mardi 14 janvier 2020

Une maternité rouge. Christian Lax.

Cette fois au dessin et au scénario, Lax, qui avait déjà traité de la guerre d’Algérie, fait le pont entre le pays Dogon et Paris.
Le grand Hogon, ancien instituteur, a chargé un jeune homme d’acheminer une statuette du XVI° siècle vers Le Louvre pour la protéger des islamistes qui estiment qu’il n’y a que Dieu qui puisse sculpter. Au moment où des restitutions promises aux pays d’origine se concrétisent, le sujet est d’actualité. La France qui avait pillé tant d’œuvres d’art au Mali va être un refuge pour cette « maternité rouge ».
Le parcours est dramatique à travers le Lybie, la Méditerranée juqu’aux tentes installées sous le musée de La Mode au bord de la Seine. D’autres questions évitant toute candeur sont  abordées : les moyens utilisés pour la préservation d’œuvres d’art ne seraient-ils pas mieux employés à s’occuper des vivants ? Les dessins sont magnifiques et participent à la célébration de la beauté du monde, ses paysages, ses œuvres, ses hommes.
  

lundi 13 janvier 2020

Le Lac aux oies sauvages. Diao Yinan.

« Libé » en matière culturelle aime toujours être de préférence où ne sont pas les autres, se montrant méprisant envers ce film loué par le reste de la presse, parfois même d’une façon outrée qui vaut à certains extraits de phrases d’apparaître dans une publicité dithyrambique.
Ni cet excès d’honneur ni d’indignité ne sont mérités.
J’ai beaucoup aimé l’esthétique de chaque plan au service d’une vision de la Chine me semble-t-il assez inhabituelle. Le polar bien mené a toutes les caractéristiques du genre avec cependant une patte originale, une musique et des sons qui ont leur importance.
L’étau se resserre  sur un beau gangster poursuivi par la police et un gang rival.
Tiens j’avais pensé à « A bout de souffle » avant que Télérama me le souffle, mais sans le côté chic du noir et blanc, nous sommes dans le noir, la pluie, les quartiers déglingués où la moindre pétrolette est menaçante, il y a bien un lac, mais point de sérénité : de la violence et des oies pas vraiment blanches.

dimanche 12 janvier 2020

La Péricole. Offenbach. Minkowski.

Curieux de l’art lyrique, mais en ignorant les codes, je redoutais l’ennui, d’autant plus que l’orchestre occupait une scène sans décor : hé bien les deux heures vingt sont passées comme un rêve.
Les chanteurs et le chœur de l’Opéra de Bordeaux jouent au milieu des musiciens du Louvre. http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/12/le-crocodile-trompeur-samuel-achache.html
Le journal de salle a été utile pour présenter le synopsis d’une histoire d’amour compliquée, qui se révèle limpide lors de la représentation. Les contrariétés sont légères quand la musique pétille.
Ça picole autour de la Péricole :
« Il n’est pas dans tout le Pérou
Ni dans les nations voisines
Il n’est pas de cabaret où
L’on fasse plus gaiment glouglou
Qu’au cabaret des Trois Cousines »
Enivrés, les amants vont dépasser leur condition. J’aime bien l’appellation « opéra bouffe » : les rivalités sont résolues après des rebondissements incessants ; l’amour ne fait pas de vaincu. Les solistes sont solides et la mise en scène légère ne met pas la musique dans la fosse, elle  installe une cohésion de tous les artistes au service d’un divertissement jadis populaire mais ne séduisant  plus aujourd’hui qu’un public âgé.      
Oui les rapports homme femme sont ceux du second empire, genre : « les femmes, il n’y a que ça ! » et « mon Dieu que les hommes sont bêtes » mais ça passe avec une narration à rebonds incessants, un prétexte pour sourire. Le chœur comme représentation d' une opinion générale revêche sous le présent empire des réseaux, ce soir, est enjoué .
Marc Minkowski, http://blog-de-guy.blogspot.com/2010/04/la-passion-selon-saint-jean.html  dirige son orchestre d’une main de maître : du travail bien fait.
Mais pourquoi une seule représentation ?


samedi 11 janvier 2020

Pactum salis. Olivier Bourdeaut.

«  L’amitié est un pacte de sel » dit un proverbe médiéval cité dans la gazette « L’écho de la presqu’île ».
Pendant 264 pages nous sommes témoins d’une amitié tumultueuse entre un jeune agent immobilier et un paludier dans le décor particulier des marais salants de Guérande.
« Oui c’est un privilège de travailler dans un cadre pareil. Eh bien, écoutez, ça fonctionne avec du vent comme pour les bateaux, du soleil comme pour les vignes, des efforts comme avec les femmes, de la patience comme avec les enfants et de la chance comme pour la vie… »
Le style est original, les situations cocasses, la poésie tellement appuyée qu’elle en est drôle et légère comme les traits des personnages. Un portrait de l’époque apparaît qui ne manque pas de sel, ainsi le Dédé, « Débauché de Droite » pendant du banal Bobo :
« Liberté réelle d’expression, Egalité devant le ridicule, Fraternité avec ceux qui ne pensent pas comme vous. J’aime bien donner raison aux autres, voyez-vous, ça leur fait plaisir et ça me repose. »
Quand les moustiques arrivent ou qu’une mouche devient un vecteur érotique, l’humour fait tout passer. Les faits les plus ténus, révélés par une langue bien tenue, épicent des rapports humains vigoureux scandés de dialogues savoureux.

vendredi 10 janvier 2020

Immersion.

Depuis que la réalité est « augmentée », le mot « immersion » dans les expos et au-delà, qui devrait nous engager  corps et âme, devient tendance alors que nos froids écrans sur lesquels nous ne faisons que lever le petit doigt, sont devenus le lieu central de nos performances sportives, et de nos réchauffements narcissiques.
Pour ce qui est de nos émotions artistiques, depuis que les lumières de Van Gogh ont été projetées dans les Carrières des Baux de Provence nous sommes invités à envisager les œuvres dans des dimensions inédites. Nous pouvons marcher dans «  La nuit étoilée ».
J’ai emmené mes deux petits enfants de 6 et 8 ans à la Sucrière à Lyon où s’ « Imagine Picasso » en « Images Totales ».
Sous des musiques bien choisies, l’immense salle traversée d’écrans triangulaires, s’illumine du sol au plafond des couleurs et des motifs tellement riches du catalan. Effets garantis qui font dire à l’une des nombreuses spectatrices : « Faudra qu’on amène Béatrice, elle qui n’aime pas les musées ! »
L’envie première des petits est de danser. Le champ des reconnaissances est ouvert, même si le grossissement des touches colorées et des textures ne valent pas le contact avec les originaux.
Mais l’esprit d’enfance de celui qui disait : « il m'a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant. » est bien là, même s’il n’était pas destiné à faire tapisserie.
A l’exposition Picasso de Grenoble, à la suite de nos guides, nous avions pu expliquer à nos descendants quelques intentions de l’auteur de Guernica plus facilement; ils étaient cadrés.
La diversité des formes d’approche de l’art est une richesse qu’aucun puriste ou marchand n’aboliront. 
De la boule à facettes aux usines vides,
il est question aussi de démarches immersives à la biennale d’art contemporain de Lyon où je m’étonne d’entendre une animatrice parler de « fondation » ou d’ « ingénieur » à des gônes de maternelle.
Si la profession de médiateur est devenue consubstantielle à l’absconnerie de présentations artistiques contemporaines, quelques-uns ne facilitent pas la tache, alors que tant d’œuvres sont parfois accessibles surtout dans le premier âge.

Pour les assemblages poétiques de Théo Massoullier au IAC (Institut d’art contemporain) de Villeurbanne pas besoin de longs discours, ses drôles d’insectes plaisent à tous.
Hormis les sculptures à visée anti-spéciste, qui ne valent pas le détour par le MAC (Musée d’art Contemporain), cette 15 ° édition de la biennale nous a plu.
Le titre «  là où les eaux se mêlent »  n’a pas, non plus, besoin de se référer à Carver quand La Saône et le Rhône se rencontrent dans les parages. 
A l’usine Fagor des danseuses sans visage ou des robes de fillettes tombant depuis le haut plafond telles des coroles peuvent ravir celles qui aiment faire tourner leurs jupettes aussi bien que ceux qui y verront des fantômes comme le souhaite l’auteur Fernando Palma Rodríguez, voire des méduses.
Nous n’avons pas été découragés par les commentaires souvent prétentieux ou obscurs, énumérant les diplômes des 55 artistes invités, alors que depuis l’ « Ecole des fans » on sait bien que les notes ne valent plus rien.
Des tentures teintes occupant tout un plafond nous rappellent la lumière. En les trouvant jolies nous  voilà ramenés à des critères esthétiques que les commissaires, on dit comme ça des organisateurs d’expos, essayent d’éradiquer.
Est-il plus décent de sourire aux allumettes géantes augmentées d’ailes d’oiseaux, ou d’une moto qui laisse sa trace dans le sable comme l’aurait fait Picasso sur une nappe de restaurant ?
Il est vrai, qu’il s’est retrouvé un jour, dans la team Citroën.
Des artistes, adossés à des lieux forts, se contentent de déverser du sable dans une salle adjacente au hall de l’ancienne usine de machines à laver où des propositions se perdent sous les très vastes plafonds,
il faut bien un tunnelier ou une fausse montgolfière pour faire la maille.
Prométhée est mal en point au milieu de tubes et flacons.
Comme les grafs et  graffitis sont partout, dedans comme dehors, nous ne les voyons plus.  

jeudi 9 janvier 2020

Le mystère des deux vierges de Léonard de Vinci. Marie Ozerova.

C’est à une des attachées scientifiques au Musée de l'Ermitage qu’il revenait de présenter devant les amis du Musée de Grenoble, deux tableaux de Léonard de Vinci. Ceux-ci figurent dans les collections saint-pétersbourgeoises où 34 salles sont consacrées à l’art italien sur près de mille (ou 2000 ?) nécessaires pour les 60 000 œuvres sorties des réserves où attendent 3 millions de peintures ou sculptures du plus grand musée du monde.
Des mystères vont être levés, d’autres apparaissent, ainsi ce très célèbre dessin à la sanguine de Léonard de Vinci ne serait pas son « autoportrait » alors qu’il a fixé pour des siècles, l’image de l’ingénieur, astronome, philosophe, mathématicien, sculpteur, architecte, ingénieur, diplomate, inventeur, poète, musicien, physicien, botaniste, chimiste… peintre.
Alors qu’André Chastel, historien de la Renaissance écrit : « On a démesurément exagéré l'originalité de Léonard », Daniel Arasse peut constater : « Dieu mis à part, Léonard de Vinci est sans doute l'artiste sur lequel on a le plus écrit. » 
Et bien que depuis sa naissance à Vinci « à la troisième heure de la nuit », le 15 avril 1452, comme l’avait noté son grand père notaire, Léonard a laissé, éparpillées dans le monde entier, plusieurs milliers de pages, remplies de son écriture en miroir, sur ses recherches, mélangées à des comptes de ménage, il a très peu parlé de lui.
Le nombre de tableaux qui lui sont attribués est très faible :
« - Quand finirez-vous ce portrait ?
- Je finirai quand je pourrai. »
A l’époque, le travail s’effectuait en équipe pour les fresques et aussi dans les ateliers (bottega), comme c’est le cas pour la « Madone au bas-relief » de Cesare Da sesto aux visages léonardesques.
Au XV° siècle, le culte marial avait pris son essor, Van der Wayden peignait  « Saint Luc dessinant la Vierge ». D’après une légende du 1er siècle, elle serait morte à 72 ans après son Assomption, mais aurait voulu que son image en jeune femme demeure.
Au XII° à l’époque romane, la vierge et son fils sont très droits. Avec « Notre-Dame de Baroille », Jésus bénit de ses trois doigts désignant la trinité alors que les deux doigts collés à la paume indiquent la double nature à la fois divine et mortelle de Dieu.
Au XIV° siècle, à l’époque gothique la « Vierge à l’Enfant de la Sainte-Chapelle » est une vraie femme se rejetant en arrière, son enfant est lourd, elle intercède entre la terre et le ciel.
« La vierge de l’annonciation » en position d’humilité, alors qu’elle peut être en majesté sur son trône, est signée Simone Martini. Jusqu’à la Renaissance les artistes n’étaient pas distingués, ils n’étaient qu’un outil dans la main du Créateur, des artisans.
Fra Giovani était tellement  doux et beau qu’il fut surnommé Fra Angelico, sa « Vierge de l’annonciation », tête découverte et cheveux en désordre, un peu, est de la blondeur de la pureté.
La « Madonna and child » de Verrocchio, le maître de Léonard, n’est plus sur le fond doré qui évoquait la Jérusalem céleste, mais dans un espace rempli d’air et de lumière.
Luis de Moralès, l’espagnol, a retenu la technique du sfumato, « La Vierge et l'Enfant » est tragique, l’archange ne lui a rien caché, elle sait.
Commencée par de Vinci en 1478, cette « Madone Benois » du nom de son avant dernier propriétaire, fut la dernière acquisition de la famille impériale russe. Effectuée à l’huile suivant le tout nouveau procédé venant des Flamands, cette jeune vierge-on était adulte à 14 ans- coiffée d’une multitude de nattes, a épilé son front à la mode du XV°.Tout est symbole, le bijou en cristal de roche entouré de perles souligne l’Immaculée Conception, la pureté. La vierge regarde l’enfant qui regarde la fleur à quatre pétales comme la croix. Les vingt cinq couches de glacis ont permis de traduire avec délicatesse, la lumière qui vient caresser les visages. Au dessus de la terre on ne voit que le ciel. Les auréoles ont été rajoutées au XIX° siècle.
La « Madone Litta » est d’une beauté au-delà du temps terrestre, le front a la même longueur que le nez et égale la distance du nez au menton. En bleu et rouge, et  son col doré retrouvent les couleurs du moyen-âge. On ne voit pas la prunelle de ses yeux, mais la tendresse est dans les plis. Ses bras forment comme un œuf autour de l’enfant qui nous interpelle. Le petit tient un chardonneret, celui de la Passion.
Giovanni Francesco Melzi  le compagnon des derniers temps s’est chargé de classer les écrits de Léonard de Vinci, il a réalisé d’après une ébauche de son maître, cette « Flore » entourée d’anémones à six pétales comme les branches de l’étoile de David, dont la vierge serait une descendante, d’achillées associées à la fertilité et de jasmin représentant la pureté.
Léonard de Vinci est mort il y a 500 ans.

mercredi 8 janvier 2020

Lacs italiens 2019. # 5 B. Peschiera.

C’est l’heure de manger et nous retournons dans les rues ensoleillées à la recherche d’un resto.http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/12/lacs-italiens-2019-5-le-lac-iseo-et.html
Un villageois bienveillant entend le mot trattoria dans notre conversation et spontanément  nous dirige vers ce que nous cherchons.
Nous ne sommes pas les seuls touristes ni les seuls Français à vouloir déjeuner. La serveuse nous aménage un coin agréable en terrasse  en tirant et nouant des toiles claires en guise de parasols.
Nous mangeons al 'Italia: antipasti  en hors d’œuvre à partager (charcuteries, champignons et oignons à l’huile et vinaigre), casoncelli (pâtes du pays de Bergame), légumes frits (aubergines, courgettes) ou encore salade méditerranéenne.
Nous reprenons notre promenade, agréable sur la route sans voiture et sans montée vers Menzino puis Sensole. Nous passons par des villages constitués de logements plus modestes et moins anciens, à côté d’un village de vacances avec piscine désert. marche ombragée très plaisante en bordure d’eau. De Sensole, nous poursuivons vers Peschiera.
L’accès au lac est rendu possible par des marches aménagées, les bancs pour les fatigués ou les contemplatifs sont nombreux.   
Près de Peschiera, des arbres, les pieds dans l’eau nous intriguent.
Nous arrivons à un joli petit port avec des barques amarrées à des palli bleus et blancs,  comme à Venise.
Quelques panneaux de signalisation nous amusent : "limitation à 10 à l’heure" (il y a peu de vespa dans cet endroit) : "attention aux chats" qui traversent, sans doute motivés par un asile SPA spécialisé dans ces félins abandonnés ou malades.
D. nous offre une glace ou une granizada  avant que nous ne reprenions le bateau (4€50 par personne aller/retour quel que soit l’arrêt).  
L’heure et la lumière sont belles vues du toit du bateau où ne nous sommes pas nombreux. Une sorte de brume enveloppe les montagnes, plus suggérées et à peine découpées sur le ciel ; l’eau scintille, le soleil chauffe et l’air est bon.
Nous  regagnons  la voiture à Iséo sans nous tromper et renonçons à nous engager dans le tour du lac, nous traversons Sarnico pour jeter un œil sans mettre un pied dehors et sans pouvoir approcher des maisons de style liberty. Il est déjà tard mais nous dédaignons l’autoroute au profit de déviations qui n’évitent pas les mini-bouchons. Nous apprécions le garage  qui nous soulage du souci de trouver un stationnement adéquat.
 
La soirée commence par un bitter avec  graines pimentées indiennes et biscuits à l’encre de sèche qui  nous déçoivent .  Nous mangeons de la salade, des haricots verts à l’italienne avec tomates et ail, et du fromage,  avant de passer une soirée paisible avec activités variées : douche, lessive, lecture, écriture, téléphone, tablette…
En 2016, Christo avait installé des jetées flottantes provisoires depuis le village.