jeudi 8 janvier 2009

"Espèces d’espaces"


C’est le titre d’une exposition du Magasin, centre d’art contemporain.
J’en sors en me sentant très beauf : « Boof ! ».
J’abuse souvent des jeux de mots mais il n’y a pas de quoi ériger celui là, dû à Perec en 1957, en titre pour une rétrospective des années 80.
Je m’applique à fréquenter les lieux d’exposition d’art contemporain, mais mon retour après des années d’incompréhension au Magasin, s’est soldé une nouvelle fois par une désillusion.
Je suis aussi familier des démarches militantes, cependant en lisant après coup le dépliant censé expliciter les œuvres, je demeure perplexe. Je n’ai pas compris en voyant ces installations en quoi elles pouvaient « mobiliser face à la détérioration des conditions de vie dans les quartiers peuplés majoritairement d’immigrés, à la montée des inégalités et au délabrement urbain ».
Les salles d’exposition ont très peu de visiteurs. Ce n’est pas l'installation d'un flacon d’Ajax sur une étagère qui risque de faire avancer la cause des démunis. Quant au « wall painting »de Gunther Förg, la tentation est grande de penser que la peinture qui a servi à recouvrir des dizaines de mètres de parois, aurait été bienvenue dans quelques halls d’immeubles. Faire correspondre ce travail, comme en exécutent quotidiennement tous les peintres en bâtiment, avec Rothko me consterne.
Pour illustrer ce billet, j’ai choisi une carte postale de Kounellis achetée à la boutique du musée : seule trace d’humour, ce jour là, en ces lieux.
J’ai trouvé, à cette occasion, que l’art contemporain s’aveugle avec les mots, ne nous fait plus voir grand-chose, sinon des autocitations, des mécaniques sans imagination. Si les artistes traduisent, précèdent l’époque ; eh bien nos heures seront palotes, perdues dans de grands espaces froids, même pas énigmatiques : vides.

mercredi 7 janvier 2009

Grammaire. Faire classe # 16


La bannie ressusciterait.
Ne plus courir après la mode conduit cycliquement à la branchitude. Les effets d’annonce s’éventent en sortant des flacons; les durées différent dans les J.T. et dans les classes.
J’écrivis sur le tableau au retour de la récré du matin :
« Cyril a oublié son goûter »
Cyril devient sujet.
Il peut s’accrocher à décortiquer une phrase comme on pèle un fruit et qu’on le déguste.
Ce n’est pas Arcole forcément, ni Dien Bien Phu ; il faut en passer par-là.
Lecteur furtif mais vampirique, j’aime convoquer Orsenna et ses îles où les adjectifs sont collants et les pronoms prétentieux :
« Je savais maintenant, et pour toujours, que les mots étaient des êtres vivants rassemblés en tribus, qu’ils méritaient notre respect, qu’ils menaient, si on les laissait libres, une existence aussi riche que la nôtre, avec autant de besoin d’amour autant de violence cachée et plus de fantaisie joyeuse »
ou pour illustrer l’adjectif démonstratif, Jean Louis Fournier :
« Cette autruche qui pond debout est une mère indigne ».
Le rapport que l’académicien a remis, jadis, au ministre a tenu les colonnes de journaux, une petite semaine. La réhabilitation de la grammaire n’a pas soulevé de débats ébouriffants, peut être bien parce que beaucoup de praticiens n’avaient pas suivi le nouveau vent nouveau.
Il y avait un penseur fécond, La Garanderie, qui distinguait visuels et auditifs; j’en ai retenu aussi qu’il est des formes de compréhension qui se meuvent très bien avec la globalité: alors la règle sera immanente; d’autres auront besoin d’une loi posée en préalable pour mieux comprendre.
En classe, les ficelles d’animateur aident parfois : « tout le monde debout ! ». On s’assoit quand on a donné un adjectif qualificatif. On s’ébroue. On extrait du magma discoureur, les outils pour fabriquer à son tour en toute connaissance de cause.
L’intuition peut suffire à certains, mais donner quelques étayages pour plus de précision dans la compréhension : c’est bien notre mission, non ? Renoncer parce que c’est austère, voire difficile c’est mépriser l’intelligence.
Comme pour les mathématiques modernes, un Rouchette passa par-là et nous rendit méfiants sur les experts qui positionnent les enfants au milieu de l’arène de leurs recherches. Les gamins auront le temps plus tard, avec des armes pour juger et non la seule tyrannie de la mode, du conformisme comme guide. Bien sûr ils doivent être en situation d’investigation, d’exploration, invités à fureter. Ils ne peuvent ordonner le sens du travail.
Je n’ai toujours pas saisi pourquoi on prétend faire accéder les « apprenants » au rang de chercheurs et qu’on les éloigne de certaines exigences qui seraient paraît-il inaccessibles. Faillite des adultes qui font semblant d’abandonner la barre. Mais les mêmes ne rendent pas les clefs quand le moment de la retraite vient.
Nous avons réalisé à plusieurs reprises des petits films d’animation en classe ; entreprise de plus en plus lourde à mesure que le matériel devenait de plus en plus sophistiqué et les intervenants de plus en plus professionnels ; la paperasse déborda, les élèves avaient de moins en moins voix au chapitre. A ces occasions ils étaient initiés à une « grammaire » de l’image : ce qu’apporte un gros plan, une contre-plongée. Beaucoup de compétences des enfants des années 2000 pouvaient entrer en jeu, pourquoi leur contester avec l’écrit le droit d’entrer dans la salle des machines ?
Grammaire n’est pas une vieille indigne.
- Le livre de Français pour réviser lors du contrôle trimestriel.
- Livret pour exercices où des phrases sont à scinder, colorier, surligner.
- Cahier où écrire.
- Dénominations simples : le C.O.D. ou complément essentiel.

mardi 6 janvier 2009

Devinettes des « Terres froides »


Qu’est ce que c’est ?
- Plus y en a moins ça pèse ?
Des trous dans une planche.
- Gueule dans gueule, sept pieds et une queue ?
Un chien mangeant dans une marmite à trois pieds.
- Quatre dames au milieu d’un pré, ni l’une ni l’autre ne peuvent s’attraper ?
Les quatre roues d’un char.
- Je fais le tour du bois et ne peut pas y entrer ?
L’écorce.
Commère, prêtez moi votre coiffure, je couvrirai tout, sauf l’eau.
La neige.
Dicton :
« Si les orvets avaient des yeux et les chèvres des dents en haut, tout le monde serait perdu. »
Histoire :
« Une limace mis sept ans pour passer un pont.
Le pont s’écroula, elle se retourna et dit :
Voilà ce que c’est d’être leste ! »

Recueillis dans « La vie dans les terres froides » de l’abbé Fréchet.

lundi 5 janvier 2009

“I feel good”


Film de Stephen Walken. La musique peut sauver les cancres : « Les choristes », les ouvriers :« Les virtuoses », les pauvres : « Buena vista social club ». Là ce sont des octogénaires américains qui sont touchés par la grâce, réunis en chorale par un chef de chœur remarquable, celui-ci en séduira plus d’un (cœur). Pédagogue souriant mais exigeant, il fait découvrir James Brown à des amateurs de classique et les emmène en tournée pour des représentations à l’énergie communicative. Bien filmé, avec une décontraction qui évite le mélo, et une humanité qui revigore ou nous émeut, comme ces prisonniers auxquels ils livrent un petit concert. Juste, avec un esprit positif très américain. Plein d’humour, et de profondeur sans en voir l’air ; la musique fait gagner de la vie, elle repousse la mort.

samedi 3 janvier 2009

Etre ouvrier en Isère


Pour voir les paysans je vais au cinéma, pour voir les ouvriers je vais au musée dauphinois. Exposition temporaire jusqu’en janvier 2010, dans un beau lieu, un site magnifique, avec une muséographie séduisante sans être « tape à l’œil ».
Il ne s’agit pas seulement d'une présentation d’objets évocateurs depuis le XVIII° siècle, mais de toute l’épaisseur humaine du travail et son évolution jusqu’aux opérateurs en microélectronique, aux chômeurs d’aujourd’hui.
Une dignité collective qui naît, la conscience de classe à travers les luttes, les moments festifs, les clubs de sport, la solidarité et la nostalgie. Jusque dans « la perruque »* qui prouve l’inventivité et le goût du bel ouvrage. Auparavant les marques du travail des enfants, les usines pensionnats, témoignent de conditions de travail violentes : « pas plus de soixante heures par semaine pour les filles de moins de 18 ans ».
Du textile à Voiron, Bourgoin, Pont de Chéruy, Vienne, aux mines de La Mure, aux papeteries de Lancey. Lustucru, Bouchayer, La Viscose, Merlin, Calor : des marques, des hommes et des femmes, des ouvriers venant très tôt de tous les coins du monde.
J’ai eu la surprise agréable de reconnaître une de mes affiches, que c’est moi qui l’ai faite, qui annonçait un 1° mai en 1985,je crois; déjà l’heure de la commémoration d’un monde avait sonné.
*Perruque : « L'utilisation de matériaux et d'outils par un travailleur sur le lieu de l'entreprise, pendant le temps de travail, dans le but de fabriquer ou transformer un objet en dehors de la production régulière, de l'entreprise »

vendredi 2 janvier 2009

Des vœux pour le neuf :


Extraits du petit livre « Faîtes vos vœux » de Philippe Person et Pascal Thoreau qui avaient présenté sur scène une adaptation du livre de Pascal Bruckner « L’euphorie perpétuelle »
Ils demandaient aux spectateurs avant le spectacle :
« Ce soir, une fée se penchera sur votre lit… Quels seront vos trois vœux ? »
Sélection de quelques réponses :
- Si elle est charmante, qu’elle se penche un peu plus.
- Que les cons baissent d’un ton.
- France - Angleterre : 32-31
- Changer de moquette sans déplacer les meubles
- Que ma cave soit bien remplie et vidée par des amis.
- Gagner au loto, même si je n’y joue pas.
- Battre ma femme au scrabble.
- Que ma mère m’appelle une fois pour me dire qu’elle va bien.
- En finir avec la mort.
En finir avec la vie.
En finir avec l’angoisse.
- Nutella sans calories
Plus d’argent.
Moins de fesses.
- Prendre 20kg de muscles
Etre pilier dans une équipe de rugby
Me retrouver sous la douche avec toute l’équipe.

jeudi 1 janvier 2009

Faigenbaum Patrick


Le photographe expose au musée jusqu’au 1°février 2009.
Ses tirages noirs et blancs très sombres attirent l’œil plus sûrement que ses portraits en couleur assez quelconques, alors que ses natures mortes sont superbes. La photo sur les plaquettes d’invitation évoquait pour moi le peintre danois Hammershoi qui serait allé vers le Sud, avec des personnages féminins de dos regardant par la fenêtre. Cette image est forte, comme celle de pierres entourant un olivier, ou sculptées par la lumière face à un enfant. Pour illustrer ces quelques mots, comme d’habitude, j’ai choisi sans vergogne, un de mes clichés qui pourrait évoquer cette œuvre.
BONNE ANNEE NEUVE.