jeudi 15 janvier 2009

Boli.


Eh non, pas mon « Basilou » qui propulsa le ballon au fond des filets du Milan AC en 93 pour une coupe aux grandes oreilles, aujourd’hui pris dans la nasse UMP.
Non c’est une autre manifestation de la divinité que nous avons acquise à la galerie Kanaga au 5 rue Chenoise à Grenoble. En raison de l’avancée de l’Islam, bien des objets de culte traditionnels en Afrique, sont désenvoûtés et viennent garnir nos bobos intérieurs. Ses formes élémentaires, bovines, nous ont séduit. C’est une sorte d’autel, gardien des fétiches. Au moment où quelqu’un veut emprunter l’un d’eux, un sacrifice lui est adressé : de la bouillie de mil, du lait seront versés sur son dos, le sang d’un coq… Il est léger, composé de matériaux organiques : terre mêlée de paille, écorces, noix de cola mâchée…Il symbolise l’univers, réceptacle de l’énergie de l’esprit, présent dans la société Bambara au Mali. Mystérieux.

mercredi 14 janvier 2009

Orthographe. Faire classe # 17


C’est le saint suaire qui fait pleurer les amoureux de la langue.
Hénorme apparaît encore plus énorme, en effet.
Est-ce que le soumis au SMS et les désinvoltes peuvent percevoir les subtilités ?
Pour aller vers les nuances, c’est une affaire de chaque instant sans drame avec rendez-vous hebdomadaire :
- Pour l’orthographe d’usage, travail au long cours : une feuille de classeur couleur intitulée « mes mots » recueille les erreurs relevées dans les textes, dans les copies. Oh ! Pas une liste interminable : le faible comptabilisera 80 expressions incontournables à la fin de l’année avec lesquels il se sera entraîné pour pouvoir écrire : « monsieur », « est-ce que », « aujourd’hui », correctement, pour constituer un socle personnalisé.
Je vérifiais si ceux-ci étaient correctement recopiés avec le déterminant pour les noms, le sujet pour les verbes afin d’éviter toute confusion quand le voisin, lors d’une dictée mutuelle, l’interrogera sur les mots de son répertoire.
S’il a droit au feu vert, il rayera l'importun de la liste ; s’il est rouge : il devra y revenir.
- Pour les difficultés ciblées, leçon frontale :
Par exemple éclairage sur les mots en - té et en - tié : «’ berté, ‘galité, pitié » :
Quelques spécimens agrémentés de dessins si possible humoristiques sont présentés ; petit théâtre ; règle (exceptions) ; application ; vérification. Désormais un nouveau panneau pense-bête sera installé. Ardoise, livret, cahier, soutien.
- Les résumés du livre aideront à la révision pour le contrôle trimestriel.
- Les autodictées proviennent d’une série d’une quinzaine de textes courts, simples, retraçant une situation insolite, genre blague de papillotes.
Au tableau d’affichage style stade vélodrome, le C.M. 2 rencontre le rival « autodictée ».
Nous nous proclamions champions quand nous infligions 22 à 0 à cette reine de l’embrouille (22 élèves sur 26 avaient réussi un « sans - faute »)
Wouai ! Le coach avait entraîné son équipe avec l’ancestrale méthode de la reconstitution de texte propice à solliciter la mémoire, pour observer l’orthographe et l’appliquer en s’imprégnant des structures de phrases. Les vertus de cette technique valent aussi pour installer des habitudes d’écriture qui soient un peu réfléchies.
Lecture du texte au tableau. Repérage des difficultés. Vocabulaire. Les phrases apparaissent, disparaissent. Restent à la vue des élèves, la trace de la ponctuation, les contours des groupes grammaticaux,des petits rappels mnémotechniques avec des dessins. Répétitions. Vérifications, tableau ouvert. Travail sur la syntaxe. La mémorisation par effacement prouve aussi son efficacité.
- Les dictées à l’ancienne sont réservées au mois de juin. On saute une ligne, un élève derrière le tableau : on le corrige, on se corrige( ½ point pour les fautes d’usage, 1 pour les grammaticales). Nous aurions pu les écrire à la plume comme nous l’avions expérimenté avec des encres de couleurs en expression artistique, et il y aurait eu du plaisir. C’était aux moments chauds, où dit-on les C.M. 2 sont démotivés. Eh bien la torture scolastique leur semblait douce, en général, entre les illustrations et la frappe sur ordinateur de leurs romans, avant un tour à la piscine. Efficace, ce moment d'apprentissage ne mérite pas l’honneur d’un débat sociétal. Cette survivance a de l’impact pour ceux qui ont une occasion qui leur conviendra peut être pour apprendre à s’interroger sur les difficultés, comme l’élève qui y était convié se questionnait à haute voix pendant que tous écrivaient, s’appliquaient.

« … je recopiai ma trop belle lettre, en supprimant la phrase spirituelle qui se moquait de son tendre mensonge. Je supprimai aussi au passage les « s » paternels ; j’ajoutai quelques fautes d’orthographe, que je choisis parmi les siennes : les orthollans, les perdrots… » M. Pagnol
Je ne me sens pas visé quand la dictée doit être réhabilitée dans les amphis pour minimiser les carences des étudiants. La distinction entre un infinitif et un participe est accessible à la plupart des enfants : mordre/mordu pour remplacer un verbe du premier groupe, cette mécanique s’élucidera petit à petit.

Je joins en contrepoint, un extrait d’un texte de Paul Le Bohec (83 ans) militant Freinet qui replace l’obsession orthographique dans sa dimension politique et historique. Je ne suis pas persuadé que les enjeux d’aujourd’hui soient du même ordre, j’ai essayé d’être léger sur le sujet, voici plus dramatique, mais nourrissant :
« Dès 12 ans, pour les Bourses Nationales et le CEP, on exigeait moins de cinq fautes dans la dictée, sinon c'était l'élimination. Que de souffrances pour les enfants et les familles, que d'angoisses pour les maîtres, que de drames, que d'humiliations, que de coups même, et en nombre ! Ainsi, parce qu'au jour fixé, des dizaines de millions de personnes n'avaient pas eu la possibilité ou la chance de franchir l'obstacle, elles s'étaient trouvées déconsidérées aux yeux de tous et à leurs propres yeux pour le restant de leur vie. Quel crime, cette obligation prématurée de la maîtrise de l'orthographe !
Mais pour la classe bourgeoise, c'était bien joué. Comme dans cette matière, on n'était jamais assuré de réussir, il fallait y consacrer beaucoup de temps. Et cela empêchait de faire autre chose. À l'approche de l'examen, les maîtres organisaient gratuitement des études le matin et le soir. Et si on entrait à l'École Normale d'Instituteurs, ce n'était pas pour des raisons de justesse des idées, d'excellence de la pensée, mais à la suite de la réussite à l'épreuve de la dictée qui avait un fort coefficient. »

mardi 13 janvier 2009

Autrement : le mook n°1


Je reviens faire un tour du côté des éditions « Autrement » qui lancent le n°1 d’un trimestriel baptisé mook (magazine/book)15€ -120 pages. Henry Dougier, l’infatigable chercheur en innovations sociales entre sur le créneau inauguré par XXI qui reste premier sur le plan graphique, le style d’écriture, la documentation, la profondeur.
La page 1 est magnifique avec une photographie de Martin Parr qui saisit une grand-mère en train de photographier sa petite fille tellement fière au bord de la plage alors qu’un arc en ciel se dessine en arrière plan pour la phrase « désirer un monde autrement ». La tonalité des écrits est plus marquée politiquement à gauche ,« appel des racailles de France », qu’avec XXI dont le directeur Patrick De Saint-Exupéry m’a paru assez léger sur la question du Rwanda, l’autre matin sur France Inter. Les articles, souvent des interviews d’acteurs sociaux : une DRH, un couple militant de 83 ans, un animateur de radio turc, un réseau coopératif qui réussit en Espagne, quelques personnalités : B. Brunhes ; M. Monshipour, S. Moatti, une musulmane féministe, un magistrat engagé… illustrent les chapitres « vivre, créer, voir, penser, décrypter, raconter, rêver le monde autrement ». Une cartographie de la France en 2100 aux couleurs de la végétation de l’Afrique du Nord, et un reportage photo sur le train cévenol viennent aérer un ensemble assez dense. Il fait bon rencontrer des personnages à l’envers des fondamentaux people, avec un regard positif pour un voyage en équité avec le fondateur d’Alter Eco ou un couple qui promène son petit cinéma ambulant au fin fond de l’Inde… Le récit d’un ancien "galérien" se conclut sur « ce n’est pas parce qu’un homme porte la marque du naufrage, qu’au fond du cœur il est naufragé ».

lundi 12 janvier 2009

Charlie et la chocolaterie


Depuis les images d’ « Edward aux mains d’argent », Tim Burton me fait l’effet d’un crissement d’ongle sur un tableau et pourtant j’ai bien aimé « l’étrange Noël de Mister Jack » et « Mars attack ». Je savais que Roald Dahl, dont les livres ont donné ses lettres de noblesse à la littérature enfantine, était pour lui, avec son humour et son imagination débridée.
La famille de Charlie vit dans une misère à la Dickens, loin d’un monde aux couleurs acidulées et de la prodigieuse et mystérieuse fabrique de chocolat magique de M. Wonka.
Le noir et la neige conviennent mieux à Burton que le vert et le rose malgré des images époustouflantes.
A parcourir les critiques du film, celle de « Libération », me semble particulièrement intéressante, quand elle évoque l’ordalie : épreuves à surmonter pour obtenir le jugement de Dieu. C’est bien de cela dont il s’agit dans beaucoup des contes ; les enfants, ici, disparaissent à cause de leur goinfrerie, de leur effronterie, parce qu’ils sont trop gâtés.
Le gentil Charlie triomphe, modestement bien sûr.
La morale finale est un peu sucrée puisque les vertus familiales sont le recours vis-à-vis d’un capitalisme insensé.
On a beau « avoir le ticket », l’amour ne s’achète pas.

dimanche 11 janvier 2009

Blanche-Neige


Sombre ballet de Angelin Preljocaj dans les forêts profondes aux brumes mystérieuses sur une musique de Mahler avec des costumes de J.P. Gauthier. Un assemblage harmonieux qui restitue au conte toute sa gravité par des éclairages et un décor magnifiques. Débarrassés des images enfantines, nous sommes séduits par l’évocation de nains acrobates, émus par la mort d’une Blanche-Neige pourtant puissante : du plaisir tout du long. C’est vraiment bon de pouvoir être étonné encore au moment des passages attendus comme l’épisode du miroir, de la pomme, traités sans esbroufe, mais avec habileté. Les étiquettes ne tiennent plus : cette danse contemporaine romantique m’a parue plus familière qu’un classique.

samedi 10 janvier 2009

Modernes et silencieux.


L’école a été un formidable outil de modernisation.
Aujourd’hui la modernité nous déstabilise et l’affubler du seul masque du libéralisme, commode le temps d’une manif, ne rend pas compte de la complexité des mutations.
Nous restons perplexes quant aux réactions assez faiblardes vis-à-vis des mesures graves prises contre l’école. C’est qu’il n’y a plus unanimité et ce n’est pas en méprisant les thermomètres que ça ira mieux.
L’école, attaquée de toutes parts, nous voilà contraints de la défendre en bloc, oubliant parfois ses carences, percevant mais confusément que le monde a changé et la mentalité des personnels aussi.
Je cultive avec délices la posture de l’instit’ à l’ancienne, mais je sais bien en 2009, qu’il est d’avantage question de professionnalisme que de foi, de vocation. Nous sommes pressés par l’instantané : un clic, le speedant de la république est dans le mouv’. L’éducation nécessite un autre chronomètre : grandir prend du temps. Les parents attendent des services, et n’adhèrent plus d’emblée aux valeurs de l’école qui ne sont plus celles de la société.
En bénéficiant d’acteurs de l’éducation, critiques, écoutant distraitement nos incantations, remettant notre légitimité en question ; notre pédagogie aurait-elle porté ses fruits ?
Le corps des enseignants s’est atomisé : on n’a jamais tant parlé d’équipe alors que l’individualisme est entré dans le sanctuaire ; la multiplication des statuts l’aggrave.
Plus encore au collège, où l’éparpillement des taches éducatives dilue les responsabilités.
Le ver était dans le fruit. Les super- directeurs vont s’installer sur le désinvestissement des adjoints.
L’instituteur instituant a disparu sans une fleur. Nous avions tant crié contre les institutions.
En gagnant le rang de professeur après avoir revendiqué une dignité indexée sur grille de salaire, nous sommes entrés dans les valeurs CAC 40.
Face à l’attaque contre l’école publique qui vient du fond des âges réactionnaires, le P.S. sort son Bruno Julliard, mais qui nous entend ? Jack Lang bavarde sur l’école, cela revient au même qu’un silence gêné.
Une pétition contre Darcos a vu s’effacer récemment 15 000 signatures sur le web, faudrait pas virer paranos ! Au détour d’un article de Patrick Pellous dans Charlie Hebdo, remarquant qu’il a fallu du courage à ses collègues de l’Essonne pour révéler la mort d’un homme, que pendant six heures ils ont tenté en vain de faire admettre dans un hôpital, parce qu’ils se sont fait gronder par leur hiérarchie, montre que le silence réservé jadis à l’ hôpital, s’étendrait à toute une société.
Une affichette de 68 disait : «la police vous parle à 20h » : plus besoin, le policier est dans les têtes.
Le climat qui s’installe fait froid dans le dos : un Sarko XXI, en duplex avec Chabot, pourrait rendre la justice tous les soirs à 20h sous son chaîne, ça ferait de l’audience et économiserait des juges.
En période de vœux, nos mots sonnent cette année encore un peu plus dans le vide.
Solde sur les dictionnaires.
La crise nous tétanise ; des enfants portent à Gaza d’autres enfants morts dans leurs bras.
Les bras nous en tombent.

vendredi 9 janvier 2009

La chanson de Charles Quint


Charles Quint, qui a beaucoup voyagé comme Eric Orsenna l’auteur de ce livre , aimait cette chanson :
« Mille regretz de vous habandonner
Et deslonger votre fache amoureuse
J’ay si grand deuil et peine douloureuse
Qu’on me verra brief mes jours definer »

Delonger : quitter ; fache : visage ; definer : finir
Ce court roman décrit le parcours de deux frères proches et pourtant opposés dans leur quête amoureuse : l’un de l’amour unique, l’autre d’amours dispersés.
Ce conte à la poétique un peu traditionnelle, où il dialogue avec la femme aimée disparue, est traversé de belles sentences telles que :
« l’amour juge, tandis que l’amitié absout ».
Le rappel des richesses du futur antérieur a des airs nostalgiques.
Dans ce livre, j’ai regretté la sincérité des premiers romans ; lui, l’académicien sait écrire des livres en concluant :
« Pourquoi si souvent, est ce à la fin de l’hiver qu’il fait le plus froid » ? »
Argh !