vendredi 7 octobre 2011

Pierre Rhabi au CRDP

 
Cinéduc a invité en lever de rideau de sa prochaine biennale consacrée aux utopies le paysan « philosophe » auteur de "l'insurrection des consciences". Il était vraiment à sa place. 
Et les 400 places du CRDP n’ont pas suffi pour asseoir tous ceux qui attendaient les paroles du pape de la sobriété heureuse. J’ai préféré aller écouter ce précurseur de la décroissance plutôt que suivre le spectacle télé de la primaire, car le pionnier du bio touche à la fois au cœur des enjeux pour la planète et des pratiques individuelles, le global et le local. Les péripéties politiciennes tombent alors en poussière. 
Mais pourquoi dire : « il est sur un autre terrain » quand il s’agit de se changer soi même pour prétendre changer le monde. 
Comment ne pas être d’accord avec le conférencier ? 
Tant les portes qu’il franchit sont déjà largement ouvertes. 
Comment pousser encore à une croissance infinie dans un monde limité, perçu non comme une offrande mais comme un gisement où s’installent champ de batailles, casinos et hypermarchés ?
L’homme a des aptitudes qui ne le sauvent pas de l’imbécillité et il ne sait pas toujours « qu’il ne sait pas ».
De surcroit : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » 
L’argent qui permet l’échange, est devenu la valeur absolue, il participe à une économie du pillage. 
Les excès des richesses extérieures s’installent au détriment de la recherche intérieure pourtant l’insatiabilité permanente ne peut engendrer de satisfaction. Et la consommation ne remplit pas le vide des vies. 
Dans la conscience de faire partie d’une même famille à l’échelle du monde, il convient donc de cultiver son jardin. Oui. 
Humus, humidité, humanité. 
La fable du colibri qui apporte une goutte d’eau pour lutter contre l’incendie de la forêt est belle et juste, surtout quand le petit oiseau répond au tatou qui se moque de lui : 
« je fais ma part ». 
Et si l’Ardéchois, depuis son oasis, exhorte les religieux à être au premier rang pour défendre la beauté du monde, il sait bien que les hommes verront plus une promesse de bûches dans l’arbre qui se découpe magnifiquement sur fond de soleil couchant qu’une chance inestimable de goûter à ce moment sublime. 
Le souci constant de rapprocher les actes des paroles m’est familier, mais j’ai les canines qui s’agacent quand des louches de miel viennent accroitre le taux de sucre d’une vision du monde quelque peu simpliste.
La vie c’est mieux que la mort. 
Les disparités sont abyssales. 
Nous passons du bahut à la boîte en roulant dans nos caisses : le rappel de cette chanson mignonne des années 60 « sont des boites, petites boites » est bien agréable mais j’ai beau trop abuser des jeux avec les mots, je me lasse parfois des vieilles marmites, quand la terre est appelée mère trop souvent. 
…. 
Dans Libération d’hier : 
« Il y a crise quand l’ancien monde ne veut pas mourir et que le nouveau monde ne peut pas naître » Gramsci 
« L’urgence n’est pas de changer le pansement mais de penser le changement » Eva Joly 
Dans Le Canard de la semaine

jeudi 6 octobre 2011

Albert Oehlen. Carré d’art Nîmes

A ne pas mettre devant les yeux de quelqu’un qui serait allergique à l’art contemporain:
la démarche de l’artiste allemand est difficile à saisir,
l’élève de Polke se définissant lui-même dans le courant « Bad painting ».
Chaque salle du bel espace qu’offre le carré d’art à Nîmes ne s’organise pas d’une façon chronologique mais regroupe quatre étapes où la peinture va vers sa fin.
1. Des œuvres abstraites où l’objectif de créer la confusion est atteint.
2. Des peintures grises seraient les plus proches d’une figuration mais cultivent également le flou, le barbouillé.
3. Dans les peintures où intervient un ordinateur on pourrait déceler quelques rythmes mais des taches brouillent tout esthétisme.
4. Les essuyages les plus récents gardent la mémoire de gestes et l’abstraction paraitrait lyrique exprimée sur un support blanc ou sur fond d’affiche qui font intervenir un « bruit » comme on dit dans le petit livret d’accompagnement.
Le souci pédagogique est évident avec des médiateurs présents dans chaque salle pour nous permettre d’aborder avec plus de bienveillance une visite qui n’est pas faite -surtout pas- pour susciter l’émotion et semble se méfier de toute réflexion.

mercredi 5 octobre 2011

Avant Porto

Aujourd’hui nous attend une longue étape d’environ 800 km. Nous prenons l’autoroute vers Vitoria Gasteiz puis Burgos, Valladolid, Zamora. Après le pays basque, c’est la plus grande région d’Espagne : la Castille et Léon (le château et le lion).
De grandes étendues blondes de blés, parfois interrompues par des carrés vert foncé de pommes de terre recouvrent des paysages de collines et de plateaux majestueux. Des colonies d’hélices élégantes se détachent sur les sommets. En mars 2011, l'énergie éolienne a été la principale source d'électricité en Espagne qui occupe le deuxième rang européen pour cette forme d’énergie.
Nous nous écartons de l’autoroute afin de rejoindre Coreses, un village dont on aperçoit au loin le clocher coiffé de nids d’où émergent des familles de cigognes. Nous sommes dans la carte postale de la meseta dite « la poêle à frire », à petit feu aujourd’hui : les maisons sont basses, les portes cachées par des rideaux en tissus et les dames en tablier ont la voix puissante. Comme les hommes que nous trouvons au Tristano Bar dont les voix couvrent le commentaire du reportage télévisé sur les fêtes de Pampelune.
Nous franchissons la frontière, une des plus anciennes d’Europe, à Miranda où le Douro, rivière encaissée marque la limite entre l’Espagne et le Portugal. Désormais nous sommes dans la région de Trás-Os-Montes. La route traverse les villages sur des chaussées parfois constituées de pavés. Les champs sont plantés de vignes et d’oliviers. Direction Villa Réal, nous avançons au rythme des travaux routiers titanesques: mais des embouteillages avec la pluie et le brouillard nous retardent. Nous atteignons Amarante et là l’autoroute nous permet de combler une partie de notre retard pour Porto. A Porto, Tom-tom nous dépose pile en face de la Résidence Hôtel San Marino sur la charmante place Carlos Alberto. Nous avons traversé la ville immense, plutôt délabrée sous la pluie et un temps couvert avec des panneaux indicateurs peu explicites où nous apparaissait un imbroglio de rues.
Nous déposons nos bagages, prenons possession de nos chambres et garons la voiture dans un parking sous terrain voisin avec lequel l’hôtel a passé un accord pour la somme de 10€ au lieu de 20. L’accueil en français est chaleureux et riche en informations. Munis d’un plan, d’un parapluie et ayant déballé les pulls, nous découvrons la ville des azulejos, les façades de faïence portent les marques du temps. Nous dinons selon les indications de l’hôtel près de l’église Carmo et Carmelitas du nom de « A Tasquinha » (rua do carmo 23) et cédons au menu touristique à 14€ après un apéro au Porto blanc et rouge. Il nous est proposé une soupe aux haricots, des sardines grillées ou panées, des fèves pour Dany, dessert et vin compris. Le restau se remplit peu à peu, et affiche complet.

mardi 4 octobre 2011

La bande à Lucien. Margerin.

Un des auteurs de BD auquel je suis resté le plus fidèle, dont j’ai présenté deux albums dans ce blog, aurait pu publier dans « Notre temps » intitulé ainsi car destiné à un public qui date d'un "autre temps".
Le rocker est décalé, plus dans le coup, mais cette fois sans amertume : rien que des situations prétextes à gentilles rigolades. Il devient un peu sourd, ce qui est gênant puisqu’il continue à travailler dans un magasin de musique. Les angoisses familières à son âge, concernant la santé, tourneront au gag. Riton, l’ancien batteur reconverti en gardien de musée est bien vite indulgent avec les jeunes filles. Bien qu’ils soient parfaitement inoffensifs, tous aiment encore tellement parler d’elles, en continuant à ne pas les comprendre. L’énumération des activités d’un retraité est bien vue, simple, gentille, c'est-à-dire parfaitement démodée. Et les séquences consacrées à des tendances contemporaines : l’écologie ou les jeux de guerre ne comportent pas de méchanceté. Un brin de nostalgie, de bienveillance : décidément pas de ce siècle.

lundi 3 octobre 2011

Habemus papam. Nanni Moretti.

Le pape ne peut pas.
La charge anti cléricale aurait pu être facile, mais le tir sur les ambulances n’est pas très chrétien, alors Moretti nous donne à sourire et à réfléchir : exercice finalement assez rare quand ces deux plaisirs sont mêlés.
La fable est poétique même si par exemple la partie de volleyball s’étire un peu. Par ailleurs si les prélats ne sont pas tout à fait des hommes, ils ne sont pas forcément aussi infantiles.
Le développement sur la conscience de dépasser son seuil d’incompétence est rarement mené, alors la démarche de Piccoli par son côté exceptionnel souligne la nocivité des nombreux arrivistes qui détériorent nos sociétés de leurs inaptitudes arrogantes.
Des acteurs excellents, d’ailleurs quand, incognito, le pape doit donner sa profession il dit : acteur.
Il me plait à voir sur la table de nuit des cardinaux des gouttes pour dormir.
Psychanalyse et religion montrent leurs limites dans un sourire qui ne fait pas le malin.
Et la perte de spiritualité n’est pas une forcément une bonne nouvelle… même pour un athée.
Les petits extraits de « La Mouette » de Tchekhov évoquée dans le film, donnent envie de voir la pièce en entier, ou de la lire.

dimanche 2 octobre 2011

Le Forestier. La maison bleue.

« C'était toujours la même 
Mais on l'aimait quand même 
La fugue d'autrefois 
Qu'on jouait tous les trois 
On était malhabiles 
Elle était difficile 
La fugue d'autrefois 
Qu'on jouait tous les trois »
La télévision rejoue les émissions de toujours avec toujours les mêmes si bien que De Chavannes apparaîtrait comme un petit nouveau...
mais j’ai été capté par une émission de FR3 concernant Le Forestier de retour devant la maison de San Francisco qui vient d’être repeinte … en bleu.
« Phil- à- la- kena » et « Psylvia » existent pour de vrai, et témoignent de l’honnêteté de l’auteur compositeur avec qui j’ai porté puis rasé ma barbe.
Les chansons accompagnent nos émotions, traversent et soulignent le temps.
Avec caméras ajoutées, les rides ont tendance à se remarquer un peu plus sous des lumières cruelles comme dans les miroirs des ascenseurs ; l’exercice de lucidité est salutaire.  
« Cette chanson, 
Quand je la chante, 
Je chante 
Pour du vent. 
C'est la chanson 
Du glas qui sonne. 
Personne Ne l'entend. »
Nous avons été féroces en même temps que lui, prenant des voix suaves au moment de « parachutiste », emballant « le soir à la brume » et passant « notre route » au moment où la fatigue nous tombait sur le dos.
La filiation avec Brassens,
la fraternité avec Cabrel, Souchon, Clerc,
la transmission avec Camille, Emilie Loiseau…
c’était chaleureux, parfois un peu empesé, mais une révision utile d’impérissables rimes.
« Dans ma tête, j'entends le grand ciné
Avec son gros anneau dans son zoreille »

samedi 1 octobre 2011

Piège nuptial. Douglas Kennedy.

Titré « cul de sac » dans certaines versions : un putain de bon bouquin !
Efficace, au goût corsé.
Le narrateur américain qui s’est fourvoyé dans l’outback australien reprendra l’avion sans profiter de la promotion sur le retour.
Seul l’humour peut nous empêcher de gerber, et il est utile d'appliquer votre tee shirt sous notre nez pour essayer d’atténuer les odeurs puissantes d’une humanité en décomposition. Les phrases se finissent dans des rots interminables quand la bière a abruti la population d’un village où l’utopie a mal tourné.
- Le « cœur sans vie » ? 
- Ouais, le centre de l’Australie, où il y a rien du tout. Whoop-whoop, quoi. 
- “Whoop-whoop »? 
- Mais ouais, le putain de désert mec! Le whoop-woop, le never never, le que-de-chie total, là où personne vit.
La violence est la seule ponctuation de vitalité dans un univers désespéré sous un soleil satanique.
De surcroit règle numéro un: « ne jamais prendre la route après la tombée de la nuit. Tu risques de te farcir un kangou. »
Quant à l’institution du mariage ces 250 pages ne feront pas remonter sa côte.