mardi 8 septembre 2009

Grisaille

Décor de ciel plombé,
Foule
Foutue
Fatiguée

Clopes des mutants blêmes
Mégots qui s'accumulent
Devant l'arrêt du bus,
Le désespoir vit au fond du caniveau

D.

lundi 7 septembre 2009

Adieu Gary

La description de la classe ouvrière est suffisamment rare dans le cinéma français pour appeler toutes les indulgences. Mais ce film souffre de la comparaison à l’égard des productions anglaises en abusant des symboles, jusqu’à l’onirisme parfois ; c’est un comble, ce manque de réalisme. Ici les allusions au western m’ont semblé artificielles comme l’importance prise par le décor. Cette cité ne reste qu’un « extérieur » à l’abandon. Bacri, débitant ses brutales vérités, est excellent. Bien que certaines scènes soient appuyées comme les locaux syndicaux vidés pour laisser place à la prière musulmane, le film est sympathique et porte un regard utile sur un monde qui meurt mais l’on ne sait rien entrevoir de celui qui émerge.

dimanche 6 septembre 2009

"Bourrées de complexes"

Géraldine Jacquier et Fabienne Déroche ont mis en valeur Boris Vian au festival de la cour du vieux temple lors d’un tour de chant bien agréable pour aller vers la fin de l’été.
Le public s’est régalé à réviser les thèmes cocasses, engagés, poétiques de celui qui a disparu il y a cinquante ans : « on n’est pas là pour se faire engueuler », « la complainte du progrès »,
« je bois », « les joyeux bouchers », « le cinématographe », « la java des bombes atomiques », « j’suis snob », « fais-moi mal, Johnny », « ne vous mariez pas les filles »… et encore mieux de découvrir, pour moi, par exemple un « Barcelone » romantique.
Rien de mieux n’a été dit sur la société de consommation depuis la complainte du progrès:
« Autrefois pour faire sa cour
On parlait d'amour
Pour mieux prouver son ardeur
On offrait son cœur
Maintenant c'est plus pareil
Ça change ça change
Pour séduire le cher ange
On lui glisse à l'oreille
Ah Gudule, viens m'embrasser, et je te donnerai...
Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer
Et du Dunlopillo
Une cuisinière, avec un four en verre
Des tas de couverts et des pelles à gâteau!
Une tourniquette pour faire la vinaigrette
Un bel aérateur pour bouffer les odeurs
Des draps qui chauffent
Un pistolet à gaufres
Un avion pour deux...
Et nous serons heureux! »

Et que ça sautille !
Le duo bien au point sur le plan musical et dans les chansons les plus douces gagnerait à trouver un registre moins couru que le jeu de deux femmes contrariées en scène et devrait varier les postures, sinon c’était bien frais.

samedi 5 septembre 2009

Je me défais de l’ « Obs »

Après l’interview complaisant du président de la république par Olivennes en juin, bien que j’aie signalé mon désabonnement au « Nouvel Observateur », j’ai continué à le recevoir pendant ces vacances.
J’ai ainsi pu mettre au feu de la critique ce que j’avais adoré. Depuis ma décision qui remettait en question des années de fidélité, au cœur des héritages familiaux et amicaux, je rends raison à tous ceux qui ne supportaient plus cette gôche tellement chic.
C’est avec tristesse que j’accomplis cette rupture qui va au-delà de l’agacement devant la profusion des pages mode. Cette vitrine branchouille de la « deuxième gauche », dont la dénomination même a connu une usure analogue à « autogestion », a tendance à radoter.
Et le contentement d’eux-mêmes de beaucoup de rédacteurs ne peut être d’un grand secours dans le désarroi où nous sommes depuis la première gauche jusqu’à tous ceux qui sont au trente sixième dessous.
Ce ne sont pas les fantômes de Billancourt qui vont être désespérés par Jean Daniel en son fauteuil à l’Elysée quand un reportage sur la classe ouvrière ou la banlieue dans l’ancien journal de F.O.Giesberg semble aussi exotique que les plages du Sri Lanka.
Les tartines concernant Dati réduisent l’espace que mériteraient quelques plumes encore vertes telles celles de Julliard ou Reynaert ; Askolovitch porte-coton de Besson n’était pas là par hasard. Cette « droite Carla » accable les préaux, les bureaux, les tréteaux, les labos, voire le bobo qui m’habite souvent. Je regretterai Garcin et les critiques cinéma moins prévisibles que Télérama.
« Politis » trop chapelle, « le Monde Diplo » trop pointu, « Marianne » aux titres tellement accrocheurs que les contenus paraissent fades, que reste-t-il comme hebdo lisible en plus du « Canard » qui informe mais ne remplit qu’une fonction critique?

vendredi 4 septembre 2009

La passion Lippi

Si ce n’était la recommandation d’un ami qui m’a fait découvrir des écrivains qui me sont chers aujourd’hui, je ne serais pas allé au bout des 480 pages du livre de Sophie Chauveau dont j’ai trouvé le style apprêté, conventionnel. La vie de Lippi peintre de la renaissance, que je ne connaissais pas, méritait pourtant la légende, tant sa vie fut un roman. Mais ce retour historique souffre de la comparaison avec par exemple« la course à l’abime » de Fernandez au souffle épique qui retraçait la vie non moins aventureuse du Caravage. C’était flamboyant, nous pouvions partager, la personnalité forte du roi de l’obscurité, sa fièvre, son appétit alors qu’après une documentation sérieuse ce livre à succès de 2004, qui se poursuit avec la vie de Botticelli, accumule les péripéties sans intériorité.
L’ascension d’un enfant de la rue élève de Fra Angelico jusque dans les chapelles papales, sous la protection des Médicis, peignant les putains en madone avait de quoi appeler l’épopée : la marche était trop haute. Même si les dernières pages sont moins laborieuses.

jeudi 3 septembre 2009

Images et (re)présentations.

Deuxième étape au "Magasin" d’une exposition concernant les années 80.
Si je reprends des extraits du dépliant d’accompagnement qui devrait nous éclairer, je risque d’être quelque peu moqueur : j’ai trouvé mon maître en obscurité amphigourique.
« Les signes peints par l’artiste hésitent entre les référents artistiques et les signes du quotidien, comme la croix de Malevitch et l’enseigne de la pharmacie…hésitation qui établit une corrélation entre la géométrie et l’espace tel qu’il est organisé et réglementé dans notre société et qui marque la fin de la peinture pour la peinture »
Les références les plus élitistes se mélangent aux évidences les plus banales, ou comment faire fuir le spectateur ?
Cette exposition voit pourtant un certain retour à la peinture. La fresque très colorée des frères Ripoulin en est un exemple, tout en témoignant du sempiternel jeu avec les mots et les images des autres. Des installations autour de la danse mêlant musique, vidéo, cinéma, sculptures en papier créent un univers en sollicitant des œuvres anciennes. Du crayon Conté sur du coton peut créer du mystère et rendre les œuvres voisines kitch encore plus pétantes. Dans une salle « l’inévitable expérience de la transition » qui accueille l’école du magasin nous a menés vers la sortie, « leur choix formel représente une démarche processuelle dont la terminologie manifeste une culture commune ».

mercredi 2 septembre 2009

« Faire classe ». Fin de cycle.

Je viens de clore en juin la publication sur ce blog de 36 épisodes de mon expérience de maître d’école de 1968 à 2005.
Des préaux solitaires de villages du nord Isère à la périphérie grenobloise.
De la dame de ménage qui me nommait « monsieur » quand j’avais encore mes dix-huit ans, jusqu’à mes élèves qui ne me reconnaissaient plus.
De l’ardoise et son éponge aux écrans de plus en plus démesurés.
De mon patron en pédagogie, au nom de héros de "la guerre du feu" : Ago, qui m’a accueilli fraternellement et épaulé tout au long de mes interminables années de formation,
jusqu’à la collègue qui préparait si bien mes grands dès le CP : Colette.
Nous nous tenions d’aplomb, pouvant nous regarder dans une classe.
De la même façon que j’ai cru en l’écriture comme moyen pour que mes élèves grandissent,
j’ai choisi les mots pour mettre de l’ordre dans ce travail qui a éclairé mes jours.
Je suis très fier de l’avis de Régis Debray qui a eu l’amabilité de répondre à l’envoi de cette somme sur papier :
« Merci, cher monsieur, pour ce « faire classe » qui mériterait de faire école, si l’humour et la nuance y étaient (encore) autorisés. L’autobiographie professionnelle : un genre insolite et nécessaire ».
Comme Thierry Roland après la victoire de l’équipe de France en 98 : « maintenant, je peux mourir tranquille »
En mêlant des remarques pratiques à quelques digressions, j’ai voulu sortir des images trop simplistes qui structurent les débats pédagogiques où de béats innovateurs pourfendent de sinistres regretteurs d’hier et vice versa.
Je ne sais pas voir dans les jargons pédagogiques actuels qui me semblent plus creux que facteur de dynamique, les espoirs d’émancipation que nous portions en nos années ferventes, même si nos nostalgies, nos attaches sentimentales nous éloignent de l’objectivité.
Comment garder un regard neutre pour juger de pratiques qui impliquaient tout notre être ?
D’ailleurs l’impartialité n’est pas loin de l’indifférence, alors que la passion anime !
Croire toujours aux possibilités extraordinaires de l’intelligence enfantine ne doit pas autoriser les petits à devenir tyranniques mais à aller vers les savoirs en dispensant ses éducateurs de toute démagogie distrayante.
Nous mettions alors « l’enfant au centre de nos préoccupations », et pourtant quand les circulaires ministérielles ont posé la formule comme principe nous sommes devenus rétifs.
Il en allait bien sûr d’un salutaire esprit de contradiction quand la société doit pouvoir compter sur des enseignants indociles pour vérifier sa vitalité démocratique mais aussi une prise de conscience d’un dévoiement évident concernant les mots.
Les mises au pas actuelles inquiètent les gardiens de la flamme contestataire et tous les chercheurs de progrès. Le relookage par les managers actuels consterne les chercheurs pragmatiques de ces années passionnées.
Mais mes arguments qui se fortifiaient à l’épreuve du terrain s’assèchent aujourd’hui que je me retrouve côté spectateur.
Je vais transporter mes encriers vers d’autres scènes.
Le mercredi, je mettrais en ligne notre voyage au Viet Nam par petites séquences. Je ne saurai cependant tenir ma langue dans les débats qui concernent l’école ; mes amis savent bien que je ne suis pas prêt à me défaire de mes réflexes, de mes marottes, qui me constituent en instit « for ever ».