vendredi 7 décembre 2018

Jaunisse.

Loin, si loin où je puisse me trouver, du « bruit et de la fureur », je ne suis dispensé ni de la peur ni de la sidération quand l’effigie de Marianne se trouve éclatée sous l’Arc de triomphe.
Depuis les champs effacés de mon enfance, j’avais le sentiment que les Champs Elysées m’appartenaient un peu comme notre histoire de Charlemagne à « Charlot », comme les petits bateaux dans les bassins des Tuileries ou la gravité devant le mur des Fédérés.
Qui payera ?
Les carcasses de voitures calcinées rapprochent d’une imagerie de 68, tout esprit en allé, obstruant la réflexion. Les quelques tags au pied de la Marseillaise de Rude n’ont  plus rien des inscriptions quinquagénaires gaiement transgressives qui interpelaient les consciences printanières.
Que vaut une Porsche grillée face à la misère?
Nous rêvions d’un Tché pop art, notre monde 2018 est accablé par Trump.
Exploitant les colères de déshérités qui se réchauffent aux ronds points, ce sont nos enfants rois nés au quartier latin et leurs enfants qui vont au baston, ramassant le premier drapeau venu, tricolore ou jaune fluo plutôt que rouge. Les cocos viennent d’abandonner la faucille sur leur logo - pourtant depuis le temps qu’il y a des moissonneuses batteuses - dans l’indifférence générale. Brandir un tissu bleu blanc rouge n’empêche pas une image déplorable de notre pays quand sont saccagés des lieux d’éducation ou des boutiques de la rue de Rivoli.
Méprisant la culture, l’histoire et le respect des autres, la toute puissance des selfiés est sourde à la voix des raisonnables, que l’on n’entend guère. L’irresponsabilité va de soi, puisque les pseudos sont la règle. A l’heure où il est de bon ton pour les mieux pourvus de « lâcher prise », les plus démunis s’exhortent à « ne rien lâcher ». 
Certes l’homme n’a pas à être considéré «  comme un acteur économique isolé, rationnel et prédictible, mais comme un être changeant, pétri de valeurs contradictoires et interagissant avec ses semblables » (Le Monde). Dans la période, la complexité a du mal à faire son chemin.
Trop tourneboulé, j’hésite à m’exprimer, mais je m’y autorise au moment où je lis un éminent chroniqueur conseillant  au gouvernement le lundi de lâcher sur l’augmentation du gasoil et le mardi  lui reprochant de s’être couché. J’y vais donc de mon écrit  hebdomadaire destiné à être dépassé dans la minute. http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/11/demission.html
Bien entendu je n’ai rien vu venir comme tout le monde, à part ceux qui en appellent depuis toujours à une rentrée chaude. Pour donner des leçons après coup par contre ça se bouscule, et dans le genre Hollande est Royal. La dignité et la pudeur s’oublient quand ceux qui flattent la haine ont pignon sur rue, alors la démocratie prend des coups. Ruffin ne fait plus rire.
Depuis le café du commerce à la vitrine fendillée, il est facile de constater que Macron avait l’intention de rassembler les centristes de droite et de gauche, il a rassemblé les extrémistes de gauche et de droite contre lui. Il y a  un problème manifeste de confiance et la paralysie guette, alors allons-y pour la dissolution et on verra.
Edgard Morin est toujours un recours avec ce bon mot :
« Les gilets jaunes sont le signe d’une crise de foi. »
Le déferlement des demandes contradictoires amplifie le constat qu’il devient difficile dans nos sociétés d’accepter la contradiction, la contrariété, les évènements négatifs de la vie : la maladie, la mort, un radar, un trainard, connard ! 
La pensée magique, «  on rase gratis », devient encore plus incongrue quand se libèrent les instincts les plus violents qui prennent les flammes des palettes voire des préfectures, pour des lumignons passés des chapelles aux trottoirs, pour quel deuil ? Les coûts seront bien plus élevés que ceux que nous devrons aux vitriers.
La planète est-elle dans un tel état désespérant que des foules de desesperados se défoulent dans un lâche et large (?) assentiment ?
Autant tout casser avant de se casser, tels les lemmings se jetant du haut des falaises.
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Les dessins viennent de Charlie, du Canard 
et de FB pour un dessinateur du "Monde"  ci dessous.

jeudi 6 décembre 2018

Caravage. Fabrice Conan.

Pour les élèves d’aujourd’hui la répétition n’est plus de mise, mais à mon âge le rabâchage est un plaisir augmenté quand il s’agit d’assister à une conférence devant les amis du musée de Grenoble. Il est question de rivalités et d’amitiés à l’époque où Michelangelo Merisi venu du village de Caravagio exerçait à Rome, de 1592 à 1606 jusqu’à ce qu’il parte en exil à Naples puis à Malte et en Sicile, après avoir tué un adversaire au cours d’un duel. Le Musée Jacquemart-André expose en ce moment dix de ses toiles sur la soixantaine qui lui sont attribuées jusqu’au 28 janvier 2019, organisant un dialogue avec des peintres de son temps.
Le « Garçon avec un panier de fruits »  figure ci-dessus plutôt que le jeune « Bacchus malade » déjà publié. http://blog-de-guy.blogspot.com/2016/03/le-caravage-et-les-caravagesques.html . Il possède le même fond sombre et un cadrage à mi-corps caractéristique d’une manière acquise lors de son itinérance dans les ateliers lombards où la représentation d’après nature était également travaillée. Caravage appartient à la maison du cardinal Del monte pour laquelle il est appointé, et il est associé aux cercles romains intellectuels influents.
« Judith et Olopherne » est un tableau majeur parmi tant des têtes coupées, bibliques de préférence : la concentration est à son comble et les visages de la jeune criminelle et de la vieille servante, œil vif, bouche haineuse, contrastés. Il était présenté sous un rideau de soie chez son propriétaire qui avait demandé à ses héritiers de ne pas se séparer du tableau.
L’œuvre concernant le même thème, d’Orazio Gentileschi, est bien plus sage, en regard également de celle d’Artémisia Gentileschi, sa fille qui l’a désormais dépassé en notoriété.  http://blog-de-guy.blogspot.com/2016/11/du-manierisme-au-baroque.html
La version de Carlo Saraceni est dans des tonalités plus douces, une lumière plus diffuse.
Pour les douleurs de l’âme, la musique est un réconfort, le luth au ventre rond et au manche vigoureux, peut y pourvoir, tandis que le crincrin s’anoblit. « Le joueur de luth » chante une partition de madrigal tout à fait lisible à côté d’une nature morte où un rugueux concombre figure parmi les fruits.
 « La Douleur d'Aminte »  de Bartolomeo Cavarozzi fut attribuée un temps au Caravage, mais cette fois la musique ne peut rien face au désespoir du berger qui vient d’apprendre que sa bien-aimée  a été dévorée par des loups.
Le jeune « Saint Jean Baptiste au bélier »  inspiré des « Ignudi » (nus) de Michel Ange est bien vivant, voire impudique,
comme « L’amour victorieux » dont le modèle est identifié sous le nom de Cecco, serviteur, amant, élève, qui deviendra peintre.
« L’Amour sacré et l’Amour profane » de Baglione est dans le style du maître du clair obscur mais le satyre est représenté avec les traits du scandaleux débauché.
« Saint François en méditation sur le crucifix » aux couleurs absentes est tout en intériorité.
Cigoli avait gagné le concours organisé autour du thème « Ecce Omo », mais pas Le Caravage, quand Ponce Pilate présente Jésus à la foule : «  Voici l’homme »... pourtant, voir ci-dessus.
Alors que Pensionante del Saraceni, livre un original et vigoureux « Reniement de Saint Pierre »
« Le souper d’Emaüs » rejoint son histoire. « Pendant qu’il était à table avec eux, il prit le pain ; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux. »
Il peint en plusieurs exemplaires une sensuelle « Madeleine en extase » pleine de ferveur au moment où il se réfugie chez les Colonna, ses protecteurs de toujours, lors de sa fuite de Rome.
Sa disparition à 38 ans, lors d’une rixe ou bien épuisé par la maladie, alors qu’il revient vers la ville dont il connaît aussi bien les clients des tavernes que les puissants, laisse place au mystère et aux romans.  Par contre, sa marque dans l’histoire de l’art ne souffre pas d’incertitude.
« Si tu ne guettes pas l'inattendu, tu ne découvriras pas la vérité. » Héraclite



mercredi 5 décembre 2018

Lacs italiens # 1

A 7h 45 depuis Grenoble, direction l’Italie. Peu de circulation, nous passons le Fréjus sans problème en surveillant la vitesse en souvenir de radars qui furent efficaces pour un éternel retour sur les terres de nos cousins proches.
A partir des notes de ma femme,  commence ainsi, comme chaque mercredi à venir, le compte rendu de nos vacances 2018 dans la Nord de l’Italie. 
Passés la frontière, Guy est ravi par la dénomination « bande rumorosa » signalant la présence d’aspérités aux limites de la route.
Après Bergame, en l’absence d’aires d’autoroute, nous quittons  l’autostrade enserrée dans de hautes glissières, à la recherche d’un coin pour pique-niquer. Nous le trouvons à Calepio, village médiéval déserté où la route se termine en cul de sac, à côté d’un château et d’un jardin public face à un panorama grandiose sur la vallée. Nous nous attablons sous un arbre, seuls au milieu des jeux d’enfants et du monument aux morts dédiés aux « prodi » (valeureux). Nous mangeons les sandwichs de Paul après nous être bombardés de répulsif contre  les moustiques. Nous nous contentons d’un Caffè « netto » dans le bar local, sans céder au « correto » agrémenté de Grappa.
Poursuite de la route grâce au GPS de google maps, nous arrivons à destination vers 16h15 au milieu des vignes hautes sur pieds dont pas une feuille ne dépasse, chez Lucia Gabrielli, à San Pietro in Cariano.  
Le logement est charmant derrière son vieux porche de pierre dans l’enceinte d’une maison d’édition. Notre hôte nous introduit dans la demeure bien fraîche aux murs épais, dotée de la climatisation. Mais il est haut perché et pour y accéder, nous grimpons un 1er escalier, débouchons dans une belle bibliothèque aux tommettes anciennes où nous faisons trembler les vitres d’une armoire rien qu’en passant à côté ; enfin par un 2ème escalier aux marches usées, nous parvenons à notre appartement de 2 chambres munies de leur salle de bain, d’une grande pièce  à vivre avec cuisine.

Nous déballons nos affaires et partons au ravitaillement  au supermarché. La note nous semble bien inférieure à ce que nous escomptions avec un litre de Cinzano pour environ 5 €, produit le plus onéreux de nos achats.
Un ciel couvert nous surprend à la sortie. Avant de rentrer nous  poursuivons notre route au-dessus de Cengia où une église et quelques belles demeures dominantes promettent un bel aperçu de notre situation. Le point de vue en hauteur  porte le nom de Castelrotto ; la placette est mignonne avec son église, son bistrot en terrasse où les gens dégustent leur spritz d’un orange vif et un restaurant surplombant le site, le « Castrum » qui n’affiche pas des prix prohibitifs. Un petit vent léger se lève mais ne parvient pas à chasser la moiteur ambiante.
Retour à la maison : après un spritz à domicile, gaspacho, chiffonnade de mortadelle et de jambon de Parme, yaourt , pêches plates et chocolat.
Temps tranquille sous la clim bien réglée et réparatrice : lecture, tablette, écriture.

mardi 4 décembre 2018

Leçons de choses. Grégory Mardon.

Titre parfait pour le récit d’une enfance à la campagne, du point de vue d’un petit garçon nommé, comme tout le monde, Jean Pierre Martin.
La quatrième de  couverture évoquant l’exécution de chatons superflus donne une idée dramatique de l’album, alors que c’est l’innocence, l’émerveillement, l’imagination augmentant le réel qui dominent ces 80 pages.
Les couleurs ravissantes, le trait naïf, transcendent l’ennui, la cruauté, les aspérités de la vie dans un village sans pittoresque, permettant d’en faire un lieu commun à tous nos rêves d’enfants et à nos indulgences adultes.

lundi 3 décembre 2018

Carmen y Lola. Arantxa Echevarria.

Le désir d’émancipation sociale de la jeune Lola va de pair avec sa volonté de vivre sa vie d’homosexuelle, tabou majeur dans la société gitane.
Nous suivons la naissance de l’amour entre la jeune qui a envie de devenir institutrice et une autre fille fiancée depuis peu, engagée dans la trajectoire habituelle : coiffeuse, comme il semble que ce soit le sort pour les habitantes de cette banlieue de Madrid.
Les fêtes sont colorées, ensorcelantes et les sentiments qui doivent se dissimuler tracent à la bombe à peinture des cœurs enfantins.
Nous regrettons une uniformisation du monde, une banalisation des cultures, mais sous les claquements entraînants des talons, où la féminité est outrée, le conformisme est étouffant.
Ces conflits, ces contradictions, sont vivement exposés et l’apprentissage d’un type de relation amoureuse en milieu hostile, s’il est sensuel, n’alimente aucun voyeurisme.

dimanche 2 décembre 2018

L’école des femmes. Molière, Compagnie Alain Bertrand.

J’ai récidivé avec cette pièce dont la dernière en date habillait Daniel Auteuil en vieux barbon, pour vérifier s’il y avait quelque « # metoo » prémonitoire dans cette pièce de 1662 http://blog-de-guy.blogspot.com/2009/01/lcole-des-femmes.html  
Mais bien que les excellents acteurs fussent à leur place et la mise en scène enjouée, je n’ai pas trouvé un grand intérêt à cette version avec des personnages manquant de complexité, où les enjeux m’ont semblé loin de la condition des femmes d’aujourd’hui.
« La femme est le potage de l’homme ».
Les mariages arrangés existent encore avec des hommes qui asservissent les femmes, sous grilles et voiles, mais  la langue, cette fois, m’a paru contribuer à rendre artificielles les situations et caricaturales les relations mises en scène.
« Votre sexe n’est là que pour la dépendance :
Du côté de la barbe se trouve la toute-puissance ».
Arnolphe avec cravache est ridicule, Agnès ingénue, Horace amoureux.
« Le petit chat est mort »
Pourtant, plus je vais, plus j’apprécie les classiques en général et une langue au service de dispositifs clairs aux sentiments délicatement traités.
Par ailleurs je regrette que l’école ne soit plus en mesure d’y amener la masse des élèves qui ne sauraient tous apprécier un de nos phares : Molière.
Ma déception est d’autant plus assurée que depuis si longtemps je n’avais pas entendu résonner les trois coups au théâtre dont le dernier arrive sur un pied. Je me suis dit d'entrée : « on va rire simplement »… las. Les bastonnades nocturnes, les confidences instantanées délivrées bien entendu à celui à qui il ne faudrait surtout pas les dire, les dénouements qui font paraître sophistiqués ceux de l’industrie cinématographique hollywoodienne, me font préférer, décidément, le Bourgeois Gentilhomme, Tartuffe et autre Misanthrope…
La salle de la Vence scène à Saint Egrève était complète et le public ravi.

samedi 1 décembre 2018

Schnock. N°28.

Ils auront toujours 10 ans, mais il fallait bien que Souchon et Voulzy fassent la une du trimestriel qui nous donne un coup de vieux, consenti, et des plaisirs de lecture.
Renaud le djeun’s y a bien été : http://blog-de-guy.blogspot.com/2018/06/schnock-n25.html
Si dans mon esprit, Voulzy figure en retrait par rapport à  « La Souche » mon chanteur préféré, je comprends son rôle de révélateur auprès de son ami dont la complicité n’est pas une posture marketing. Les entretiens avec eux prennent leur temps :
«  Léo Ferré, je le trouvais à la fois extraordinaire et lourdingue. De toute façon, même Gainsbourg était extraordinaire et lourdingue. Pas Brassens » 
Et le top 10 des albums, voire la disco secrète du frère de Richard Voulzy qui a écrit « Frotti- frotta » pour Doc Gynéco, nous donnent envie de réécouter, voire découvrir quelques titres qui arrivent à tenir une certaine place dans les bacs, bien qu’ils ne produisent pas à tour de bras.
Le top 5 des films où le timide Alain tint dans ses bras Adjani, Thierry Lhermitte, Deneuve, Miou Miou, donne envie de revoir ou voir « La fête des pères » ou « Je vous aime ».
On a même droit aux références des morceaux cités dans "Rockcollection" vendu à 1,5 millions d’exemplaires en France et 5 millions  à l’étranger : « The loco-Motion » de Little Eva, « It’s a Hard day’s night » des Beatles, « I get around » des Beach Boys …
Plus rare est Françoise Fabian, alors un petit retour sur sa carrière est bienvenu.
Cependant il faut bien connaître le milieu du rock pour savoir qui était Moustique idole de blousons noirs, et avoir passé son temps devant la télévision pour être allé au-delà de la rengaine : «  Starkyyyyet Hutch ».
Puisque je ne sais rien des films qui font peur, la «  déclaration sur l’horreur » de Raphaël Delpart auteur de « La nuit de la mort » ou « Clash » me laisse un peu froid.
Par contre, j’ai plus de regrets de n’avoir jamais vu le film à propos de Dali signé Jean-Christophe Averty.«  C’est le plus mauvais film qu’on ait fait sur Dali. Il n’a qu’un mérite : c’est le seul. » Dali
Comme je me désespérais de ne pas retrouver dans ce numéro le style inspiré qui est aussi leur marque de fabrique, les pages bien documentées à propos du vermouth sont arrivées à point nommé. «  ne pas confondre vermouth et vins au quinquina, le Byrrh, le Saint Raphaël, le Duhomard, le Lillet ou le Cap Corse Mattei… »
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Merci à mes fidèles lecteurs, à mon unique commentatrice anticonformiste et assidue.
Alors que j'étais retombé autour des 200 vues par jour, je ne sais quels  algorithmes se sont déchainés ces derniers jours pour atteindre des pointes de plusieurs milliers de clics venus essentiellement... des USA.