samedi 16 février 2019

Leurs enfants après eux. Nicolas Mathieu.

Le titre laisse entendre une fatalité qui ne sera même pas démentie lors des dernières images du livre aux couleurs exceptionnellement délicieuses, d’une douceur rare qui arrive à être aussi étouffante que les 425 fortes pages qui ont précédé.
Un grand volume sur l’ennui, où madame Bovary ce serait nous.
Des drames surviennent à peine plus déchirants que la neurasthénie quotidienne.
« Les hommes parlaient peu et mouraient tôt. Les femmes se faisaient des couleurs et regardaient la vie avec un optimisme qui allait en s’atténuant. »
Nous suivons plusieurs adolescents dans l’Est de la France pendant quatre étés suffocants qui appellent la bière, les pétards, l’eau, les feux d’artifices.
« Un enfant naît, vous avez pour lui des projets, des nuits blanches. Pendant quinze ans, vous vous levez à l'aube pour l'emmener à l'école. A table, vous lui répétez de fermer la bouche quand il mange et de se tenir droit. Il faut lui trouver des loisirs, lui payer ses baskets et des slips. Il tombe malade, il tombe de vélo. Il affûte sa volonté sur votre dos. Vous l'élevez et perdez en chemin vos forces et votre sommeil. Et puis un beau jour, vous vous retrouvez avec un ennemi dans votre propre maison. C'est bon signe. Il sera bientôt prêt. C'est alors que viennent les emmerdes véritables, celles qui peuvent coûter des vies ou finir au tribunal. »
Les phrases sont lapidaires parfois, si bien que les épisodes sensuels n’en prennent que plus de densité, mais ces ruptures de tons restant dans l’intensité, sont délicieuses et nous fouettent. On se serait bien laissé aller dans cette moiteur. 
Vivement, chaleureusement contés, ces existences qui se défendent ou sombrent sont passionnantes, et il n’est pas besoin de s’appesantir sur le passé industriel, il est inscrit dans les corps :
« Sous le gueulard, la terre se muait en fonte à 1800°C, dans un déchaînement de chaleur qui occasionnait des morts et des fiertés. » Sans nostalgie, sans héros. Le temps n’est plus des fiertés ouvrières alors qu’une langueur cafardeuse imbibe toutes les classes.
Avec ces histoires de mobylettes, de rivalités, de mots insuffisants, mes références vont vers Baru  http://blog-de-guy.blogspot.com/2012/06/lenrage-baru.html dont les albums de BD conviennent parfaitement pour traduire avec efficacité, la violence, les rêves, les maladresses de la jeunesse des cités ouvrières. Mais la temporalité ici s’étire avec ce roman - j’avais écrit « bien écrit » mais ça devient péjoratif, alors je dis « énergiquement » écrit.
La restitution de cette période entre 92 et 98, « I Will survive », m’a transporté et éprouvé comme un alcool qui ne fait pas du bien, dont on reprend trop volontiers.
« - Pourquoi t’es comme ça ? glapit-elle. J’en ai marre ! J’en ai marre, tu m’entends ?
- Lâche-moi, fous moi la paix ! »
En épigraphe : 
« Il en est dont il n'y a plus de souvenirs,
Ils ont péri comme s'ils n'avaient jamais existé;
Ils sont devenus comme s'ils n'étaient jamais nés,
Et, de même, leurs enfants après eux . »

Siracide. 44, 9.
C’est cela.
......
Tiens, j'en suis à mon 3000° article sur ce blog.

vendredi 15 février 2019

Le Postillon. N° 49. Hiver 2019.

La publication bimestrielle grenobloise a trouvé son « chemin de Damas » du côté des ronds-points de Voreppe et de Crolles occupés par les gilets jaunes.
Ceux-ci ont droit aux pages en couleurs, à la première page et à la chanson de la comédie musicale « Hair » (1968) : « Laissons entrer le soleil. »
« Pétrifiés dans nos manteaux d’hiver
Refoulés aux frontières du mensonge
Des nations qui crèvent »
Le reporter participe à la convivialité qui a régné en ces lieux, jusqu’à s'y enivrer littéralement, et retient bien sûr la méfiance de l’un de ses interlocuteurs envers les réseaux sociaux coïncidant avec les choix militants de l’équipe rédactionnelle. La parution bimestrielle est parfois en décalage avec l’actualité qui leur fait ignorer les multiples incendies sur Grenoble, mais cette distance n’est pas mise à profit pour décoller le nez de devant les palettes enflammées et donner des éléments de réflexion, entrer dans la complexité politique.
L’immersion d’un autre « journaliste » parmi les militants de La République en Marche ne témoigne pas de la même empathie, on pouvait s’en douter.
Si je reste toujours troublé par l’absence de signature des articles, l’affichage de leurs opinions est honnête, on sait à quoi s’en tenir et la formulation des aléas rencontrés lors de leur rapportage rend vivante la lecture. Cependant leur regard est souvent auto-centré : on le savait déjà qu’ils se déplacent en vélo. Mais ce qui apparaissait dans d’autres numéros, leur détestation  très personnalisée de certains acteurs de la vie locale, arrive à être malsaine et dessert leur critique.
A quoi bon occuper tant de place en narrant par le menu leur différent avec l’ancienne directrice de l’hôpital Nord pour mettre en évidence les difficultés des urgences ?
Ils sont dans la ligne Ruffin lorsqu’il s’en prend aux personnes : «  Je hais Macron ! » et participent à une dégradation du climat politique en donnant la parole exclusivement à une employée en conflit avec la députée Emilie Chalas dont ils traitent par le mépris les menaces proférées à son égard.  
Alors que la mise en évidence de stratégie de e-réputation est intéressante, leur acharnement à l’égard de la directrice de cabinet du maire de Pont de Claix participe de cette atmosphère délétère et il faut s’attendre avec un procès qui s’annonce, à quelques tacles à nouveau contre des dirigeants d’Emmaüs Grenoble.  
Leurs diatribes par rapport à la technologie gagneraient en profondeur en évitant de remettre au centre de la cible le président de Clinatec, Benabib, qu’ils ne lâchent pas depuis des années.  Et pourtant il y a à dire : les évolutions de la poste visant à « faire de la connaissance clients le levier de la performance de chacune des branches du groupe » en passant par l’intelligence artificielle nous donnent envie de rejouer la partition :
« Tués de rêves chimérique
Ecrasés de certitudes
Dans un monde glacé de solitude ».

jeudi 14 février 2019

Andrea del Sarto (1486/1531). Kaïs Bennani.

Est-ce parce qu’Andréa del Sarto arrive au moment où  Florence perd son monopole artistique et que ses maîtres, De Vinci, Michel Ange, Raphaël, sont partis à Rome, que la notoriété qu’il connut de son vivant s’est estompée ? Il a assuré le passage du classique au maniérisme.
Comme pour beaucoup d’artistes, son véritable nom Agnolo di Francesco di Luca a été transformé en del Sarto, « le tailleur », la profession de son père.
A travers quatre œuvres religieuses et une plus politique, le conférencier devant les amis du musée de Grenoble s’est employé à vanter les qualités de celui qui s’est imposé « comme le chef de file de la peinture à Florence en créant un style où la grâce et l’harmonie se confondent avec la grandeur et le drame ».  Œuvres destinées à instruire, émouvoir, marquées par une foi nourrie par une connaissance approfondie des textes et des symboles.
 « L’annonciation » comporte plusieurs temporalités: en arrière, la figure nue représente  Adam ou le Christ, interprété comme le nouvel Adam, sur fond de ruines romaines, sous le regard des prophètes de l’ancien testament. Et pour ne pas perdre une occasion de préciser son vocabulaire : pour Jésus on ne parle pas de sa « conception » mais de son « incarnation ». La rose sans épine qualifie la Vierge.
« Dispute de la Trinité » ou plutôt  devrait-on dire « exposé de Saint Augustin », le grand théologien appuyé contre une colonne soulignant son rôle éminent, devant Saint Laurent, Saint Pierre martyr et Saint François. Le groupe rassemble des personnes qui ont vécu à des époques différentes, ils surplombent Marie Madeleine, proche des fidèles, la pécheresse qui peut ainsi intercéder auprès des pères de l’église. Saint Sébastien survivant à une première volée de flèches est là  aussi pour être invoqué contre la peste. Mais aucun ne regarde les protagonistes au cœur de la question de la Trinité, le père, le fils et le nuage, le Saint Esprit ; c’est que l’œil physique est différent de l’œil spirituel. Les contraintes, les symboliques ne sont pas seulement religieuses, un des fils du commanditaire s’appelait Laurent, d’où la présence de ce Saint. Les œuvres sont aussi des productions sociales.
« La madone aux harpies » se tient sur un piédestal, comme une statue bien vivante au dessus de deux anges apeurés. Au moment où Luther remet en cause bien des dogmes, cette représentation plaide pour l’utilité des images, bien que le deuxième commandement stipule : « Tu ne te feras pas de sculpture sacrée ni de représentation »
Encadrée par Saint François et Saint Jean l'Évangéliste, tenant un livre ouvert, Marie est-elle au dessus d’un puits d’ombre, en rempart contre le mal ?
La dénomination «  harpies » pour les figurines sculptées viendrait de Vasari, « le mécène de la renommée », un des pères de l’histoire de l’art, il s’agit plutôt de locustes, sauterelles au corps de femme.
Si « La charité », protégeant les enfants, pour laquelle son épouse Lucrezia a servi de modèle, figure au Louvre, c’est que le Florentin l’a réalisée pendant son séjour à Fontainebleau à l’invitation de François 1°. Il reprend la composition pyramidale et des couleurs vues ailleurs mais les traite de façon cohérente et sensible. La grenade qui symbolise les fidèles unis dans la même foi, peut aussi représenter le corps du Christ et également l’abondance.
Après l’épisode Savonarole, les Médicis sont de retour et commandent une fresque, le « Tribut à César » qui vise à afficher leur légitimité sous un patronage prestigieux. La scène est animée, l’atmosphère est fastueuse, devant une architecture puissante, la girafe venant d’Egypte est bien petite tout au fond. Dans un coin la justice ne laisse pas paraître son visage et Dante se montre bien méditatif.
« Le peintre sans erreurs »  est mort de la peste à 45 ans.
Au hasard du web j’ai trouvé ce « Portrait d’un jeune homme », superbe.
Il avait d’ailleurs servi pour un hommage qui lui avait été rendu par Serge Déry.

mercredi 13 février 2019

Lacs italiens # 10. Vérone fin.

Une sieste va nous retenir jusqu’à 16h et limite nos prétentions.
Nous devons choisir entre San Fermo  et le Complesso dei Duomo à cause des horaires de fermeture
Nous nous décidons pour la cathédrale.
Là aussi, nous avons droit aux audio guides en français qui nous orientent en premier vers le baptistère San Giovanni in Fonte.
Il vaut le coup d’œil surtout pour sa cuve de forme octogonale, chiffre symbolique qui indique le jour suivant soit le shabbat  soit les 7 jours de la genèse. La taille importante de la « piscine » provient du besoin d’immersion totale pour le baptême marquant la mort de l’homme ancien et la naissance à une vie nouvelle.
Chaque face montre une scène biblique en bas-reliefs, parfaitement identifiables, notamment le massacre des innocents dans laquelle un bébé éventré retient ses intestins dans ses mains ou encore la fuite en Egypte surmontée de colonnes dont l’un des chapiteaux représente un chat qui mange une souris, signe de danger. En face du baptistère, l’atrium de Santa Maria Matricolare permet grâce à des fouilles archéologiques d’apercevoir  des restes de fondations  et de sépultures de l’époque romane à un niveau inférieur. Un triptyque sculpté de la Madone à l’enfant accompagnée de  deux saints et un donateur occupe le mur du fond mitoyen de l’église Sant’Elena. Devant cette œuvre, un os suspendu de belle taille rappelle l’os de baleine de la place de la Signori, sans explication connue.
Nous jetons un regard rapide  dans l’église Sant’ Elena baignée dans une belle lumière, un peu bousculés par le temps puis nous nous rendons à la cathédrale par l’extérieur car l’accès intérieur vient de  fermer. 
Nous commençons par l’intérieur, surprenant  par ses multiples chapelles Renaissance  financées par des riches familles et entourées de fresques  en trompe l’œil dans un camaïeu de bleus et gris unitaires. 
Dans l’une d’elle, près du confessionnal éclairé qui attend le pécheur, se tient le retable de L’Assomption du Titien, dans l’obscurité. Pourtant la cathédrale parait assez lumineuse grâce à ses voûtes unies  et blanches.
Près du chœur se font face deux orgues richement décorés de dorures et de panneaux latéraux recouverts de tableaux malheureusement trop sombres pour en deviner le sujet. G.et J. avant de s’asseoir près du confessionnal et éloignés de moi paraissent touts petits dans un rayon de soleil et donnent l’échelle de ce bâtiment monumental. Nous prenons le temps en sortant de contempler  la façade de style lombard comme San Zeno mais moins parfaite, moins fine et « réussie » que sa consœur au niveau des bas-reliefs, des stries horizontales crème et roses et des proportions.
Nous déambulons dans les rues vers la piazza delle Erbe, faisant au passage un brin de causette en italien à une vieille dame à la démarche peu assurée  mais souriante  et coquette avec son rouge aux lèvres et sa petite robe noire, ravie de nous entendre nous extasier sur la beauté des ruelles au soleil déclinant. 
Nos pas nous mènent au bout de la rue de la casa de Giuletta, face à des vestiges de l’époque romaine  exhumés au centre de la route et de la porte Leona encore debout au milieu des maisons.
Nous nous offrons une glace dans une gelateria bio bardée de références de qualité, sans ceci sans cela, mais nettement moins parfumée que celle du Ponte Pietra.
Nous longeons tranquillement le fleuve que nous traversons pour récupérer la voiture indésirable dans les emplacements bleus/jaunes réservés aux véronais à partir de 20h.
Avant de rentrer, nous voulons monter sur la colline au-dessus de la vieille ville en prenant la route derrière San Stefano vers le musée archeologico et attendre le coucher du soleil. Nous trouvons même une place pour la machina, mais le soleil nous boude derrière les nuages qui s’étendent uniformément. Tant pis, la vue est bien belle et les cigales stridulent avec conviction une dernière fois pour saluer la fin du jour. Je choisis la photo du syndicat d'initiative, je ne peux pas lutter pour les couleurs.
Nous arrivons à notre logis à la nuit tombée, assoiffés mais pas affamés, sans tarder nous gagnons notre lit.


mardi 12 février 2019

Rentre dans le moule. Le Cil Vert.

J’aurai dû me douter qu’avec une telle première page le récit n’allait pas donner dans la finesse : sur un tapis roulant de jeunes artistes passent un portique et en ressortent tous pareils. Le sas porte le sigle de l’école des Arts et Métiers dont il est intéressant de suivre les rites d’intégration suscitant parmi les impétrants, répulsion ou adhésion forte.
En dehors de cet aspect documentaire croqué avec efficacité, c’est le récit devenu habituel en BD du passage à l’âge adulte : un bébé s’annonce dans la famille de l’anti héros abordant un premier travail. Le jeune garçon subit les évènements sans choisir.
L’image du tapis roulant ponctue les 130 pages vite lues : on avait compris.
Morne petite histoire en dessins mollassons dans l’air morose du temps où les contraintes sont mal acceptées, les envies peu affirmées. Il profite de l’esprit de corps de son collègue Gadzart tout en méprisant les mœurs de l’école et les contraintes d’un boulot où il ne s’investit pas, tout en tournant  en tendre dérision, le baby blues de sa femme et son rôle de père.    

lundi 11 février 2019

La mule. Clint Eastwood.

Papy passe de la culture des lys d’un jour au transport de drogue et se réconcilie avec sa famille qu’il avait négligée.
Film à propos de la vieillesse : une vieillesse comme ça : ça va ! Quelques nanas par deux de préférence et bien peu de scrupules sur le contenu des sacs qui lui sont confiés.
Mais il convient pour rappeler la légende de l’acteur cinéaste, de se montrer inébranlable face à des méchants méchants et rétif face aux envahissants téléphones portables.
Le road movie teinté d’humour, de nostalgie, est agréable à suivre, en écoutant de la musique avec Clint au volant dans les lignes droites; il n’a jamais eu un PV de sa vie, une prouesse admirable.    

Debra qui commente souvent sur ce blog m'a fait parvenir cet article: 
 Il s'agit du dernier film de Clint Eastwood, un film testament en quelque sorte, fait par un cinéaste auteur avec une filmographie suffisamment étoffée pour lui permettre de se citer lui-même.. (je ne suis pas une grande connaisseuse de la filmographie d'Eastwood. Le dernier film que j'ai vu fut "Sur les routes de Madison", une histoire d'amour fulgurant entre deux êtres : une femme d'origine italienne immigrée aux U.S., vivant dans un petit coin du Middle West bien tranquille, en famille de classe moyenne, avec une vie modestement/modernement moyenne, mais une soif d'autre chose plus grand dans sa vie de femme, un homme photographe, citadin, marginal, cultivé. Ces deux-là vivent un amour passion l'espace d'un weekend qui transforme leurs deux vies, avant de se séparer pour reprendre le cours de leurs vies respectives. Très beau film.)
Eastwood incarne, et raconte l'histoire d'un vieux père/mari/homme marginal qui refuse de se coucher, et veut durer debout.
Earl, à plus de 70 ans, et 12 ans avant le début supposé des événements de l'histoire, est un vieux charmeur horticulteur qui vit pour ses fleurs, des lys qui fleurissent un jour, et puis se fanent. Il a passé sa vie à bichonner des créatures de pure grâce, éphémères, et fragiles, mais emplies de beauté.
Il a fait son devoir en défendant son pays dans la guerre de Corée (tout comme mon père, d'ailleurs), et il est ancien vétéran, fréquentant d'autres vétérans qui n'aiment pas trop qu'on ridiculise et dévalorise les services qu'ils ont rendus au pays dans le temps, même si c'est avec de bonnes intentions toutes dégoulinantes.
Son travail, en vraie passion, l'a tenu debout, et il s'y est dévoué pendant sa vie d'adulte, délaissant femme, fille... famille, quoi...qui lui font bien sentir, avec une amertume acariâtre, à quel point il n'a pas été à la hauteur de leur amour...Elles lui en veulent toujours d'avoir choisi son travail plutôt que leur amour...
Ce travail l'a fait "louper" la cérémonie de mariage de sa fille qu'il devait donner à l'autel, mais qui est restée en plan (manifestement, Earl n'a pas eu de fils, mais de filles. Détail très important.).
Bref, Earl a fait ses choix dans son existence, et sa famille est passée derrière.
Le jour où Internet a raison de son commerce des fleurs, il doit mettre sa clef sous la porte, et trouver une solution, et c'est là qu'il commence à faire la mule pour un cartel de drogue, ignorant dans un premier temps ce qu'il transporte.
Earl aime conduire, et sur de longues distances : c'est son côté cowboy moderne qui aime tracer les routes, sans jamais avoir de P.V.
Et il faut avouer, qu'à plus de 80 ans, il est une mule assez improbable POUR TOUT LE MONDE, gangsters ET flics, qui ont de terribles préjugés pour des gens convaincus d'être o combien.. réalistes dans notre monde, et semblent penser que les vieux sont faibles ET débiles DE NATURE !
Earl va transporter une quantité de coke impressionnant pour ses nouveaux employeurs, prenant progressivement conscience de ce qui se passe.
Et il va gagner une fortune en contrepartie, qu'il dépensera à renflouer l'association de Vétérans, à aider la communauté, à s'acheter un nouveau pick-up tout rutilant, à racheter son commerce des fleurs, et sa maison.
Son contact avec le monde de la drogue va le transformer, ET transformer ses employeurs, dans un premier temps. Ce vieil homme dur à cuire va adoucir les moeurs barbares des nouveaux jeunes barbares, pour un temps.
Plusieurs histoire s'enchevêtrent dans le film, et malfrats et justiciers sont dépeints avec finesse et complexité dans des séquences où nous voyons un jeune malfrat s'ouvrir à une vision plus complexe du monde, alors qu'un flic submergé par son boulot entrevoit la pente savonneuse où mène l'oubli de la famille dans l'exercice d'un métier passionnant et prenant.
Je précise qu'Earl n'est pas du tout un saint, et que même à 85 ans passés, ça ne lui déplaît pas de se trouver en compagnie de belles filles qui lui offrent leurs services, mais le film est plus que pudique sur la nature de ces services, et nous en sommes soulagés.
Et à la fin, la rédemption arrive pour Earl, qui a "sacrifié" sa famille, mais qui regagne l'amour des siens... sur le tard.
Pour Eastwood, le pardon est possible, même tard, et après une vie de fautes, et cela nous donne de l'espoir...
Et.. il y a un happy end pour un vieil homme de 85+, dont le corps est tout noué, tatoué, pas beau, avec que des restes fugaces de la beauté virile qui fut la sienne.
Un happy end où Earl finit debout... ET LIBRE, aussi libre qu'on puisse être à 85 ans, dans le monde qui est le nôtre.
Un très grand moment de cinéma humaniste.

dimanche 10 février 2019

Furia. Lia Rodrigues.

Maintenant  pour la danse, ça se passe à la Rampe, parait-il et non plus à la MC2, c’est ce que je pensais jusqu’à ce soir, où le spectacle de celle qui avait déjà proposé « Pindora » m’a encore surpris http://blog-de-guy.blogspot.com/2016/11/pindorama-lia-rodrigues.html.
Le titre laissait prévoir des moments fougueux, ils arrivent accompagnés de chants kanaks envoutants après une longue plage de silence.
La lente émergence des corps recouverts d’oripeaux depuis des tas de tissus puis se trainant dans des haillons laisse entrevoir des peaux barbouillées de pigments. Dix danseurs s’entraident, se chevauchent, se dépouillent en un cortège qui prend des allures de « Radeau de la méduse » ou la tribu dépenaillée du « Caïn » de Fernand Cormon. Quand la danse, la transe adviennent, nos bouches béent. Mais cette résolution attendue est brève, les cheminements laborieux reprennent et si des mouvements évoquent des accouplements, les rapports entre ces corps qui révèlent leur beauté sont brutaux, avant de s’effondrer à nouveau après la parade alanguie d’une reine des chiffons.
Une heure forte qui restera en mémoire.