dimanche 16 novembre 2008
La terre des paysans
Pourquoi ces banalités recopiées dans le livre de photos accompagnées de textes de Depardon me touchent au plus profond ?
« - Vous vous êtes mariés à quel âge ?
Marcel Chalaye : - Oh ! M’en rappelle plus !!
Germaine Chalaye : - Il s’en rappelle plus !
Marcel Chalaye : - M’en rappelle pas…
Germaine Chalaye :- Il s’en rappelle plus… »
J’en ris, et je m’arrête, ce pauvre dialogue dans un livre de plus du bourlingueur bourguignon, résonne dans ma mémoire plus que de raison. Quand je lis ces autres mots précieux, car je sais aussi leur rareté : « rien me faisait un souci ; il fallait faire les foins, bon… pourvu qu’il pleuve pas, pourvu que si, pourvu que ça, et ça ronge », je sens que mes racines paysannes ne sont pas qu’une métaphore. Ces fibres me tiennent et vibrent. J’en ai eu honte comme Depardon et je suis tranquille aujourd’hui. Les photos des paysages des collines de hauts plateaux rendent tangibles la rudesse des conditions, cinq hommes s’abritent de la neige dans une bétaillère ; ces portraits toujours beaux et pas seulement graphiques, la chaleur du poêle, la folie du chien à sa chaîne, les biscuits sur la toile cirée, les solitudes et des solidités de rocs. Et comme dans son film « la vie moderne » le chant désespéré, sublime, de la fin d’un monde. Une vie se résume : « j’ai fait un peu de tout et un peu beaucoup de choses ».
le film de Depardon sent l'urne funéraire. Je lui en veux, même s'il montre une réalité cruelle. Je lui en veux de ne pas avoir fait plus tournoyer sa caméra autour de ces fermes, sur ces paysages vigoureux et sur ces têtes à l'expression forte comme des pieds de vigne. Y serait entré alors un peu plus de vie, un peu plus d'espoir.
RépondreSupprimerImages trop figées, plans trop serrés,fond minimaliste.
Pourquoi ne pas provoquer l'à-venir de nos campagnes, donner envie, semer des graines de futur? S'il aime tant ce monde paysan, comme moi, aussi, alors il se devait de faire entrer un rayon de soleil pour amoindrir la froideur de la mort qui plane tout le long du film.
Pas de pays sans paysans!!!
Empathie pour votre billet.
RépondreSupprimerOui, ces simples sont profonds et disent plus, à si mal dire, que des vacuités compliquées.
Reste à savoir pourtant dans quelle mesure nous ne surinvestissons pas (voire: sur-réinvestissons pas)tout ce que nous savons dans ce qu'ils ne savent pas, et faisons de la poésie avec leurs difficultés inexprimées...
Je ne sais pas ....
Voir le commentaire ajouté sur La Vie Moderne du même réalisateur.
RépondreSupprimerEn accord avec Eric, je trouve trop fataliste cette derniere partie sur les derniers paysans des zones de montagnes.
La qualité de ces femmes et hommes est leur clairvoyance, leur courage est d'affronter la fin avec leurs peurs mais intérieurisées.
Tout ceci leur donne une force que nous avons perdue, elle est visible sur leurs visages et dans leur yeux malicieux malgrè l'age.
Raymond leur a donné un lieu d'expression, ils l'ont bien utilisé.
Pas si fous, BRAVO à eux !
Je tombe sur ce billet et les commentaires 15 ans après, juste au moment de commencer un roman écossais sur la vie de paysans qui voient leur monde chamboulé et détruit au moment de la deuxième guerre mondiale. Une vie au plus près de la terre, faite d'un enracinement parfois douloureux, mais où on n'a pas le luxe de faire l'abstraction d'où vient la nourriture. Le travail de la terre conduit à l'enracinement, de toute façon, me semble-t-il, et un sentiment d'interdépendance vitale, quand ce travail est fait par des hommes et des femmes en chair et en os. Peut-être que c'est pour cela que les citadins que nous sommes tous devenus maintenant haïssent tant la condition du paysan...
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