dimanche 6 septembre 2015

Au bonheur des mômes 2015. Le Grand Bornand.

Derrière les baskets roses d’une petite fille de 4 ans, un aperçu de trois jours dans le village haut savoyard où les princesses sont reines à l’orée des rentrées.
Nous sommes revenus dans ce lieu exceptionnel pour une séquence enchantée :
Si la vache est l’animal fétiche de cet événement en sa 24° édition, lundi, celle qui pisse était de la fête. La montée en téléphérique (« téléfrite »), pour aller au rendez-vous de la grenobloise « Fabrique des petites utopies » dont le spectacle « Un mystérieux voyage en forêt » nous a ravis, pouvait se vivre comme une  traversée poétique des nuages,
Le « Haltéro circus show » s’était réfugié à l’église pour cause de pluie et ses acrobaties ont plu, même si leur comique à répétition se montrait quelque peu insistant, comme la quête traditionnelle des applaudissements.
Le projet  de la compagnie « Octopus » concernant « le droit à la liberté d’expression, à l’éducation et l’apprentissage du vivre ensemble » m’a paru copieux, mais « Lulu et Géromine au pays des crayons » était accessible, sans démagogie, poétique et sincère.
Les « Histoires minuscules »  sympathiques et sans prétention de la compagnie « Après la pluie », tombaient à pic, le mardi, jour de grand beau, alors que les « histoires vagabondes » plus ambitieuses manquaient, à mon avis, de cohérence. Il est si difficile de jouer, de parler d’une façon appropriée aux enfants.
Au « Gaine park » nous avons retrouvé Louis Do Bazin qui dans les parades de la journée inaugurale nous avait convaincu avec une leçon magistrale de montreur de marionnettes.
Il s’agissait cette fois de glisser sa main dans des personnages en peau de bête pour visiter un parc préhistorique avec des accessoires et des stands inventifs de belle facture.
Les occasions de jouer pendant une semaine foisonnent et sont adaptées à la diversité des âges ; des vaches sur bicyclette abreuvent les chalands nombreux qui peuvent bénéficier de la gratuité pour la moitié des spectacles.
Ainsi pour se mettre en appétit, le dimanche nous avons rencontré une panthère orange animée façon « Royal de luxe », écouté un chanteur, et accompagné une «batucada ».
Manège, Barbe à papa et maquillage incontournables, sont payants bien sûr, mais les hébergeurs ne nous flinguent pas : « l’Isalou » dans le cadre du vieux village du hameau du Chinaillon est une maison d’hôtes familiale aussi sympathique que « l’Alpage » qui nous avait accueillis l’an dernier, complet cette année en cette période judicieusement choisie par les organisateurs, quand les parents ont repris le travail, laissant leurs enfants livrés aux sucettes grands parentales. Donc retenir dès juillet hôtel et spectacles.

samedi 5 septembre 2015

Et si on aimait la France. Bernard Maris.


Si la disparition, de l’économiste pédagogue, son assassinat, a mis plus de temps à devenir tangible pour moi, que de ne plus voir de dessins nouveaux de Cabu ou de Wolinski, la lecture de ce livre m’a fait mesurer le poids d’une perte de plus.
Non qu’il y ait  tant de fulgurance, de génie dans ces 140 pages inachevées, mais les propos tenus, venus depuis ce côté de la rive gauche revêtent importance et originalité.
Depuis les mots de notre enfance « on est en république ! » ceux de notre adolescence : «  Et la galanterie française ! », nous mesurons ces évidences perdues et s’il cite abondamment Christophe Guilluy observateur de la France périphérique, c’est qu’il va lui aussi à l’encontre de la doxa conforme à gauche. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/06/la-france-peripherique-christophe.html
« Et la question sociale ? Elle est cachée sous le paillasson du pavillon.
La question sociale celle des inégalités, du pouvoir d’achat, de l’accès aux services publics est reléguée dans le péri urbain… les grandes villes peuvent se concentrer sur la question des voies piétonnes ou cyclables, des espaces verts, et, demain des ruches sur les toits. »
Il rappelle l’histoire :
« on disait que le paysan français avait vaincu l’ouvrier allemand en 14 »
Il souligne la précocité de la régulation des naissances en France qui remonte au 18° siècle :
« le coitus interruptus : un modèle d’équilibre ».
Il a des accents poétiques pour évoquer la géographie de nos prairies bien peignées, et adresse un hommage à son instituteur qui leur faisait la lecture le vendredi sans se soucier de « champ lexical ».
Il sait bien que si l’économie est mondialisée, les mentalités restent nationales.
Mais il se garde bien d’une « vision rhumatismale de la France » pour s’en prendre « aux salauds qui conchient la France de bretelles, de ronds-points, de promotions immobilières, de supermarchés, de zones industrielles, d’immensités pavillonnaires parsemées de rues aux noms d’arbres, filles de tristesse des architectes… »

vendredi 4 septembre 2015

Envie de rentrée.

Je ne sais si la nuance orthographique aperçue (envie de rentrer/de rentrée) à l’entrée d’un magasin de jouets a pu être saisie par tous les passants pas forcément soucieux de distinguer un nom et un verbe.
Même si depuis 10 ans, je ne suis plus dans l’active, je me sens plus légitime à causer de l’école qui a employé ma vie que de la crise grecque dont les caricatures m’accablent.
Je continue de goûter les mots autour de la maison des promesses : l’école.  
Certes avec « promesse », un tel mot fleuri, je livre une vision poétique et niaise, ô combien datée d’une institution qui vise aujourd’hui à flatter plutôt les paresses de préférence au travail. 
Les mots s’usent ou signifient leur contraire comme cette revendication paradoxale de moins d’état quand les souverainistes ont le vent en poupe et en appellent à de petites nations.
Les annonceurs s’obstinent à parler de beau temps lorsque la terre brûle, et l’idée est vendue que pour mieux embaucher : il faut licencier plus facilement.
Le ministère (pas le magistère) dit valoriser le latin alors que sa suppression est actée; je me retrouve du côté de D’Ormesson à trouver Najat VB « charmante », quitte à faire grincer les dents de celles qui n’ont pu en dire autant de Luc Ferry qui eut pourtant ce bon mot :
« Le bac : pour ne pas l’avoir, il faut en faire la demande »
Je me garderai de gloser sur le mot « travail » quand une collègue raconte le soin qu’elle avait apporté pour rendre le premier jour ludique et qu’une petite lui demanda : « quand est ce qu’on travaille ? »
Je veux juste pointer la disparition du mot « retenir » qui dans notre univers fugitif entre mémoire incontinente, et avalanche d’images, rejoint le terme « inscription » dans quelque caverne de polystyrène, quant à « élever » : ne se dit même plus pour les poulets et « instruction » figure elle encore dans les registres de l’armée ?
Comme dit  Régis Debray : «  nous créons du neuf à partir de ce que nous avons reçu » mais que peuvent saisir des politiques à la volonté défaillante où le surf sur l’opinion ne leur épargnera même pas le bouillon ?
En cette rentrée des blogs, dans mes rédactions, où je prolonge le plaisir suranné de choisir mes mots, je vais m’appliquer à ne point trop déplorer, tout en sachant que les occasions ne manqueront pas, de s’indigner devant quelques notoires notables, tant d’assurés si sûrs, et autres infaillibles trompeurs.
Notre excellent député, Brottes, va chez EDF, c’est bien payé, et pour lui on se débrouille pour qu’il n’y ait pas d’élection partielle; notre conseiller départemental, Ribeaud, qui multiplie les fonctions, le suppléera, un poste de sénateur n’étant pas vacant.
J’essayerai de ne pas être trop noir, garder la crise dans des tonalités grises,
mais quand tant de copier/collé tiennent le haut du pavé,
quand à la tête du ministère dédié : « Modiano, connais pas » 
quand dans certains états aux Etats-Unis on n’apprend plus à écrire,
quand on a depuis longtemps banni tout conseil en dessin,
est ce exagéré de voir des dangers quant au devenir des savoirs ?
« A quoi bon apprendre, c’est sur Internet ». 
....................
Pas dessin du "Canard" cette semaine, ils m'ont semblé tellement anecdotiques, mais cette image transmise sur facebook:

jeudi 3 septembre 2015

Greuze Jean Baptiste. Vien Joseph-Marie.


















Devant les amis du musée, le conférencier Fabrice Conan a rassemblé sous le titre « Le réalisme vertueux » : Jean Baptiste Greuze qui eut une grande notoriété de son vivant et Joseph-Marie Vien, le seul peintre qui ait eu les honneurs du Panthéon.
Des nuances seront apportées aux images dites de calendriers, quand Greuze y figurait au temps où la morale était en vue, avec ses femmes aux sentiments froissés et ses garçons aux yeux mouillés.
Né à Tournus  en 1725, sa précocité fut repérée par le peintre lyonnais Grandon. Il monte à Paris et ne suit pas le chemin balisé qui l’aurait conduit vers la peinture d’histoire, la plus prestigieuse.
Alors que les artistes flamands réalistes sont davantage reconnus, le quotidien apparait dans ses toiles, loin des nymphes sur leurs nuages et des canons académiques.
Il fut comparé à Molière pour la vérité de ses œuvres, qui au Louvre « fixent un moment la hâte des caravanes étrangères ».
Un de ses premiers tableaux  dont le titre « Le petit paresseux » n’est plus adapté aux convenances d’aujourd’hui, révèle un moment d’intimité simple et émouvant.
C’est le temps de Marivaux. Si les vertus sont exaltées, la pompe et la solennité sont éloignées. «  Les œufs cassés » signifient la perte de la virginité d’une jeune fille.
Greuze ne sera pas particulièrement attiré, comme d’autres, par les ruines romaines en accompagnant un mécène, en Italie. Mais « Le manège napolitain », avec le geste de la même origine, d’une jeune fille signifiant son mépris à un faux marchand qui voulait la séduire, peut constituer un souvenir plaisant de ce voyage.
Le marquis de Marigny lui commanda deux tableaux pour la marquise de Pompadour, envers laquelle il ne se montra pas particulièrement  courtisan : « La simplicité »  formait le pendant  d’« Un Berger qui tente le sort pour savoir s'il est aimé par sa bergère ».
Une de ses œuvres les plus célèbres  s’intitule: « Un mariage, et l’instant où le père de l’accordée délivre la dot à son gendre, dit « L’Accordée de village ». A son propos Diderot écrivait : « Le sujet est pathétique, et l'on sent gagner une émotion douce en le regardant. La composition m'en a paru très belle : c'est la chose comme elle a dû se passer. Il y a douze figures : chacune est à sa place, et fait ce qu'elle doit ». L’auteur avait su se faire attendre, et le succès viendra dès sa présentation ; la cote s’élèvera au dessus de la moyenne. L’encyclopédiste qui voyait la concrétisation de son goût pour la peinture morale avait prévu qu’il s’agissait  d’une « peinture particulièrement destinée à être copiée ».
Madame Geoffrin, dont le salon était célèbre, parla d’une « fricassée d’enfants » dans « La mère bien aimée ». Il avait aussi son franc parler, quand devant faire le portrait de la dauphine, il demanda qu’on l’en dispense parce qu’ « il ne savait pas peindre de pareilles têtes ».
Son mariage avec la belle Anne-Gabrielle Babuti ne fut guère heureux et sa vraie vie oublia les scènes vertueuses de bonheur familial.
Pour le plaisir de partager ce portrait d’enfant parmi les nombreux qu‘il proposa, je choisis « L’oiseau mort » dont il existe plusieurs versions.
Les portraits de Bonaparte, Talleyrand, Franklin et du jeune Mozart témoignent d’une vie riche,  commencée avec Louis XV et qui se finit sous l’empire en 1805.
Le tableau « L'Empereur Sévère reproche à Caracalla, son fils, d'avoir voulu l'assassiner » constitue aux yeux des historiens de l’art «un ancêtre inattendu à la peinture néo-classique française ».
Jacques-Louis David  fut le représentant le plus connu de ce style plus épuré que les  titres des tableaux, il s’agissait de « régénérer les arts en développant une peinture que les classiques grecs et romains auraient sans hésiter pu prendre pour la leur ».
Il eut Vien comme maître. Celui-ci fut prix de Rome avec « David se résignant à la volonté du Seigneur qui a frappé son royaume de la peste ».  
Le montpelliérain n’honora pas seulement des commandes royales : « Saint Thibault offre au roi Saint Louis et à la reine Marguerite de Provence une corbeille de fleurs » sur fond d’architecture antiquisante.
Sa « sultane reine » et son « sultan noir », études pour « La caravane du sultan à la Mecque », sont restés comme des témoignages des mascarades mémorables qui se déroulaient  alors à Rome dans ces années 1748 .
Au goût du jour, « La Marchande d’Amours » reprend  le thème d’une fresque ancienne.
Vien vécut 93 ans.

mercredi 2 septembre 2015

Bouts du monde.

Le titre est excellent : modeste et ambitieux. 
Séduit par les thèmes, je suis allé au-delà d’une accroche séduisante dans les bacs de mon libraire, en ce qui concerne le numéro 18 de cette publication trimestrielle.
Les rédacteurs sont nombreux, en des formats différents, par la photographie, le dessin, les textes dont une apologie de la panne mécanique qui en appelle à Nicolas Bouvier le père de tous les voyageurs avec un humour bienvenu.
Carnets de voyages sur 148 pages, sans pub, aux humeurs variées : enchantements et désenchantements, coups de gueule et poésie.
De la Belgique à un squat à Patras en Grèce avec de kabyles, en passant avec des catcheuses de l’Altiplano, balade avec des ânes entre Barcelone et Amsterdam, croquis d’Irlande et photographies d’un cirque en Hongrie, soufre en Indonésie, Yellowstone et Cuba, Inde, Chine. Retour sur un voyage au sud de la Tunisie en1913.
Les annonces disent « regard neuf », ce n’est pas mensonger.

mardi 1 septembre 2015

La revue dessinée. Eté 2015. N° 8


Le recueil trimestriel  de reportages en BD a des tonalités moins sombres que d’ordinaire, bien qu’en page une, les gouaches aux allures de vacances portent quelques ombres.
Si la thématique principale est consacrée au sport, tout ne sera pas traité forcément sur le ton ironique et drolatique comme lors d’une séance de capoeira, ni celui compatissant envers les lanternes rouges du tour de France. Quand il est question d’Adidas et de sa puissance on retrouve la spécificité de la revue : sérieux et combativité.
Le reportage à Bobigny, bastion rouge passé à l’UDI, prend le temps de nous faire entendre des protagonistes divers et va au-delà des classiques observations unilatérales.
Partager la vie d’un jeune afrikaner en Europe dans les années70 est inhabituel.
Une crise de la vocation chez un pasteur suisse traitée comme un « burn out » est vue aussi sous un angle nouveau et charitable.
Les rubriques habituelles sont toujours intéressantes :
- les lectures d’images photographiques ou d’une séquence de cinéma sont éclairantes,
- celle concernant la sémantique porte sur  la formule : «  je crois »,
- en histoire : le destin de l’Abbé de Choisy mérite la lecture,
- dans le domaine des sciences, «  le tour du cadran : derrière la course du temps, ils (scénariste et dessinatrice) dévoilent notre imaginaire collectif : celui des étoiles et celui du pouvoir car qui maitrise le temps, contrôle souvent le cours de l’histoire… »
- en informatique, les années 2000 ont des airs préhistoriques : apparition de la clé USB, de Lara Croft et de Wikipedia…
- Nico sur la musicale face B mérite d’être connue : Warhol, Fellini, Gainsbourg, Garrel  la reconnurent, elle fut une des mères des gothiques et  des punks.
Plus célèbres encore étaient Albert Simon, Michel Cardoze ou Alain Gilot Pétré, vedettes du temps qu’il fera : mais connaître l’histoire d’un des mots les plus recherché sur Google est indispensable. Météo.
A l’époque de Napoléon III, « les catastrophes maritimes liées au mauvais temps et le coût des assurances vont encourager le développement des recherches météorologiques. »

lundi 31 août 2015

Vice versa. Pete Docter.

Merveilleux. Terme à utiliser avec parcimonie, mais comment dire l’inventivité, la subtilité, la complexité mise à la portée de tout public de ce beau film d’animation émouvant et drôle qui nous fait réviser nos fonctionnements en symbolisant finement la mémoire, les affects, les rêves…
« Joie », « Tristesse », « Colère », « Dégoût », « Peur », drôles de petits personnages très vifs, se contrarient aux manettes du poste de pilotage dans la tête d’une petite fille au moment où elle déménage du Minnesota à San Francisco.
Au sortir de l’enfance, ses îles intérieures « Famille », « Amitié », « Bêtises », « Honnêteté »… sont ébranlées.
Comme chez chacun de nous, la « Tristesse » a ses charmes indolents mais la « Joie » aura besoin d’elle, évitant tout dilemme manichéen. Comme dans « Toy story » la nostalgie est au rendez vous et donne une profondeur que bien des films Depléchinesques ou Garelliens n’atteignent guère.
A revoir, parce dans le rythme  échevelé des films d’animation, il est difficile de tout saisir tant les trouvailles sont nombreuses.
Parmi les caisses que trimbale le train de la pensée, les « faits » se mélangent aux « opinions ».
Et tant de scènes seraient à déguster une nouvelle fois.
Ainsi l’abandon de l’ « ami imaginaire » construit de bric et de broc, attachant et pathétique, parmi les billes de verre désormais noircies d’une mémoire qui ne peut tout retenir, est d’une poésie poignante.
S’il y a un domaine où  la rengaine « c’était mieux avant » peut se taire c’est bien dans le domaine de l’animation où les textures sont magnifiques, vagues et nuages plus vrais que vraies, mais de Disney à Pixar comme il est dit sur Chronic’art, c’est toujours  « une figuration de l’angoisse aux couleurs d’un enchantement.»
Tiens, pourquoi ce titre ?