vendredi 7 juin 2019

Samedis.

Voilà que me revient une antienne qui ne date pas d’aujourd’hui concernant les rythmes scolaires  http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/11/rythmes-scolaires-et-priere-de-rue.html.
Tant se sont perchés sur les ailes du Temps que son vol s’est alourdi, la métaphore sent fort, les formules rusées se sont usées, les allitérations condamnées à s’aliter.
Mais trêve des circonvolutions coutumières, je reviens à un signe des temps, petit créneau perso : la disparition des samedis à l’école.
« Dis raconte nous Oncle Paul ! »
L’affaire est entendue et nul ne fera revenir ces heures tranquilles.
Reste après avoir éloigné la nostalgie à souligner quelques traits d’une évolution qui ne me semble pas si anodine.
Les élèves pendant la semaine vivent à un rythme différent de celui de la famille soumise à d’autres contraintes, dans d’autres lieux. Le samedi des écoliers était soustrait au temps de repos parental, à celui de la maison. La décomposition des familles a été fatale à cet oasis pédagogique quand l’école dictait la loi. Cette demi-journée de classe permettait de ramasser la semaine écoulée et de projeter la suivante.
Les loisirs ont donné le tempo pas seulement pour des raisons économiques mais ont accompagné les glissements culturels où le travail est vécu comme un fardeau, les apprentissages étant d’avantage l’affaire des écrans bleus que des tableaux noirs.
Les sociologues à la queue leu leu qui chargent l’école de tous les maux, pourront fustiger le poids des déterminismes sociaux, les marques d’appartenance de classe se sont tatoués un peu plus avec cette réduction des horaires scolaires. Certains vont au ski et d’autres subissent les goûts musicaux des ainés et le silence des pères. Là aussi le privé a pris le pas sur le public.
Faisant semblant de commander aux éléments alors que le sol se dérobait sous leurs pieds, les  différents ministres ont d’abord satisfait des électeurs et les instits parisiens qui avaient un trajet de moins à effectuer jusqu’à leur banlieue. Il y a belle lurette que les maîtres n’étaient plus dans le quartier.
Cette évolution étalée sur des années allait dans le sens du vent, alors qu'en ce qui concerne le bac recueillant  depuis longtemps des critiques, celles-ci se sont tues pour laisser place... à la contestation de la réforme. Les oppositions vont de zig en ZAD.
Que l’on ne nous dise pas que c’est l’école qui fatigue : ceux qui sont affalés sur leur table ont veillé jusqu’à point d’heure, accros à leur téléphone en verre.
Oui, quelques branleurs déconsidèrent le mouvement pour la planète pointant le manque de courage des vieux qui viseraient à se défausser sur les générations à venir « nous ferons nos devoirs quand vous aurez fait les vôtres » mais qu’ils n’oublient pas de bosser ! Des ingénieurs seront utiles pour compléter le cobalt des batteries.
Bruno Latour précise après avoir remarqué : «  A part quelques Californiens qui veulent aller sur mars, tout le monde sait que la modernisation ne peut pas continuer. » Et le progrès humain ? «Ma génération voulait faire table rase. Les jeunes qui manifestent pour le climat souhaitent eux ralentir le temps et font appel à la responsabilité. » 
Il est encore question de temps.
Décidément la fibre professorale me constitue, mais au pays des donneurs de leçons, il y a du monde et pas forcément de la profession. Les journalistes distinguent de moins en moins information et commentaire, si bien que la formulation d’un journal anglais, envisageant après les européennes, les réactions de deux camps et non seulement celui du bien, m’a parue remarquable : 
«  En revanche, nous n’avons pas assisté à la percée que certains de leurs sympathisants promettaient ou que leurs opposants craignaient. »

jeudi 6 juin 2019

Urbain VIII. Serge Legat.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble nous présente au moment de l’apogée du baroque, le pape Urbain VIII peint par Gian Lorenzo Bernini (Le Bernin), sculpteur, urbaniste, architecte, inventeur, décorateur.
http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/05/paul-v-serge-legat.html
Venant après Paul V, il y eut pendant deux ans un pape de transition entre eux  : Grégoire XV qui beaucoup canonisa  et fit du Bernin un chevalier, à 23 ans.
Piastres à l’effigie d'Urbain VIII. Maffeo Barberini, né en 1568  dans une famille florentine influente, élevé par son oncle protonotaire apostolique, éduqué dans l’excellent Collège romain, après des études de droit à Sienne, avait un destin tout tracé. Il fut élu triomphalement pape (Urbain 8) en 1623 après un conclave décimé par la malaria.
« C'est un grand bonheur pour vous, Cavalier, de voir le cardinal Barberini élevé à la papauté, mais c'est pour nous un bonheur encore plus grand que le Cavalier Bernin vive sous notre pontificat. »
Le mécène fastueux  mourut en 1644. 
Sous son pontificat, eut lieu le procès de Galilée qui avait pourtant l’appui des Médicis et que le pape, qui le connaissait bien, essaya de protéger. Mais l’Inquisition obtint l’abjuration du défenseur de l’approche de Copernic qui remettait en cause Aristote et Ptolémée. La célèbre phrase : «  Et pourtant elle tourne ! » serait apocryphe. Assigné à résidence, le père de la physique devint aveugle, avant de mourir en 1642. Ce n’est qu’en 1992 que Jean Paul II reconnut  l’erreur de l’église : le soleil ne tournait pas autour de la terre.
Galilée face au tribunal de l'Inquisition par Joseph-Nicolas Robert-Fleury (XIX°).
Le pape condamna l’Augustinus de Jansenius, l’inspirateur des jansénistes (Port Royal)
Bulle papale rédigée par le pape Urbain VIII.
Son népotisme atteint de tels sommets qu’il demanda par deux fois à des théologiens si ses neveux pouvaient conserver tous leurs biens. Ils se réfugièrent en France quand tourna le vent.
Le palais Barberini commencé par Maderno, comporte un escalier pour chaque architecte rival qui se sont succédés: 
hélicoïdal pour Boromini,
à section carrée pour Le Bernin.
Ce symbole de la puissance dont la façade superpose les ordres dorique, ionique et corinthien, sera confisqué par Innocent X. Aujourd’hui sont exposées des œuvres d’art ancien qu’on peut retrouver également au palais Corsini.  
La Fornarina de Raphaël y est en majesté avec la signature du peintre amoureux sur son bracelet.
Au plafond Pierre de Cortone a peint une fresque : « Le triomphe de la Providence » mise en scène tourbillonnante, à la gloire des propriétaires, avec profusion d’abeilles, emblème de la famille.
Ses collections considérables ont été dispersées. Le faune endormi date de la période hellénistique, restauré par Bernin, il fut acheté par Louis 1° de Bavière, celui qui dut abdiquer pour avoir anobli sa maîtresse Lola Montès. 
La fontaine du triton est en travertin comme le Colisée, de préférence au marbre.
Devant un des piliers reliquaires, situé sous la coupole majestueuse de Michel Ange, à Saint Pierre, Bernin a réalisé la statue de Saint Longin.
Celui-ci était le soldat romain qui a percé de sa lance le côté droit du Christ comme l’a montré Fra Angelico. Il s’est converti, puis est mort en martyr.
Inspiré des dais, des tentures pour processions, Le baldaquin, de près de 30 m de haut au dessus de la tombe de Saint Pierre, pèse 60 tonnes. Il constitue la plus grande structure en bronze du monde.
La matière première  a été arrachée au Panthéon antique : « Ce que n’ont pas fait les Barbares, les Barberini l’ont fait ». Les fondations très profondes ont détruit des reliques de premiers chrétiens dont les visiteurs de la nécropole peuvent voir quelques sépultures mêlées à  d’autres plus païennes. Les colonnes torses, signature du baroque, sont dites « salomoniques », en référence au temple de Salomon à Jérusalem.
Dans le vocabulaire baroque, la finitude de toute chose est rappelée sans cesse. Le tombeau d’Urbain VIII qui allie plusieurs matières a été conçu  bien sûr par son ami : « un homme rare, un artiste sublime, qu’une inspiration divine a fait naître pour la plus grande gloire de Rome et pour apporter la lumière à ce siècle. » Qui dit mieux ?
Pour les siècles des siècles, le pontife est entouré de l’allégorie de la charité, vertu théologale donnée par Dieu, et de la justice, vertu cardinale gagnée par les hommes.

mercredi 5 juin 2019

6 mois. Printemps été 2019.

Au revers de la première page est mise en évidence une phrase du photographe japonais Nouyoshi Araki qui aime jouer des cordes :
«  La photographie est l’obscénité par excellence, un acte d’amour furtif, une histoire, un roman à la première personne »
Les 300 pages qui suivent sont à la hauteur de l’ambitieuse déclaration,
quand depuis l’Orient extrême, sont abordés
le business de la solitude avec des stars du web en Corée,
la mutation des paysans chinois en citadins,
des hommes qui deviennent des femmes en Thaïlande.
Toutes ces photographies nous épargnent les filtres jaunes de nos derniers mois
et si la photobiographie de Chirac comme les années Solidarnosc cultivent nos nostalgies,
un tour en Irlande où s’affrontaient pro et anti IVG,
un reportage à Bab el Oued
ou la démarche d’un photographe américain qui nous fait voir de près la guerre que mène Trump à la frontière mexicaine,
les pages consacrées à ce village de Calabre qui recevait bien les migrants,
comme le courage d’une jeune fille et des ses parents après une greffe du visage,
sont passionnants, bouleversants, beaux.
Le Liban doré contraste avec les commandos qui expulsent les squatteurs en Afrique du sud.
Des portraits  d’habitants dans les quartiers Nord de Marseille sont proches des poses de Kenyans  à la sortie de la messe.  
Les photos prises le long du cortège funéraire de Castro sont semblables à celles qui furent prises lors de l’ultime voyage du corps de Robert Kennedy
La touche d’humour réside souvent dans les pages destinées aux instantanés qui ont gagné à être agrandis, mais cette fois c’est l’ « album de famille » mettant en scène une magnifique centenaire qui apporte sa dose massive de joie de vivre : la mamie de Sacha Goldeberger, mariée quatre fois, chevauche les motos à l’envers, se déguise en super héroïne, téléphone avec un godemichet…

mardi 4 juin 2019

Baudelaire ou le roman rêvé d’E.A. Poe. Tarek & Morinière.

Plate bande dessinée où en première page la taille des caractères des noms du scénariste et du dessinateur dépasse celle des prestigieux écrivains pour qui on a ouvert cet album de 48 pages.
Le poète du spleen se rend dans le fog londonien à la rencontre de l’américain maître du fantastique qu’il a traduit.
Mais l’absinthe a beau couler à flot, et celui qui a supporté « le ciel bas et lourd comme un couvercle » se réveiller dans une pièce inconnue, aucune ivresse, aucun mystère.
Les péripéties ont beau se présenter en plongée ou contre-plongée, aucun vertige.
Le brouillard est bien rendu mais c’est l’ennui qui nous accompagne parmi des personnages sans épaisseur dont on est amené à se méfier pour on ne sait quelle raison.
C’est vrai que la barre était très haute :
« Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! »

lundi 3 juin 2019

Nous finirons ensemble. Guillaume Canet.

Intrigué par la violence de certains avis concernant ce film à succès, je suis allé y voir.
Leur embarras vis-à-vis du milieu aisé décrit aurait du les éloigner de tant de films comme l’aristocratique « Guépard » et de lointains « Parrains » : nous sommes- quelle affaire!- dans le milieu habituel du cinéma français, picolant, avide de bons mots et de baise.
Le cadre est agréable et l’on peut prendre du plaisir au jeu des acteurs même si la légèreté attendue n’est pas au rendez-vous. A mon avis, l’amitié parmi ce groupe difficile à loger, car trop nombreux, manque de profondeur et même si les enfants relégués pendant longtemps au second plan reviennent en force à la fin, le manque de maturité des adultes est confondant.  Certes cela constitue une source comique mais ce reflet de l’époque est plutôt gris.

dimanche 2 juin 2019

Summerspace & Exchange. Ballet de l’Opéra de Lyon.

Les stéréotypes permettent des raccourcis confortables : par exemple qui dit danse classique voit rappliquer « Le lac des cygnes ».
Cette image s’est imposée une nouvelle fois avec cette troupe où décidément les danseurs m’ont paru d’un autre genre que nous pauvres arthritiques. D’une beauté inhumaine, ils marchent, saluent, courent, se tiennent, sautent, se soulèvent comme des cygnes.
Mais le spectacle qui clôt notre saison à la MC 2, ne nous laissera pas un souvenir impérissable contrairement à l’an dernier : http://blog-de-guy.blogspot.com/2012/09/william-forsythe-ballet-de-lopera-lyon.html
Les recherches de  Merce Cunningham datant de 1958 qui gardent bien des éléments de la grammaire classique, s’inscrivent dans les déstructurations d’alors concernant la peinture qui retournait à ses pots, le roman à ses mots, la musique au silence, les gestes à l’interruption.
Lors de la première partie, les danseurs sont plus proches des couleurs pointillistes d’un Signac que d’un tableau annoncé de Rauschenberg que j’ai connu plus dynamique et déstructuré.
Le bruit des pas sur le parquet contrarie les notes ténues de la partition de Feldman, minimaliste, comme le plaisir minimum que nous avons à l’écouter. Les apparitions, disparitions sont bien réglées, les postures sont magnifiques mais l’émotion est absente.
La deuxième partie sur fond de bruitage est plus cohérente mais reste froide avec costumes et décor de Jasper Johns qui ont pu étonner jadis mais ne se remarquent plus guère. 

samedi 1 juin 2019

Schnock. N°30.

La revue des vieux de 27 à 87 ans en est à sa huitième année de parution : ça ne nous rajeunit pas !
Depardieu apparaît pour la deuxième fois en couverture après que « Les valseuses » y furent en majesté http://blog-de-guy.blogspot.com/2013/06/schnock-n7-ete-13.html .
Pas d’interview toute fraîche de  notre Gégé, mais reprise d’un entretien avec Hervé Guibert dans les années 70, et développement autour du couple qu’il forme avec Bertrand Blier ou a formé avec Jean Carmet, narration du tournage de Cyrano.
Il épate Joe Starr : «  Ah ! Nounours ! Va me chercher du Viagra ! »
Le petit abécédaire de ses déclarations et de celle des autres ne manque pas de sel :
 « Gérard Depardieu est certainement l’un des acteurs les plus riches et les plus intéressants de ces dix dernières années. Avec cet aspect massif, ce côté puissant tonitruant et, d’un autre côté, c’est un grand lys coupé. » Jean Pierre Marielle.
Bien entendu un top 5 de ses nanars peut être dressé,
comme il convient dans chaque numéro  entre nostalgie à l’évocation du jardin d’acclimatation
et kitsch attendrissant des pubs des années 80 : «  le Banyuls templers : encore un que les sarrasins n’auront pas ! ».
L’importance d’Armand Jamot dans la télévision mérite d'être rappellée, mais un des deux articles consacré à des seconds rôles, François Perrot et Roger Trapp, aurait pu être réservé pour plus tard, bien que d’apercevoir les coulisses, les opportunités d’une carrière ou ses impasses réservent des surprises.
Charles Dumont, compositeur de « Je ne regrette rien », n’a pas connu d’autres succès aussi éclatants mais il a contribué à la notoriété d’autres et a fréquenté du beau monde. Il peut satisfaire notre goût des potins prêté jadis aux concierges qu’on dirait attirées aujourd’hui par les « people ». 
Et le souvenir des « Trois Jeanne » revient à point nommé :
« Dis Jeanne, il est où le robinet d’eau chaude ? »
quand il était recommandé aux mecs d’être présents aux spectacles féministes.