lundi 6 octobre 2008
Forum de Libé : Vivement l’année prochaine
Je viens de terminer la mise en blog de dix comptes-rendus des débats du forum Libération. Privilège de la retraite : trois jours pleins à écouter de belles machines intellectuelles qui ont du temps pour développer leurs pensées. Si ça pouvait être contagieux ! Même si l’excitation d’être à proximité de l’endroit où se fabrique l’information (studios de France Culture, Inter, Isère) a réveillé le badaud qui ne sommeillait pas en moi, à qui l’on souffle : « t’as vu, y a Jack Lang qui se fait prendre en photo». Ce n’est plus la ronde des petites phrases, mais des cohérences qui se frottent, et ce n’est pas rien quand Edgar Morin, plus en forme que l’an dernier, déploie ses grands bras : de la pensée, du temps, de la politique incarnés. Des occasions de voir se rencontrer ceux qui ne sont pas d’accord : la démocratie, c’est le débat. Cette année, l’actualité venait accélérer l’urgence d’une pensée qui dépasse le paradoxe d’une société de plus en plus balkanisée, émiettée, enfermée par les marqueurs religieux, ethniques, en guise de résistance à l’homogénéisation. Le message D’Edgar Morin pour clore ces journées tiendrait sur une assiette décorative à poser au dessus de nos cheminées :
« ajouter de la vie à nos jours, plutôt que des jours à notre vie ». Son exposé avait les mots de l’optimisme, mais je n’ai pu me défaire d’un sentiment de mélancolie dans ses voeux destinés à la gauche qui devrait plus énoncer que dénoncer ; quand je pense que Nombril 1er avait saisi le terme de Morin, « une politique de civilisation », le temps d’un discours. Non ce n’était pas devant le MEDEF ; je ne me souviens plus. Des apprentis qui viennent de siffler son nom, sont oublieux aussi.
Pour conclure avec un peu d’amplitude et faire mine de convaincre des amis dévoreurs de livres que ces journées ne sont pas si vaines : dans ses échanges avec Houellebecq, Bernard Henry Lévy va chercher Haïm de Volozine qui a écrit « l'Ame de la vie » qui dit en substance : « à quoi servent, non pas exactement les livres, mais le Livre ? à quoi bon ces siècles passés, dans les maisons d’études, à pinailler sur des points d interprétation de la Loi dont nul n'aura le dernier mot ? à empêcher que le monde ne s’écroule ; à éviter qu'il ne tombe en ruine et en poussière ; car Dieu a créé le monde , mais aussitôt, il s'en est retiré , il l'a abandonné à lui-même et à ses forces d'autodestruction ; en sorte que seule l'Etude, seules ses lettres de feu projetées en colonnes vers le ciel peuvent l'empêcher de se dé créer et faire qu'il reste debout - les Commentaires, en d'autres termes, ne sont pas les reflets mais les piliers d'un monde qui, sans cela, retournerait au néant ; les livres sont, non le miroir, mais les poutres de l’ univers ; et c est pourquoi il est si important que subsistent des écrivains. »
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