mercredi 2 avril 2014

Besançon en deux jours.

Depuis la citadelle de Vauban la vue est magnifique sur la vieille ville construite dans un méandre du Doubs. Ses rues bordées de maisons du XVII° en belles pierres claires conservent une unité remarquable d’autant plus que les voitures sont rares au centre, un tram sera en service en décembre 2014.
Donnant sur une place magnifique, le musée des beaux arts & d’archéologie en réfection présente un florilège de ses richesses : Renoir, Vallotton, Fragonard… Charles Morin et Elodie La Villette bien mis en valeur à la suite de quelques échantillons des écoles italiennes, espagnoles d’une collection constituée presque un siècle avant le Louvre.
L’entrée à la FRAC Franche Comté est également gratuite le dimanche mais dans l’immense bâtiment construit à l’emplacement de l’ancien port il y avait peu de choses à voir entre deux expositions temporaires, sinon  une partie de « les choses vol.2 » : quelques boites de soupe de Warhol, une pile de couvertures, un réfrigérateur écrasé, un fil de téléphone surdimensionné, un balcon en néon, des classeurs où sont rangés des sucres ..
Quand Victor Hugo qui est né sur la même place que les frères Lumière évoque : « Besançon vieille ville espagnole », il s’agit d’une licence poétique, même si des grilles en fer forgé aux fenêtres d’une ville harmonieuse peuvent évoquer le pays d’Esméralda.
Dans la maison natale du pair de la nation, aménagée de frais, ne subsiste pas de mobilier d’origine, l’espace aménagé pour célébrer l’écrivain et le politique manque quelque peu d’âme mais pas de pédagogie. Des projections poétiques au dessus de la tapisserie d’une chambre sont du meilleur goût, sans tintamarre. Un écrivain afghan réfugié occupe une partie de l’habitation, la municipalité honore ainsi la mémoire du puissant humaniste.
Tristan Bernard, également bisontin ironise : “ Sur la façade de la maison où je suis né, il y a une plaque comme sur la façade de la maison natale de Victor Hugo. Mais c’est celle de la Compagnie du gaz. » Un lycée est aujourd’hui au nom de l’auteur de tant de bons mots.
Je ne suis pas retourné à Palente  sur les traces des Lip (Piaget, l’autogestion et la manif c’était il y a 41 ans) mais sur le site de l’usine de textile Rhodia où travaillèrent 2000 personnes. Les friches sont photogéniques, seulement le gardien charmant nous a découragé de poursuivre trop loin. A proximité des salles de concerts et d'enregistrements s’intitulent La Rodia.
Les premières aubépines s’éclairaient sur le fond sombre d’un hiver qui n’en fut pas vraiment un, hormis les piquets rouges plantés au bord de la route qui mène à Ornans.
A l’entrée du pays de Courbet surgit un cimetière immense en contrebas de la route comme on en voit rarement, mais pour « L’enterrement » il faut aller à Orsay.   Hector Hanoteau en exposition temporaire joue parfaitement de la lumière et des noirs comme son maître. Le musée lui aussi remis agréablement à neuf ne comporte pas d’œuvres de grande ampleur du chef de fille du réalisme mais des tableaux de jeunesse, des paysages, des scènes de chasse qu’il pratiquait  parfois illégalement.
Cependant les paysages présentés dans la maison natale du communard prennent toute leur valeur après un moment de route dans une nature particulière, où justement
«  Pour peindre un pays, il faut le connaître.
Moi je connais mon pays, je le peins,
les sous bois, c’est chez nous.
Cette rivière, c’est la Loue,
allez-y voir, et vous verrez mon tableau. »

mardi 1 avril 2014

Le chat s’expose. Philippe Geluck.

Voilà un catalogue d’exposition qui fait regretter de ne pas avoir vu celle-ci, en 2003 sous la belle verrière de l’Ecole nationale supérieure des beaux arts de Paris. L’espace était occupé par du matériel de dessin surdimensionné pour présenter les différentes thématiques avec cette simplicité et cette finesse qui appellent à chérir encore plus les belles évidences et les lignes claires : par exemple à l’intérieur d’un crayon de 6 m de haut et 28 m de long  était évoquée l’enfance de l’auteur.
Quand le dessinateur belge définit l’esprit bruxellois :
« un mélange de bon sens et de non-sens »,
 il va à l’essentiel, comme avec son chat impavide et inventif, recherchant à la racine, les mots, les malentendus, l’humour.
« Au fond c'est un peu idiot : si les papillons de nuit aiment autant que ça la lumière, pourquoi ne vivent ils pas le jour ? »
Après des premiers dessins influencés par Steinberg ou Folon, poétiques et noirs, il a conquis le public en paraissant dans le journal « Le soir » avec son fétiche félin philosophe au strabisme convergent. Il a cessé de le dessiner dans les journaux après 30 ans de présence hebdomadaire. 
Dans l’exposition, il joue avec les objets : une poupée sans bras représente la Vénus de Milo enfant, et avec son interprétation de la fécondation in vitraux pas de procédé artificiel. Les formes simples de ses dessins appellent à toutes sortes de tracés : en croquettes pour chien, voire en tatouage.
Ses offres d’emploi mettent un sabre dans les mains d’un « coupeur de courant » et un gant de toilette au « lave – aisselle ». Sa Vénus de Lisbonne a du poil sous les bras…
Il y a plus de 180 pages avec des contributions de Serge Tisseron, Jean Claude Carrière, Amélie Nothomb, Pierre Assouline… qui parle de « haïkus brabançons ».
« Le premier janvier 1945,  à Hiroshima, les gens s’étaient souhaité une bonne et heureuse année. »
Parmi les nombreuses citations le concernant, sur le web, j’ai retenu cette histoire qu’il raconte dans Télérama:
« Je cite souvent une scène à laquelle j’ai assisté sur un marché. Une marchande de poissons prépare une anguille dans les règles de l’art : encore vivante, à la tenaille. Un passant a l’air horrifié. Elle lui lance : « Vous inquiétez pas, elles ont l’habitude ! »

lundi 31 mars 2014

Aimer, boire et chanter. A. Resnais.

Le réalisateur disparu est là comme jamais, pour toujours. Il fallait cette dérision, ces décors de théâtre qui ne sont surtout pas réalistes, ces situations de vaudeville pour dire adieu au cinéma et évoquer avec tant d’élégance sa propre disparition.
La fantaisie fait oublier les rides, les mensonges nous font approcher de la vérité et cette cérémonie des adieux est un moment de grâce. Pourtant je ne suis pas un inconditionnel de Resnais et n’avais pu suivre jusqu’au bout « On connait la chanson » qui avait connu une  telle faveur critique que ça en devenait gênant, mais cette fois si j’ai réussi à ne pas m’agacer des cabotinages de Sabine Azéma c’est que j’étais vraiment bien disposé et ce qui tenait du devoir culturel s’est révélé plus qu’un plaisir hebdomadaire : un moment où la légèreté est nécessaire à la gravité.  Dans la campagne anglaise, devant des toiles peintes, lors de séquences où les acteurs sont mis en évidence, rythmées par les dessins de Blutch, trois couples tournent autour d’un Georges invisible dont la mort est annoncée : c’est l’ami, l’ancien amant, l’ancien mari, l’acteur prenant au sérieux son rôle de séducteur, dont les dernières vacances promises à chacune des trois femmes vont se finir avec la fille d’un des couples.
"Sachons aimer, boire et chanter,
C'est notre raison d'exister,
Il faut dans la vi-e
Un brin de foli-e
Heureux celui qui chaque jour
Se grise de vin et d'amour,
Et par une chanson
De sa joie emplit la maison !"


dimanche 30 mars 2014

Don Quichotte du Trocadéro. José Montalvo.

Le  rapprochement avec l’œuvre de Cervantès m’a paru tellement allusif que ce moment de danse aurait pu aussi bien s’intituler : « meunier tu dors à la station Chatelet» tant l’humour est présent. D’après le document d’accompagnement, il est question aussi de déconstruction du ballet « Don Quichotte » du bien nommé Petipa monté en 1869, ce qui nous vaut une apparition de danseuses en tutu qui nous semblent aujourd’hui tellement incongrues et belles au milieu des danseurs de claquettes, de hip hop, de flamenco…
Cette diversité est la marque de la troupe déjà présentée à la MC 2
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2011/04/orphee-hervieu-montalvo.html 
qui ne remet pas en cause la cohérence du spectacle mené  vivement pendant une heure et demie. Si l’esprit satirique du roman est bien présent à travers un fond vidéo poétique et efficace, le côté « inaccessible étoile » induit par mes souvenirs de Brel ne m’a pas semblé évident. Mais le burlesque dans le domaine chorégraphique est tellement rare que le public n’a pas boudé son plaisir.
La présence d’un meneur de jeu candide et drôle n’entame pas la beauté des prestations des danseurs, le mime ne mine pas l’esthétique. Les moulins n’auraient pu brasser que du vent, ils nous font sourire en entrant dans la danse, et à leurs pieds, les 13 danseurs nous font passer un excellent moment.

samedi 29 mars 2014

Le stupéfiant image. Régis Debray.

" L’institution « Eglise catholique » rencontre le tube cathodique. L’école rencontre l’ordinateur. Que doivent-elles refaire d’elles même pour ne pas se laisser défaire par la météorite tombée dans leur jardin ? "
Vaste programme, énoncé dans une manière qui toujours me séduit. Ces mots qui riment  donnent l’envie d’aller plus loin, même s’ils sont parfois insuffisants par rapport aux images, ils peuvent nous apprendre à mieux voir. C’est le sens du titre intrigant venant de chez Aragon qui pose la littérature face aux images.
"De la grotte Chauvet à Beaubourg", ce recueil d’articles parus dans des catalogues, des revues depuis une vingtaine d’années n’ont pas pris une ride.  
Si parfois un dictionnaire est bien utile : esthésique : sensibilité ; dilection : amour spirituel ... je me suis comme d’habitude laissé gagner par la saveur du style qui permet de mieux apprécier des œuvres connues ou donnant envie de découvrir des artistes moins célèbres auquel le médiologue est resté fidèle : Matta, Pic, Vlady, Fanti, Faure, Witkin…
Son hommage aux œuvres intemporelles ne lui fait pas négliger les modes contemporaines :
« Quant aux écrans qui s’interposent entre l’homme et sa vie, ce n’est pas une hypothèse ni un
risque à courir car la chose est faite depuis longtemps. Depuis Chaplin, Eisenstein et Greta Garbo, chacun sait qu’on gouverne les hommes, on rêve la nuit, on aime d’amour et on raconte des histoires par écran de cinéma interposé. Il y a donc écran et écran. Le grand écran regarde
encore vers le tableau, la façade ou la scène parce que c’est une surface ; le petit écran est devenu une interface. Il y a donc eu rupture entre un espace de représentation et un espace d’intervention. »
Allez, une dernière petite citation parmi 400 pages, pour revenir sur notre étonnement de voir certains élus parmi tant de refusés.
« La valeur d’une œuvre d’art, ou sa cote, a toujours été fiduciaire. C’est un acte de foi, un pari mutuel urbain (un bien n’est désirable que s’il est désiré par d’autres), où chacun s’accote à l’avis de son voisin pour aller faire la queue deux heures sur une piazza glaciale. »

vendredi 28 mars 2014

On the déroute again.

Dimanche soir, madame Vallaud-Belkacem vous sembliez tellement fatiguée, votre lumière habituelle tellement éteinte que  même Guaino Henri pouvait taper juste en repérant l’absence d’autocritique du pouvoir.
A gauche, nous excellons toujours à désigner les autres comme coupables : le parti du bien ne peut faillir et ceux qui refusent nos bienfaits sont trompés.
Dans la configuration baroque de notre commune de Saint Egrève, la maire sortante étiquetée divers gauche - frissons chez quelques colistiers - qui n’avait pas de concurrent à droite, est passée au premier tour malgré trois autres listes de gauche.
Mais je n’en suis pas mécontent, après m’être résolu à voter écologiste malgré une défense des parcs et jardin un peu étroite - ils avaient travaillé - de voir les choix de mon ancien parti (PS) rejetés par les électeurs. Je m’étais pourtant imaginé que leur démagogie pourrait être payante, donc ma récente conversion à une vision pessimiste du genre humain a été démentie.
Comme tant de responsables de là haut envoyés sur les plateaux au soir des défaites, qui n’ont plus que cendre dans la bouche à force d’agiter leur langue de bois, la tête de liste imprudemment nommée « Autrement », Jean Marcel Puech déclare qu’il doit sa « veste » à son tout nouvel affichage à gauche au moment où l’ambulance est criblée de balles. Ce manque d’opportunisme l’honore mais qu’il se rassure : ce n’est pas dans la minceur de ses propositions, ni dans la profondeur de ses textes, que quelques traces de valeurs de gauche aient pu être décelées dans ses tracts. Le prix du m2 pour les propriétaires de pavillons ne figuraient pas dans les priorités des héritiers de Jaurès, fussent- ils devenus socio démocrates.
Mais trêve de railleries dans un contexte qui a plutôt tendance à  tirer vers le noir nos désirs d’avenir. Des leçons seront-elles tirées au-delà des déclarations mécaniques, juste après des moments enivrants en cours de campagne où l’entre soi se baptise fraternité et contribue aux aveuglements ?
Le problème de la gauche n’est pas l’affaire d’une seule personne, fut-il président, mais il est collectif : nous avions eu le ministre du budget que nous avons mérité, et les élus locaux colonne vertébrale, si sûrs d’eux, si compétents,  dopés à la com’, tombent des nues. Ils ont pris la fessée du Nord au sud, à « Marseille la gauche vaut peu cher » (Libé), de haut en bas.
Stratège de table basse, je pensais que la démarche de la gauche unifiée patiemment à Meylan était la bonne, las, en face la maire sortante porteuse de casseroles perdure. Est-ce que les abstentionnistes  voulaient plus de gauche dans une société qui penche de plus en plus à droite ? Ils ont permis à Copé de regonfler ses plumes.
A Grenoble qui se voit encore en modèle mais cette fois dans le bancroche, il y a de quoi désespérer Minatec et Casabio réunis. Médiapart voit Piolle en nouveau Dubedout sauf que Mendès France était alors la référence, cette fois c’est Mélenchon et « son navire amiral » qui fait l’épouvantail. Safar était pour la fusion à condition d’être chef, il se montre mauvais joueur.
Un Marc Baietto président de la Métro, où tout se passe, qui cumule les mandats (huit) se voit soulager de celui de maire, c’est une bonne nouvelle, alors qu’à l’autre bout, Balkany réélu au premier tour découragerait de persister à croire en l’honnêteté. 
                                  Les dessins sont  parus dans "Le Canard " de cette semaine.

jeudi 27 mars 2014

Ernest Pignon Ernest à Grenoble.

La fresque réalisée en 1976 pour la bourse du travail qui venait de déménager aux abords de Grand Place a tenu 25 ans. Elle rassemblait des affiches qui ont marqué l’histoire des luttes dans la région, mémoire ouvrière inscrite sur les murs d’un bâtiment qui maintenait ainsi son rôle initial de transmission, d’éducation.
Au centre figurait une fillette montant avec légèreté un escalier sur lequel était cité aussi un célèbre gisant comme ceux qui avaient été collés par l’artiste en 71 sur les escaliers du Sacré Cœur pour commémorer le centenaire de la Commune de Paris.
Ce travail venait après une campagne d’affichage beaucoup plus éphémère concernant les conditions de travail en 1975 dans le cadre d’un atelier collectif à la maison de la Culture dirigée alors par Catherine Tasca où il était question aussi de Maïakovski. Le jeune comédien qui avait servi de modèle pour l’affiche sur « les agressions subies par le corps au travail » est mort asphyxié par un chauffage défectueux.