samedi 22 octobre 2022

Les deux rives. Roger Grenier.

Les portraits saisis dans le milieu littéraire par un membre du comité de lecture de chez Gallimard, sont colorés. 
L’écrivain cite les attendus de l’exclusion de Marguerite Duras du PC : 
« Elle fréquente les boîtes de nuit du quartier Saint-Germain-des- Prés où règne la corruption intellectuelle et morale, et que condamne à juste titre la population laborieuse et les intellectuels honnêtes de l’arrondissement. » 
Il fallait du courage, quand un otage déporté, « à un SS qui lui tapait dessus il avait déclaré : « comme je vous plains d’être obligé de frapper un vieillard. » 
Les célébrités de 1961 sont familières aux promis de l’EHPAD : 
«  Une semaine après avoir assuré le reportage de l’enterrement de Céline, j’étais à Pampelune en train d’enregistrer pour la radio une messe que le matador Antonio Ordóñez faisait célébrer, dans la chapelle Saint Firmin de l’église San Lorenzo, à la mémoire de son célèbre aficionado[Hemingway venait de se suicider]. Orson Welles était là ainsi que quelques vedettes du cinéma et de la littérature qui semblaient s’être donné le mot pour se retrouver à la féria de Pampelune, en souvenir d’Ernesto.»
 A quoi tient la notoriété ? Un des fils du journaliste de Combat invité à lire Malraux réplique : 
« Tu ne te figures pas que je vais lire les livres d’un ministre. » 
Le recueil des bons mots s’épaissit quand il cite Prévert : 
«  Même assis, je ne tiens plus debout. » 
ou un autre confrère après l’enterrement d’Antoine Blondin : 
« Même l’église était bourrée. » 
Ces 140 pages agréables se lisent tellement facilement que leur trace risque d’être peu profonde, les anecdotes plaisantes ayant pris le pas sur toute mise en perspective de la littérature. 
« Il n'y a plus d'après       
À Saint-Germain-des-Prés
Plus d'après-demain
Plus d'après-midi
Il n'y a qu'aujourd'hui
Quand je te reverrai
À Saint-Germain-des-Prés
Ce n'sera plus toi
Ce n'sera plus moi
Il n'y a plus d'autrefois »

vendredi 21 octobre 2022

Le Postillon. Automne 2022. N° 66.

Les rédacteurs anonymes qui aiment tant le temps jadis où il n’y avait pas de campus à Saint Martin d’Hères et essentiellement des vignes à Crolles devraient s’inspirer de la presse à l’ancienne aux collages moins grossiers que la couverture qu’ils proposent pour une nouvelle saison à 4 €. 
Pourtant le contenu est intéressant, quoiqu’énervant souvent. 
Le Postillon est à l’origine du déglingage de Ferrari après l’usage privé de sa voiture de fonction et constitue le vecteur d’un règlement de compte politique avec le vice président de la Métro qu’il devança : Yves Mongaburu, qu’ils n’ont  d'ailleurs pas toujours épargné. 
Un témoignage d’un mathématicien chercheur en intelligence artificielle repenti me parait bien plus convaincant dans leur créneau technophobe radical que leur campagne en faveur des cabines téléphoniques et leur acharnement sans nuance contre ST Micro électronique.
Dans ce Grésivaudan à la pointe de la modernité «  le règlement de comte » à Villard-Bonnot entre un châtelain et une famille d’agriculteurs revient aux catégories censées être abolies depuis deux siècles avec des serfs qui ne bichent guère.
Nostalgie dans la tour Chavant, celle de la poste, dont les services financiers ont disparu depuis l’informatisation et vont être remplacés par de salles d’escalade, de coworking sous roof top.
Les deux papys réparateurs de baby-foot et de flippers sont moins nostalgiques que leur intervieweur : 
« - Et vous vous jouez ?
- Oh nous tu sais, on n’a jamais été tellement joueurs, ce qui nous intéresse c’est la mécanique. »
La séquence historique habituelle nous éclaire quand on suit le procès en 1760 d’un hermaphrodite, on dit « intersexe » aujourd’hui, à travers les récits de son avocat.
J’imaginais les centres de données (Data center) implantés au bord des banquises, eh bien il y en a chez nous dans le quartier de la Mutualité que je savais chaud pour d’autres raisons, ou rue Diderot, rue général Mangin, à Seyssinet, à Echirolles ou à Eybens.
Les enquêteurs décroissants ne sont pas allés dans les égouts mais ont interrogé un égoutier : éclairant.
Il aurait été étonnant qu’ils trouvent des qualités aux livres que viennent d’écrire Olivier Véran et François Brottes, mais leur ironie est justifiée concernant l’ « adjoint à la fraicheur » n’arrivant pas à excuser le nombre très important de fontaines à sec à Grenoble cet été.  

jeudi 20 octobre 2022

John William Waterhouse. Gilbert Croué.

Le conférencier présente devant les amis du musée « le dernier préraphaélite» 
sous le tableau représentant des « Anémones »
où la belle femme rappelle Vénus au milieu d’un manteau de fleurs 
dans « Le printemps » de Botticelli.
« Sainte Cécile »
revient elle aussi aux sources de la Renaissance qui magnifia la beauté des êtres et de la nature.
John William Waterhouse né en 1849 à Rome où la colonie anglaise était importante se fera appeler Nino (Giovanni) jusqu’à sa mort en 1917. De retour à Londres, son père peintre le formera, avant qu’il ne soit reçu à la Royal Academy of Arts comme sculpteur. Il reviendra souvent en Italie, familier de ses arts et de sa littérature.
« Disparu mais pas oublié » de facture classique évoque le deuil antique et ses drames personnels :
il a perdu ses frères et sa mère.
« Le sommeil et son demi-frère la mort »
Hypnos et Thanatos.
Lawrence Alma-Tadema l’a influencé.
Pour « 
La fête de la vendange », la maison patricienne dans son décor de Pompéi, 
alors très à la mode, porte inscrit sur le sol le nom du propriétaire.
Gérôme
l’a enchanté: « Phryné devant l'aréopage » sera graciée.
Nino affirme son goût pour le néo antique : son tableau « Diogène » est lumineux.
Le philosophe répondit « Ote toi de mon soleil » à Alexandre Le Grand 
qui lui proposait « Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai ».
Orante sublimée dans son cercueil de verdure « Ophélie » de Millais 
déçue par Hamlet s’unit à l’eau.
Celles de Waterhouse aux regards perdus sont au bord du drame.
Il traduit avec minutie la pureté de la jeune fille, en héritier de la confrérie des préraphaélites aux « floraisons lumineuses ». Dans la puissante Angleterre de l’époque victorienne, leur peinture élégante et poétique veut lutter contre le manque d’idéal de l’ère industrielle, l’enlaidissement des campagnes sillonnées par le train,en valorisant des mythes et  la nature, création de Dieu.
Dans l' « Annonciation » de Dante Gabriel Rossetti
la vierge trop effarouchée choqua les spectateurs.
Par contre
« La Lumière du monde », Jésus frappant aux portes  
par William Holman Hunt repris en gravure, connut un grand succès.
Avec « La dame d’Escalot » Waterhouse s’est approprié une légende arthurienne. 
Recluse dans sa tour ne pouvant admirer la nature que par l’intermédiaire d’un miroir, elle est condamnée à dériver depuis qu’elle s’est précipitée à sa fenêtre lorsqu’elle a vu Lancelot.
Les femmes sont fatales : sous les pieds de « Circée tendant la coupe à Ulysse » 
un de ses compagnons a été transformé en pourceau après avoir bu la potion magique.
Le philtre d'amour que partagent « Tristan et Iseut » les conduira au malheur.
Tout aussi maléfique, « La belle dame sans merci » dans sa robe violette, 
couleur favorite du peintre, entoure de ses cheveux, un chevalier errant.
Inspirée aussi par un poème «  Lady Clare » symbolise l’amour compromis par le devoir.
Quelques études de femmes ont été épargnées des flammes allumées 
par son épouse après sa mort.
« Les danaïdes »
, les cinquante filles du roi Danaos ont tué leurs cinquante époux promis, elles sont condamnées à remplir un tonneau percé, à perpétuité.
« Borée »
, vent du Nord à l’origine du mot bourrasque enleva Orithye.
Il est plus discret que dans la version de Rubens.
« Miranda »
assiste à la tempête shakespearienne déchainée par Prospéro contre son frère. Nous sommes en 1916 au moment où une autre guerre fratricide va coûter la vie à 760 000 anglais.
Réfugiés dans un jardin pour vivre d’amour, de musique et de poésie, le confinement est idyllique dans son dernier tableau, d’un « académisme enchanteur », « Le Décaméron » (1917): 
« Ici commence le livre appelé Décaméron, dans lequel sont rassemblées cent nouvelles racontées en dix jours, par sept femmes et trois jouvençaux ». Boccace

mercredi 19 octobre 2022

L’île d’Olonne.

En se rapprochant de l’île d’Olonne
nous apercevons puis suivons un panneau indiquant l’observatoire des oiseaux.
Un chemin de terre mène à un petit parking perdu au milieu de nulle part et ensuite,  un sentier piéton conduit à une cabane style mirador dominant le paysage.
Un magnifique panorama s’étend sur les plans d’eau séparés par une végétation de milieux humides, squattés par les oiseaux dans une nature préservée de la présence humaine : 
de nombreuses espèces cohabitent en harmonie apparente, hérons, barges et autres que nous ne savons nommer.
Au loin se dessine la silhouette estompée du village.
Une grande sérénité se dégage de ce décor intemporel. Pendant notre contemplation débarquent deux femmes en vélo équipées de matériel quasi professionnel d’observation.
Elles viennent fréquemment scruter les oiseaux qu’elles connaissent bien.
Ces passionnées du coin nous renseignent sur les différents volatiles présents, leurs habitudes, leurs noms, et mettent à notre disposition leurs puissantes jumelles.
Elles auraient pu nous parler des heures d’ornithologie, mais nous souhaitons visiter les marais salants qu’elles ne manquent pas de nous recommander. Nous atteignons vite l’île d’Olonne peu distante en voiture. Le village arbore un aspect propret et prospère jusqu’à l’église bénéficiant  d’une toilette de sa façade actuellement cachée derrière les échafaudages. 
Le dynamisme de la localité s’exprime aussi à travers un festival de la photo, visible tant dans le centre-ville que le long du chemin menant du parking aux marais.
En effet, des reproductions sur panneaux révèlent le talent de photographes professionnels.
Certains spécialisés dans la capture d’images d’animaux ont saisi des moments fugitifs  incroyables, d’une grande qualité de précision et définition;
d’autres proposent des clichés de paysages extraordinaires avec des pierres colorées par des sels et des métaux ou avec des brumes fantastiques particulièrement adaptées dans ces marais.
Les cabanes des sauniers s’aperçoivent au bout du chemin. 
Elles s’élèvent au milieu des aires ou œillets.
Sur place, des paludiers s’occupent pour l’instant  de la vente de leurs produits : sel de différentes sortes et salicornes, et fournissent des informations au public intéressé.
Ils nous  apprennent
- que des algues rouges protégent le sel du soleil
- que la pluie leur impose à chaque fois de vider les bassins d’une eau devenue saumâtre, qu’elle les contraint à reconstruire régulièrement  les petites digues.
Tout le matériel d’exploitation attend à portée de main, râteaux seaux brouettes …., 
prêts à l’emploi.
Si nous poursuivions le sentier des sauniers, piéton et cyclable, nous pourrions arriver à la plage de Sauveterre.
Mais il est temps de se rendre à la fête des 30 ans de notre nièce,  
alors nous rebroussons chemin.