dimanche 7 décembre 2014

Oncle Vania. Tcheckov.Lacascade.

Que serait un automne sans Anton (Tchekhov) ?
Si des durées de plus de deux heures deviennent habituelles, les plateaux avec onze acteurs se raréfient.
Les comédiens, celui qui joue Vania en tête, sont parfaitement au service du metteur en scène qui a adossé « L’homme des bois » à la célèbre pièce titre, même si tous ne correspondent pas à l’idée que je me faisais de leur âge. Je ne voyais pas non plus une exposition des sentiments aussi soulignée d’autant plus qu’amours et amitiés sont chahutés, mais rien ne semble grave dans cette tragédie traitée parfois de burlesque façon, jusqu’à la fin des rêves.
La vie du groupe réuni à la campagne comporte des scènes très enlevées, sans les ambigüités  que j’imagine chez l’auteur, mais il est vrai que l’alcool  tient sa place et l’outrance slave ne contredit pas forcément les subtilités.
Lacascade qui avait déjà monté du Gorki ici http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/06/les-estivants-de-maxime-gorki-eric.html dit : « pour Tchekhov existe un combat permanent entre une intériorité et une extériorité, entre le fond et la forme»
Nous attendons l’arrivée des invités comme les premiers acteurs qui patientent, et si la musique accompagnant cette réunion à la campagne de familles recomposées a des accents mélancoliques, la vigueur des verres qui s’entrechoquent nous donne soif. Le discours qu’on dirait écologiste du médecin est époustouflant, la pièce a été écrite en 1897. Faut-il se réjouir de sa modernité, car le constat n’a fait que s’aggraver ?
Et de toutes façons : « Que faire ? Il faut vivre ! Nous vivrons, oncle Vania ! Nous vivrons une longue série de jours, de longues soirées. Nous supporterons patiemment les épreuves que nous enverra le destin […] Et quand notre heure viendra, nous mourrons soumis. Et là-bas, au-delà du tombeau, nous dirons combien nous avons souffert, pleuré, combien nous étions tristes […] Nous nous en réjouirons, et nous rappellerons avec une humilité souriante nos malheurs d’à présent. Et nous nous reposerons. »
Les lumières sont magnifiques.

samedi 6 décembre 2014

Un été avec Proust. Laura El Makki et compagnie.

Ouvrage collectif dont le collaborateur le plus connu est Antoine Compagnon qui produisit l’été d’avant un succès de librairie avec Montaigne en digest. Ce fut aussi une série d’émissions sur France Inter pendant les vacances.
Craintif devant la cathédrale représentée par les sept tomes de la centenaire « Recherche »,  j’ai acheté ce petit livre, comme un guide de voyage avant de m’embarquer peut être pour ce pays impressionnant.
Les 230 pages explorent le temps, les personnages, l’amour, les mondanités, les lieux et l’imaginaire de l’écrivain majeur et son art de révéler musique, peinture… Pour conclure avec ses rapports avec les philosophes, lui, le cousin de Bergson.
"Comme le dit Bergson, on ne voit jamais les choses mêmes, mais on voit les étiquettes qu'on a posées sur elles"
Ses phrases sont si longues afin d’approcher subtilement les objets, qu’un empilement de citations ne pourrait qu’être grotesque, pourtant :
« Tâchez de toujours garder un morceau de ciel au-dessus de votre vie » est bien joli.
L’entreprise est sympathique car elle ne prend pas le lecteur de haut, tout en faisant confiance à son attention :
« même si on ne s'intéresse pas du tout aux salons du tournant du XIXe siècle, qu'on ne veut rien savoir du milieu des Guermante ou du monde des Verdurin, on peut comprendre qu'il y a un Proust à l'intérieur de nous-mêmes, et qu'il nous décrit »
Parce que « la lecture est une amitié » :
« Et dire que tout à l'heure, quand je rentrerais chez moi, il suffirait d'un choc accidentel pour que mon corps fût détruit, et que mon esprit, d'où la vie se retirerait, fût obligé de lâcher à jamais les idées qu'en ce moment il enserrait, protégeait anxieusement de sa pulpe frémissante et qu'il n'avait pas eu le temps de mettre en sûreté dans un livre. »
De quoi occuper quelques automnes.

vendredi 5 décembre 2014

Panneaux.

Decaux.
Quand l’actualité nous accable, il est bien tentant d’aller vers quelques nouvelles positives.
Il se trouve que la non-reconduction des contrats publicitaires avec Decaux par la ville de Grenoble en constitue une bonne. Mais le tintouin qui s’en est suivi fait paraitre d’autant plus dérisoire la sympatoche mesure. Ne plus voir la dernière publicité d’Aubade dans le centre ville ne console guère des monstrueux placards qui prospèrent dans les zones périphériques.
Mais ne boudons pas cette petite annonce.
Sénat.
Les sénateurs qui n’étaient qu'à peine une douzaine lorsque le prix Nobel d’économie s’est rendu au Palais du Luxembourg ne peuvent sauver la si peu honorable assemblée d’un discrédit qui ne cesse de se creuser. Et surtout si Tirole n’est pas leur tasse de thé qu’ils aillent aiguiser leurs arguments !
Foot.
Elections chez les profs. Le SNES titre : « droit au but », c’est le slogan de l’OM qui se redresse grâce à un entraineur exigeant surnommé « El Loco ».  Je suis supporter de l’Olympique de Marseille, la ville réprouvée, mais que la publicité avant les élections professionnelles ne comporte, sous cette banderole, que les portraits de ses candidats, sans aucun article de fond posant quelques enjeux actuels est navrant.
L'école, l'école, ben qu'est ce qu'elle a l'école?
"Aux armes! Aux armes! Nous sommes les marseillais et nous allons gagner! "
Orthographe.
Dans des avis concernant des élèves, enrobés d'un vocabulaire genre Diafoirus se piquant de pédagogie, l’orthographe est  parfois négligée. Cette discipline ringarde ne va quand même pas ralentir le flot de paroles émollientes qui évitera à chacun de sortir d’une adolescence éternelle !
Et pas besoin de panneaux 4X3 déroulants pour vanter cet état au sourire factice qui n’est que le masque d’une société qui flatte ses mômes tout en acceptant le chômage et une planète délabrée.
Pan !
Pour avoir négocié avec la région  C.G. T. Basse Normandie une prime de départ quand il devait prendre ses fonctions au national, Lepaon, plante le dernier clou sur le cercueil de nos illusions.
A l’Elysée, dans les ministères, on commence à s’y faire, à la litanie des escrocs, mais là, alors qu’il est censé incarner une organisation des plus intransigeantes au service des plus humbles, cette position de syndicaliste mégoteur à l’égard de sa propre organisation est atterrante quand on sait les milliers de militants qui ont sacrifié tant d’heures, tant d’argent pour les idées auxquelles ils croyaient. Quand  on s’était mis dans les années 80 à faire circuler des feuilles pour défrayer des responsables syndicaux de leurs déplacements, les feuilles revenaient bien peu remplies. Ces vicissitudes ne réjouissent pas le cédétiste que je fus, j’en suis triste, anéanti.
……………
Dans le Courrier International de cette semaine, le dessin de Chapatte du Temps, journal suisse.

jeudi 4 décembre 2014

A l’arrière comme au front. Musée dauphinois.

Si les façons d’exposer se sont banalisées depuis que le musée dauphinois fut innovateur en la matière, la présentation, jusqu’en juin 2015, consacrée au conflit centenaire qui fit 18 000 morts parmi les isérois, renouvelle le genre. Une habitude http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/04/les-dessous-de-lisere-musee-dauphinois.html
Les batailles tellement meurtrières sont bien sûr évoquées, 
mais ce sont les répercussions dans la vie quotidienne, celle des femmes en particulier qui sont développées, en commençant en amont par la guerre de 70 où furent préparés à l’affrontement les esprits et les corps, et se finissant avec le traité de Versailles qui contenait les prétextes du conflit suivant.
Alors qu’un habitant de Grenoble sur neuf est militaire à la veille de la guerre, une carte atteste la présence de toutes ces casernes, cette géographie va être bouleversée.
Des hôpitaux temporaires se multiplient, des réfugiés arrivent, ainsi que des émigrés pour travailler dans les usines qui produisent armes, uniformes, produits chimiques. Des jeux patriotiques sont prévus pour les enfants.
Les lettres qui sont toujours le support dans le récit de cette guerre sont là, ainsi que les restes d’un zeppelin de 200 m de long qui s’est écrasé dans la région de Laragne, à côté de photographies d’un train surchargé qui dérailla en Maurienne tuant  435 permissionnaires.
Le chariot d’un mutilé qui vendait des glaces, voisine avec des médaillons de « morts pour la France » de Le Pin, mon village natal.
Un petit tour à l’exposition attenante qui s’arrêtera en janvier 2015 s’impose.
Sous le titre « Voir midi à sa porte », elle met en lumière les cadrans solaires, où s‘inscrivent.
« Le temps est vieux, l'heure est nouvelle »
« Veillez sur toutes, craignez la dernière ».
Un bâton de berger, des gnomons, voire un escalier où s’inscrivaient d’abord les moments de prières, se servent de l’ombre. Les cadrans solaires pouvaient être portatifs. L'horloge universelle des jésuites du lycée Stendhal datant de 1673 est présentée comme l'une des plus complètes au monde « par le jeu de deux miroirs fixés sur l'appui des fenêtres, le reflet du soleil indique les heures solaires locales, babyloniennes, italiques, le calendrier lunaire, l'horloge universelle, les signes du zodiaque... jusqu'aux dates anniversaires des victoires de Louis XIV »
Clepsydres, sabliers matérialisaient les heures quand il faisait noir.

mercredi 3 décembre 2014

Iran 2014 # J8 après midi. Hispahan.

Les restaus ouverts sont rares en période de ramadan et celui de l’hôtel n’enthousiasme pas notre guide. Elle nous propose  d’acheter des plats traditionnels : Haleem ( mouton), et Khoresht Bademjoun ( purée d’aubergines), Mast (yaourt), et de nous installer pour faire dinette dans une chambre en se servant de la vaisselle des kitchenettes.
Vers 14h 30 nous visitons le palais Ali Qapou ou « haute porte ». Ici point de carrelages ou mosaïques mais des fresques, des trompe-l’œil de drapés dans les étages inférieurs, beaucoup plus finis sur la terrasse en hauteur où trône encore un bassin sans eau en pièces de zinc assemblées pour assurer l’étanchéité. 
D’énormes piliers de bois, véritables troncs surmontés de chapiteaux en forme alvéolée, supportent un plafond magnifique en marqueterie avec parfois des miroirs mais il s’effondre par endroits et nécessite une rénovation.
Le roi pouvait de cette terrasse assister aux défilés militaires ou aux parties de polo, courses de chevaux, combats d’animaux sauvages ou exécutions capitales. Les fresques des murs sont rosées, mais cette couleur semble en fait provenir d’un enduit sur lequel on plaquait des feuilles d’or dont il subsiste quelques traces discrètes.
Parmi les fresques il y a de vrais tableaux proches de ceux de la renaissance européenne avec des personnages à côté de fenêtre, scènes qui voisinent avec des oiseaux, des arabesques d’une grande délicatesse. En grimpant les hautes marches nous arrivons au sixième étage, il abrite la salle de musique, telle que nous n’en avons jamais vue.
Elle est richement décorée de stuc évidé en forme d’instruments, caissons de résonance pour l’amélioration de l’acoustique : une pièce originale, curieuse avec des découpes inédites, inimaginable.
Nous consacrons le reste de l’après midi à la découverte du bazar, répondant aux questions des iraniens un peu plus intéressés qu’ailleurs. Nous croisons « Fernandel Don Camilo » qui souhaite se faire photographier puis nous nous laissons séduire par un homme au français impeccable qui nous parle de l’émission « Des racines et des ailes » dont les réalisateurs sont venus filmer le travail de son grand père. Nous apprenons que la température en Iran  cette année est supérieure aux moyennes habituelles de 3 ou 4 degrés.
Il nous attire dans son atelier pour nous montrer la peinture des tissus au tampon « pour le plaisir des yeux ». Nous ferons d’autres achats, le même homme au retour nous propose de voir les tapis de son oncle « rien que pour voir » et boire un thé… et nous repartons avec un tapis, appréciant la technique habile des vendeurs.
Pendant que nos compagnons retournent au bazar et trouvent un café expresso avec possibilité de fumer le narguilé qu’ils souhaitent  fréquenter à nouveau, nous découvrons un petit jardin rafraichissant avec un jet d’eau et  parcouru de canaux. Une dame nous propose de partager son repas.
Nous dinons dans un restaurant typique, sans table ni chaise. Le repas est servi sur des divans sur lesquels nous nous asseyons en tailleur autour d’une nappe en plastique  que le serveur replie à la fin en emportant les reliefs du repas. A côté de nous quatre étudiantes en français nous abordent en souriant. Au menu : ragout de lentilles ou pois cassés, riz, crème safranée et galette de… riz grillé. 
D'après les notes de Michèle Chassigneux.

mardi 2 décembre 2014

Rosalie Blum. Camille Jourdy.

Ce nom, ce visage disent bien quelque chose à  Vincent le coiffeur célibataire.
Il va suivre l’épicière qui chante dans une chorale et se promène dans des lieux inhabituels, sans l’aborder : c’est un timide qui vit au dessus d’une mère possessive comme il se doit et comme il l’a laissée devenir.
Il y a bien un cousin plus dégourdi qui le conseille mais il se laisse aller à sa vie solitaire entre cette mère doucement fantaisiste et sa copine qui est partie à Paris pour ne pas revenir.
Ce premier volume d’une trilogie donne envie de lire les suivants, tant cette chronique de la vie provinciale sans éclat est subtile, attentive aux « presque rien ». Les dessins délicats rendent légère cette histoire sans tapage.
« Je me sentais révolté-révolté contre moi-même et ma passivité. Révolté contre Marianne qui m’a lâchement quitté, contre mon professeur de biologie qui m’avait dit que je n’étais pas fait pour la science, révolté contre mon cousin qui a toujours été plus populaire que moi… révolté contre mon père qui a insisté pour que je travaille sans me laisser le temps de réfléchir à ce que j’avais envie de faire de ma vie. »



lundi 1 décembre 2014

Gone girl. David Fincher.

Ben non, c’est pas chez les « gônes » que ça se passe, mais aux Etats-Unis dont les médias en sortent éreintés et la notion de couple bien essorée.
Tout est spectacle : la séduction, les relations avec la famille, et comédie jusque dans la compassion et ses dispositifs tapageurs : badges banderoles et bougies , camion des télévisions sur la pelouse.
Le scénario nous manipule si bien que nous nous retrouvons dans le miroir d’une opinion publique versatile décrite sous ses traits les plus méprisables.
Une femme tellement parfaite disparait, son mari est suspecté ; le scénario à rebondissements nous promène pendant deux heures et demie et même si vers la fin, on rigole de tant d’habile perversité, on a passé un bon moment de cinéma.
J’ai  réussi à éviter le terme thriller en bonne place dans tout article à propos de ce film.

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Recommandé par une familière de ce blog :  
"Marat, Danton, Robespierre", écrit par Jean Vincent Brisa, de la compagnie En Scène et Ailleurs.
Jean-Vincent s'est passionné pour la Révolution Française, qu'il incarne de manière très intelligente, dans un théâtre qui est aussi un théâtre d'idées.
Jean-Vincent joue le rôle de Danton, et il se donne à fond pour reconstruire ce personnage très complexe. "