mercredi 31 mars 2010

J 28 : Siem Reap

A 8h, la Toyota retenue par Phoenix Agency s’arrête devant l’hôtel à l’heure précise, conduite par un costaud rigolard, parlant parfaitement l’anglais. Tout au long du trajet ce n’est pas ma virtuosité en anglais qui va permettre la conversation, mais le football langue universelle. "Excuse me boss, vous avez un texto " inattendu, sorti de son téléphone s’invite dans le dialogue. La plaine diffère des paysages vietnamiens. Les rizières sont parsemées de palmiers très hauts dont les fruits sont utilisés pour leur eau et leur sucre afin de fabriquer du vin de palme. Les maisons bleues ou grises, hautes sur pattes avec leurs pilotis sont construites en bois, souvent, accessibles par des escaliers raides. Elles ne possèdent ni eau courante, ni l’électricité. Les champs n’en peuvent plus d’absorber toute cette pluie qui s’abat avec violence par intermittence. La route ressemble parfois à un bourbier. Nous doublons des charrettes tirées par deux bœufs ou par des petits chevaux notamment pour le transport du bois et des meubles.
Nous faisons une pause à mi-chemin dans la ville de Kompong Thom. Le chauffeur gare sa voiture pratiquement dans l’entrée d’un restaurant tandis que des employés se précipitent pour nous ouvrir les portières, et soulever le capot afin que le moteur refroidisse et protéger le pare-brises à l’aide d’un carton. Il semble que l’endroit soit incontournable pour les voyageurs comme un relais de diligences, car plusieurs cars et voitures stationnent devant l’établissement bien rempli.
Lorsque nous repartons, le chauffeur indique une route non goudronnée qui mène vers un temple et la frontière thaïlandaise. Il nous informe d’incidents militaires entre les deux pays qui interdisent la visite aux touristes.Nous arrivons à Siem Reap vers 13h sous la pluie. Nous nous engageons dans une ruelle qui coupe en plein milieu la concession d’un temple bordé d’un cimetière, la caisse de la voiture racle sur un « gendarme couché ». Peu après nous retrouvons la route et nous nous arrêtons sans vraiment apercevoir l’hôtel. C’est un lodge noyé dans la verdure avec des passerelles en caillebotis et c’est encore l’enchantement. Nous sommes accueillis par notre guide francophone qui en signe de bienvenue m’offre un petit tableau et un bouquet blanc ravissant à base de lotus à mes deux femmes. Nous prenons rendez-vous pour 8h demain et nous découvrons nos chambres de bon goût dans des petites maisons cachées par l’abondante végétation tropicale où nous profitons de la piscine. Lit à moustiquaire, carrelage rouge brique séparé par des lattes de bois, murs blancs et volets en bois sombre à claire voie assortis aux meubles ; salle de bain originale avec un pot en terre vernissé en guise de lavabo, une petite terrasse avec deux chaises longues en bois et ventilateur.
Nous nous arrachons à ce petit paradis et longeons la rivière sur l’autre rive à la recherche d’une officine Internet. Celle que nous trouvons sert aussi de bar et semble t-il peut être aussi de coiffeur. Nous sommes à l’abri d’une averse violente qui ricoche sur le bitume. Nous pouvons remettre le nez dehors assez rapidement et gagnons le marché couvert à quelques pas de là. Il ne nous faut pas longtemps pour dépenser des sous en écharpes, mobile, et bronzes dans les échoppes de souvenirs. Les bijoutiers éclairent leurs lampes à notre passage et les éteignent dans notre dos. Sous le même toit, les fruits et légumes, les viandes et les poissons, les insectes grillés et les restaurants s’étalent sur les tables autour des marchands assis en tailleur à la même hauteur. Il règne une impression de fraîcheur et de propreté dans ce marché ;
Nous trainons un moment avant de prendre le chemin du retour en stoppant devant une partie de badminton au pied et les marchandes d’orchidées au bord de la rivière. Près de la bifurcation, des joueurs de billes poursuivent leur partie malgré la nuit tombante. Nous traversons le territoire du temple à la lampe de poche.
Nous ressortons pour dîner dans un restau au bord de la rivière, grand hangar fréquenté par des cambodgiens et à moitié prix de ceux pratiqués au centre. Les plats ont le mérite de l’originalité. 8h 30 : vite, allons profiter de nos chambres !

mardi 30 mars 2010

De Spar en Spar

A cette terrasse du bistrot près du Spar, je ne m’y suis jamais assise.
Une femme de la cité, attablée seule dans l’unique troquet à des kilomètres à la ronde, c’est suspect. Vous imaginez les regards hostiles des ménagères de cinquante ans plus ou moins, les ragots de porte en porte dans les coursives à courants d’air, les yeux vicelards des mecs. Une femme seule à une terrasse de l’unique rade à des kilomètres à la ronde, c’est louche, ça fait désordre, c’est de la provocation, surtout si la dame est rousse, qu’elle fume et qu’elle croise les jambes, haut. C’est pas mon portrait, je m’habille en sac pour m’épargner le viol. Y a des pervers qui aiment se faire des mamies : remarquez l’inverse est juste aussi.
Alors chaque mardi, mon jour de ménagèr, je ralentis la marche devant la terrasse minuscule pour vérifier s’il est là, devant son café, toujours sur la même chaise, les yeux dans le vague. Il a les mains fines, une barbiche à la Ho Chi Minh, une calvitie bien avancée. S’il pleut, il s’abrite sous un parapluie, ce qui doit énerver la tenancière, j’imagine, vu qu’elle ne déploie pas le store quand il pleut. Se mouiller pour deux euros !
Le chien de la patronne, un caniche grisonnant mal peigné ou pas peigné du tout, un clébard inoffensif, s’installe aux pieds de l’inconnu. Il sommeille, le museau sur les vieilles baskets de ce régulier en poussant des soupirs émouvants. Lonely dog for a lonely man !
Il y a ce va-et-vient des clients, leurs sacs Carrefour ou Picard, gonflés de bonnes intentions écologiques et équitables. J’entre au Spar. J’aime les Spar qui offrent moins de tentations que les hypermarchés, sont moins fatigants pour les quilles. De surcroît les proprios connaissent mes habitudes, mes préférences : ils me sourient.
Une de mes copines, un peu foldingue, ce qui fait en grande partie le plaisir de la fréquenter - elle s’appelle Andrée - adore se balader de Spar en Spar quand elle est en congés.
Elle n’achète rien, sort la tête haute, sourire énigmatique, je dirais plutôt sardonique, moi ! Elle préfère, dit-elle, trouver sa pitance aux marchés quotidiens de notre bonne commune : ce qui marche bien chez nous ce sont les marchés ! Quant au reste, c’est à chacun d’en décider !
Pourquoi, tu n’achètes rien ? C’est mon luxe, me répond-elle, ma séance de résistance à la tentation, l’exercice de ma liberté de non consommatrice de mal bouffe. Tu n’imagines pas combien je me sens libre, forte, glorieuse quand je sors d’une supérette, ou d’un hyper, les mains vides ! La caissière m’interroge du regard, (quitte à faire la queue, je ne passe jamais par la sortie « sans achats ») donc, je lui présente les paumes de mes mains, et je ris le plus bêtement possible. Ma caissière préférée, celle que je harcèle chaque semaine chez Merlin le pas enchanteur, me sourit maintenant en vissant son index sur la tempe. Elle a de jolies fossettes qui me mettent la pèche !
Andrée fait sa tournée à bicyclette. S’exercer dans les trois Spar et les dizaines de grandes surfaces de la zone, ça lui prend la journée.
Il n’y a aucune relation entre l’homme seul et Andrée, du moins à ma connaissance. Ce qui fait de cette histoire un rébus !
Vous pourriez imaginer une idylle intéressante entre ces deux-là, bien faits pour s’entendre, à première vue. Il n’entre jamais dans le Spar ; elle en sort sans avoir consommé. Comme je ne fréquente le commercial que le mardi et Andrée ses jours de congés très aléatoires, mon enquête va prendre beaucoup de temps. J’ai bien autre chose à faire ! Pour être honnête, je n’ai rien à faire.
Désormais, je me poste entre 10 et 11 heures derrière la camionnette du Spar pour les surveiller, ces potentiels tourtereaux. Epier les gens, c’est plus instructif que de faire des confitures ou du tricot : la journée prend du sens, les rêves se nourrissent.
Vous objecterez que je ne suis pas logique, que je patauge dans la contradiction et que c’est énervant pour les personnes armées de références classiques. C’est ainsi.
En général je m’autorise ce que je m’interdis, jamais l’inverse. « Je » étant un autre, cela ne pose aucune difficulté.
D’abord il faut résoudre ce rébus d’une manière ou d’une autre, ensuite la logique est ennemie du vivant ! J’ai même envie de dire qu’elle est son pire ennemi !
Je suis en vigilance, imper gris, un tic à l’oeil gauche pour me fondre dans le béton. De ma place je vois le Spar et la terrasse du bistrot. Lundi, rien. Mardi, rien : Je fais mes courses. Mercredi, rien. Normal Andrée fait son marché.
Vendredi, c’est veine et déveine ! Andrée sort du Spar, les mains vides, la tête haute, sourire sardonique. Prévu.
Il y a un attroupement à la terrasse du bistrot. Andrée enfourche son vélo et file en sifflant, indifférente. Les obsessionnels n’ont pas de cœur… Je m’approche. La patronne, assise à sa terrasse, pleure toutes les larmes de son corps. Expression un peu osée, non ? Des soubresauts agitent son gravissime décolleté. Elle a les pieds dans le caniveau, une chaussure en errance, les chevilles gonflées des fortes femmes de bar toujours debout.
- Je l’ai vu. C’est lui qui m’a enlevé mon Titi. Il a profité des cinq minutes que j’ai passées au Spar pour me l’enlever, mon Titi chéri. Ah ! L’hypocrite ! Le salaud ! Et ce chien ! Pourquoi il s’est laissé kidnapper, hein ? L’ingrat !
Ainsi la vie… Enigmes insolubles, même dans le café.

Marie Treize
-------------------------------------------------------------------------------------
Remplir les sacs… mais aussi les vider.
Marie Treize, alias Philomène, alias Marie-Thérèse Jacquet
a épuisé sa réserve de nouvelles courtes. Bien désolée de ne plus vous faire
le petit coucou du mardi sur le blog de Guy, un lieu bien famé (ou femmé ?)
Si vous souhaitez lire mes nouvelles longues et quelques autres non éditées sur ce blog vous pouvez acquérir « Allumez le four et autres récits… » aux Editions Alzieu
1 rue du Moulin au Fontanil.
Ci dessous un bon de souscription pour ce livre vendu 13 euros jusqu’au 15 avril.
Merci à vous.
.....................................................................................
Bon de souscription
Nom :
Prénom
Adresse :
Désire recevoir… exemplaire(s) du livre :
« Allumez le four et autres récits… »
de Marie-Thérèse Jacquet
(120 pages environ : 24 nouvelles )
Prix de souscription : 13 euros l’un valable jusqu’au 15 avril 2010
Parution dans un délai maximum de deux mois après la fin de la souscription
Prix public 15 euros
Ci-joint un chèque de …………….. correspondant au règlement de ….. exemplaires
Lettres et Règlement
Editions Alzieu La Maison du Livre : 1 bis rue du Moulin Le Fontanil Cornillon Tel : 04 76 75 33 76
e.mail : admin@editions-alzieu.com
« Si elle sait peindre dans les couleurs subtiles de l’aquarelle, son écriture emprunte à toutes les ressources des palettes de la mémoire. Du fantastique vient enchanter une réalité âpre qui recèle aussi bien des tendresses. Sous le sourire et les mots choisis qui pétillent, elle exprime la fidélité à ses origines, quand le four s’ouvrait pour offrir le pain essentiel, chaud et parfumé. Elle nous fait voyager du Marais Poitevin à l’île de Batz en passant par la Mauritanie…
Une documentation précise permet de tracer des univers variés avec une nature très présente où les herbes révèlent leurs mystères et les oiseaux leurs rêves. Humour, sensualité, plaisir de l’écriture. Et quand elle reçoit un certain monsieur Dieu, elle hésite à lui faire écouter la Symphonie Liturgique d’Arthur Honegger qui serait trop marquée. Aucune faute de goût. »

lundi 29 mars 2010

A serious man

Les frères Coen savent raconter des histoires, mais je me suis dit que je n’avais pas toutes les clefs des allusions à la culture juive pour expliquer leur pessimisme insistant sur l’absurdité de la vie. Tout se détraque autour du professeur qui essaie de faire de son mieux. Les rabbins insuffisants ne vont pas lui être d’un grand secours, rien décidément ne peut aller contre des évènements toujours défavorables. La tartine tombe inexorablement du côté du beurre. Alors sourire face à la fatalité.

dimanche 28 mars 2010

Boubacar Traoré

En allant au concert de Boubacar Traoré, je retournais vers une contrée éloignée dans ma mémoire où les terres sont rouges et les musiques noires. A la MC2, mon voisin remontait le Niger où nous avions coulé des heures fortes avec ce blues malien qui nous a embarqués. La mélancolie accrochée à des rythmes dansants, accompagne nos voyages, notre vie.
Le guitariste pourrait nous jouer sa chanson toute la nuit, accompagné par des claquettes des mains sur une calebasse et un harmonica qui pulse bien dans ce trio. La foule de l’auditorium était debout. Il manquait un papier avec la traduction des paroles des chansons surtout que celui qui accompagnait les réveils radiophonique de Bamako, « Kar Kar » (casser casser), est passé de la notoriété à l’oubli à cause de son engagement pour l’indépendance du Mali. Cette musique, pourtant, qui mélange douceur et douleur, nous a enivrés.

samedi 27 mars 2010

Gauche à Saint Egrève : la gestation.

« Coopérative » : revenu du fond des âges politique et pédagogique, le mot redevient tendance :
version ordinateurs au PS (la « coopol » réseau social)
et avec Cohn Bendit dans son appel du 22 mars 2010 qui n’a pas suscité beaucoup d’échos.
Dans notre commune où la gauche rassemble 64 % de suffrages aux régionales, nous sommes minoritaires au niveau municipal depuis belle lurette. Nous essayons, à plusieurs, de résoudre cette énigme.
Nous avons cherché sur le plan associatif à fédérer localement les énergies
mais « Réussir Ensemble » n’a pas réussi.
Nous cherchons de nouveaux dispositifs car « la politique ne prend sens que depuis une certaine configuration de la vie sociale » ( Bruno Karsenti),
Un travail a été possible "tous ensemble" à la région.
Que ferons-nous ?
Une plate-forme pour confronter des projets ?
Une estrade pour faire entendre nos voix ?
Une scène où Cassandre donnerait la réplique à Narcisse ?
Un lieu commun pour les perroquets d’espèce papamadi ?
Un cercle pour tous ceux qui ont perdu leurs cartes ?
Un terrain d’entraînement à la démocratie ?
Un club de réflexion ?
Un pont entre associations ?
Un jardin, pour le temps nécessaire aux éclosions, et les forêts de métaphores, même si « l’heure de la fermeture a sonné dans les jardins de l’occident » Cyrill Connolly ?
Un forum pour se donner de l’aire ?
Une allée vers la Métro ?
Une île en Utopie?
Un « machin » en trop ?
Une rocade qui contourne les conformismes ?
Un bûcher des vanités où d’impénitents grognons grognent ?
Un sas de décontamination pour des personnalités partantes pour de nouvelles aventures, un trampoline ?
Un champ d’échange, d’expériences, d’idées ?
Un mouvement modeste ?
Une association ?
Des citoyens ?
Un interface que les partis chercheraient à débrancher car ils seraient, eux, les seuls lieux légitimes de négociation et de validation pour une lutte des places ?
Un espace d’expression, de propositions, où la politique reviendrait à sa définition originelle quand il est question des affaires de la cité ?
J’ai mêlé des intentions nobles et des risques déjà éprouvés. J’aurai aimé encore livrer quelques belles citations mais je reviens abasourdi de ma rencontre avec un converti de fraîche date aux plaisirs du cumul des mandats qui me reproche de trop prendre les mots au pied de la lettre ; alors j’éviterai de me draper dans des phrases trop jolies. Mais je continue à croire aux mots et à la noblesse de l’action politique qui est de faire - d’essayer- de faire coller les actes aux mots.
Dans cette énumération pourtant contrastée qui se hasarde à échapper à la naïveté, je n’ai à aucun moment mentionné lieu de conformisme, d’obéissance, de flagornerie, de trahison, de manque de respect.
« Coopérative » me semble aller pas mal, qui verrait un rouge trinquer d’un verre de rosé, un lecteur du Monde Diplo causer avec un abonné du Dauphiné Libéré, un de Rochepleine avec une de La Monta.
....................................................................................
Petit supplément made in ATTAC : « On veut persuader l’opinion que le coût du travail est un frein à l’emploi, alors que le principal obstacle est le coût du capital, c'est-à-dire le coût que le capital impose à la société en terme de rémunération des actionnaires et l’accroissement des inégalités. »J.M. Arribey.

vendredi 26 mars 2010

Reportages

A la librairie du square, j’ai ramassé machinalement sur le comptoir une brochure éditée par leur soin. Malheur à moi ! Ce recueil d’une centaine de pages distribué gratuitement va élever gravement la montagne des livres que je souhaiterais lire. En effet c’est une cohorte d’écrivains qui parlent d’autres écrivains et donnent souvent envie de lire leurs productions conjointes. Ce panorama de la littérature de reportage convie bien sûr des noms tellement connus que leur notoriété m’avait masqué leurs livres : Londres, Mac Orlan ; d’autres que j’ai tant aimé dont il me reste à découvrir tant de pages évoquées avec talent par Tangui Viel pour Jean Rollin ou Briatte avec Bowles. Saviano l’auteur solitaire de Gomorra ou Anna Politkovskaia assassinée le jour de l’anniversaire de Poutine, ont payé de leur liberté et de leur vie pour illustrer cette phrase d’Orwell : « c’est toujours là où je n’avais pas de visée politique que j’ai écrit des livres sans vie ». Et pourtant brûle toujours l’espoir que les mots écrits rendront ce monde moins brutal. Même si comme l’écrit Jean Paul Mari à propos de Bao Ninh : « Un gamin est parti se battre autrefois, le but semblait clair, la mort héroïque et bienvenue. Il est revenu et la paix ne ressemble à rien. Ceux à qui il a offert un futur le regardent comme un objet inutile, désuet, un jouet cassé. » Ou cette citation de Sainte Thérèse D’Avila au détour de l’article consacré à Truman Capote « il y a plus de larmes versées sur les prières exaucées que sur celles qui ne le sont pas ». London Jack, Kessel, Leroux Gaston, Simenon, Cendrars et ce Werth à qui fut dédié « Le petit prince » et Colette et John Berger si vigoureux, à revoir, et Anne Marie Schwazenbach si mystérieuse et Kapuscinski qui « s’attache à des destinées singulières pour dire l’universel »… Et une interview évidemment des fondateurs de « XXI » le livre des beaux reportages, que j’attends impatiemment à chaque saison.

jeudi 25 mars 2010

Le Caravage

Le conférencier des amis du musée n’a pas insisté sur les anecdotes les plus spectaculaires de la biographie de Michelangelo Merisi qui vécut à Caravaggio où sa famille n’était pas si pauvre ; il entretint aussi toute sa vie une culture religieuse certaine. Il eut à subir l’acharnement du clan favorable aux espagnols après avoir tué l’un deux au cours d’un duel. Tout de même plus qu’un coquin ! Mais l’historien d’art a emballé son public par sa passion pour celui qui tient une place centrale dans l’histoire de la peinture. Héritier des sculpteurs antiques avec ses corps magnifiques, des flamands aux fortes natures mortes, il annonce le baroque. Faisant honneur sur ses toiles aux peaux exposées au soleil des gens les plus humbles pour figurer la spiritualité la plus élevée. Le sacré et le profane, la terre et le ciel, l’ombre et la lumière. Les corps magnifiques aux pieds poussiéreux, tellement humains, à l’heure de la contre réforme et de la peste. Cette mort qui rend si précieuse la vie et ses ivresses. A tomber par terre comme Saint Paul saisi par la révélation divine, ou bénéficier comme Matthieu de la présence chaleureuse d’un ange pour guider ses écritures, mettre le doigt dans la plaie comme Thomas. Il peignit la mort de la vierge et non sa dormition, tragique dans sa robe rouge la main sur le ventre des commencements. Ce fut un scandale, magnifique !