dimanche 7 février 2021

Comme un ours. Alexis HK.

J’adore la voix du chanteur et les voies qu’il emprunte
après son précédent CD  qui rendait hommage à Georges Brassens parfaitement saisi :« J’aimais son irrévérence nonchalante ».   
Bien que faisant partie de la famille, il n’apportait pas de nouveauté respectueuse comme le fit à merveille Le Forestier, voire Joann Sfar, à la Cité de la musique 
L’auteur des « Affranchis » se présente en nœud pap’ sur la pochette mais se retrouve seul à table, 
« Comme un ours » bipolaire
Un ermite en colère » 
L’humour est noir, et le coq, 
« Les pieds dans la boue » 
« pactise avec les plus noirs instincts que les crises attisent ». 
Mais « Je me suis assoupi » dit-il et il découvre soudain 
« Quand la face du monde
A des mimiques de vilaine ogresse » 
Gavé de « religieuses », de « forêts noires », de « financiers », 
son désespoir en devient « Sucré ».
L’évocation de « La chasse » rappelle « la gallinette cendrée » du sketch caricatural des « Inconnus ». Ces pauvres types plein de « la rancœur de nos cœurs mal aimés » finissent par traquer un homme, un étranger.
L’amour peut réserver des surprises et  « La fille à Pierrot » démentir l’adage du bistrot de son père : 
« Il vaut mieux admirer la beauté en fleurs
Que de vouloir l’enfermer tout au fond du cœur »
 Lorsque les déclarations d’amour paraissent douteuses,  
« Je veux un chien »  avec ses étincelles dans les yeux, même baveux, celui là peut bien mettre des poils partout : 
«  C’est un ami qui te guérit de la défaite 
 Qui te suivra même si tu finis malhonnête » 
Le fils de sa fille auquel il dit « Salut mon grand » lui répond « salut  Papounet » et le ravit, alors après quelques précautions, il lui enseigne : 
« Vivre de nos jours, c’est au moins
Aussi moelleux
Que d’être un gueux en 1381. »
 Pourtant « Marianne » en novembre 2015, à Paris, en terrasse, pleurait : 
« Toutes nos illusions perdues en quelques secondes à peine
Consumées par le feu et les larmes des hommes qui saignent » 
Peut-on croire que même « Porté » par « la charité des vents » :
«  La prose apaise nos ecchymoses  
Approche le secret des choses » ? 
Sous « Le cerisier »,
« Il est doux le temps des cerises » 
« Un beau jour » a des airs mélancoliques puisque « je partirai »
et la profusion d’images de bonheur du clip
permet de croire à la lumière :
«  J’oublierai les baffes à l’âme
Et les coups bas
J’oublierai le goût des larmes de sel
Entre tes doigts » 
La justesse des mots, la simplicité des mélodies, font le plaisir de ces retrouvailles dans l’attente de nouvelles chansons plus allègres dans le style des « Ronchonchons ».

 

samedi 6 février 2021

Routiers. Jean-Claude Raspiengeas.

« L’univers des routiers, que l’on croit figé dans son folklore et dans ses traditions, fait l’objet d’une mutation considérable. »
 
Dès la dédicace s’annonce une économie de mots et une revalorisation de leurs sens 
« A mon père qui connaît la route et le chemin. » 
Une chronique heure par heure du travail essentiel d’hommes et de femmes, forçats du bitume,  alterne avec des rappels historiques, des prospectives, pointe les évolutions des organisations, des technologies, des comportements humains, avec une empathie sans pathos. 
« Un grand fabricant de phares trouve un slogan revigorant : 
« Cibié, c’est la nuit qu’il faut croire à la lumière ».
 Le responsable de la rubrique culture du journal «  La Croix » cite de nombreux ouvrages sans nous éblouir de ses phares : 
« Dans mon travail, je ne vois pas beaucoup de sourires et je ne dois pas en faire beaucoup, pas même à moi. Tant mieux. Personne n’a envie de lever les yeux et de voir un camionneur sourire. » James Anderson.
Il fouille un sujet qui concerne tant de professions : 
« Que s’est-il passé, entre des décennies de respect pour ce métier ingrat qui pourtant faisait rêver, et le mépris d’aujourd’hui ? Pourquoi le lien de confiance établi et conforté avec ces missionnaires de la route s’est-il brisé ? Et pourquoi ce métier n’attire-t-il plus ? » 
Le temps de Max Meynier et ses routiers sympas aux initiatives grandioses est passé, les préoccupations environnementales, les mutations numériques, logistiques amènent à penser à des véhicules sans personne.


vendredi 5 février 2021

Contagions.

Notre époque en peluche s’éclaire à des feux d’artifices devenus des armes.
Un paradoxe encore dans une période prétendue transparente se vautrant dans le déni : faut pas dire ! Ou alors n’importe quoi genre « dictature sanitaire ».
Le propriétaire de l’Olympique de Marseille avait raison de comparer le saccage du centre d’entraînement de son équipe à l’assaut contre le Capitole à Washington: la frustration ne se supporte plus, la défaite n’existe pas, alors on brûle ce qu’on a adoré et la bagnole du voisin. 
La violence n’est pas un phénomène nouveau, mais bien des porteurs de micro en cravate ont participé à son infiltration dans tous les pores de nos rapports sociaux. Ils s’abreuvent au monde qu’ils vilipendent, avec l’arrogance d’un Ali Baddou à toute heure.
Leur conscience (mauvaise) d’être dans l’entre soi a validé la radicalité de nouvelles paroles féministes ou antiracistes après que les invisibles aient enfilé des chasubles voyantes qui ont marqué notre présent.
Les plus légitimes revendications ne peuvent justifier le saccage de permanences électorales; quand les menaces deviennent banales, la démocratie est alors en danger.
Le monde est à l’envers : une militante laïque Fatiha Boudjalat, professeure d’histoire et géographie dans un collège, est sous protection depuis que SUD et la CGT, des syndicats, l’ont livrée aux réseaux sociaux.
La virulence a été corrélée à l’efficacité. Les services d’ordre syndicaux, quand il y en avait, s’avérant vulnérables, les autorisations préalables de manifester en l’absence de responsables étant négligées, d’aucun ont été inspirés par un affranchissement de toute règle.
Entre deux livraisons de sushis par les parias de Deliveroo, les intermittents de la morale font de la publicité aux bénéficiaires du RSA en ZAD. Leurs leçons concernent les auditeurs de RTL mais se gardent de relativiser les impatiences des impatients de la « teuf» .
Ce qui ne concernait qu’une niche, une catégorie, devient cause commune et fait causer alors que les corporatismes demeurent irascibles, les individus de plus en plus isolés, les groupes refermés. La violence a ses attraits et ses traits les plus saillants, les plus médiatiques se diffusent au-delà des porteurs de cagoules; voire également la fortune d’une gentille idée comme le revenu universel qui est souvent comprise comme un dû de la société à laquelle on ne doit rien.
Nos repères vacillent, quand par-dessus le marché, ceux qui disent la loi enfreignent le plus universel des tabous, l’inceste. L’adhésion aux exemples attendus de là haut est un peu plus remise en cause.
Mais foin de ces déplorations, il peut y avoir des penseurs qui nous remettent sur pied par la clarté de leur analyse, même si le conflit est au bout. Ce doit être ça la vie. 
« Le débat présuppose à la fois une forme de rationalité et un minimum d’empathie. La culture de la guerre assimile la discussion à la trahison et le compromis à la compromission. Les échecs de ces deux rationalismes que sont le libéralisme et le marxisme se mesurent à la valorisation contemporaine de l’émotionnel, de l’évangélisme au populisme. J’aventurerais une hypothèse un peu lourde : que le XX°siècle, jusque là dominé par un agenda chrétien, s’éloigne en fait en grande vitesse d’une perspective orientée. A cet égard le marxisme aura été le dernier grand monothéisme. Au sens étymologique, la désorientation s’installe. Ce n’est pas nécessairement négatif. Culturellement il y a un « génie du polythéisme ». Mais politiquement cela conduit à une histoire, disons à la chinoise: une succession ininterrompue de « mandats du ciel » régulée seulement par les rapports de force » 
Pascal Ory dans l’hebdomadaire « Le 1 » s’interrogeant : « Peut-on encore débattre ? »
J’ai compris ces réflexions comme un constat de la variété des opinions, mais je ne suis pas sûr que l’exercice de la contradiction soit admis par toutes les parties prenantes car les freins aux évolutions sont puissants. A trop fréquenter les réseaux sociaux mon taux de pessimisme ne risque pas de chuter, la mauvaise foi n'est pas en régression et le vieux ne voit plus que vœux pieux dans la persistance à croire au « en même temps ». Si je maintiens sous forme interrogative : « est-ce que la sagesse prévaudra sur l’arthrite et les démagogies?» c'est que je n'ose formuler la réponse.
Pourtant il va falloir s’adapter bien que le vieillissement de la population n’aide pas plus que les câlineries à des enfants rois parvenus au bord de l’âge adulte.

 

jeudi 4 février 2021

Deux virtuelles expos dans le coin et une toute petite en vrai au coin de la rue.

Mois de la Photo 2020 :
L’expo en « présentiel » avait été interrompue d’où la persistance dans l’intitulé de l’année révolue. Nous pouvons nous retrouver d’une façon fictive dans l’ancien musée de la Place Verdun à Grenoble avec vues panoramiques, mais bien que vissé à mon ordi pendant des heures, ces visites en clics me claquent. Une série de diapos un peu renseignées aurait valu autant que ce dispositif virevoltant dans un univers où les fresques sont ramenées au format d'un timbre poste. Ceux-ci deviennent d'ailleurs bien jolis depuis qu'on n'a plus guère besoin d'eux.
Hormis les couleurs vives d’ Aletheia Casey, photographe australienne, les autres m‘ont paru pâlichonnes et faute de pouvoir zoomer à fond, la lecture des cartels me manque, ainsi que la vue de près de petits formats. Malgré l’ingéniosité des concepteurs de cette irréelle visite, c’était mieux avant.
Les arts en fête
Les tableaux des peintres et sculpteurs amateurs  à la mairie Saint Egrève gagnent en lisibilité dans un dispositif de visite simple depuis chez soi. Les œuvres avaient d’ailleurs judicieusement été mises en valeur dans les sucettes publicitaires pour inviter à les connaître.Sur le thème de la femme, la « Nymphe » de Marc Vazart a eu les faveurs du jury.
Le service culturel de la mairie signale : le dispositif de visite virtuelle a également été mis en place sur l'exposition de l'artiste Amorem :  
Et en me baladant sur le web, je viens de découvrir un lieu au concept prometteur. 
Il s’agit d’une vitrine à l’angle de la Place Claveyson et de la Place aux Herbes qui présente depuis 2012 plusieurs artistes, dite Galerie Showcase. 
En ce moment, 6 assiettes en porcelaine à l’ancienne de Thoris Lausset sont illustrées d’images contemporaines. Visibles 24h sur 24h. 
Il y a aussi des artistes visibles en vrai dans les parages 

mercredi 3 février 2021

Avallon.

Après notre étape au Creusot 
Nous prenons un café à Ecuisse où le seul établissement ouvert quelque peu vieillot ne manque pas de charme, mais il fait trop chaud pour consommer en terrasse face au canal du Centre. A l’intérieur, un groupe d’habitués se restaure comme à la maison ; la patronne propose de cuisiner en fonction de ses victuailles, comme une maman qui reçoit sa famille.
Après la visite de la villa Perrusson, fin XIX° 
il est temps de reprendre la voiture direction Givry près de Vézelay.
Nous empruntons  des petites routes étroites et tranquilles pendant environ 2 heures jusqu’à AVALLON patrie de Vauban où nous faisons halte.
Nous garons facilement la voiture près de la jolie voie piétonne de la vieille ville.
Ici les bâtiments anciens révèlent une aisance supérieure à celle de Le Creusot.  Dans l’un deux s’est installé l’Office du Tourisme que nous pratiquons avant la fermeture.
Puis nous flânons un peu jusqu’à la collégiale Saint Lazare, magnifiée par la lumière de fin d’après-midi. Sa façade curieuse sur le plan architectural supporte de très belles décorations au niveau des tympans et des colonnettes riches d’une grande variété de torsades et de détails. L'intérieur est sobre.
L’abside avec une voûte peinte d’une couronne d’épine  répond aux canons de l’art roman.
Mais dans l’église, les arcs en plein cintre virent en arcs brisés. La tribune de l’orgue est magnifiquement ciselée encadrée par deux anges musiciens.
Nous avons RDV avec notre logeuse à Givry, à quelques kilomètres, nous remettons donc  à plus tard la suite des découvertes d’Avallon.
Il faut connaitre la bifurcation  discrète vers ce joli petit village de pierres. Il est  accueillant avec  à l’entrée un grand terrain, équipé de tables de pique-nique et de cages de foot non loin d’un cours d’eau bucolique, le Cousin, surmonté d’un petit pont. Notre hôte  nous prend en main avec efficacité et énergie avant de partir à son concert. Elle nous recommande un restaurant : la « cuisine d’Angéline » rue Aristide Briand à Avallon, qu’il vaut mieux retenir, à juste titre : en terrasse sur la chaussée malgré un temps menaçant, nous savourons un poulet au gingembre accompagné d’un petit verre de rosé de Bourgogne  et un tiramisu pour Guido. 
Le temps semble se maintenir malgré une petite bourrasque, l’établissement refuse du monde. Au moment de payer, à l’intérieur, nous discutons avec la cuisinière, c’est une  camerounaise de Maroua. « Elle est française », insiste son patron lorsque nous l’interrogeons sur son pays d’origine.
Des masques à base de bidons en plastique rappellent ceux de Joël Bressand.Nous rentrons au bercail, il fait encore jour ; J. n’est pas encore là, nous ne fermons pas la porte au verrou cassé. Nous puisons dans les innombrables BD pour passer la soirée après l’écriture du journal et la consultation des téléphones.

 

mardi 2 février 2021

C’est pas de ton âge. Tome & Janry.

Spirou à l’époque, où enfant, on ne faisait pas attention à l’auteur, tant les personnages étaient vivants par eux-mêmes, était un garçon débrouillard et sa tenue de groom une originalité.
En grandissant, j’ai gardé une plus grande fidélité à Astérix apparu dans Pilote ou Lucky Luke et à Gaston Lagaffe sous le crayon de Franquin dans l’hebdomadaire à la toque rouge qui parait toujours depuis 1938 alors que son rival Tintin s’est arrêté.
Je pensais renouer avec une certaine candeur en tombant sur le numéro neuf d’une série de près d’une vingtaine d’albums marqués par les injonctions des adultes : 
« Dis bonjour à la dame », « Merci qui ?» mais j’ai trouvé les gags poussifs et l’humour daté.
Le professeur de gymnastique M. Mégot boit des bières, Claudia Chiffre est l’affriolante prof de maths, le curé Langélusse vêtu d’une soutane souligne la vétusté du cadre où la copine du petit Spirou toujours espiègle mais sans la générosité du modèle du héros des années 50 s’appelle Suzette.
Le duo belge Tome et Janry  dessine mieux les rondeurs féminines que leur héros sans âge mais se situe loin de la pertinence de Zep quand Titeuf  découvre la sexualité 
Nous sommes dans la caleçonnade sans les audaces de l’auteur suisse : longueur de quéquette et culotte des filles.
Il y eut dans les années 70 des publications qui décolletaient la Castafiore et donnaient aux Schtroumpfs des attributs qui n’étaient pas ceux de nains. Mais je m’étonne du succès persistant de ces grivoiseries bien anodines pour un adulte qui préférera l’érotisme de Manara et le grand Spirou espiègle de l’enfance plutôt que cet enfant  factice peu apte à répondre aux préoccupations des années de mystères à dévoiler pudiquement.

lundi 1 février 2021

Voyage au bout de l’enfer. Michael Cimino.

La guerre du Viet Nam s’est achevée en 1975.
Sous son titre original «The Deer Hunter» ( « Le cher chasseur »
le film tourné en 1978 traite des traumatismes du conflit à partir du devenir de trois ouvriers sidérurgistes de Pennsylvanie. 
Les échos de son succès, de son audace, ont pu parvenir au spectateur d’un autre siècle sans que sa force soit amenuisée, son propos affadi, sa forme démodée.
Les séquences prennent leur temps aussi bien dans une cérémonie de mariage parfaitement chorégraphiée où lors d’un émouvant repas d’enterrement, alors que la tension des scènes de roulette russe ou de chasse marquent les mémoires.
Moisson d’Oscars, et acteurs remarquables : De Niro, Walken, Streep pour ce qui est plus qu’un film de guerre avec profusion d’atrocités. 
Il est question au-delà de viriles amitiés, d’une identité russe marquée par l’église orthodoxe au sein de l’Amérique : « God bless America » entonnée par la communauté conclut les trois heures. 
 « Dieu, bénis l'Amérique, la terre que j'aime,
Tiens-toi à ses côtés et guide-la,
À travers la nuit d'une lumière céleste,
Des montagnes aux prairies,Jusqu'aux océans, blancs d'écume »
Mes excuses pour la confusion entre "dear": cher et "deer": cerf. Merci à ma correctrice.