mercredi 22 mars 2017

Equateur J 16 # 1. Guayaquil.

Nous remplaçons le musée de « Los Amantes de Sumpa » prévu au programme par une visite de Guayaquil : 4 millions d’habitants, le port le plus important de la côte ouest de l'Amérique latine,  même si l’appellation «  La perle du pacifique » parait un peu exagérée.
Nous circulons aisément dans la ville à une heure encore matinale jusqu’à la cathédrale.
Nous pénétrons  dans le parc Séminario ou parque Simon Bolivar où nous découvrons des iguanes en liberté au milieu des pelouses, dans des arbres, sur les statues, ou dans une grotte artificielle destinée à la vierge. Cette bête préhistorique réagit avec lenteur sauf à la vue d’un chien où l’instinct de survie lui rend sa vivacité pour grimper dans l’arbre.  Des carpes koï partagent un bassin avec des tortues.
Nous rentrons dans la cathédrale décorée de peintures et de statues néo modernes : Dieu porte une barbe marron au lieu de la blanche, une sainte est vêtue d’une robe XX°, une statue mortuaire d’évêque en gisant provoque des gestes de ferveur… Avec C. nous vidons nos poches de notre petite monnaie pour donner l’aumône à une dame au doux visage à la sortie de l’édifice.
Notre chauffeur nous dépose dans un autre secteur de la ville, pas loin des bidonvilles aux murs colorés aux frais de la ville pour ne pas blesser le regard des visiteurs.
Nous nous trouvons dans le quartier «  Las penas » et « Cerro Santa Ana » sorte de Montmartre local avec ses escaliers qui remplacent les rues,
des façades colorées qui affichent des photos anciennes des lieux,
des abords très fleuris où se dissimulent des chats, et des plaques curieuses indiquant le nombre de personnes acceptables dans les maisons.
Quoique modestes, elles prennent un air bobo grâce à l’environnement urbain rénové et abritent petits commerces, bistrots, boucheries, artisanat.
Dans les rues nous croisons surtout des vigiles et des chats à cette heure.
En haut des 200 et quelques marches, une esplanade domine la ville et le large fleuve. Elle possède une église ouverte dans laquelle j’essaie un pauvre piano désaccordé aux revêtements de touche manquants. Un curieux vitrail représente une jeune femme, la donatrice, en train d'en jouer. Sur l’esplanade Juan Pueblos, Jean le peuple,  sa sculpture en bronze attend qu’un touriste se love dans ses bras pour la photo.
D’ici, nous mesurons le contraste entre les favelas d’un côté et les toits aménagés avec piscine où nage un solitaire d’autre part.
Nous gravissons l’escalier du phare puis redescendons en étant salués poliment par les vigiles en gilet pare-balles jusqu’à la maison Calderon, occupée actuellement par le ministère de la culture. Outre les œuvres d’art, dont une sculpture de la fécondité et quelques statues en céramique, nous pouvons admirer l’intérieur d’une demeure du début du siècle toute en bois, murs et toit, avec un patio aujourd’hui recouvert d’une verrière pour protéger un carrelage d’origine européenne aux motifs en relief assez inédits.
Regroupés dans l’ancienne salle de séjour de la famille,un coffre à rangement et tiroirs, un grand vase jaune au sol fruit d’une donation et une double table nous sont dévoilés par un jeune employé qui s’improvise guide. De voir tout ce bois intérieur rappelle aussi pourquoi la ville a connu cinq incendies.
Nous disons « au revoir » à la capitale économique que nous avons l’impression d’avoir un peu mieux aperçue d’en haut et cherchons la route de Salinas que nous avons du mal à trouver.

mardi 21 mars 2017

Notes pour une histoire de guerre. Gipi.

BD aussi sombre que celle chroniquée la semaine dernière était ensoleillée.
Il s’agit d’une guerre : on peut la situer d’abord dans les Balkans pour les paysages, les motifs obscurs, les milices mafieuses et puis comme les villages s’appellent Saint Martin, Saint Julien, Saint André, pourquoi pas chez nous, ou ailleurs ? Le dessinateur est Italien.
« A quelle distance doivent exploser les bombes pour te faire dire qu'une guerre est la tienne ? »
Le trait est acéré et convient parfaitement à décrire la dérive de mômes décérébrés. La guerre ne bombarde pas seulement des maisons. Christian, Julien et Stéphane « P'tit Kalibre » sont détruits avec des parcelles d’enfance d’autant plus émouvantes à voir subsister qu’ils contribuent à ensauvager le monde.
Douze ans après sa parution, cet album de chez « Actes Sud » est encore plus percutant, en se mettant du côté des « gagnants », gagnant d’un blouson de cuir, d’un rêve de moto, ayant écrabouillé pas seulement leur innocence mais beaucoup de leurs semblables qui ont eu le malheur de croiser la route de ces voyous. Au nom de leur liberté,  ils se sont asservis.
Il y a du Baru pour le trait :
 du Gomorra pour le désespoir :
 http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/12/suburra-stefano-sollima.html

lundi 20 mars 2017

Citoyen d’honneur. Mariano Cohn Gastón Duprat.

Borges n’a jamais eu le prix Nobel, mais un de ses compatriotes vient de l’obtenir : c’est de la fiction.
Cet écrivain argentin revient dans son village natal qu’il a quitté il y a trente ans.
S’étant inspiré des personnages rencontrés dans sa jeunesse pour bâtir une œuvre qui lui a apporté la fortune, il va devoir servir les intérêts divers de ses concitoyens pendant son court séjour.
Sous des allures de comédie, ce film, qui mérite bien des honneurs, développe le thème de l’écart entre la réalité qui peut dépasser l’imagination et inversement.
Les personnages pittoresques ne sont pas des pantins d’une usine à gags, ils permettent d’entrer vivement dans le débat concernant la « post vérité » qu’on n’ose même pas appeler « mensonge ».
Il est question de la fracture culturelle, du temps qui passe, de la fidélité à soi même, de courage, de sincérité,  et d’ennui, sans une once de mépris.
Les grincements qui font rire s’amplifient pour une montée en tension parfaitement menée.
Quand s’avance le dénouement, les masques tombent.
Et l’humour nous sauve encore sur ce coup.

dimanche 19 mars 2017

Dom Juan. Molière. Sivadier.

Qu’il est doux de baigner pendant 2h 30 dans une langue qui ne prend pas le « parcours court », à suivre ce coureur élégant, mais angoissé, personnalité de notre vocabulaire commun.
Dans la version de Sivadier, habitué de la MC 2,
je me suis interrogé sur la liberté du libertin :
n’est-il pas prisonnier de son image sans cesse remise en jeu devant son valet ?
Il fuit jamais rassasié,  il se défend, écoute, se démène, mais se brûle.
Et si du temps de mes études adolescentes le ciel m’avait semblé vide, aujourd’hui Dom Juan affronte un Dieu vengeur.
Il y a quelques additifs :
« Bébé, je suis chaud comme un four
J'ai besoin d'amour »
de Marvin Gaye.
Les passantes de Brassens
« Dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu'on en demeure épanoui ».

La philosophie de Sade n’est pas boudée non plus :
 « L’idée de Dieu est je l’avoue, le seul tort que je ne puisse pardonner à l’homme »
Le texte remarquablement joué dans des registres variés menant de la farce, aux réflexions les plus graves, a traversé les siècles et nous parle fortement
Le texte remarquablement joué dans des registres variés menant de la farce, aux réflexions les plus graves, a traversé les siècles et nous parle fortement.
Nicolas Bouchaud y est encore remarquable :
et ses comparses jouant plusieurs rôles rendent palpable un sympathique effet de troupe.
Le sens du concret de Sganarelle dans les derniers mots de la pièce, apporte le comique qui enrobe bien le destin tragique de son orgueilleux maître :
 « Voilà par sa mort un chacun satisfait: Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout; tout le monde est content: il n'y a que moi seul de malheureux! Mes gages! Mes gages! Mes gages! "
Il y a bien sûr la partie qui fut censurée en son temps où l’aristocrate demande à un mendiant de blasphémer pour un Louis d’or ; celui-ci refuse.
Tant d’insolence et de promesses non tenues devraient convenir en ce siècle où les mots paraissent trop nombreux aux méprisants cadres ministériels de l’éducation nationale qui se régalent  sûrement de voir Paul Pogba référencé plutôt que Molière. Dans cette pièce aussi, les médecins sont ridiculisés ainsi que l’hypocrisie persistante, mais sous bien des latitudes, toujours frais, Molière mordra encore avec élégance.

samedi 18 mars 2017

Certaines n’avaient jamais vu la mer. Julie Otsuka.

Immigration de jeunes japonaises promises à un mariage aux Etats-Unis au début du XX° siècle, 
et leur déportation après Pearl Harbour.
En exergue : L’Ecclésiaste.
«  Certains d’entre eux laissèrent un nom qu’on cite encore avec éloge.
D’autres n’ont laissé aucun souvenir et ont disparu comme s’ils n’avaient pas existé.
Ils sont comme n’ayant jamais été.
Et de même leurs enfants après eux. »
Ce livre court (140 pages) et intense retrace un épisode qui a concerné, comme j’ai pu le lire dans un article du journal  « Le  Monde », quelque 120 000 Japonais, en 1942, déplacés ou internés.
Le propos n’est pas historique, mais simplement humain, terriblement humain, pour évoquer sa petite musique durassienne.
L’usage du « nous » est privilégié sans que cela apparaisse comme un procédé.
Cela m’a paru donner une force supplémentaire à cette oeuvre alors que d’autres lecteurs n’ont pas goûté ce qui apparaît comme trop anonyme.
L’effet de masse est admirablement rendu qui peut renforcer pour le lecteur occidental l’idée d’un monde asiatique vu comme une foule uniforme, mais c’est ainsi qu’elles envisagent les blancs, également.
« Est-ce vrai que les femmes en Amérique n’ont pas à s’agenouiller devant leur mari, ni à mettre la main sur la bouche quand elles rient ? »
«  Nous » dit la solidarité mais aussi la diversité des destins qui s’envisagent sur le bateau, les travaux variés dans les champs mais tous difficiles, comme servantes ou dans les bordels, leurs enfants,  les distances prises avec leur origine et leurs dilemmes. Leur départ à nouveau.
Qu’il leur a fallu du courage, de l’énergie, de la résignation, de la dignité !
Alors  les infimes fantaisies qu’elles se permettent, prennent une dimension exceptionnelle dans la litanie des malheurs, des humiliations.
« À la fin des moissons, nous faisions seize kilomètres à pied pour aller en ville nous offrir un petit cadeau : une bouteille de Coca-Cola, un nouveau tablier, un tube de rouge à lèvres, en espérant avoir l’occasion de l’essayer un jour. »
Un chœur qui nous remet au cœur de l’actualité des migrations depuis le point de vue de déplacés qui ont composé ce « melting pot » dont on nous parlait jadis et qui semble bien troublé désormais.     

vendredi 17 mars 2017

Pas d’abandon à Banon.

Après le déjeuner, au moment nommé désormais « pause méridienne », le collège de Banon dans les Alpes de Haute Provence, dites jadis « Basses Alpes », a instauré depuis la rentrée, un quart d’heure de lecture obligatoire pour tous : personnel de service, principale, profs et élèves. Des livres en papier.
Lorsque je l’ai appris par Facebook qui faisait écho d’un reportage de France 3, je n’ai pu m’empêcher de déplorer qu’on était tombé si bas qu’il faille convoquer les caméras pour des collégiens lisant un quart d’heure.
Hé oui, papy peut bien raconter que dans le temps des écoliers lisaient des dizaines de romans par trimestre, je me rends à l’évidence que les temps « are changing » pour m’émerveiller d’une telle initiative. Et je ne remonte pas à l’époque où en pensionnat la lecture était une récompense, un pur plaisir, encore meilleur quand c’était volé.
C’est que cette idée mise en œuvre en 2017, va en sens inverse de la pente dévalée habituellement qui consiste à suivre paresseusement la loi des élèves et des adultes ayant abdiqué toute volonté d’élever; le digital et ses marchands pourvoyant en distrayantes images, le ministère suivant l’électorat.
Cet instant hors des machines impérieuses peut être un moment précieux où adultes et jeunes partagent un moment de silence et amorcent pour certains des échappées plus ambitieuses vers des trésors de la littérature, et autres découvertes de territoires inédits.
L’idée est simple et n’a pas besoin de se noyer dans les phraséologies habituelles.
Ah c’est une mesure verticale, en ces temps horizontaux, mais ne donne-t-elle pas le pouvoir à chacun en favorisant la réflexion et contrariant l’impulsion, en amenant des éléments nouveaux pour mieux choisir, échanger ?
Cela est plus facile car le collège est de petite taille ; c’est peut être bien aussi un paramètre qui peut être essentiel quand on réfléchit à réparer l’école.
C’est que dans le débat politique présent, je n’ai pas perçu tellement de propositions concernant l’école en dehors de mesures quantitatives.
Le mot « hologramme » devenu un mot clef de cette campagne en caractérisant des candidats, conviendrait mieux pour qualifier leurs programmes. Alors que l'arrogant: "Et alors? " place la barre du cynisme hors d'atteinte, c’est surtout le candidat à l’écharpe rouge dont on dit qu’il est le plus rattaché aux siècles antérieurs qui s’amuse avec les trucages et les griseries youtubesques. 
En ce qui  concerne l’adjectif «  fictif », il faudra suivre un autre filon.
Oui la lecture est un vecteur de fiction, loin d'être tyrannique; nous sommes des complices volontaires quand elle nous embarque. La liberté ne s’exerce pas dans le vide, nous gardons nos capacités à juger de la façon de voir de l’auteur. Nous avons appris à ne pas être dupes de toutes les dramatisations qui mènent à Trump parce que nos lectures contradictoires, qui prennent le temps de se poser, nous ont ouvert les yeux et non ébloui.
En évoquant des contrées où l’apprentissage de l’écriture cursive est abandonné, en sempiternel mal content, je n’ai  pourtant pas le sentiment de coller abusivement un masque grimaçant sur la réalité. La sagesse populaire prête aux Etats Unis le rôle de précurseur de ce qui va advenir chez nous, alors pour une fois qu’une mesure éducative même modeste ne va pas seulement à l’encontre de la facilité mais ouvre à tous les appétits, ne boudons pas notre plaisir.
J’en oublierai presque des bibliothèques qui ferment à Grenoble et celles qui risquent de fermer à Saint Egrève, c’est que le combat des vertueux défenseurs de la culture contre les vendus au libéralisme mondialisé me paraitrait trop simple. Que n’aurait titré la presse nationale si des municipalités FN avaient fermé trois bibliothèques ? Une odeur de papier brûlé dans des autodafés aurait sans doute été vaporisée dans les colonnes des temples téléramesques.
Si je ne connais pas encore le mot nouveau  pour désigner l’endroit où l’on emprunte des livres, je suis aussi peu au fait de la densité des réseaux, des accueils possibles, ni des évolutions de fréquentation, pas plus que les solutions alternatives proposées côté grenoblois. Par contre sont avérées les insuffisances sur le plan culturel de cette municipalité dont l’amateurisme persistant a déjà fait des ravages.
A propos de Saint Egrève, je connais mieux ce terrain. En ce qui concerne la bibliothèque Rochepleine dont l’ouverture a précédé celle de l’école attenante, les pratiques autour du livre étaient concertées, les projets communs et féconds. Le boulot autour du conte qui concernait tous les enfants de la maternelle au CM2 nous a valu de grandes heures. Qu’en est-il aujourd’hui ? Pour suivre des enfants en soutien scolaire depuis quelques années, mes expériences sont contrastées. J’ai incité semaine après semaine des familles dont j’avais la confiance à fréquenter la bibliothèque située en bas de leur immeuble, en vain. Alors que pour une autre maisonnée, je suis allé chercher des livres et j’ai demandé qu’ils soient ramenés par leur soin, et depuis tout le monde a été ravi de pouvoir emprunter 30 documents gratos à chaque visite ! La proximité me semble essentielle, et il s'agit de construction durable.
…………….
Dessins du « Canard enchaîné », de « Courrier international » dans le Basler Zeitung (Suisse)

jeudi 16 mars 2017

L’école de New York. Pollock et l’action painting. Hélène Norloff.

Si au XX° siècle, architecture et littérature US n’avaient plus à nourrir de complexes à l’égard de la vieille Europe, c’est seulement dans les années 1940/50  qu’émerge le nouveau continent de la peinture. La conférencière devant les amis du musée de Grenoble en montre les avancées à travers l’expressionnisme abstrait pour lequel les marchands d’art ont joué un rôle pionnier.
En une matière picturale fluide, les « Nymphéas » de Monet avaient renouvelé l’espace. Paris était le centre créatif, et lorsque Paul Durand-Ruel, en 1883, expose 300 toiles impressionnistes à New York, le succès est foudroyant.
En 1913, 1300 oeuvres européennes et américaines sont présentées dans une armurerie  à New York: Ingres, Delacroix, des fauves, des cubistes, Hopper « Office at Night », poétique et littéraire, DuchampLe président Roosevelt a beau déclarer à propos de l' « Armory Show » : « Ce n'est pas de l'art ! » le public se montre disponible.
« Alfred Stieglitz »  dont Picabia a tracé le portrait, avait ouvert une galerie « le 291 » et formé un groupe de jeunes peintres dont Georgia O’Keeffe avec comme objectif de faire émerger un art américain http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/01/georgia-okeeffe-etienne-brunet.html
Stuart Davis déjà pop, donne de l’envergure au cubisme, alors que Matisse à la fondation Barnes propose une « danse » épurée et de nouvelles perspectives à la peinture murale. De nombreux surréalistes réfugiés de l’autre côté de l’Océan arrivent dans un climat propice à des changements radicaux.
« Les moissonneurs andalous » de Masson où s’enchevêtrent les angoisses et se déchargent les couleurs, cultivent une certaine mythologie de l’inconscient.
L’artiste est tout entier engagé dans son œuvre, corps et âme, le geste émane de l’individu.Hans Hofmann a acclimaté l’expressionnisme allemand aux Etats unis en ouvrant une école, il met en œuvre la théorie du « Push and Pull ». Sa barrière, «The gate » fait se tirailler formes et couleurs.
« Stenographic figure » de Pollock avait paru « atroce » à Peggy Guggenheim qui se laissa convaincre par Mondrian : « Il faudra surveiller cet homme ». Elle constituera la collection la plus importante de l’inventeur du Dripping. D’un continent l’autre, jusqu’à Venise, la mécène éclairée mettra à l’abri ses trésors au musée de Grenoble jusqu’en 41.
Parmi les expressionnistes à l’abstraction non géométrique, Adolph Gottlieb, rappelle le monde primitif dépositaire des grands mythes : « Mascarade ».
Arshile Gorky, l’Arménien, reconnu par Breton, au style fleuri et torturé, délié et complexe dans ses « Fiançailles » mit un terme à sa vie tragique en se pendant. 
Franz Kline après 23 ans de peinture figurative affronte la monumentalité de tout son corps. S’il refuse la troisième dimension en agrandissant ses dessins, l’importance de ses blancs l’éloigne de la calligraphie, ses traits  jouant de l’équilibre ont leur propre existence.
Willem de Kooning né à Rotterdam invalide la coupure abstrait/ réel dans ses portraits stridents de « Woman ». Un article sera consacré sur ce blog à  Mark Rothko qu’il convient évidemment d’ajouter à la liste.
Un des « jalons de la création universelle », Jackson Pollock  né à Cody (1912-1956), suivit les cours de Tom Benton dont le tableau « The Ballad of the Jealous Lover of Lone Green Valley », peut rappeler les origines rurales et les proximités avec Diego Rivera.
«  Femme-lune coupe le cercle » aux couleurs violentes, vient après des années d’analyses jungiennes où « l’inconscient collectif porteur d’archétypes est à mettre en adéquation avec son propre vécu ». Il a croisé Picasso, les indiens, dans ses errances alcoolisées, rencontré celle qui deviendra sa femme, Lee Krasner et le « pape » de la critique Greenberg.
A partir de « Mural » (6 m X 2 m) il renonce à l’image : la matière projetée au premier plan en rythmes syncopés rend caduque la coupure dessin /peinture.
Le « All over » de « Jack l’égoutteur » se passe à l’horizontale dans la rage de peindre, libéré des outils  conventionnels. La toile est une arène. « Blue pôles »
Il avait renoncé un moment, à titrer ses œuvres en les numérotant, mais « The deep » dit l’énergie d’une vie de recherche,
dont la dernière toile intitulée « Search » revient à la couleur après qu’il eut beaucoup fréquenté le noir «  Number 32 ».
Il est mort dans un accident de voiture comme James Dean.
 « Number 5 » est l’oeuvre la plus chère jamais vendue dans la catégorie art contemporain. « Regarder simplement un tableau donne du plaisir. C'est comme regarder des fleurs, on ne leur cherche pas un sens » disait-il.
« La force de Pollock tient à l'impitoyable mordant avec lequel il dénonce, à travers un bouleversement dramatique de l’image, le mythe de la ville moderne, l’angoisse et le désarroi de l’homme dans les grands espaces métropolitains et naturels, la désespérante solitude de l’individu » a écrit Italo Tomassoni dans un des « Petits classiques de l’art » que faisait paraître Flammarion dans les années 68.