lundi 17 janvier 2022

Nos plus belles années. Gabriele Muccino.

Je voulais revoir comment, dans le genre « Mes chers amis » ou « Nos meilleures années » quitte à confondre les titres, le cinéma italien pouvait traiter du temps qui passe depuis « Nous nous sommes tant aimés »
Le film rétrospectif de 80 à 20 n’actualise pas vraiment le portrait dressé par la Scuola Scola mais l’amitié n’a pas d’âge et mon indulgence est constante quand il s’agit de l’Italie. 
Je me régale de tous les stéréotypes, de toutes les répétitions : la belle fille qui va de l’un à l’autre, le prof, l’avocat, le chômeur, le calcio, la mama, Berlusconi, les restaurants et la maison ocre sous les pins, la fontaine de Trévi ! Qu’est ce qui fait ce charme ? L’optimisme sans illusion, l’Opéra, la musique, les feux d’artifice, ne pas se prendre au sérieux, Rome et Naples, les enfants, les voitures, la beauté, la littérature et la légèreté, la débrouillardise, les acteurs… ça chante, ça boit , ça crie, ça rit, ça vit, ça pardonne. 
Voilà je suis contaminé par les bavards qui ne prennent pas la pose et parlent avec les mains et nous reposent des pontifiants de chez nous avec coach pour maitriser leur langage corporel : un bon moment pépère.

dimanche 16 janvier 2022

Chansons 2021.

Rappel des choix de la ronde année dernière : 
Et pour la vingt et unième de ce siècle quelques éternelles :
« Le marin » : rien qu’une chanson mais de Souchon. 
 Aragon : « Tu n’en reviendras pas » avec Ferré.
« Les cons », mot de l’année, par Brassens. 
Un, quand même de cette année : Bénabar.

samedi 15 janvier 2022

Anéantir. Michel Houellebecq.

Une petite semaine pour lire les 720 pages d’un livre dont l’aspect cartonné comme un classique le distingue des autres, d’autant plus que la densité d’une écriture claire et parfaitement documentée, la diversité des thèmes nous emmènent au-delà des productions ordinaires.
Nous suivons «un chemin plein d’ombres» traversant l’époque sans être étourdis de trop de péripéties et pouvons regarder en face les interrogations de toujours.
« On jette enfin la terre sur la tête, et en voilà pour jamais » Pascal 
En attendant, se déroule une sacrée « comédie », morne et prenante. 
«  La vie change alors de nature, et se met à ressembler à une course de haies : des examens médicaux de plus en plus fréquents et variés scrutent l’état de vos organes. Ils concluent que la situation est normale, ou du moins acceptable, jusqu’à ce que l’un d’entre eux rende un verdict différent. »
Le roman se situe en 2027. L’anticipation n’est que de cinq ans, de quoi rendre plus criants les problèmes des réfugiés, des attentats et des piratages informatiques. Elle nous dispense de l’apocalypse annoncée.
Sur fond économique apaisé, les solitudes s’arrangent entre elles. 
« L’Europe dans sa totalité était devenue une province lointaine, vieillissante, dépressive et légèrement ridicule des Etats-Unis d’Amérique »
Enigme diplomatique et coulisses du pouvoir, rêves, beauté de la campagne française, EHPAD, l’ennui est parsemé de rares coup d’élastique potaches à des baudruches branchées. Les questions fondamentales en prennent de l’évidence : 
« tout ce que nous avons réussi à accomplir, nos réalisations, nos œuvres, rien de tout cela n’a plus le moindre prix aux yeux du monde » 
« Manuel de réassurance pour vieux mâles blancs » pour Médiapart, étant de ceux là, je m’y retrouve. J’ai bien aimé la progression désinvolte jusqu’à la fin poignante, d’autant plus qu’elle n’est pas surjouée et que la littérature apparait une fois de plus comme le meilleur des remèdes au désespoir.

vendredi 14 janvier 2022

Money time.

Les jours de l’an passent et disparaissent derrière nos haleines bavardes.
Si nous arrivions à éloigner tous les sujets à propos desquels nous sommes incompétents ou impuissants, il resterait peut être plus d’espace pour profiter de nos conforts occidentaux. Pourtant ce serait s’exposer à l’étiquette «  chacun pour sa gueule » qui colle à chaque article du vendredi sur ce blog, que de ne rien dire sur ce qui nous passe devant le nez. 
En abordant le thème de l'argent, je n'ai pas le sentiment de m'exprimer comme un hobereau  pété de thunes ne comprenant point ses manants las d'être bénévoles, mais comme un radoteur d'un autre siècle quand le savetier de La Fontaine chantait plus volontiers que le financier.
Le pouvoir d'achat reprend du poil de la bête quand les décroissants déclinent, pourtant nos façons de parler : « je la calcule grave» auraient pu avertir que le PIB n'est peut être pas une fin en soi bien que ça compte, quand on a faim. J'ai croisé récemment un dératiseur dont la fierté de faire ce que les autres ne veulent pas faire, était revigorante.
La part de chacun à apporter dans la société, en particulier en situation de crise, ne se monnaye pas forcément, quitte à insister sur cette contradiction des pourfendeurs de la  marchandisation du monde. Les céréaliers de la Beauce mettaient les petits paysans en tête de leurs cortèges revendicatifs pour défendre leurs privilèges de gros, les personnels à statut ont amélioré leurs situations en évoquant les précaires qui finiront par assumer les tâches les plus périlleuses. Nous n’échappons pas à ce que nous dénonçons. Les jeux d’argent ne concernent pas que les gratteurs de tickets de Loto et le mot « pouvoir » n’est pas réservé au locataire de l’Elysée.
Ces « nous » sont difficiles à dénouer, entre ceux qui ne veulent rien savoir du passé et les blessés de l’enfance qui ne cessent de ressasser les traumatismes anciens. Cela vaut pour les décoloniaux en général ou quelque septuagénaire en particulier coincé sur l’obligation qu’ils avaient de finir leur soupe lorsqu’ils étaient enfants.
Depuis nos places de village désormais vides, nous avions des raisons de mesurer la perte de l’influence du christianisme, nous avions tellement méprisé les religions où les plus intégristes ont pris la main (de fatma), qu’aujourd’hui nous en exagérons peut être le poids. Les soldats derrière leurs lunettes à vision nocturne perdus dans le désert n’ont pas mieux vu. Le sujet enfoui prend une importance démesurée, mais il est là, et bien fol qui se défile. Mais quand Gims occupe toute la place, j’en suis à regretter d’autres maîtres d’antan.
Je viens d’envoyer à ma commentatrice unique, à propos d’un autre article, cette phrase de Bossuet qui me semblait propre à contredire son sentiment de perte de liberté alors que la vaccination lui permettrait de faire tout ce qu’elle veut. 
« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » 
avait été prononcé à propos des protestants regrettant la violence. Nous en sommes encore là ; chacun reprochant aux autres d’être violents et poussant des cris d’orfraie au moindre mot de travers alors que les évènements en Guadeloupe les laissent cois.
Les chroniqueurs qui reprochent par exemple à Houellebecq de banaliser l’extrême droite font bien mieux dans ce sens là en collant l’étiquette infamante sur tout ce qui les contrarie ! En les multipliant, elles se décolorent et le pauvre collé, bon citoyen, qui s’est vu assigné métaphoriquement à la surveillance du camp de concentration, ne peut que se dire: décidément ce qui est excessif est insignifiant. 
« La traitrise et la violence sont des lances à deux pointes ; elles blessent ceux qui y ont recours plus grièvement que leurs ennemis. » Emilie Brontë

jeudi 13 janvier 2022

L’école de Bologne, le triomphe des Carrache. Serge Legat.

Aux amis du musée de Grenoble, le matin a été consacré à  Bologne la ville rouge, https://blog-de-guy.blogspot.com/2021/12/bologne-la-rouge-benoit-dussart.html
l’après midi à son académie de peinture, à ne pas confondre avec un atelier où un maître enseigne à des apprentis. L’ « Accademia degli Incamminati » (ceux qu’on conduit sur le chemin) enseignait pratique et théorie, réalisme et imitation des maîtres et de l’antique avec l’ambition de renouveler la peinture. Elle allait sortir du « maniérisme » à l’instar du Caravage. 
« Annibale, Ludovico et Agostino Carracci ». 
Parmi les fondateurs de cette école, Ludovico, le cousin Carracci a été éclipsé par Agostino et son frère Annibale le plus célèbre.
« La Flagellation du Christ » par Ludovico, d’une grande intensité dramatique s’inscrit dans la vérité en une opposition tranchée entre le sombre et le clair. A ce moment là (1585)  sur le plan artistique, l’artificialité est rejetée, la scission entre protestants et catholiques est encore à l’œuvre. Rome la maudite, a été mise à sac par les troupes de Charles Quint puis atteinte par la peste pour un tiers de la population.
« La vierge à l’enfant »
si douce, s’inscrit dans la suite de Raphaël.
« Le martyre de sainte Marguerite »
Elle avait repoussé les avances d’un certain Olybrius, gouverneur romain et vaincu un dragon mais fidèle à sa foi elle fut décapitée, 
Agostino, l’ainé est connu surtout pour ses gravures.« Bacchus et Ariane » 
Annibale Carrache, le plus jeune meurt en 1609, un an avant Michelangelo Merisi da Caravaggio.
Son «  Autoportrait » figure dans la galerie des grands ducs de Toscane au Musée des Offices.
Réalisé en début de carrière, « Le Mangeur de haricots », s’affirme sans détour. 
Il mit en application les priorités pédagogiques du concile de Trente où le dogme est réaffirmé : culte de la vierge et des saints, dans une église fastueuse, anti chambre du paradis. Une colonne antique relie la terre et le ciel, la vierge en est à son « Assomption », les apôtres restent sur terre. L’expressivité de Pierre et Jésus  annonce le Baroque.
« Quo vadis Domine » ?
(Où vas-tu Seigneur ?) »  
« Je vais à Rome pour être de nouveau crucifié »
« La fuite en Egypte »
« renouvelle une conception du paysage issu de la renaissance classique et proprement romaine, destinée à être développée par le Dominiquin, Nicolas Poussin et Claude Lorrain ».
Il use d’
un tracé florentin aux couleurs vénitiennes dans « Le choix d’Hercule » qui se situe entre la Vertu (Minerve) et le Vice (Vénus).
Annibale aidé par la famille réalisa les « Fresques de la galerie Farnèse » commandées par le futur pape Paul III.
« Nous devons en si beau lieu invoquer les Muses, pour rapporter dignement avec des mots la poésie muette des fables exposées dans la Galerie»
Parmi les amours des Dieux de la mythologie présentés en tableaux distincts encadrés de trompe l’œil, comme au plafond de la chapelle Sixtine, « Le Triomphe de Bacchus et Ariane » donne le ton lumineux et animé à un ensemble foisonnant.
Comme l’avait décrit Ovide dans ses« Métamorphoses » le cyclope essaie en vain de séduire la néréide : « Polyphème et Galatée » 
et le malheureux éconduit jette un rocher sur son rival. : « Polyphème et Acis » 
Encore un amour non partagé, celui de « Glaucos et Scylla » ; le dieu versa lui même un philtre maléfique concocté par la jalouse Circée dans le bain de sa bien aimée. Devenue hideuse, elle terrorisera les marins dans le détroit de Messine. Pan, Diane, Mercure, Pâris, Iole, Aurore et Céphale… sont là,
mais place au Dieu des dieux, « Jupiter et Junon », où la femme légitime utilise une ceinture magique pour séduire le roi des infidèles. 
Guido Reni, Le Guerchin, Giovani Lanfranco poursuivirent un enseignement des Carache qui marqua le XVII° siècle et constitua « un des premiers jalons de la peinture moderne. »
« Éros et Antéros »

mercredi 12 janvier 2022

Colmar # 1

Nous  terminons notre agréable et instructive visite vers 16h30, 
il est temps de prendre la route pour Colmar où nous arrivons vers 17h.
Nous repérons facilement les lieux du AirB&B avant de nous engager dans les rues animées et étroites du centre-ville.
Nous réussissons à nous garer rue de la Grenouillère mais il est trop tard pour profiter de l’Office du tourisme, fermé, face au musée Underlinden.
Alors nous vadrouillons sans but précis dans le vieux quartier et finissons par nous asseoir à la terrasse d’un bar face à la cathédrale, à siroter tout en faisant le point pour les jours à venir. 
Vers 18h30, nous allons prendre possession de notre logement chez  L. C’est une femme dynamique et baraquée, accueillante, efficace, qui nous transmet un certain nombre d’informations pratiques et pertinentes.
Sur ses conseils, nous repartons à pied vers la « petite Venise ».
En quelques minutes à peine, nous débouchons en plein cœur de la ville. 
Nous flânons dans des ruelles pour la plupart piétonnes, bordées  de belles maisons colorées  à pans de bois, 
sur lesquelles se détachent  des enseignes suspendues originales et en métal peint.
Les canaux et ponts comme celui posé  sur la Lauch, justifient une comparaison avec Venise,
et les touristes ne manquent pas pour photographier ce décor de carte postale.
Quant aux amoureux, ils laissent trace de leur passage sentimental  en accrochant un cadenas aux balustrades des passerelles. L. nous a recommandé le restaurant Schwendi près de la statue du chef de guerre
du même nom tenant un cep de vigne ( Tokay?)
Cet établissement se revendique être  un Winstub, c’est-à-dire  « un type de bar-restaurant à vin traditionnel spécifique de l’Alsace et de la Suisse alémanique. A l'origine plutôt populaire, la winstub permettait aux producteurs de vins d'écouler le surplus de leur production, en tenant restaurant directement chez eux. Dans un cadre chaleureux et rustique, le vin y était apporté en pichet, accompagné de petits plats du terroir faits maison. ».
Nous avons du mal à trouver une table au milieu du monde qui investit aussi bien ce restau que les rues, les places et les terrasses avoisinantes. Mais le patron diligent nous dégotte une petite table. Nous nous régalons avec des roestis et un pichet de vin blanc alsacien.
Progressivement vers 21h15, les rues et les bars restaurants se vident, inversement à ce qui se produit dans les pays du sud de l’Europe.
Nous apprécions les éclairages des maisons et la paix retrouvée dans les rues en retournant à la maison. (10 minutes).

mardi 11 janvier 2022

Des souris et des hommes. John Steinbeck Rébecca Dautremer.

Oui ce livre est chroniqué un mardi, jour de la BD sur ce blog, mais aurait eu toute sa place le samedi jour de littérature. Rarement dessinatrice dont le nom côtoie celui du prestigieux écrivain américain aura été à une telle hauteur. 
Bien souvent l’image vient s’adosser au texte. Là, les dialogues aux paroles rares, brutales sont essentiels et l’écrit est magnifié, vivifié :
«  L’eau est tiède aussi, car, avant d’aller dormir en un bassin étroit, elle a glissé, miroitante au soleil, sur les sables jaunes. »
De délicates aquarelles animalières ou de paysages, vont avec des esquisses fruit d’un travail impressionnant par son volume et sa variété quand des publicités imaginaires viennent apporter une touche de fantaisie, de poésie au rude quotidien de deux amis travailleurs louant leur force de travail de ranch en ranch. 
Dans cet univers violent des années 30, les caresses tuent.
Le format bande dessinée classique ne venant que dans le dernier récit d’un rêve (américain) impossible : 
« On aura une petite ferme.
- On aura une vache dit George. On aura peut être bien un cochon et des poulets… et dans le champ… un carré de luzerne…
- Pour les lapins hurla Lennie » 
Dans ce texte bref, tendu, retranscrit intégralement, le drame est inéluctable.
Et il faut bien plus de 400 pages magnifiques pour rendre la profondeur de ce chef d’œuvre d’humanité terrible, sublime, bouleversant, inoubliable.