mercredi 12 octobre 2016

Equateur J 4. Marché à Otavalo.


Les deux couvertures plus le dessus de lit matelassé n’ont pas été de trop pour la nuit qui fut bonne, malgré les aboiements des chiens, le chant des coqs, les pétards ou tirs au fusil, et dès 6h du matin l’appel au mégaphone du marchand de poissons et  de pommes de terre : 
« papa papas ».
Nous nous sommes endormis bercés par les éclats joyeux de notre famille d’accueil.
Au matin Ernesto est déjà parti au village voisin à 5h 30, Digna Maria a mené à 6h 30 les bêtes au champ et préparé le petit déjeuner. Nous avons droit à des croissants, une soupe d’avoine agrémentée de fruits, de la confiture maison et des fruits variés (ananas, papayes, anones et bananes) jus de fruits et tisane. Karen habillée avec des vêtements traditionnels brodés, arbore des bijoux plus ordinaires que ceux de sa mère. Nous apprenons qu’aujourd’hui c’est son anniversaire et que ce soir il y aura fiesta avec 29 invités…
Nous nous rendons au petit pont, à côté d’une construction sur pilotis qui reçoit les sacs d’ordures mis ainsi hors de portée des animaux.
Notre mini- bus ramasse toute l’équipe et nous partons au marché d’Otavalo (2561m).
Nous atteignons vite la ville et un grand parking clôturé.

Nous n’irons pas au célèbre marché aux bestiaux situé à un autre endroit de la ville et il est trop tard pour s’y rendre.
Mais il y a vraiment de quoi s’occuper les mirettes ici.

De beaux étalages de fruits et de légumes côtoient les épices et les différentes variétés de pommes de terre, de maïs ou de farines.
Les permissions pour photographier sont plus ou moins sollicitées et accordées, beaucoup de photos sont volées, sans agressivité en retour.
Des restaurants au milieu des étals font recette et les otavalianos y prennent le petit déjeuner dégustant  des cochons grillés exposés entiers et découpés peu à peu, garnis de différents légumes ou féculents.
Quelques vieux ont conservé l’habit que j’avais connu 30 ans en arrière : pantalon blanc, poncho bleu et chapeau, mais tous portent toujours les cheveux longs.

Les femmes restent plus traditionnelles. Elles vendent leurs produits et leur artisanat : broderies, tricots, crochet.

Le marché se prolonge avec des articles destinés aux touristes.
C’est sans doute dans ces parages qu’une main discrète dérobe les lunettes de soleil dans la poche de l’un de nous.

Ce qui me frappe c’est la grosseur des petits pois, la variété des produits maraîchers et leur bel aspect et aussi la propreté du marché : pas de plastiques, ni de détritus.

Tout est net et bien ordonné, pas de cris ni de poivrots, ni de mendiants ou si peu.
Nous reprenons le mini bus pour aller à Cotacachi peu éloigné d’Otavalo.
Edgar y connaît un restaurant où goûter du cuy (prononcer coui) : le cochon d’Inde. C’est un met de fête, notamment consommé à Noël. Dans un restaurant avec nappe blanche, serveurs en habits nous investissons une table pour 9 et commandons par couple un cuy et un plat traditionnel de porc. C’est très (trop) copieux, surtout qu’on s’est enfarnassé de pop-corn, graines de lupin et maïs grillés comme apéritif avec de la bière. En à côté, le serveur dispose sur la table des tranches de bananes grillées et des beignets au fromage.

Comme promenade digestive nous arpentons la rue principale bordée de magasins de cuir spécialité de la ville. Nous pénétrons dans l’un d’entre eux attirés par des articles consacrés au cheval : selles, lassos, sacoches, mais aussi ceintures qui trouveront preneurs parmi nous (20 $)

mardi 11 octobre 2016

Topo. N° 1.

Comme c’était marqué en première page : « l’actu dessinée pour les moins de 20 ans »,
 j’ai hésité, mais c’est toujours pareil : il suffit d’une recommandation pour partir dans l’autre sens. On a les rebellitudes qu’on peut.
Après avoir feuilleté les 144 pages de la version jeunesse de l'équipe de "La revue dessinée", http://blog-de-guy.blogspot.fr/2016/10/la-revue-dessinee-automne-2016.html  
il me semblait intéressant de mieux connaître qui sont les « youtubers » : 
je ne savais rien de ce John Rachid  aperçu face à Juppé ni de ce qui causait une telle queue  à la FNAC pour une personne dont j’ignorais parfaitement l’existence. Le phénomène traité ici sous le titre «  Youtube : une usine à clics fric » est intrigant.
C’est simple, clair, instructif
comme le mécanisme qui a empêché Obama d’interdire les armes
ou ce qui fit la gloire des Sex Pistols.
L’exploration du paysage à l’arrière de la Joconde nous en apprend de belles
et le relevé des stéréotypes dans les jeux vidéos enjeu politique est tout à fait pédagogique
comme «  L’apocalypse selon Hollywood » revenant sur « Independance Day » , «  la guerre des mondes » » ET » « Star wars »…
Dans ce monde compliqué,
il n’est pas inutile de se rappeler de la chute du mur de Berlin,
ou suivre un enfant arrivé au Havre après avoir quitté la Syrie,
savoir qui est Tyrion Lanister (« Games of trhones ») sans spoil,
ou sourire avec l’histoire du poil avec Valérie Danidot guide en pays de pleine puberté :
« Bon ! Je ne vous cacherai pas : on part sur un très gros chantier ».
Les séquences sont courtes, efficaces,
drôles avec Nine Antico traitant du premier baiser, ou Lisa Mandel : « Dream teen »
poétique avec « Le meilleur des mondes possibles » qui démarre après l’attentat au Bataclan.

lundi 10 octobre 2016

Mercenaires. Sacha Wolff.

Dans le milieu sportif, les footeux sont de vilains canards depuis qu’ils ont été les premiers à avoir monnayé leurs attraits, ils étaient moins aristos que leurs confrères du ballon ovale entrés officiellement depuis peu dans le monde de l’argent. Pourtant le liquide passait sous les tables des troisième mi-temps depuis longtemps.
Ce premier film riche ne triche pas.
Les mots de la grande famille du rugby sont bons pour figurer dans la vitrine aux souvenirs depuis  que les manières  du professionnalisme ont débordé bien au-delà du top 14.
Avec une vigueur très contemporaine, la fiction est utilisée pour révéler le réel.
Walis et Futuna, c’est la France, le haka n’est pas qu’un élément de folklore et celui qui clôt le film, célèbre une liberté éclatante après un voyage chaotique d’un hémisphère à l’autre.
La violence passe au delà des lignes qui délimitent le champ de jeu : celle du père, des agents, d’un encadrement aux pastilles miraculeuses et salaires de départ misérables en fédérale 3.
La tendresse est colossale au moment de grandir, quand il ne s’agit pas seulement de prendre du poids.

dimanche 9 octobre 2016

Une cArMen en Turakie. Michel Laubu.

Il ne suffit pas que d’un croissant de lune accroché devant Ar-Men  du nom d’un phare breton pour former le mot Carmen et faire poétique.
La saison à la MC2 commence à petits pas, à petit bruit, petit bras.
Ce spectacle qui joue sur les effets appuyés et les masques grotesques conviendrait davantage aux places ensoleillées de l’été pour passants indulgents qu’à la grande salle habituée à des pièces plus exigeantes, plus inventives.
Là le bateleur n’entraîne rien, la musique dont on a regretté souvent qu’elle soit trop forte en ces lieux, manque ici d’ampleur.
Nous sommes loin de l’Espagne de Bizet et si le lieu est plus marin, Ar-Men oblige, pourquoi pas ?
Les intermèdes vidéo bien vus où des moules jouent de la contrebasse, les crabes de la trompette et les crevettes du violon, dévorent les scènes où les marionnettes sont animées à vue.
Le scaphandrier fait de bulles et un lit devient une prison, des parasols tournicotent et un bateau gonflable vient faire un tour, et une planche à voile, et un kayak, mais sans rythme. Quand le texte vient c’est souvent lourd, on se fiche de l’histoire, guettant un truc ; le seul moment ou j’ai souri c’est lorsque les sur-titreurs se mélangent les panneaux et ça se termine par un ballet de poussettes : ils se marièrent et eurent beaucoup de bébés.
Alors on se dit que cela pourrait bien convenir à des enfants, mais j’ai vu d’autres spectacles pour les petits autrement  plus poétiques, drôles et enlevés.
« L'amour est enfant de bohème
Il n'a jamais, jamais, connu de loi »
Dans cette heure vingt qui aurait mieux tenu avec vingt minutes de moins, il n’y avait pas de loi certes, mais pas d’amour non plus, pas d’enjeu.
Ni la paresse ni la discrétion ne conviennent aux loufoqueries et le théâtre d’objets peut sembler fadasse, maintenant que tous les sculpteurs se sont mis à assembler selle de vélo et guidon pour refaire le taureau de Picasso.
La planche à repasser devient un peu plate pour entrer dans l’arène. 

samedi 8 octobre 2016

Heureux les heureux. Yasmina Reza.

Les conditions de lecture jouent bien sûr dans l’appréciation que l’on peut porter sur un livre.
Les chapitres très courts ont parfaitement convenu à une attention qui ne pouvait alors durer.
L’acuité du regard, la précision de l’écriture de l’auteur que je connaissais un peu par son théâtre décapant, ont supporté de fréquentes interruptions.
Mais lorsque les fils tendus depuis chacune des nouvelles se sont tissés, mes souvenirs étaient trop lointains pour que je goûte toutes les subtilités du roman choral.
La teneur de chaque chapitre m’avait déjà contenté par une lucidité, et une originalité  peignant  vivement des personnages déjà aperçus en vrai.
Le titre dit bien sûr le contraire des destins croisés en 176 pages, qui sont ceux des solitudes avec ce qu’il faut d’humour et de subtilité pour survivre et la folie à la férocité qui rôdent.
La comédie humaine s’écrit à la première personne et de la couleur se met sur l’absurde.
Nous sommes perdus, mais les bons écrivains savent jouer de la distance et nous rassurent : on sourit et on va marcher.
« On quitte les gens sur des plaisanteries idiotes, on rit sur le palier, dans l’ascenseur, le froid s’installe aussitôt. Il faudrait un jour étudier ce silence spécifique à la voiture, quand vous rentrez après avoir affiché votre bien-être pour la galerie, mélange d’embrigadement et de mensonge à soi-même. »
Du nerveux qui réveille.
 « Les émotions sont assassines. Je voudrais que la vie avance et que tout soit effacé au fur et à mesure »

vendredi 7 octobre 2016

On n’est pas sérieux quand on arrive au bout de cinq ans*.

Le début de quinquennat n’avait pas tenu ses promesses, mais en cette fin de mandat, les tactiques reprennent le dessus à la vitesse du TGV et d’anciens artifices sont remis à l’encan sur nos écrans.
Parmi tant d’autres :
- les prisonniers vont avoir des cellules individuelles,
- la scolarité obligatoire va s’étendre jusqu’à 18 ans
… déjà que certains attendaient leurs 16 ans impatiemment pour ne plus être attachés à leur chaise.
Le collégien est caressé dans le sens du poil (dans la main) cependant certains bien avant la fin de l’âge obligatoire font « péter » : "phobie scolaire" sur toutes les chaînes et puis «  comme je ne suis plus avec mes copines, je ne viens plus » : maîtresse ça stresse !
Maintenant que l’école va être encore plus ludique, toute sélection par le mérite écartée - la sélection sociale, elle, est de plus en plus déterminante - toutes les promesses s’épanouissent.
Certains ont déjà voulu comprendre que chaque élève a un avenir de médecin, d’ingénieur, de trader tout tracé ; qui voudra désormais mettre les doigts dans le cambouis ? En formation pour les métiers de l’hôtellerie, des apprentis abandonnent pour éviter de travailler le samedi. Des animateurs de MJC ont demandé à ne pas intervenir ce jour là.
La société devient de plus en plus inégalitaire, c’est bien pour cela que l’école, la bonne fille, est requise pour mettre l’égalité dans la vitrine.
Dans l’éducation nationale, les nouvelles réformes venant après la nouvelle réforme sont à l’œuvre depuis des décennies. Toutes ont proclamé lutter contre les inégalités et pourtant celles-ci s’aggravent grave.
Alors comme les communistes qui face aux faillites du communisme prônaient plus de communisme, pour affaiblir l’école et ses codes ringards, ses usages, sa laïcité d’un autre temps : que les « maîtres » se taisent ! J’emploie volontairement ce mot démodé qui n’a pas toujours eu cette connotation arriérée mais marquait un respect, pas forcément un asservissement. « Maîtresse » a gardé plus de fraîcheur et puis de toutes façons, le masculin est devenu tellement anecdotique en ces lieux. L’obéissance …des profs sera récompensée. 
La situation de recul de l’école et de ses valeurs est entérinée. Les murs où s’accrochait la devise républicaine se lézardent ; la voilà enterrée, la gueuse. Les lois du marché et ses thuriféraires sont plus forts que tous les rabâchages d’une situation tellement décrite sur ce blog que j’en suis à m’auto citer :
«Rythmes scolaires : l’école est devenue une activité entre deux week-end ». 
C’est bien parce qu’on cause tellement d’égalité qu’il y a du mouron à se faire sur sa réalité.
Les publicitaires affichent : produits du terroir, citoyenneté, transparence… les communicants rabâchent : « parité ».
Ces Rolex boys sont des amplificateurs de nos mœurs : ils savent bien que les prescripteurs sont depuis longtemps les enfants. Désormais, à longueur de pub, ils font la leçon à leur parents, il est vrai bien infantiles.
Si ce ne sont plus les enseignants qui enseignent, la science infuse des petits vient de quelle tisane ?
Pour avoir été un militant de l’entrée des parents à l’école, je suis d’autant plus navré par les aplatissements depuis la ministre jusqu’à la concierge, devant des consommateurs mal élevés, pardon des électeurs.  
Mon maître en pédagogie aimait rappeler cette phrase d’Elisée Reclus :  
 « L'anarchie est la plus haute expression de l'ordre ».
Ses plans de travail, son organisation au cordeau permettaient la libre expression des élèves, des démarches constructives. Ces approches exigeantes et fécondes forgées dans le débat entre pairs et non pondues par quelque arriviste depuis ses bureaux, étaient un moyen et non une fin. Ce sont ces conseilleurs qui font la leçon aux profs pour qu’ils cessent de bâtir des leçons.  
Les lois de la classe coopérativement discutées constituaient un cadre intelligible et solide auquel appuyer les créativités et acquérir des connaissances.  Les enfants s’abreuvaient et produisaient pour les BT « Bibliothèque du Travail ». Il n’y avait pas confusion des pouvoirs. Mais je risque d’abuser du droit à la répétition, alors que le droit à l’erreur aurait pu être reconnu à ceux qui ont fait de la méthode globale le sentier lumineux de l’apprentissage de la lecture. Encore aurait-il fallu le dire. Combien d’expérimentations ont été mises en place et à l’heure où l’évaluation est la mère de toutes les batailles qui a reconnu que certaines méthodes ne faisaient pas l’affaire ?
Les cycles en primaire n’ont existé qu’en de rares endroits, qui s’est interrogé pourquoi ?
Il va de soi qu’il s’agissait de l’indécrottable conservatisme des méprisables enseignants…donc ce dispositif est instauré entre CM2 et 6° ! 
……………
* « Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !
Ce soir-là,  vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade. »
Rimbaud Arthur.
………………
Le dessin du Canard de cette semaine

jeudi 6 octobre 2016

Quelques expositions en septembre 2016 à Grenoble.

Le mois de la photo consacré au paysage à l’ancien musée de la place Verdun se termine le 8 octobre. Suivant le tropisme grenoblois, les italiens sont à l’honneur avec Gabrielle Basilico et ses grands panneaux en noir et blanc pour décrire avec précision quelques bords de mer et des lacets du Saint Gothard.
Olivier Cretin est celui que j’ai préféré : ses paysages vus à travers les fenêtres d’usines, de châteaux abandonnés sont beaux et forts, joignant dedans et dehors. Le sujet est aussi dans le cadre, le passé présent. Tourné vers  l' « Urbex », exploration urbaine en particulier des lieux abandonnés, il donne envie d’aller y voir et de s’arrêter devant ses travaux.
Par ailleurs des images du Chili reflètent l’humeur sombre d'un autre auteur, mais avait-il besoin de mêler ses enfants à cette vision ? 
Depuis les noirs d’Annunzi, ressortent quelques brindilles subrepticement.
Les paysages de Xavier Blondeau sont habités par la présence humaine, même si au moment de la prise de vue, personne ne figure dans la tache de lumière qui perce la nuit.
Les images accrochées sur les murs d’ateliers à Palerme ont des allures d’autels vivants.
D’autres images du camp de Rivesaltes montrent le vide et des vues aériennes en noir et blanc font regretter de ne pas avoir quelques fois d’autres moyens techniques pour des vues déjà entrevues derrière son propre viseur.
Par contre Lea Lund à la galerie Ex Nihilo, rue Servan, a une patte tout à fait personnelle.
En faisant poser un « sapeur » congolais au milieu d’architectures de la vieille Europe, elle réveille ses sujets travaillés telles des gravures du XIX°.
A la galerie Hébert dans la rue du même nom, Kseniya Kravtsova présente « Paper poetries » jusqu’en novembre. J’ai préféré à quelques peintures, les calques cramés en grand format formant des fleurs noires. Des froissements, des dentelles vouées à la disparition, des traces légères épinglées en tapisseries fragiles : la voie qui mène au néant peut prendre de belles formes quand elle se dispense de sous titrer : « je m’embrase ».