mardi 10 mars 2015

Vingt-trois prostituées. Chester Brown.

L’auteur ayant refusé le titre proposé par les éditeurs : « Payer pour ça », le seul décompte de ses expériences sexuelles tarifées est fidèle à l’esprit d’un récit comptable méticuleux, où il prend sa calculette pour voir combien de passes il peut se permettre dans l’année. Il estime également ce coût en regard d’une relation achevée avec une amie qui a entrepris une histoire avec un autre homme.
227 pages de BD et 60 de postface, appendices et notes diverses, bibliographie : c’est que l’auteur est minutieux et  d’une honnêteté froide qui donne à ce récit entomologique une originalité et une force certaine avec un humour distancié bien présent.
Récit autobiographique sans bienveillance où le visage des femmes rencontrées n’apparait jamais, par respect, sans aller contre la précision clinique des dessins en noir et blanc.
Les affects sont éloignés, mais on suit avec intérêt l’évolution de l’homme, ses questionnements : allant de sa peur de l’arnaque à la notation sur les sites internet naissants au Canada.
Même ses plaisirs sont maitrisés, et le regard sans complaisance de ses amis permet d’élargir une réflexion concernant la violence, le trafic d'êtres humains, la présence de l'argent dans les relations, voire la fiscalité.
« - L’amour et l’occident de Denis de Rougemont.
- C’est bien ? C’est intéressant. La poésie romantique n’est devenue populaire qu’au XII° siècle.
Ça a commencé quand les troubadours du sud de la France se sont mis à écrire et à chanter des chansons d’amour.
A peu près au même moment, toujours dans le sud de la France, l’église catholique éradiquait la religion cathare.
- Ah la croisade des Albigeois.
- Rougemont pense que ces deux choses sont liées.
Il pense que certains cathares sont devenus clandestins…que les troubadours étaient des cathares résistants.
Quand les troubadours chantaient une chanson à la gloire d’une femme cela symbolisait leur amour pour le divin. »
Des annexes documentées venant après la relation des ses relations sans drame, peut apporter des arguments aux anti abolitionnistes dont aucun n’a pu résister pourtant à la question :
« Et si votre fille devenait prostituée ? »

lundi 9 mars 2015

Les merveilles. Alice Rohrwacher.

Parce que je craignais une chronique « miel  toutes fleurs » trop sucrée, j’ai été séduit, surpris par ce film italien qui traite de la vie d’une tribu familiale dans la pauvreté, dont les bonheurs n’en ont que plus de prix. « Tout ne s’achète pas »
Les « merveilles » c’est boire un rayon de soleil dans une grange poussiéreuse, piquer une tête dans  l’eau en été, rebondir sur un sommier qui sert à dormir à la belle étoile, sauter dans les flaques, rêver, danser…
Les « merveilles » ne sont surtout pas celles d’une émission de télévision titrée « Au pays des merveilles » qui tranche par son artificialité tonitruante avec le quotidien rude, parfois violent,  d’une communauté au travail.
Les filles aident un père bio débordé, à récolter le miel, ressource principale de la maison. On pourrait y voir de l’exploitation d’enfants, d’autant plus qu’un garçon prédélinquant et mutique est confié à cette famille persistant  à vivre dans les utopies des années soixante non pas en Californie mais dans les cours boueuses de l’Ombrie. 
Le baba n’est pas cool et l’apiculteur plutôt unhappy.
Un chameau, cadeau incongru, démesuré, poétique est offert à l’ainée, baptisée Gelsomina comme Giulietta Masina dans « La strada ». Cette préadolescente forte et douce, filmée avec sensibilité, est émouvante. Aimée, elle est un vecteur d’espoir, elle saura s’émanciper sans briser. Ses ainés auront pâti d’une campagne qui ne parait plus qu’en tant que cartes postales, genre guère usité désormais.  

dimanche 8 mars 2015

Le mur de l’équilibre. Pascal Rousseau et Eric Bono.

Quand  à la fin du spectacle, à La Vence Scène, l’équilibriste remercie le public :
« Vous pourriez être à ma place et moi à la vôtre » :
- Certainement pas, je ne risque pas d’enfiler mon pantalon tout en haut d’un mât ! 
Ce brin de candeur se retrouve tout au long de la représentation où se succèdent les performances circassiennes et de belles images au charme suranné.
Des morceaux d’une charrette disloquée : ridelles, timons et roues ainsi que les briques de bois d’un mur, fournissent des matériaux offrant prétextes à jeux d’équilibre et de force. Ils  permettent la réalisation d’un rêve de voyage.
La mise en scène n’est pas d’une cohérence évidente, elle m’a paru alanguie avec quelques  métaphores  trop surlignées, et des textes d’une poésie un peu voyante.  
Quand les acrobates n’assument plus leur place dans le music- hall, il faut la jouer fine.
Heureusement, la musique planante permet de passer le temps agréablement, alors que l’artiste prend un peu trop souvent la pose, bien que ses prouesses forcent l’admiration.
Il ajoute « sur le fil de la vie, prenez tous les bateaux qui passent » mais dans ces temps affairés, il se trouve que beaucoup soient souvent « charrette » et que la galère soit plutôt au rendez vous, après avoir tant ramé. 
La photographie est copiée collée depuis le site du "théâtre du garde chasse".

samedi 7 mars 2015

En France. Florence Aubenas.

Passionnant. La journaliste, http://blog-de-guy.blogspot.fr/2010/03/le-quai-de-ouistreham.html , la plus en vue des journalistes de la presse écrite adopte une position discrète pour décrire les périphéries à l’intérieur de l’hexagone en dressant quelques portraits agiles d’hommes et de femmes anonymes dont elle révèle les couleurs, et les mots justes, même s’il s’agit de lapsus « France po » pour « science po » pour la mère d’un admis ZEP, rue Saint Guillaume.
Elle n’écrit pas de chronique dans Le Monde où elle travaille désormais, mais elle a persisté dans ses reportages qui rassemblés forment un portrait « impressionniste » de notre pays qui peut nous inquiéter mais aussi nous ravir par le style et l’empathie envers les personnes rencontrées dont elle ne partage pas forcément les options, mais sait les dévoiler. 
Sans démagogie, sans disparaitre, mais sans écraser, mépriser, parler à leur place.
A Hénin Beaumont, c’est la gauche qui a joué sur la peur, utilisant l’arme de son adversaire : raté !
Dans le delta du Rhône une plage :
« …les voitures grimpaient sur les dunes, paraissant danser elles aussi, se renversant parfois, s’arrêtant au ras des vagues, confortant chacun dans la certitude d’être dans un endroit unique, un paradis primitif, inviolé, peuplé de pêcheurs, de gentils bandits et de pratiques au charme ambigu, doucement sauvages. »
La CAF de Guéret, dans le Gard, à Clichy sous bois, Aubervilliers, chez les Dubreton entre deux manifs pour tous, avec Bouboulette et Cassandra endettées, une doctoresse à Aubusson, un pompiste en Côte d’or, deux lesbienne à Thines  en Ardèche (9 habitants) … une décrocheuse, des mamans de 14 ans, une maman-parfaite-mais-surbookée …
240 pages. Vite d’autres chapitres !

vendredi 6 mars 2015

Le Postillon. Février mars 2015.

Décidément, ce n’est pas pour leur « une » que je reviens vers le  bimestriel Grenoblois : celle qu’ils ont choisie aurait mieux convenu dans la rubrique: « les couvertures auxquelles vous avez échappé » où figure aussi une femme de ménage qui a la tête de la femme assise de Copi ( très ancien dessinateur de Charlie mensuel) et dit en passant son balai dans les flaques de sang : « j’essuie Charlie » : pas de mon goût non plus. Par contre la photographie journal déplié (voir ci-dessus) est excellente bien que le thème de la manif Charlie à Grenoble ne soit traité que par l’humour, alors que ce fut un évènement majeur et porteur de sens.  
Les rédacteurs persistent à ne pas signer les articles et même le courrier des lecteurs est anonyme. Ils cultivent ainsi le travestissement, type réseau sociaux, alors qu’ils sont tellement tradi par certains côtés. Qu’ils ne s’étonnent pas de ne pas être toujours considérés par leurs interlocuteurs à la hauteur de leur prétention quand ils se placent sous le patronage d’Albert Londres ; « mais non on rigole ». Surtout quand les apprentis journalistes « gonzo », journalisme subjectif où les reportages sont écrits à la première personne, prennent la mauvaise route, où ne sont pas au rendez-vous.
L’information alternative dans la cuvette ne sort pas de l’amateurisme désinvolte.
Il  serait temps pour eux d’arriver à éditorialiser au-delà des réponses à des lecteurs, histoire de mettre de la cohérence, voire de souligner des contradictions pour éviter de tomber dans le micro trottoir comme lors de l’entretien avec Mourad et Dalila sur la Villeneuve. 
La critique de la « co-construction » méthode de la nouvelle municipalité en devient anecdotique, alors que la question est d’importance qui met en jeu  rien moins que la notion de démocratie et la distance des paroles aux actes.  
Après une période indulgente, me voilà redevenu plus âpre, bien que le point de vue d’un chasseur sur le Center parc de Roybon soit intéressant, parce qu’inattendu, ainsi qu’un extrait de BD traitant de la présence des immigrés place Notre Dame en 1977. Vallini, un de leur « client » favori, se représentant aux élections départementales constitue une aubaine. Leur article appelant à la fermeture de l’Agence d’Etudes et de Promotion de l’Isère manque de nuances,  et me semble  imprégné trop exclusivement de culture « pièces et main d’œuvre » qui ne manque pas de pertinence parfois, mais traite l’emploi par-dessus la jambe.
...............
 Un dessin du Postillon ci dessous, le Canard n'était pas très vif cette semaine, par contre les derniers "Charlie"  sont excellents.

jeudi 5 mars 2015

De Bosch à Bruegel. Le fou, le diable et l’ermite.

Autour de l’année 1500, le moyen âge ne savait pas qu’il finissait, quand la  première mondialisation poussait au changement d’ère. Le capitalisme stimulé par les découvertes faisait émerger la bourgeoisie, alors que les craintes millénaristes vont durer 33 ans après la date ronde.
Toute comparaison de cette période avec notre début de siècle peut sembler plus féconde que celle qui rapproche des années 1930, lorsque l’imprimerie, difficile à maitriser par les pouvoirs, multiplie les idées. Prédicateurs et charlatans foisonnent, mais une dévotion plus moderne s’élève contre les superstitions, la piété devient une affaire plus individuelle. Le pape cautionne la chasse aux sorcières et les sectes prolifèrent : à quel saint, à quel diable se vouer ?
Un monde ancien met du temps à mourir, le nouveau va naître : la renaissance.
Christian Loubet présentait quelques tableaux de Bosch et Bruegel qui ont tant de choses à exprimer sur cette époque de crise.
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/02/bruegel-et-bosch-le-sacre-des-proverbes.html
Les œuvres du premier sont pour beaucoup à Madrid, celles du second à Vienne : les Habsbourg avaient du goût.
Alimentée par les images médiévales, peinte par le malicieux Jheronimus van Aken dit Jérôme Bosch (du bois), « La nef des fous » à la destination incertaine, prend l’eau : religieux, bourgeois et manants insouciants  bâfrent et se disputent. Le plus fou, n’est pas forcément celui qui en porte l’habit. C’est dans ces eaux, qu’Erasme écrivit un pamphlet, « L’éloge de la folie ».
Sur la table représentant « Les péchés capitaux » le christ rayonne depuis le centre d’un œil au dessus de la phrase : « Attention Dieu vous regarde », entouré telle une « roue de l’infortune »  par la représentation de « sept déviations coupables de notre humanité » : colère, envie, avarice, gourmandise, luxure, paresse, orgueil. Si quatre façons de mourir tranquillement sont mentionnées c’est bien l’enfer qui attire nos regards : les damnés souffrent par où ils ont fauté. Cette thématique que Bosch développera, où l’imagination donne toute sa démesure, permet de représenter la violence et la sensualité.
Le triptyque autour du « chariot de foin », où chacun vient prendre sa poignée d’éphémère matière, comporte sur le panneau de gauche, lors de la création du monde, des anges rebelles chutant. Au centre, aucun représentant de la société en proie aux péchés, n’est à son avantage; l’air, l’eau, le feu, la terre sont corrompus. Sur le dessus du char, seul un couple d’amoureux semble échapper aux malheurs, sous les yeux de Jésus dans le ciel « qui n’en peut mais ». A droite les démons, animaux hybrides, torturent les humains, les trainent dans la boue. Les corps sont vides. Le forgeron, celui qui creuse la terre, est le grand ordonnateur de cette descente aux enfers où les références aux cartes du tarot foisonnent. Une fois le triptyque refermé, un vagabond aux traits de l’auteur occupe tout l’espace, il fuit le monde violent et s’abimant dans l’ivresse, il est aussi « le mat », le fou de l’arcane XXII accompagné d’un lynx.
« Le jardin des délices » surnommé aussi « le labyrinthe des délires » est constitué également en trois parties, entre un Eden bleuté, comme le lieu central où s’ébattent les enfants d’Adam et Eve dont les accouplements échouent, et un enfer où l’homme d’une infinie tristesse n’a pas constitué son unité. Les détails sont fascinants et l’effet de l’ensemble luxuriant est saisissant, l’univers est cataclysmique.
« Le jugement dernier » est apocalyptique à souhait alors que le traitement de Saint Antoine, de Saint Jean Baptiste ou Saint Jérôme aux yeux fermés au monde est plus apaisé, même si au sein de la sérénité se glisse le mal : un quatrième roi mage apparait dans « l’Epiphanie ».
Le christ dans le " Portement de Croix avec Sainte Véronique "  a  aussi les yeux fermés au milieu d’une foule grimaçante mais ouverts sur le suaire qui porte l’image de son visage.
Pieter Bruegel dit l'Ancien est né à Bruegel en Belgique au temps de Charles Quint, il marie l’équilibre italien et les débordements flamands.
« Le paysage avec chute d’Icare » est surtout occupé par un paysan qui laboure, un pêcheur qui pêche, un berger qui garde ses moutons ; les grands espoirs de l’homme s’abiment dans l’eau.
« La tour de Babel » voulue par Nemrod est aussi le témoignage de l’ambition des hommes, vouée à ne pas aboutir.
« La Huque bleue » (tunique) plus connue sous le titre «  Les Proverbes flamands », ou « Le Monde renversé » illustre une centaine de proverbes et d’expressions : « jeter des roses aux cochons », « ôter la barbe au christ », « se confesser au diable », « tenir le monde sur un doigt », « recueillir le soleil dans un chaudron » (naïf) …
Dans « La lutte de Carnaval et de Carême » le gros laisse la place au maigre, le poisson remplace la viande ;  « damned ! » Vient le temps de l’église après l’auberge, tranquillement.
Les paysans dansent vraiment dans la  dynamique « Danse des paysans » et il est bien légitime de s’amuser comme dans « Le repas de noce » où on peut penser à l’abondance de celles de Cana. Au « Pays de Cocagne », l’œuf à la coque arrive sur ses pattes, et ce paradis là est vraiment charnel.
Les riches devenus ont la nostalgie de leurs parents paysans et achètent les tableaux de fenaison, moisson, au fil des saisons.
Les scènes bibliques, « Le dénombrement à Bethléem » ou « Le massacre des innocents »  parlent aussi des Espagnols qui taxent ou tuent comme le brutal duc d’Albe. Celui-ci provoqua une guerre de 80 ans d'où naquit le premier état démocratique des Provinces Unies.
Perdu au milieu de la foule immense indifférente, « Le christ porte sa croix » dans une autre toile.
Pas loin de la parabole  des aveugles : « Laissez-les. Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Or, si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse. »
« Le misanthrope »  porte le deuil de la perfidie du monde, il se fait détrousser par un enfant. 
Impossible d'être à l’abri de la méchanceté.
Les villageois dansent et sont indifférents à « La Pie sur le gibet », un homme défèque dans son coin.

mercredi 4 mars 2015

Iran 2014 # J 19. Sareyen/ Kandovan.

A 8h 30, heure prévue, le nouveau chauffeur, Hossein nous attend et nous embarque pour le petit déjeuner dans une petite ville aux alentours. Son minibus plus vaste, plus moderne nous transporte jusqu’à Tabriz dans le confort, à travers « un plateau monotone et agricole » avec toujours des constructions neuves édifiées dans des lieux improbables.
Hossein connait bien Tabriz, ville intellectuelle et étudiante, il garde un grand sang froid et une maitrise parfaite de la conduite dans une circulation intense, et nous lâche à proximité du bazar.
Très grand, celui-ci est organisé en quartiers spécialisés dont nous ne voyons que celui des tapis.
Ce que l’on appelle tapis, ce sont des sortes de tableaux en soie ou en laine, reproduisant des peintures anciennes demandant sans doute un grand savoir faire, souvent d’un goût qui n’est pas le nôtre.
Les porte-faix lancent leur : « Yala, Yala » en tirant leurs carrioles surchargées.
Nous retrouvons l’ambiance de marchés couverts, mais je dois commencer à devenir blasée et le trouve moins attrayant que les précédents, bien que ce soit le plus long du monde, et qu’il contienne des caravansérails. 
Cela provient  sans doute du plafond vouté trop neuf, restauré après un tremblement de terre.
Halleh nous déniche un restaurant populaire bondé où les familles s’installent côte à côte sur de longues tables à peine séparées par des chaises coincées dos à dos.
Il ne désemplit pas bien qu’on approche de 15h. Les serveurs disposent un bol de soupe à la tomate devant chacun puis apportent le riz kebab, plat de résistance. Nous sortons du bazar, Hossein nous attend en double file et nous partons vers Kandovan  dans la clim’ appréciée du van. Nous avons tendance à nous assoupir, c’est l’arrêt du véhicule qui nous ramène à la réalité.
De l’autre côté de la route, des entrées souterraines se devinent dans la pente grâce à des murets de pierres qui consolident ainsi les bords aériens de constructions troglodytes très anciennes  et récemment découvertes par un berger. Certaines excavations étaient réservées pour les bêtes, d’autres pour les hommes, à l’abri des regards des envahisseurs (Moghols ?) et sans doute elles ne sont pas toutes dégagées de la terre. Malheureusement des visiteurs ont laissé des détritus comme sur toute aire proche des routes, ce qui donne un air d’abandon et décourage notre intérêt.
D’un coup de voiture rapide, nous approchons de la "petite Cappadoce" et ses cheminées investies par les habitants de Kandovan. Hossein nous dépose avec les bagages sur la route pavée au bas du village de Schtroumpfs et s’en retourne vers Tabriz.
Il nous faut grimper la rue cassée de rudes escaliers, chargées comme des mules, et si un jeune ne m’avait aidée tout comme ma camarade, jamais nous n’aurions atteint la « suite » haut perchée, creusée dans le tuf. La grotte fraîche et sentant le soufre est équipée pour 4 personnes mais assez grande pour en coucher deux de plus par terre. 
Elle est dotée d’une salle de douche, d’un WC, d’une cuisinière  et d’un frigo vétuste. Après un petit café servi dans six verres neufs portant encore leur étiquette, nous explorons le village pittoresque au milieu de nombreux touristes iraniens. Des boutiques de souvenirs tous semblables, sont installées dans les caves troglodytes. Les femmes s’activent, distillant  du thym et proposant du miel, ou de la confiture de raisin spécialité d’ici.
Nous prenons notre repas du soir en bas du village de l’autre côté du cours d’eau sur des divans en plein air. Les touristes profitent de leurs congés ; il y a encore du monde. Pour résoudre les problèmes de stationnement le lit de la rivière sert de parking. Avant de se coucher, une petite glace au safran et au chocolat et nous gagnons  notre nid d’aigle pour organiser notre dortoir. 
D'après les notes de voyage de Michèle Chassigneux.