dimanche 1 novembre 2020

Charles Trenet.

Y a-t-il meilleur accompagnement pour emprunter  la vallée du Rhône avec mes petits gônes en direction des Cévennes que « Nationale 7 » ? 
« Route des vacances
Qui traverse la Bourgogne et la Provence
Qui fait d'Paris un p'tit faubourg d'Valence
Et la banlieue d'Saint-Paul de Vence
Le ciel d'été
Remplit nos cœurs de sa lucidité
Chasse les aigreurs et les acidités
Qui font l'malheur des grandes cités
Tout excitées »
Liberté, optimisme, la France est douce et la musique gambade, notre cœur sautille.
Et même si l’évocation du « fou chantant » a des accents nostalgiques, 
quand «  J’aime le music-hall » revient en mémoire auquel s’ajoute le souvenir de l’émission de Jean Christophe Averty dont c’était le générique, un sourire se dessine sans craindre de reconnaître tant de gentillesse confraternelle. Brassens l’aimait. 
« On dira tout c'qu'on peut en dire
Mais ça restera toujours toujours l'école
Où l'on apprend à mieux voir,
Entendre, applaudir, à s'émouvoir
En s'fendant de larmes ou de rire.
Voilà pourquoi, la, do, mi, sol,
J'aim'rai toujours le music-hall
J'aim'rai toujours, toujours, toujours,
Toujours, toujours, le music-hall. »
«  Je chante », le plus enjoué des refrains, est prononcé par un fantôme qu’une ficelle a suffi à pendre : 
« Non, ficelle,
Tu m'as sauvé de la vie,
Ficelle,
Sois donc bénie
Car, grâce à toi j'ai rendu l'esprit,
Je me suis pendu cette nuit... et depuis...
Je chante !
Je chante soir et matin,
Je chante
Sur les chemins,
Je hante les fermes et les châteaux »
 
L’imagination amplifie nos vies : 
« Où sont-ils donc tous ces pays
Dont on nous parle dans les chansons
Ils sont ailleurs bien loin d'ici
Nuits tropicales, clairs horizons.
Soleil de feu sur la mer Rouge
Palmiers géants de l'Hindoustan.
Technicolor mon cœur qui bouge
Voudrait connaître tous les printemps. »
 
« Mon vieil Atlantique » est déchirant mais les souvenirs ressuscitent: 
« Mais pourtant ne crois pas
Que sitôt tu m'oublieras
Je resterai dans ton cœur
Encor quelques heures »
Et tant que jouera « Le piano de la plage », la barbarie ne passera pas, la subtilité sera notre compagne, et l’éternité à notre portée : 
« Le vieux piano d'la plage ne joue qu'en fa qu'en fatigué
Le vieux piano d'la plage possède un la qui n'est pas gai
Un si cassé qui se désole
Un mi fané qui le console
Un do brûlé par le grand soleil du mois de juillet
Mais quand il joue pour moi les airs anciens que je préfère
Un frisson d'autrefois
M'emporte alors dans l'atmosphère
D'un grand bonheur dans une petite chambre
Mon joli cœur du mois de septembre
Je pense encore encore à toi
Do mi si la
Le vieux piano d'la plage ne joue qu'en sol en solitude
Le vieux piano d'la plage a des clients dont l'habitude
Est de danser sam'di dimanche
Les autres jours seul sur les planches
Devant la mer qui se souvient il rêve sans fin…
C'est alors que je sors tout courbatu
De ma cachette
Et que soudain dehors tremblant, ému,
D'vant lui j' m'arrête
Et c'est inouï tout c'que j'retrouve
Comme cette musique jolie m'éprouve
Me fait du mal me fait du bien
Je n'en sais trop rien
Adieu, adieu piano tu sais combien peuvent être cruelles
Ces notes que tu joues faux mais dans mon cœur ouvrant ses ailes
S'éveille alors la douce rengaine
D'mon heureux sort ou de mes peines
Lorsque tu tapes, tapes, toute la s'maine mais le samedi
Quand les jeunesses débarquent
Tu sais alors brigand d'la plage
Que ton souv'nir les marque
Et qu'un beau soir passé l'bel âge
Un autre que moi devant la piste s'arrêt'ra là et sera triste
En écoutant le cœur battant
L'air de ses vingt ans »

samedi 31 octobre 2020

Calamity Gwenn. François Beaune.

Parmi les livres de la rentrée, le «1», moins prévisible que d’autres prescripteurs, recommandait ce journal d’une jeune femme écrit par un homme.
De « Sextembre » d’une année à « S’entendre » de l’autre en passant par « Marasse », nous suivons la vie tourmentée d’une native d’Istres passée par chez Breitz, employée du « Pig Halles », sex shop de Pigalle, et admiratrice d’Isabelle Huppert. 
« Je dirais que c’est ça le plus usant dans ce boulot de comédienne ? Il y aucun horaire, tu es H 24, même si tu tournes jamais. Ta vie privée, tes fantasmes et ta carrière professionnelle s’embobinent dans le même biz infernal, qui explose ta charge mentale » 
Burn out et burnes vides.
La jolie fille roule des pelles à la pelle et use de la coke à la louche, mais une fois passée l’ivresse des mots qui cherchent à décrire notre époque énervée, je me suis lassé de ces jeux qui rappellent quelques « rifougneries » de fin d’enfance quand l’un de nous usait du mot « bite ». 
« Je le revois dans le rétro de ma putain de life en forme de braderie des occasions ratées, ce moment déchirant où je comate dans le canap de ce squat, et lui s’en va au loin, avec le petit camion qui descend le boulevard de la Libération, à travers la plante verte de la fenêtre sale. » 
Elle a beau tomber amoureuse avec des bouffées d’absolu jetées sur le papier, surnage essentiellement la violence. 
« L’autre soir, cette chaleur sur Paris, et l’autre porc, oh toi, comme t’es charmante dis donc ! Et moi, ben toi comme t’es grave moche. Quoi ? il fait. Il en revenait pas. Tu me donnes ton avis, je te donne le mien. Si t’es pas content, bois mes règles ! »
 Bridget Jones qui lui ressemble dans une recherche amoureuse nettement plus pastel, appelait chez le lecteur quelque compassion souriante. Le portrait d’une jeune femme diaphane dans des tonalités douces qui figure sur la page de couverture avant les 345 pages du livre n’est pas du tout représentatif de la punkette déjantée, rageuse, désespérante, dont la lucidité est vaine.Je ne comprends décidément rien à mon époque dont cette littérature m’éloigne.

vendredi 30 octobre 2020

Le Postillon. N°57. Automne 2020.

L’organe des décroissants technophobes estime sans doute que les élections municipales qui se sont déroulées depuis leur dernière parution
ne sont pas si importantes puisqu’une place minimale leur est réservée.
Pourvu qu’ils puissent critiquer: ils soulignent que Piolle a été élu avec moins d’électeurs qu’en 2014, mais qu’il soit permis de critiquer leur annonce de «  la fin du mythe démocratique »; les « alternatifs » vers qui vont leurs préférences n’offrant pas d’horizon convaincant à en juger par leurs méthodes et même leur façon de s’exprimer, avec cette dérision partagée par tous les extrémistes dans l’air du temps qu’ils s’emploient à vilipender par ailleurs.
Il y avait de quoi écrire sur la fin du PC à la mairie de Fontaine, la vague écologiste et tant d’autres évolutions du paysage politique local.
Ils font part des péripéties concernant la direction de la Métro mais restent anecdotiques, alors que des déclarations fortes de l’ancien maire de Saint Martin le Vinoux ont pu porter bien au-delà du vocabulaire techno de Mongaburu et ont compté dans le désaveu qui s’est attaché à la personne du « vice président au Défi climatique ». C'était la déclaration:" pourquoi Mongaburu ne peut pas être président de la Métro" dont la loyauté était mise en doute.
Les rédacteurs jouent avec l’expression « un monde d’avance », eux qui préfèrent le Tour de France à la mode 1920. Ils débusquent le ridicule de la nov’ langue en inventant de nouvelles délégations lors de l’installation de conseils municipaux dans la lignée de celles qui sont nées récemment : à « la vitalité de proximité », «  à la fraîcheur », alors pourquoi pas une adjointe aux « réveils difficiles » ou  aux « défis transitoires »…
L’article à propos des jardins de Saint Martin le Vinoux à la place desquels vont être construits des immeubles ne justifiait pas un titre parodique à la façon de Saint Exupéry pendant la guerre d’Espagne : « On fusille ici comme on déboise… » bien qu’un texte extrait de « Terre des hommes » donne de la profondeur au reportage où l’empathie avec un jardinier de 95 ans contraste avec le mépris du reporter à l’égard du maire actuel de la commune. 
« Celui qui ne soupçonnait pas l’inconnu endormi en lui, mais l’a senti se réveiller une seule fois dans une cave d’anarchiste à Barcelone, à cause du sacrifice, de l’entraide, d’une image rigide de la justice, celui-là ne connaitra plus qu’une vérité : la vérité des anarchistes. Et celui qui aura une fois monté la garde pour protéger un peuple de petites nonnes agenouillées, épouvantées, dans les monastères d’Espagne, celui-là mourra pour l’Eglise. »
Ayant mis en cause la gouvernance de la prison de Varces dans un article précédent, le journal  de 20 pages à 3 € profite de la réponse de la directrice pour insister sur les dysfonctionnements de l’institution carcérale et dans un autre compte-rendu met en lumière des pratiques anciennes valant un procès à des surveillants qui confisquaient des téléphones pour les revendre.
Il ne suffit pas de répéter qu’on ne parle jamais en bien des quartiers difficiles quand quelques rappeurs du quartier Mistral tiennent à renforcer une image défavorable bien que soit valorisé dans un article le dévouement des enseignants d’Anatole France. Le site « Snif 38 » livre depuis là bas au moyen de Snapchat où se commercialisent shit, coke ou pronostics de courses de chevaux puisque les messages s’effacent au bout de quelques minutes. 
Les journaleux anonymes persistent à titiller le maire de Voiron ou la com’ de Piolle que ça en devient routinier comme leurs attaques contre l’industrie des puces électroniques qui utilisent trop d’eau ou lorsqu’ils considèrent comme du flicage les moyens utilisés pour tracer le devenir des déchets ou le dispositif « Cliiink » incitant à recycler les bouteilles. 
Leur méfiance envers les ondes émises par les antennes est plus étayée lorsqu’elle est illustrée par le combat d’un habitant de la rue Thiers qui a moins d’hyper tension et d’acouphènes depuis qu’il a occulté le paysage avec des rideaux de protection. Les conditions de travail au CEA ou à ST ne sont pas aussi clean qu’on pourrait l’imaginer après un témoignage lui aussi accablant d’un salarié qui raconte des faits pour certains datant cependant de 2013 : les process de  dépollution peuvent être dangereux.

 

jeudi 29 octobre 2020

La villa Perrusson. Ecuisses. Saône-et-Loire

Accompagné d’un guide gratuit nous pouvons franchir les grilles de la villa Perrusson.
Malheureusement, de gros gégats dus à l’humidité nécessitent une rénovation de l’intérieur, seuls se visitent les jardins et  l’extérieur.
La famille Perruson et Desfontaines, céramistes bourguignons du XIX°siècle,  firent construire cette résidence à côté de leur usine de tuilerie de telle manière qu’elle  puisse servir de vitrine à leur entreprise. 
La façade avec bow windows  exhibe des exemples de motifs colorés en faïence, les toits en tuiles et  la faitière de couleurs  émaillées rappellent ceux de Beaune et de Bourgogne.
Curieusement, la façade Nord, ordinairement sobre dans n’importe quelle maison,  affiche ici des décorations soignées.
Elle était destinée à être aperçue par les voyageurs des trains qui circulaient  à proximité, comme un panneau de publicité pour de potentiels clients.
Pour la même raison un lanternon, modèle unique, coiffe cette partie de la maison.
Il ne figure pas sur le catalogue de la firme mais il fut exposé et primé lors d’une exposition à Paris près de la tour Eiffel.
Par contre côté sud, pas de fioritures, pas une fenêtre car la façade donne sur l’usine, il est donc inutile de se « vendre » et de montrer aux ouvriers ce qu’il se passe chez les patrons.
Du jardin, aucune documentation ne nous est parvenue ; il a été alors reproduit dans le style  connu de cette époque, à l’arrière et à l’avant de la villa : plantation d’arbres, mare et espace gazonné.
Il est habité temporairement par les sculptures de  céramiques contemporaines de Pablo Castillo. L’artiste a imaginé des enfants d’ouvriers qui s’approprient les lieux  pour y jouer : enfant et chien, enfant avec lance pierre, enfant déguisé en indien, fillette en habit du dimanche câlinant un écureuil…
A l’ouest, une petite orangerie  restaurée expose aujourd’hui des céramiques  anciennes mais aussi un pécheur récompensant les clients les plus dispendieux. Derrière elle, une barrière sépare l’habitation de l’ancien « potager » et d’une serre en ruine dont il  ne  reste que les montants et les arcs métalliques. Cela permettait  à  la villa de vivre en autosuffisance. Les anciennes écuries amputées de leur côté droit  délimitent la fin du terrain cultivé. Elles accueillaient les chevaux utiles  au transport du matériel de l’usine.
Notre petit groupe remercie le guide novice, et s’éparpille dès la grille franchie.Nous trainons un peu  près de l’usine délabrée pour mieux observer les murs ; Ils sont constitués de tuiles défectueuses recyclées,  en carrés alternés de  tuiles horizontales et de tuiles verticales. Un mortier lie le tout, un enduit protège et cache les matériaux. Cette conception écologique et peu couteuse, offre en plus l’avantage d’obtenir des  murs  isolants.

 

mercredi 28 octobre 2020

Côte d’Azur 2020 # 4. Antibes.

Nous n’avons pas choisi de reprendre le chemin superbe longeant le cap d’Antibes
ni le musée Picasso 
Et si nous pensons à chaque fois à Nicolas de Staël 
nous avions envie de retourner voir des artistes exerçant actuellement, 
mais ils n’étaient pas là, ni l’asiatique qui modèle si finement l’argile,
ni l’anglaise enthousiaste du quartier des safraniers.
La ville est toujours aussi belle, mais en ce début d’été 20, la foule manque au pittoresque marché et quand les galeries sont ouvertes nous en arrivons à regretter le temps où nous étions loin d’être seuls.
Ah si, nous faisons affaire avec Papalia qui expose ses ferrailles et ses bois flottés à la Garoupe.
Phare, sémaphore y sont installés, le point de vue est magnifique.
A côté de la chapelle qui recèle quelques ex-votos caractéristiques, le « Bistrot du curé » propose des petits farcis excellents sous les pins (d’Alep).
Nous redescendons pour visiter le fort carré commencé sous Henri II et achevé bien sûr par Vauban. 
Depuis ce lieu qui permettait la surveillance de la frontière avec le Duché de Savoie,
le panorama est remarquable au dessus du port qui accueille le plus de bateaux de plaisance de toute la côte d’azur dans sa rade avec vue sur la Baie des anges, ses marinas sur fond de  cimes enneigées du Mercantour. La visite guidée est gratuite.

 

mardi 27 octobre 2020

Ar-Men. Emmanuel Lepage.

Il fallait que les gardiens de ce phare, au large de l’île de Sein, soient des êtres exceptionnels pour vivre dans cet « enfer des enfers ». 
Leur histoire où se mêlent les légendes bretonnes et des vies cassées est parfaitement racontée avec des aquarelles d’océan dont le fracas persiste une fois l’album de 91 pages refermé, semblant prêt à ruisseler à nouveau.
Nous aurons vu l’Ankou serviteur de la mort, la ville d’Ys, les fortunes de mer et le travail pendant 15 ans des hommes pour construire ce fût de 29 mètres au dessus des flots meurtriers.
A un moment un ingénieur vient présenter le projet, des habitantes de l’île réagissent : 
« - Et s’il n’y a plus de naufrages, de quoi vivrons nous ?
- C’est le seigneur qui a fait la chaussée sauvage et dangereuse. 
On ne peut pas aller contre sa volonté ! » 
Les évocations fantastiques donnent de l’épaisseur à une réalité aux draps rêches, aux odeurs de mazout.
La conscience professionnelle des gardiens pour entretenir le feu nous parait bien lointaine maintenant que le phare est automatisé depuis1990, après 109 ans de service.
Lepage, déjà vu ici,
est à la hauteur de son sujet : éblouissant.

lundi 26 octobre 2020

MASH. Robert Altman.

50 ans après, j’en arrive à douter de mon plaisir d’alors : le flash d’humour trash que fut ce palmé de Cannes  m’a tellement paru, aujourd’hui, macho et vieilli, du coup: me also! Défraichi.
Ah oui, « Lèvres en feu » mettait  de l’émoi chez les mâles, mais ses rigidités n’excuseraient pas aujourd’hui les humiliations qu’elle a dû subir.
On a bien voulu à l’époque voir une farce antimilitariste mais la guerre, de Corée, ne m’a semblé qu’un arrière plan d’un terrain de jeu potache valorisant la décontraction US qui ne nuit-pas-bien-sûr-à-son-efficacité, autour d’un groupe soudé par le poker, attaché à son football américain et au golf avec pour seule ambition d’apprendre à servir le Martini à l’autochtone de service. 
Cette suite de sketchs dont ne subsiste qu’une bande son décalée et enjouée à propos de la « Mobile Army Surgical Hospital » (unité chirurgicale de campagne) était-elle meilleure que les  frenchies pochades des Charlots ou Jean Lefebvre méprisées par la critique d’alors ? 
Les conformismes de groupe m' insupportent décidément toujours autant et a-t-il fallu tant d’agressivité des féministes pour que des comportements d’hommes des années 70 nous paraissent inadmissibles aujourd’hui tels qu’ils sont montrés dans la scène mythique (?) de la douche où la troupe vérifie si l’infirmière est une vraie blonde?