mercredi 22 janvier 2020

Lacs italiens 2019. # 7. Cimetière de Milan.

Conséquence de l’orage de cette nuit, la température a baissé et le ciel reste bien chargé. Démarrage à 7h30 vers la gare ; peu de composteurs et difficiles à trouver, mais nous sommes largement à l’heure pour le départ de 8h 02 dans un vieux train omnibus équipé de banquettes en vis-à-vis. Nous descendons à la stazione centrale, terminus, nous  devons changer et monter dans le « Airital », en direction de l’aéroport qui s’arrête porte Garibaldi. Il fait assez froid, nous commençons par un petit kawa dans l’enceinte de la station toute moderne où subsistent encore quelques travaux.
Le cimetière est à 800 mètres, effectivement monumental, digne d’un palais enfermé derrière une grille et un portail en fer forgé face à une vaste esplanade.
A l’entrée, il est possible d’obtenir un plan.
- L’office qui accueille les visiteurs, accessible par un grand escalier donne sur une salle consacrée à honorer ceux qui ont œuvré à la grandeur de Milan. De chaque côté de la pièce, des galeries extérieures  en forme de U abritent des tombes aux sculptures grises de poussière.
 
Déjà se remarque le peu de référence religieuse dans la statuaire : buste, femmes et enfants, amoureux, expression de la douleur humaine….. Les murs à certains endroits sont tapissés de columbariums.
 
 

 
- Le cimetière, vaste parterre bien organisé en quadrillage, reçoit en quantité tombes originales et  mausolées palatins. D’ailleurs, le plan récupéré à l’entrée indique l’emplacement des sépultures les plus « fameuses » en notifiant le nom de la famille commanditaire et le nom du sculpteur, voire de l’architecte. Certains mausolées ressemblent même  à de petites églises.
Comme œuvres remarquables, ne pas manquer :
*  la représentation grandeur nature  de la Cène,
 * ou encore les laboureurs en bronze peinant dans leur travail avec leurs 2 bœufs    
  l’ensemble surmonté d’un énorme et curieux personnage en terre,
*  une espèce de tour Trajane dont les bas-reliefs s’inspirent de scènes familiales
 
 
 
 
 
 
En tout cas, la multitude de tombes, souvent personnifiées par  la photo des défunts, offre une grande variété d’expressions artistiques d’époques différentes.
-Tout au fond du cimetière, le tempio crematorio, assez vétuste, possède plusieurs fours crématoires reliés par des rails à des chambres mortuaires en vis à vis. Au-dessus des fours dont les portes sont closes,  la devise « pulvis es, et in pulverem reverteris » apparait dans des couleurs passées sur des murs rouges. Le lieu est saturé de columbariums du sol au plafond, il y a comme dans tout le cimetière crise du logement face à une demande forte.
 
 
 
 
- Le cimetière israélite est situé près de l’entrée, plus sobre, plus dense : Dans un petit coin gazonné,  les plus vieilles tombes, petites stèles basses uniformes se serrent  modestement entourées par des sépultures plus proches de l’autre partie du cimetière.
En trois heures de temps, nous n’avons portant que survolé cette nécropole et ses rues et places paisibles…. Nous songeons sérieusement à un repas pour nous réchauffer,  que nous prenons dans une cafeteria dans le secteur : pâtes ou riz ou jambon melon et déca servis avec diligence et efficacité.

mardi 21 janvier 2020

L’homme qui assassinait sa vie. Vautrin. Moynot.

Le titre est tout à fait juste pour cette adaptation en BD d’un roman noir ; on ne peut guère plus noir.
Mais pourquoi avoir fait se croiser le destin d’un sorti de prison avec celui d’un détective raté et celui d’un commissaire de police à la veille de la retraite ?  Il y avait suffisamment de matière – noire -  en se consacrant seulement à François Frédéric Frey dit FFF dont les vengeances en  rafales éclaboussent de sang  déjà pas mal de planches parmi les cent pages.
Moins ensoleillée que l’adaptation par Baru de l’auteur de la vie Ripolin
le dessin de Moynot convient parfaitement à ce récit rythmé, rappelant la rigueur de la ligne claire de Tardi en plus coloré.
Des dialogues efficaces enrobent quelques passages obligés du genre polar : whisky et femmes chaudes, trafics, personnages médiocres et désabusés… les cadavres s’accumulent.
Et quand il y a un brin de tendresse :
« Ah! Tu fais chier! V'là que j'm'attache! Que je fais du sentiment! Y a rien de pire que les sentiments si tu veux mon avis... » c’est pour un chien.

lundi 20 janvier 2020

Séjour dans les monts Fuchun. Gu Xiaogang.

En ce moment nous sommes au rythme d’un film chinois par semaine et si la puissance de l’« Empire du Milieu » sur le plan économique est indéniable, la force de leur cinéma illustré par celui-ci, fait de nous des spectateurs consentant à la relève d’Hollywood.
Ce film poétique, ample, majestueux comme le fleuve reliant le passé et la modernité autour duquel vit une famille filmée avec amour, est magnifique. Les personnages attachants apparaissent souvent dans un coin de paysage et les plans séquences s’écoulent patiemment sans que les 2h 30 paraissent longues. Heureusement deux autres chapitres nous attendent.  
De la grand-mère aux petits enfants tous évoluent en évitant d’être caricaturaux.
Leurs relations ont toujours pour nous quelques aspects exotiques mais leurs préoccupations sont universelles. A l’opposé d’un esthétisme poseur, le dialogue est enchanteur entre cette façon de filmer qui saisit les bouleversements de la société et l’art intemporel des estampes reflétant une nature immuable. Pourtant le poisson se raréfie et l’eau n’est pas très claire, mais les traditions qui voient des filles s’en affranchir quelque peu, continuent à pétarader et unir les générations dont la bienveillance est mise à l’épreuve. Les individualités s’affirment face à un collectif encore réconfortant dans sa dimension familiale en tous cas.    
Je croyais voir un film contemplatif, il l’est ! Mais sous les branches, des hommes et des femmes vivent, dialoguent. Les paroles ont le poids de leur rareté dans un monde où la violence ne se cache pas.      

dimanche 19 janvier 2020

Jour et nuit. Catherine Diverrès.

Bien qu’il ait été difficile parfois de discerner le jour et la nuit, ce kaléidoscope d’images qui nous chavire pendant une heure quarante est enchanteur et nous fournit en rêves.
Depuis que ceux-ci on déserté nos jours, que viennent ceux de la nuit !
Quand tant de créateurs se contentent d’étirer une idée ou deux lors d’un spectacle voire tout au long d’une carrière - et c’est aussi pour ça qu’on aime les retrouver- la diversité des propositions de cette soirée est étourdissante.
Les musiques se mêlent aux bruits épais et parmi les langues se confondant, la voix ténue d’un enfant pour saluer le matin réveille un romantisme qui aurait tendance chez moi à prendre de la brioche.
La beauté se promène nue sous une bande de tissu, s’habille de pampilles, se met dans la peau d’un ours, porte bois de cerf, chuchote, marche lentement, se jette à terre, entend la mer métallique, danse devant un mur doré, s’éclaire aux lumignons, en appelle  à Georges de La Tour sous une ampoule portée à bout de bras qui menace et fait vivre.
Elle est énigmatique, évidente, chichiteuse, furtive, éclatante, sensuelle, rigolote et grave, puissante et délicate, indifférente aux catégories qui s’annoncent baroques ou expressionnistes.

samedi 18 janvier 2020

Les philosophes. Michel Desgranges.

J’ai attaqué pied au plancher la satire du monde contemporain que l’éditeur de Philippe Muray a concoctée. Le milieu de l’enseignement supérieur, ici passé à la moulinette, est tellement facile à caricaturer :
« Puis-je vous le dire ? J’ai établi que nous ne devons plus poser l’Etre comme un reflet de l’Un opposé à la pluralité vacillante du Multiple, mais comme l’état premier d’une métastructure du simplifié – simplifiant… »
Le politiquement correct prend des coups à chaque page avec vélos citoyens, rue de La Repentance, et « émincé d’okapi avec son coulis de rutabagas frotté de pointes d’asperges » au menu. Les titres de thèses aux intitulés abscons, source inépuisable de sourires, ne sont que la partie apparente d’un monde de l’entre-soi tenu par la servilité et la vacuité :
« Etre professeur… il aurait moins d’heures de cours, selon le principe républicain posant que plus un enseignant est officiellement savant moins il a de savoir à transmettre. »
Le tableau présenté est criblé de balles :
« Une loi votée selon les procédures habituelles : pour 521 voix, contre : 3 voix, présents : 11 »
« Tout était né de quelques touitts glapis par des associations bien en cours (collectifs de poétesses violées, ethnologues abusées et romancières harcelées) qui avaient observé que s'il était bien gentil d'élire désormais autant de femmes que d'hommes, quid du passé ? »
Mais fallait-il 219 pages pour cette diatribe ? Aurait-elle cédé à l’air du temps à se montrer plus alerte en étant plus ramassée?
Les personnages tel Anicet Broutard sont tellement porteurs des intentions ironiques de l’auteur qu’ils existent bien peu comme êtres littéraires et pourtant celui là est titulaire d’une chaire d’ontologie créative ( Wikipédia renseigne :« L'ontologie dans son sens le plus général s'interroge sur la signification du mot « être ». « Qu'est-ce que l'être ? », est une question considérée comme inaugurale… ») Leur existence sans affect reflète peut être l’époque, mais nous rend indifférent à leur devenir, la fugace révélation finale venant trop tard.

vendredi 17 janvier 2020

Vérités.

Le titre « Les Misérables » vient de resservir et un autre film « La vérité » fait Deneuve avec du vieux d’il y a 60 ans quand Bardot jouait.
A mon tour après la « Démocratie » et la « Liberté »,  je m’entête avec les grands mots.
Oui Cioran :
« Nous n'avons le choix qu'entre des vérités irrespirables et des supercheries salutaires. »
Je ne hasarderai pas à choisir qui dit vrai dans le dossier des retraites où les simulateurs pédalent et le peloton des usagers aussi. Sachant que « L’histoire » comme disait Napoléon, un connaisseur, « est une suite de mensonges sur lesquels on est d’accord ».
Dans la version Facebook du Monde.fr qui vise sans doute de nouveaux clients, le lecteur s’accrochant à un journal de référence ne pourra plus faire l’affaire, lorsqu’il lit : 
« On peut être noir mais aussi conservateur, homophobe, machiste, intolérant… »
Quelle découverte ! Mettre cette phrase d’une chercheuse en exergue a valu quelques ricanements sur le réseau, ce type de réflexion confirmant l’état lamentable du paysage intellectuel. Les posteurs de tels scoops-toujours-prêts sont au niveau des trolls qui vibrionnent autour de leurs titres racoleurs estimant que tous ceux qui ne sont pas de leur avis sont « payés par Macron ». Quelle vision du monde a ce syndicaliste se ridiculisant en pensant que  tout le pays serait en colère face à une poignée de ministres? Ce serait tout aussi hasardeux de mettre en regard 66 millions de français qui ne manifestent pas, face au million de manifestants, dans un grand jour, quand la comptabilité de la CGT, multipliant par 7 les estimations du cabinet Occurrence missionné par Les Echos, Médiapart ... Qui sait encore que l’organe du PC soviétique s’appelait, s’appelle la «Pravda » ( la Vérité) ?
Quand le Président de la République constate « la mort cérébrale de l’OTAN » ou que «  Quand des pays ont encore 7 ou 8 enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’€uros vous ne stabiliserez rien » et trouve encore de virulents contradicteurs, c’est que la vérité est vraiment farouche.
Les maîtres d’école ont atteint l’obsolescence, ce sont les influenceurs, de préférence mineurs, qui occupent l’espace virtuel et prennent les têtes adolescentes.
Nous nous préparons d’accablants lendemains si désormais bébé ne sourit plus à sa maman mais à son téléphone. « Like » et cœurs se bousculent, les stéréotypes joufflus remplacent l’écrit, et les cris deviennent inaudibles. Cette infantilisation de la vie sociale ne pourra rien contre toutes les violences qui accompagnent ces marques d’amour factices.
Version pessimiste qui vient contredire la vision d’une France dont le monde entier envie la prospérité : la « startup nation » est plus créative que les « Obstinés » revêtus de chasubles voyantes.
J’aurai bien mérité le mème «  Ok ! boomer ! »  après avoir regretté que le « Boxing day » succède au « Black Friday » quand ce n’est pas seulement notre langue qui est en solde.
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Gaspard Proust, humoriste d’origine slovène, parle de La France :
«  un pays qui se méprise à ce point-là, qui s'incline devant tout n'est plus attirant »,
et se demande :
« Quel intérêt du coup de devenir français, si, de toute façon, on me fait l'éloge de pouvoir tout le temps la ramener avec mes origines ? »
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Laurent Joffrin ("Libération") à propos de l'Iran:
"... dans les pays de liberté, la démocratie est souvent une déception ; dans les pays sans liberté, elle reste un espoir brûlant. Au passage, on constate une nouvelle fois que les droits humains ne sont pas une invention trompeuse des «hommes blancs» destinés à masquer leurs turpitudes, comme on l’entend parfois en France dans certains cercles militants, mais bien une aspiration universelle, en Iran comme ailleurs..."
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Le tableau "La vérité sortant du puits" est d'Edouard Debat- Ponsan.

jeudi 16 janvier 2020

Luca Giordano. Fabrice Conan.

L’exposition consacrée au peintre napolitain Luca Giordano (1634 -1705)  jusqu’au 31 janvier 2020 au Petit Palais à Paris peut permettre de mieux connaître cet artiste prolifique (5000 œuvres) bien présent dans les musées français. Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble nous a présenté celui qui fut surnommé « Luca fa presto ». Son « Autoportrait » mélancolique sur fond dépouillé gagne en dynamisme avec quelques grandes langues de peinture blanche pour la cravate. Les Caravagesques ont eu de l’influence sur sa palette.
Un autre « Autoportrait » où il a chaussé des « pierres à lire » a un côté contemporain que les nombreuses commandes qu’il a honoré tout au long de sa carrière ne laissent pas deviner : ses œuvres de grands formats jouent le plus souvent avec le faste baroque.
« Notre-Dame du Rosaire », du musée de Capodimonte à Naples, célèbre le culte à Marie confié aux dominicains en présence d’une carmélite d’origine espagnole ; les espagnols étaient alors présents à Naples. La stature des personnages fait penser à Rubens, sous une lumière vénitienne.
Les architectures en fond des « Aumônes de Saint Thomas de Villanova »  évoquent Véronèse,
 alors que le mendiant peut figurer comme un hommage au personnage central du « Martyre de saint Laurent » du Titien.
Dans la « Sainte Famille et les symboles de la Passion » pour les sœurs carmélites déchaussées (leurs frères sont les carmes déchaux), l’éclairage est dit « romain » pour la partie basse qui se distingue du pailleté du haut.
« Saint Nicolas en gloire » vient de ressusciter trois enfants et a fourni trois pommes d’or à trois jeunes filles qui ne pouvaient être dotées. Les effets chromatiques sont modulés et la composition habile.
« Le bon Samaritain » fut longtemps attribué à Ribera, un de ses maîtres, Delacroix en parlait comme d’un tableau « miraculeux » où les touches moelleuses sculptent un corps souffrant rencontrant la pitié et la miséricorde. Goya et Daumier s’annoncent. 
Ses thèmes empruntent aussi à la mythologie: son « Apollon écorchant Marsyas » symbolise la victoire du Dieu à la lyre contre le satyre terre à terre qui avait récupéré la flute dédaignée par Athéna mais en jouait trop bien. Voilà la version de Ribera.
Six répliques du « Suicide de Caton » témoignent du succès d’un des modèles du stoïcisme qui ne voulut pas « survivre à la liberté ».
Parmi d’autres, ce « Portrait de philosophe » sans ostentation est naturaliste et fort. 
« L'Histoire écrivant ses récits sur le dos du Temps » est allégorique, le dieu Saturne ou Chronos tient la faux des moissons qui fauche aussi la vie, elle est « la maîtresse de la vie, la lumière de la mémoire, l'esprit des actions ».
Domenico Gargiulo témoigne « Largo Mercatello a Napoli durante la peste del 1656 » : 250 000 morts.
« Saint Janvier intercédant pour la cessation de la peste » : la lumière affronte les ténèbres.
« Lucrèce et Tarquin le magnifique » la jeune femme préférera la mort plutôt que celle de son esclave et d’être déshonorée par le fils de son mari.
 « Ariane abandonnée » est bien vivante
 et « Vénus dormant avec Cupidon et satyre » sensuelle.
Il avait travaillé à Naples, Florence, à de grandes fresques : « L’enfer des Grecs :  Nyx, Morphée, Charon et Cerbère » du palais Médici-Riccardi.
Charles II de Habsbourg l’a invité à décorer le palais du Buen Retiro « Allégorie de la toison d’or » et le monastère de l’Escurial. Il restera 10 ans en Espagne de 1692 à 1702. Il meurt à Naples en 1705, où il était né.
Avec vigueur, il a revisité les différents styles du seicento (XVII° siècle), de fresques en peinture d’autels, de portraits en vastes compositions, depuis les paradis antiques et les martyrs chrétiens jusqu’aux aux femmes langoureuses pas toujours bien cachées derrière des drapés veloutés.