la tour de contrôle sablera le champagne une fois que l’armada à long flagelle a sauté dans l’inconnu, mais il faut revenir au boulot car le patron est vigoureux !
dimanche 6 décembre 2009
Prévert blues
Les mots du poète le plus populaire devaient bien se marier avec le jazz dans les sonorités nostalgiques, les fraternités jubilatoires. Bonne occasion de réviser le clopeur et même si ses lanternes magiques, ses orgues de barbarie ont pris quelque poussière, ses coups de gueule enrubannés d’humour, ses rythmes évidents peuvent encore nous toucher.
Etranges étrangers
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes de pays loin
cobayes des colonies
doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d'Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d'Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manoeuvres désoeuvrés
Polaks du Marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres
Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d'une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquent chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boite de cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
départriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d'or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd'hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des hommes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez .
Mais ce soir là, à la MC2, moi qui suis plutôt amateur de mots et que pour la musique je m’applique, j’ai parfois regretté de me distraire du jazz en suivant les gestes de l’acteur. J’ai jubilé à certains traits : « …bleu, blanc, rouge : j’entends glas, glas, glas » et bien des mots inlassablement revisités recèlent toujours des trésors,mais j’ai déploré la perte de mon cœur adolescent en trouvant redondant et un peu patronage quand l’acteur peint, découpe et affiche de grands cœurs rouges sur scène. J’ai préféré les balayages du batteur, les souffles du saxo, les trépidations de la contrebasse, les inventions de la guitare, les embardées et la solidité du quartet emmené par Texier.
Etranges étrangers
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes de pays loin
cobayes des colonies
doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d'Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d'Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manoeuvres désoeuvrés
Polaks du Marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres
Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d'une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquent chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boite de cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
départriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d'or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd'hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des hommes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez .
Mais ce soir là, à la MC2, moi qui suis plutôt amateur de mots et que pour la musique je m’applique, j’ai parfois regretté de me distraire du jazz en suivant les gestes de l’acteur. J’ai jubilé à certains traits : « …bleu, blanc, rouge : j’entends glas, glas, glas » et bien des mots inlassablement revisités recèlent toujours des trésors,mais j’ai déploré la perte de mon cœur adolescent en trouvant redondant et un peu patronage quand l’acteur peint, découpe et affiche de grands cœurs rouges sur scène. J’ai préféré les balayages du batteur, les souffles du saxo, les trépidations de la contrebasse, les inventions de la guitare, les embardées et la solidité du quartet emmené par Texier.
samedi 5 décembre 2009
Face à la crise, quelles alternatives ?
Au forum de Libé en septembre:
J.F. Kahn amateur de paradoxes, il en abuse parfois, mais bon pédagogue nous secoue aussi. Même s'il invoqua la révolution et se retrouva au MODEM: tant de bruit…
Baverez son interlocuteur qu’il a beaucoup moqué tout au long du débat, à la fin de l’envoi, le touche; beau prince sans rire.
L’opposition de l’auguste et du clown blanc était peut être légèrement surjouée, mais à relire mes notes je ne sais plus qui a pu recommander de remettre de la morale dans l’économie ? Quant à « corriger le capitalisme naturel par le culturel, discipliner celui-ci » qui ne serait pas d’accord aujourd’hui. ?
L’économiste reconnaît que « la crise n’est pas financière mais économique et qu’il est déraisonnable d’occulter les risques engendrés par la mobilisation de la politique économique pour les banques et les dettes publiques ».
Le journaliste, pourtant dans un registre qui m’est bien plus familier, me paraît un peu trop lyrique, en proclamant que « l’homme doit être la nouvelle centralité et non plus l’état ou l’argent. » Et alors ?
J.F. Kahn amateur de paradoxes, il en abuse parfois, mais bon pédagogue nous secoue aussi. Même s'il invoqua la révolution et se retrouva au MODEM: tant de bruit…
Baverez son interlocuteur qu’il a beaucoup moqué tout au long du débat, à la fin de l’envoi, le touche; beau prince sans rire.
L’opposition de l’auguste et du clown blanc était peut être légèrement surjouée, mais à relire mes notes je ne sais plus qui a pu recommander de remettre de la morale dans l’économie ? Quant à « corriger le capitalisme naturel par le culturel, discipliner celui-ci » qui ne serait pas d’accord aujourd’hui. ?
L’économiste reconnaît que « la crise n’est pas financière mais économique et qu’il est déraisonnable d’occulter les risques engendrés par la mobilisation de la politique économique pour les banques et les dettes publiques ».
Le journaliste, pourtant dans un registre qui m’est bien plus familier, me paraît un peu trop lyrique, en proclamant que « l’homme doit être la nouvelle centralité et non plus l’état ou l’argent. » Et alors ?
vendredi 4 décembre 2009
Des hommes. Laurent Mauvignier
Parmi les styles, il y a l’écrit, le parlé; dans ce livre comme une voix intérieure vous prend dans ses spirales. La lecture n’est pas facile mais peu importe l’identité du narrateur pour approcher de la vérité de ces paysans échoués à garder des cuves d’essence en Algérie et qui sont revenus.
« C’est le moment où l’on regarde le drapeau dans le ciel bleu, le moment où l’on essaie de se faire croire qu’on est là pour quelque chose comme des idées, un idéal, une grandeur quelconque, un projet de civilisation comme l’explique l’une des brochures qu’il a reçues en arrivant »
Ce n’est pas la brochure du bien et du mal : la boue de l’Ardèche et le ciel blanchâtre de l’Algérie pèsent comme le temps.
Les silences à se casser les dents durent des décennies, des vies entières.
Sous l’accumulation des mots banals, nous nous approchons d’une réalité familière :
« C’est plutôt qu’après le séjour au club Bled, oui, c’est ça, toujours de quoi rire, déjà ça, la rigolade, qu’on y aille, il avait osé ne pas revenir et n’en faire qu’à sa tête de mule et aujourd’hui voilà où on en est_ »
Je me repens d’avoir pensé du haut de mon surplomb de petit instit’ que la littérature française était mal en point, Mauvignier est une hirondelle. Autant qu’après le drame du Heysel, le livre qu’il avait écrit, « Dans la foule », m’avait paru essentiel ; avec ce dernier ouvrage il va bien au-delà des traumatismes d’une guerre et pose pour chacun ce qui oriente un destin, ce qui compose notre difficile humanité.
« Je vois bien le paysage, tout blanc, enfin blanc d’un blanc grisâtre et fade comme du pain rassis, sans forme, avec des pavillons noyés dans le ciel épais et mou, et dessus les champs, les bois durs comme du marbre… »
Il dit bien les pierres, les maisons, les hommes.
Quand « La littérature présente le monde ».
« C’est le moment où l’on regarde le drapeau dans le ciel bleu, le moment où l’on essaie de se faire croire qu’on est là pour quelque chose comme des idées, un idéal, une grandeur quelconque, un projet de civilisation comme l’explique l’une des brochures qu’il a reçues en arrivant »
Ce n’est pas la brochure du bien et du mal : la boue de l’Ardèche et le ciel blanchâtre de l’Algérie pèsent comme le temps.
Les silences à se casser les dents durent des décennies, des vies entières.
Sous l’accumulation des mots banals, nous nous approchons d’une réalité familière :
« C’est plutôt qu’après le séjour au club Bled, oui, c’est ça, toujours de quoi rire, déjà ça, la rigolade, qu’on y aille, il avait osé ne pas revenir et n’en faire qu’à sa tête de mule et aujourd’hui voilà où on en est_ »
Je me repens d’avoir pensé du haut de mon surplomb de petit instit’ que la littérature française était mal en point, Mauvignier est une hirondelle. Autant qu’après le drame du Heysel, le livre qu’il avait écrit, « Dans la foule », m’avait paru essentiel ; avec ce dernier ouvrage il va bien au-delà des traumatismes d’une guerre et pose pour chacun ce qui oriente un destin, ce qui compose notre difficile humanité.
« Je vois bien le paysage, tout blanc, enfin blanc d’un blanc grisâtre et fade comme du pain rassis, sans forme, avec des pavillons noyés dans le ciel épais et mou, et dessus les champs, les bois durs comme du marbre… »
Il dit bien les pierres, les maisons, les hommes.
Quand « La littérature présente le monde ».
jeudi 3 décembre 2009
Jean le Gac
Si « l'art narratif se situe au cœur même de l'activité humaine : là où le groupe se constitue une mémoire », Jean Le Gac est un représentant caractéristique de ce mouvement artistique , « l’art narratif » qui compte Fromanger, Cueco, Pignon Ernest ... Il est vraiment à sa place depuis 1992 au musée de la mer à Sainte Marguerite, une des îles de Lérins, au large de Cannes.
Sur cette île charmante aux grandes allées d’eucalyptus, aux criques familiales, les bâtiments militaires perdent de leur rudesse avec les pensionnaires des centres de loisirs, affairés à des ateliers de théâtre, de peinture, à des parties de basket. Dans des cellules du fort royal, l’artiste peintre a accroché ses immenses toiles rappelant qu’une partie de la suite d’Abdel Kader fut enfermée là, et le masque de fer. Par les ouvertures dans les murailles à l’épaisseur impressionnante, cinq rangées de barreaux laissent cependant passer une lumière suffisante pour les chevaux vigoureux, les femmes rêvées, de l’artiste qui s’est mis dans la peau des reclus. Nous repartons avec des images fortes d’une méditerranée qui sous son bleu immuable recouvre des pierres de souffrance.
Sur cette île charmante aux grandes allées d’eucalyptus, aux criques familiales, les bâtiments militaires perdent de leur rudesse avec les pensionnaires des centres de loisirs, affairés à des ateliers de théâtre, de peinture, à des parties de basket. Dans des cellules du fort royal, l’artiste peintre a accroché ses immenses toiles rappelant qu’une partie de la suite d’Abdel Kader fut enfermée là, et le masque de fer. Par les ouvertures dans les murailles à l’épaisseur impressionnante, cinq rangées de barreaux laissent cependant passer une lumière suffisante pour les chevaux vigoureux, les femmes rêvées, de l’artiste qui s’est mis dans la peau des reclus. Nous repartons avec des images fortes d’une méditerranée qui sous son bleu immuable recouvre des pierres de souffrance.
mercredi 2 décembre 2009
J11 : Hué, le dimanche
Le train a visiblement du retard. Le responsable du service du wagon nous rapporte nos tickets et vient nous avertir de l’arrivée vers 1h30.
Notre contact Djanne (Jeanne ou Jane s’écrit en fait Trang et se prononce Djeanne)se signale avec son panonceau où sont écrits nos noms. Elle nous présente déjà la ville dans un français plus difficile que celui de Manh : Hué est la capitale culturelle du pays. Elle nous amène à l’ « Orchid Hôtel » Chu Van Ann Street. Chambre grand luxe avec ordinateur, mini chaine stéréo, TV écran plat, belle décoration et salle de bains toute neuve, petite attention délicate : des pétales de rose égaient des draps blancs immaculés.
Vite au lit pour poursuivre notre sommeil interrompu jusqu’à 8h30 du matin. Nous déjeunons sur place dans une petite salle : œuf, charcuterie, fruits, yaourts, nems avant d’affronter le soleil et découvrir la ville sans la présence du guide. Nous choisissons de « badalusser » du côté de l’hôtel, le long de la Le Loï, bordée de maisons coloniales françaises. Les deux fondations d’art contemporain signalées par Le Routard, Le Ba Dang art foundation et la fondation d’art contemporain Biem Phung Thi (1Phan Boi Chan) ont leurs portes closes pour cause de repos dominical. Par contre nous entrons librement dans le collège Quoc Hoc, l’une des premières écoles française du pays édifiée en 1896 et qui accueillit en son temps Ho Chi Minh et Giap. Dans un parc ombragé, vers le fond, s’élèvent des bâtiments rouge sombre, certains réservés aux salles de classe, d’autres aux dortoirs, cantine, sanitaires, au sport. Il y a même une piscine. Des équipements sportifs extérieurs manquent d’entretien. Bâtiment scolaire troisième république qui donne l’impression d’un lycée Champollion avec plus de végétation. Quelques jeunes visitent l’endroit et s’y photographient dans « la cour d’honneur » pas loin de la statue d’Ho Chi Minh. La ville de Hué est paisible sous ses arbres, provinciale; c’est dimanche dans l’ancienne colonie. Sur les grandes et larges avenues, la circulation est tranquille, pas de horde de scooters au coude à coude. De plus les feux de signalisations semblent beaucoup mieux respectés qu’à Hanoï.
Jeanne nous récupère à 13h 30 et nous partons en voiture climatisée à la conquête de la citadelle. Nous entrons par la porte du Sud et bien que bâtie à partir de la cité interdite de Pékin, c’est tout à fait particulier. L’ensemble date du début du XIX° siècle et servit jusqu’à 1945 quand Bao Daï abdiqua. Nous passons donc une première enceinte en voiture et nous stoppons devant « le cavalier du roi » sorte de fortification à la Vauban où flotte le drapeau Vietnamien, hissé la première fois lors de la terrible offensive du Têt en 1968. Nous franchissons à pied la deuxième enceinte, par la porte du midi et pénétrons dans la cité impériale : un grand portique allie bronze et émail. Il donne accès à deux grands bassins symétriques, pullulant de carpes rouges avides de nourriture, bien qu’alimentées régulièrement. Nous voyons le palais du trône, le pavillon de lecture, le théâtre royal, le palais de la reine mère, le temple du culte des empereurs N’Guyen, la cité interdite bien endommagée, le bassin royal, les galeries couvertes qui font penser aux cloitres de chez nous. L’UNESCO finance cet ensemble classé au patrimoine mondial qui a subi beaucoup de dégâts pendant les guerres. Il règne encore une impression d’abandon, d’herbes folles, de ruines et de mystères pleins de charmes. Murs et portiques, dragons et décorations sont agrémentés d’incrustations en tessons de porcelaine, qui scintillent au soleil. Le rouge fané des bâtiments, le jaune impérial des tuiles convexes et concaves (Ying et Yang) ou le vert des toits qui abritaient les mandarins, le bois sombre et brillant des galeries, les décorations colorées des portes, les grandes urnes en bronze, la verdure et la végétation ; tout est photogénique. On pense parfois au Facteur Cheval (cf. Le Routard). Lorsque nous sortons après une visite en pleine chaleur mais dans le calme, nous croisons des groupes nombreux qui s’élancent pour la visite. Quel bonheur de se jeter goulument sur l’eau fraîche sortie de la glacière par notre chauffeur ! Il nous dépose à 4 km à la pagode de la dame céleste.Après quelques marches, nous passons devant une tour à sept étages qui symbolisent les sept réincarnations du Bouddha Il y a des statues de cette dame avec un enfant ressemblant à une vierge à l’enfant. C’est alors que nous proviennent les échos de début de la prière des moines, nous nous précipitons, enregistreur au poing. Les moinillons, souvent des orphelins, rasés mais conservant une longue mèche de cheveux, ont du mal à chanter grave et juste, mais n’hésitent pas à donner de la voix même l’on peut avoir l’impression qu’ils « font les andouilles ». Nous admirons le joli jardin de bonzaïs derrière le temple, le stupa, la petite forêt de filaos. Au-delà de l’enceinte nous pouvons apercevoir un immense cimetière.
Nous rentrons en bateau orné de dragons à la proue. Remontant la rivière des parfums, nous passons sous le pont Clémenceau de style Eiffel. Des baigneurs nagent avec des bouées et les enfants s’amusent avec un pneu près de la berge. C’est agréable avec la lumière déclinante de la fin d’après midi, malgré les tentatives vaines de la dame du bateau de nous vendre des souvenirs et de nous mettre en avant sa petite fille à photographier.
Nous rentrons tout doucement à l’hôtel. La dernière sortie à 6h45 nous mène à un restau du Routard, tout à côté de l’hôtel (31 Chu Van Ann) le Ong Tao. Il est un peu difficile à trouver car en étage, De grandes tablées bruyantes mangent sous des néons, au milieu de ventilateurs monstrueux et actifs. Nous trouvons une table libre dans une pièce séparée par des portes coulissantes vitrées derrière lesquelles un groupe d’hommes d’un âge (70, 80 ans) accompagnés de 3 ou 4 femmes, trinquent à la bière ou à l’alcool où trempe un serpent. Nous faisons confiance au jeune serveur et mangeons comme des rois, des nems aux légumes, à la viande, du bœuf roulotté dans des feuilles, des nouilles aux légumes, et du riz, du thé avec œuf et crevettes, arrosé de la bière de Hué : total : 168 000 D (moins de 8€) Nos compagnons s’égaient de plus en plus. Un couple mixte Vietnamien/Française engage la conversation. Après cette révision de l’Asie en ses pagodes et palais, nous prenons plaisir à la douche et à la climatisation.
Notre contact Djanne (Jeanne ou Jane s’écrit en fait Trang et se prononce Djeanne)se signale avec son panonceau où sont écrits nos noms. Elle nous présente déjà la ville dans un français plus difficile que celui de Manh : Hué est la capitale culturelle du pays. Elle nous amène à l’ « Orchid Hôtel » Chu Van Ann Street. Chambre grand luxe avec ordinateur, mini chaine stéréo, TV écran plat, belle décoration et salle de bains toute neuve, petite attention délicate : des pétales de rose égaient des draps blancs immaculés.
Vite au lit pour poursuivre notre sommeil interrompu jusqu’à 8h30 du matin. Nous déjeunons sur place dans une petite salle : œuf, charcuterie, fruits, yaourts, nems avant d’affronter le soleil et découvrir la ville sans la présence du guide. Nous choisissons de « badalusser » du côté de l’hôtel, le long de la Le Loï, bordée de maisons coloniales françaises. Les deux fondations d’art contemporain signalées par Le Routard, Le Ba Dang art foundation et la fondation d’art contemporain Biem Phung Thi (1Phan Boi Chan) ont leurs portes closes pour cause de repos dominical. Par contre nous entrons librement dans le collège Quoc Hoc, l’une des premières écoles française du pays édifiée en 1896 et qui accueillit en son temps Ho Chi Minh et Giap. Dans un parc ombragé, vers le fond, s’élèvent des bâtiments rouge sombre, certains réservés aux salles de classe, d’autres aux dortoirs, cantine, sanitaires, au sport. Il y a même une piscine. Des équipements sportifs extérieurs manquent d’entretien. Bâtiment scolaire troisième république qui donne l’impression d’un lycée Champollion avec plus de végétation. Quelques jeunes visitent l’endroit et s’y photographient dans « la cour d’honneur » pas loin de la statue d’Ho Chi Minh. La ville de Hué est paisible sous ses arbres, provinciale; c’est dimanche dans l’ancienne colonie. Sur les grandes et larges avenues, la circulation est tranquille, pas de horde de scooters au coude à coude. De plus les feux de signalisations semblent beaucoup mieux respectés qu’à Hanoï.
Jeanne nous récupère à 13h 30 et nous partons en voiture climatisée à la conquête de la citadelle. Nous entrons par la porte du Sud et bien que bâtie à partir de la cité interdite de Pékin, c’est tout à fait particulier. L’ensemble date du début du XIX° siècle et servit jusqu’à 1945 quand Bao Daï abdiqua. Nous passons donc une première enceinte en voiture et nous stoppons devant « le cavalier du roi » sorte de fortification à la Vauban où flotte le drapeau Vietnamien, hissé la première fois lors de la terrible offensive du Têt en 1968. Nous franchissons à pied la deuxième enceinte, par la porte du midi et pénétrons dans la cité impériale : un grand portique allie bronze et émail. Il donne accès à deux grands bassins symétriques, pullulant de carpes rouges avides de nourriture, bien qu’alimentées régulièrement. Nous voyons le palais du trône, le pavillon de lecture, le théâtre royal, le palais de la reine mère, le temple du culte des empereurs N’Guyen, la cité interdite bien endommagée, le bassin royal, les galeries couvertes qui font penser aux cloitres de chez nous. L’UNESCO finance cet ensemble classé au patrimoine mondial qui a subi beaucoup de dégâts pendant les guerres. Il règne encore une impression d’abandon, d’herbes folles, de ruines et de mystères pleins de charmes. Murs et portiques, dragons et décorations sont agrémentés d’incrustations en tessons de porcelaine, qui scintillent au soleil. Le rouge fané des bâtiments, le jaune impérial des tuiles convexes et concaves (Ying et Yang) ou le vert des toits qui abritaient les mandarins, le bois sombre et brillant des galeries, les décorations colorées des portes, les grandes urnes en bronze, la verdure et la végétation ; tout est photogénique. On pense parfois au Facteur Cheval (cf. Le Routard). Lorsque nous sortons après une visite en pleine chaleur mais dans le calme, nous croisons des groupes nombreux qui s’élancent pour la visite. Quel bonheur de se jeter goulument sur l’eau fraîche sortie de la glacière par notre chauffeur ! Il nous dépose à 4 km à la pagode de la dame céleste.Après quelques marches, nous passons devant une tour à sept étages qui symbolisent les sept réincarnations du Bouddha Il y a des statues de cette dame avec un enfant ressemblant à une vierge à l’enfant. C’est alors que nous proviennent les échos de début de la prière des moines, nous nous précipitons, enregistreur au poing. Les moinillons, souvent des orphelins, rasés mais conservant une longue mèche de cheveux, ont du mal à chanter grave et juste, mais n’hésitent pas à donner de la voix même l’on peut avoir l’impression qu’ils « font les andouilles ». Nous admirons le joli jardin de bonzaïs derrière le temple, le stupa, la petite forêt de filaos. Au-delà de l’enceinte nous pouvons apercevoir un immense cimetière.
Nous rentrons en bateau orné de dragons à la proue. Remontant la rivière des parfums, nous passons sous le pont Clémenceau de style Eiffel. Des baigneurs nagent avec des bouées et les enfants s’amusent avec un pneu près de la berge. C’est agréable avec la lumière déclinante de la fin d’après midi, malgré les tentatives vaines de la dame du bateau de nous vendre des souvenirs et de nous mettre en avant sa petite fille à photographier.
Nous rentrons tout doucement à l’hôtel. La dernière sortie à 6h45 nous mène à un restau du Routard, tout à côté de l’hôtel (31 Chu Van Ann) le Ong Tao. Il est un peu difficile à trouver car en étage, De grandes tablées bruyantes mangent sous des néons, au milieu de ventilateurs monstrueux et actifs. Nous trouvons une table libre dans une pièce séparée par des portes coulissantes vitrées derrière lesquelles un groupe d’hommes d’un âge (70, 80 ans) accompagnés de 3 ou 4 femmes, trinquent à la bière ou à l’alcool où trempe un serpent. Nous faisons confiance au jeune serveur et mangeons comme des rois, des nems aux légumes, à la viande, du bœuf roulotté dans des feuilles, des nouilles aux légumes, et du riz, du thé avec œuf et crevettes, arrosé de la bière de Hué : total : 168 000 D (moins de 8€) Nos compagnons s’égaient de plus en plus. Un couple mixte Vietnamien/Française engage la conversation. Après cette révision de l’Asie en ses pagodes et palais, nous prenons plaisir à la douche et à la climatisation.
mardi 1 décembre 2009
Chambres noires
Les miroirs sont des maraudeurs. Des canailles. D’ignobles menteurs. Ils ne créent ni ne retiennent. Je te prends et je te jette. Amnésiques. Alors on a inventé les appareils photo. Au début ils magouillaient avec la lumière dans leurs chambres noires, leur camera à soufflet.
L’attente du cliché développé créait le suspens. Ah ! Fais voir les photos ! Ah, Oh ! Ce que ! Et là ? Lui ? Elle ? Ah ! Quand même ! Après. Encore. Mouais… A table !
Alors est venu le génie qui dit zéro et compte jusqu’à un. De géniaux débiles ont inventé les « numériques ». Nous voici revenus aux miroirs, ces indépassables virtuoses de l’instantané. Et toutes ces machines, ces clés USB, ces imprimantes, ces scanners. Le temple du Moi multiplie ses saints.
Pourtant, nous ne sommes pas quittes en dépit de la manipulation effrénée de nos idoles sur papier glacé. Ils demeurent, ces réduits confinés que nous baladons toute notre vie. Fardeaux si légers que beaucoup leur dénient toute existence… Jusqu’au jour, jusqu’à l’heure de la stupeur. Alors vole en éclats, notre petite boîte noire, l’autre côté du miroir. Notre vie nous éblouit d’une lumière si insoutenable qu’elle nous fait mourir. Nous périssons de nous voir sans l’aide des miroirs. Peut-être qu’alors, certains découvrent un dieu fait à leur image, suprême création de leur intarissable besoin de consolation. La vie nous rattrape et nous fige dans la mort avant d’aller se reproduire plus loin. Reste l’insensible plaque des pierres tombales.
Qu’as-tu fait de ta vie ? De profundis. La vie t’a eu et… bien profond !
Il nous arrive, alors que nous poursuivons nos chemins aléatoires dans le magnifique terrain miné qu’est notre vie, de mettre le pied à quelques millimètres d’un engin explosif. Nous nous arrêtons au bord de l’anéantissement, pétrifiés par le regard de la Méduse. Nous ne dansons plus alors, insouciants que nous étions, dans les près et les bois. Nous mesurons nos pas, nous regardons nos montres, nous supputons les dénivelés, nous faisons le point, adossés à de vieux arbres. Nous avons vieilli… Féconde constatation ! Combien de kilomètres parcourus ! Nous soupirons. A quelle distance sommes-nous du but ? Nous sommes si fatigués ! Alors l’arbre nous fait la leçon. Nous nous asseyons sous ses frondaisons, pour l’écouter : « Il n’y a pas de but, sinon celui de croître, de faire souche et puis de disparaître. Contents. » Les arbres, même auprès des lacs et des rivières ne se mirent point, s’admirent encore moins. Ils sont trop occupés à édifier les colonnes du ciel. A proclamer l’extravagante pugnacité de la vie.
Clémence Psyché
L’attente du cliché développé créait le suspens. Ah ! Fais voir les photos ! Ah, Oh ! Ce que ! Et là ? Lui ? Elle ? Ah ! Quand même ! Après. Encore. Mouais… A table !
Alors est venu le génie qui dit zéro et compte jusqu’à un. De géniaux débiles ont inventé les « numériques ». Nous voici revenus aux miroirs, ces indépassables virtuoses de l’instantané. Et toutes ces machines, ces clés USB, ces imprimantes, ces scanners. Le temple du Moi multiplie ses saints.
Pourtant, nous ne sommes pas quittes en dépit de la manipulation effrénée de nos idoles sur papier glacé. Ils demeurent, ces réduits confinés que nous baladons toute notre vie. Fardeaux si légers que beaucoup leur dénient toute existence… Jusqu’au jour, jusqu’à l’heure de la stupeur. Alors vole en éclats, notre petite boîte noire, l’autre côté du miroir. Notre vie nous éblouit d’une lumière si insoutenable qu’elle nous fait mourir. Nous périssons de nous voir sans l’aide des miroirs. Peut-être qu’alors, certains découvrent un dieu fait à leur image, suprême création de leur intarissable besoin de consolation. La vie nous rattrape et nous fige dans la mort avant d’aller se reproduire plus loin. Reste l’insensible plaque des pierres tombales.
Qu’as-tu fait de ta vie ? De profundis. La vie t’a eu et… bien profond !
Il nous arrive, alors que nous poursuivons nos chemins aléatoires dans le magnifique terrain miné qu’est notre vie, de mettre le pied à quelques millimètres d’un engin explosif. Nous nous arrêtons au bord de l’anéantissement, pétrifiés par le regard de la Méduse. Nous ne dansons plus alors, insouciants que nous étions, dans les près et les bois. Nous mesurons nos pas, nous regardons nos montres, nous supputons les dénivelés, nous faisons le point, adossés à de vieux arbres. Nous avons vieilli… Féconde constatation ! Combien de kilomètres parcourus ! Nous soupirons. A quelle distance sommes-nous du but ? Nous sommes si fatigués ! Alors l’arbre nous fait la leçon. Nous nous asseyons sous ses frondaisons, pour l’écouter : « Il n’y a pas de but, sinon celui de croître, de faire souche et puis de disparaître. Contents. » Les arbres, même auprès des lacs et des rivières ne se mirent point, s’admirent encore moins. Ils sont trop occupés à édifier les colonnes du ciel. A proclamer l’extravagante pugnacité de la vie.
Clémence Psyché