vendredi 21 décembre 2012

Trop de foot tue le foot.



Il fut un temps où entre deux dimanches après midi, il y avait exceptionnellement un match de coupe d’Europe le mercredi et je l’espérais. Aujourd’hui les feuilletons - on dit série - se débitent par paire, pas d’attente, le téléspectateur va se coucher, gavé.
Désormais les matchs de championnat s’étalent sur trois jours et les coupes nationales et européennes se multiplient.
Six équipes françaises sont qualifiées et non plus une seule,  et comme à « l’école des fans », on se rapproche de la note 10 sur 10 pour tous qui dévalorise tout.
Ils jouent en semaine, les dimanches ont disparu.
Cette évolution commandée par les médias qui nous a fait lever le nez au-delà de nos frontières, a plus fait  pour se sentir européen que bien des discours. Mais la multiplication des images affadit les rencontres ordinaires : un Evian/Sochaux est un objet de dérision auprès d’un Barça/ Réal, et un match de village parait si médiocre que la pratique de ce sport de copains diminue. Les gradins se vident.
Comme l’ajoute un commentaire sur cet article que j’avais déjà posté sur Médiapart :
« mais il y a un plus : on peut parier. Et non seulement sur les résultats des matches, mais sur le moment où sera marqué le premier but...Progrès, non ?
Un ajout indispensable aux tirages et grattages de toute couleur ... et aux serials, et aux téléréalités, et aux "débats" où l'on parle d'autres choses, mais si bien...
Vraiment, vous en demandez beaucoup... »
La manne qatarie, qui bénéficie au PSG, déséquilibre la compétition et contrarie les amateurs. L’incertitude faisait l’intérêt de ce sport d’équipe où ce n’est pas toujours Toulouse qui gagne à la fin.
L’autobus de Domenech était un symptôme, comme le foot est un marqueur de l’état de notre société : fric et frime révoltent, dégoûtent, refroidissent. Les supporters les plus fervents ne croient plus guère aux joueurs qui ont l’occasion de passer deux fois l’an d’une équipe à l’autre : « mercato » veut dire marché. Sur ce terrain là aussi cherchez le modèle. 
Entre deux mimiques sur un écusson de circonstance, les  joueurs les plus talentueux se réservent  opportunément pour faire pression au moment des enchères.
Certes comme disait Lavilliers à propos de la rencontre OL/ASSE, la rivalité Lyon/Saint Etienne  est « une rivalité d'images d'Epinal » mais cela fait partie d’une célébration, d’une culture.
Ce qui devient lassant, c’est que les verts perdent toujours. Et le destin du GF 38 tourne au ridicule.
Le sport pour lequel les spectateurs les plus modestes font le plus de sacrifices est celui qui brasse les sommes les plus folles : les aficionados ont de quoi être accablé, quand de surcroit leur humeur est indexée sur les résultats de l’OM. Le blues à propos du maillot blanc peut conduire à quelques abstentions devant le match du dimanche sur canal, voire à l’indifférence.
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Dans les manifs pour le mariage pour tous, quelques slogans :
« Mieux vaut une paire de mères qu’un père de merde »,
« Machos, fachos, lâchez-nous le clito »,
« Jésus avait deux papas »,
« Liberquoi, égaliqui, fraterniquand »
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Dans le Canard cette semaine :

jeudi 20 décembre 2012

Mois du graphisme à Echirolles.


Ce mois durera deux mois puisque les expositions fermeront fin janvier.
Mariscal  le graphiste de la mascotte des jeux de Barcelone est présenté au musée Géo Charles dont les œuvres permanentes consacrées au sport  paraissent du coup un peu fades.
Les traits libres du Catalan, la variété de ses supports, son univers  très « Alegria de vivir », mettent des couleurs à l’hiver.
Ses inventions sur des alphabets divers sont mises en évidence à La Rampe.
Les passerelles de la salle de spectacle accueillent des productions d’étudiants d’école d’art sur le thème de l’Amérique latine où bien que mis à distance certains stéréotypes ne sont pas toujours dépassés. Les productions par leur variété confirment le plaisir attendu, quand les affiches tapent à l’œil et à l’esprit.
Aux moulins de Villancourt, se retrouve l’énergie de l’Amérique latine avec aussi des graphistes européens. Des photographies d’enseignes artisanales aux quatre coins du monde nous réjouissent.
Au musée de la Viscose, une salle était consacrée à des détournements d’affiches. L’association« Vie et partage » et le collectif « Un euro ne fait pas le printemps » inversent les codes et gardent les mêmes formes : l’affiche « Trois couleurs, un drapeau, un empire » avec les profils d’un asiatique d’un noir et d’un arabe devient sous trois visages contemporains « On est chez nous ».  Quand j’ai vu seule la version détournée dans Libé j’étais un peu gêné par la formule qui se trouve sous forme jouée dans les travées des stades genre «Mais ils sont où ? mais ils sont où ?… les Marseillais » plutôt que dans les maturations lentes d’une triade républicaine qui n’oublierait pas la fraternité.  Le schématisme de l’original on ne peut plus colonialiste pollue à mes yeux la parodie qui est une réalité indiscutable mais peut paraître  inutilement agressive dans un domaine où l’humour est à manier avec des pincettes. 

mercredi 19 décembre 2012

Arcachon.



Au XIX° siècle les frères Pereire, banquiers, avaient investi dans la ligne de chemin de fer qui menait de Bordeaux à La Teste.
Aujourd’hui, l’accès à leur station balnéaire est parfois difficile par la route au mois d’août. Les bouchons ne sont pas réservés aux bouteilles de Tariquet.
Au bord du  gigantesque bassin qui perd les trois quarts de sa superficie à marée basse, la ville connaît des configurations variées liées poétiquement aux saisons.
La ville d’été est celle des plages et des promenades au bord de l’eau.
La ville d’hiver aux rues évitant les angles droits et les courants d’air est celle des villas pour curistes riches qui venaient soigner leurs poumons. Les fragrances balsamiques des pins étaient bénéfiques avaient dit des médecins bordelais du temps de Napoléon III dont la venue fit de la publicité à la bourgade.
Les styles des habitations à véranda sont variés : mauresque, basque, suisse, anglais, néogothique, colonial… Les chalets  aux dentelles de bois ne sont pas masqués comme dans d’autres zones touristiques, ce qui accroit le côté aimable de la station.
La ville d’automne est réservée aux pêcheurs et celle du printemps s’est mise au goût du jour avec un centre de thalassothérapie. Le port fut le deuxième de France.
Le nom Arcachon vient d’arcanson, la colophane en gascon, produit de la résine des pins qui se frotte sur les archets des instruments à cordes.
Une  charmante petite tour métallique, placée sur les hauteurs, avec ce qu’il faut de ballant, permet une jolie révision. Eiffel passa dans les parages. Le bassin est célèbre pour ses huitres dont on peut voir des tuiles chaulées qui recueillent le naissain quand on prend le bateau pour aller vers l’île dite aux oiseaux, sans oiseaux, et ses villas tchanquées sur pilotis. Il vaut mieux se procurer les cartes postales prises hors saison de ces maisons de bois sur leurs échasses. La foule des petits bateaux à moteur qui les aborde éloigne un peu de leur poésie. On peut croiser de longues et étroites pinasses dont j’ai appris que le nom vient du pin qui servait autrefois à leur construction, elles sont utilisées pour la promenade et non plus pour la pêche ni pour les huitres.

mardi 18 décembre 2012

L’art de voler. Antonio Altarriba. Kim.



Voilà encore un récit désenchanté au temps de la guerre d’Espagne.
Son titre élève vers l’abstraction une trajectoire qui eut à se heurter à tant de murs de pierres.
Ces 200 pages sont prenantes, chaleureuses, intéressantes.
On a beau savoir des choses sur cette période, le scénario du petit fils au « chagrin réparateur », qui rend hommage à son grand père est émouvant.
Les dessins riches allègent parfois des duretés de la vie en jouant avec l’imagination, ils rendent le parcours fluide.
Eternel choc de l’idéal et de la réalité : sauf que les baffes sont bien réelles, le poids des conformismes à la campagne, à fuir. Les camarades tombent sous de vraies balles, les trahisons remettent la faim au ventre, le froid de la neige mord les espadrilles.
Depuis la voiture en bois de l’enfance, à l’Hispano Suisa qui traversa l’Ebre,  avec des camions qui transportèrent des denrées au noir, jusqu’à la chaise roulante d’un voisin de maison de retraite, Antonio conduit.
Il se jette dans le vide depuis le quatrième étage au bout d’une vie pleine.
Une fois encore je n’avais pas mesuré l’ampleur du silence s’imposant avec ce poids au moment du retour, après la résistance en France, le combat dans les rangs républicains, l’exil.
Alors le récit de cette épopée individuelle avec ses contradictions, ses faiblesses et une soif de liberté revigorante, est une belle illustration de la nécessité de remettre au jour des mémoires qui valent pour tous.

lundi 17 décembre 2012

Les hauts de Hurlevent. Andrea Arnold.



Du monument romantique du XIX° revu de nos jours, il ne reste pas une brindille de romantisme.
Des chiens sont toujours dans les pattes des personnages avares de mots, et ils mordent.
Film glaçant pas seulement par la pluie qui trempe les pauvres oripeaux mais par l’âpreté de la lande, la sauvagerie des créatures. La vie est rude, la mort frappe mais les vivants ne s’en émeuvent guère.
Lorsque je photographie, j’abuse des gros plans, alors là, j’étais dans mon élément.
Je sais les délices de s’enfermer dans la belle image d’une graminée, d’un graffiti sur un mur,  mais l’esthétisme peut amener à brouiller le réel, à passer à côté des relations humaines.
Je n’ai pas perçu dans ce film de plus de deux heures, les passions qui pouvaient animer les personnages même si les coups ne manquent pas, mais pourquoi tant de haine et si peu d’amour?
A voir une séquence d’une autre adaptation cinématographique du roman unique d’Emilie Brontë, je n’ai pas persisté à cause d’une musique qui pousserait à sortir dare dare n’écouter que le vent sur la lande. Cependant, la version graphique de 2012 bien jolie mais peu en chair ne m’a pas plus convaincu.

dimanche 16 décembre 2012

Dave Brubeck. Antoine Hervé.



GreNews a beau jeu de relever une phrase qu’ils estiment malencontreuse dans la plaquette des programmes de cette soirée à la MC2 : le « sémillant nonagénaire toujours sur la brèche »  destinée à présenter dès le mois de juin le musicien qui allait disparaitre en décembre.
La musique de Dave Brubeck est bien  là, vivante, fringante, frétillante, aux nuances changeantes.
Antoine Hervé qui nous présentait le pianiste compositeur n’a pas perdu de son humour,  sa séance a gagné en émotion.
Quand il reprend les mots de Jack Lang qui disait que le jazz « était la plus savante des musiques populaires ou la plus populaire des musiques savantes », il ne peut que rencontrer une remarque que je réitère volontiers « se cultiver, c’est reprendre » calquée sur le très couru « apprendre, c’est répéter ».
La musique d’« A bout de souffle » je me souvenais qu’elle s’appelait « Blue rondo à la turque », et peu m’importe que « Le jazz et la java » de Nougaro se soit nommé « Three to get ready », les retrouvailles furent un plaisir jubilatoire. Le récit de la manière désinvolte de titrer les morceaux de jazz fut  par ailleurs un moment de détente.
Les insertions malicieuses du pédagogue virtuose sur «Take five » clôturèrent une soirée réussie avec trois rappels d’un public qui tint le tempo. Pourtant Brubeck avait recherché parfois des rythmes novateurs pour contrarier les foules scandant des cadences trop convenues.
Les trois morceaux les plus connus figurent dans le même album : « Time out » aux rythmes asymétriques.
Sa musique déhanchée  joua sur «  Les rythmiques du diable ».
Il forma un quartet avec Paul Desmond au saxo, Joe Morello à la batterie et Eugène Wright à la contrebasse, et nourrit ses compositions des apports de chacun.
Présenté comme un cowboy avec un soupçon de sang indien, le blanc qui de surcroit connut un succès planétaire durable avait donc des caractéristiques qui tranchaient avec la culture traditionnelle du milieu jazz. Il faisait aussi le pont avec des musiques du monde,  les contre points de la musique savante : il eut Darius Milhaud comme maître et s’il rencontra Schönberg le pape du dodécaphonisme, le jeune apprenti se fia plus à ses intuitions qu’à un esprit de système.
Issu pourtant d’une famille de musiciens, il sut cacher qu’il  ne savait pas lire la musique du moins au début de ses études. A la fin de la seconde guerre mondiale après avoir débarqué à Omaha Beach il fut remarqué par un gradé qui le dispensa de la mitraille, la musique lui sauva peut être la vie à ce moment là, en tous cas il lui consacra sa vie.
Nos trajets en sont  rendus plus guillerets.

samedi 15 décembre 2012

Je vais passer pour un vieux con. Philippe Delerm.



Parmi les phrases qui en disent long, le véloce écrivain débite quelques tranches évidentes :
le « Tout d’abord bonjour »  agressif de l’employé de la FNAC,  
« Comment il l’a cassé ! » bien dans l’air du temps,  
« C’est vraiment par gourmandise », « Quand on est dedans elle est bonne » …
Delerm remet du sens à des expressions banales, par exemple la proposition
« sinon moi je peux vous emmener » n’est guère empressée.
D’autres plus particulières méritent  aussi quelques commentaires rondement menés :
«  Attention l’assiette est chaude » qui amène les clients à prêter attention à ce qu’ils mangent.
J’ai adoré : « Et là, c’en était pas une ? »  qui parlera à tout conducteur à la recherche d’une place, aidé par des passagers de bonne volonté.
« Qu'il est joli, cet imparfait ! Comment peut-on charger un temps verbal de connotations si contradictoires ? Une forme de pleutrerie d'abord. On ne saurait imposer frontalement au maître du volant, au pilote des destinées, l'idée qu'il a tout simplement ignoré une opportunité unique.
Un effort de participation aussi. Bien sûr on va se laisser chouchouter, emmener, mais il serait quand même décent de manifester un peu d'initiative. Une prudence cauteleuse aussi. Si la place entr'aperçue se révélait trop petite, si les efforts scabreux pour la rallier en marche arrière s'avéraient inutiles, il est raisonnable de la considérer comme une possibilité déjà condamnée. C'est le cas, de toute façon, puisqu'un coup d'oeil sur le rétroviseur latéral vous a déjà indiqué que vous étiez suivis. »
Ironique, tendre, Delerm nous repose, nous rassure.