jeudi 7 février 2013

L’art des cavernes en Europe.


Bien que Jean Clottes, le conférencier aux amis du musée, directeur de la grotte Chauvet, préfère des termes moins connotés que celui d’artiste, la beauté des travaux de nos ancêtres est saisissante.
Ces œuvres préhistoriques, découvertes dans des grottes profondes, des abris ou à l’extérieur sont situées essentiellement en France et en Espagne, dans l’Oural et en Roumanie, elles comptent  leurs 35 000 ans d’âge. En Afrique du sud ont été retrouvées des coquilles d’autruche décorées datant de 60 000 ans.
Des animaux sont représentés surtout des grandes espèces, mais pas forcément ceux qui sont chassés, ni obligatoirement présents à proximité. Les biches abondantes  dans les représentations en Espagne sont sans doute des animaux possédant des pouvoirs.
Des nuages de points, des traits les accompagnent ; nous y voyons des figures géométriques comme un enfant d’aujourd’hui ne verrait que le croisement de deux traits dans une croix dépourvue de tout sens symbolique.
Les dessins d’humains sont rares et non naturalistes, les femmes ont des petites têtes avec des attributs sexuels mis en évidence, les enfants sont bien plus rares que des créatures composites aux bois de cerf, aux pattes de lion.
Les mains au nombre varié de doigts seraient des marques propitiatoires (qui permettent d’attirer les faveurs des dieux).
Les exécutants les plus habiles ont suivi des enseignements et la variété des techniques en gravure, peinture, modelage, sculpture est impressionnante, ils s’adaptent aux supports. Souvent les tracés complètent des reliefs naturels, les animaux semblent prêts à sortir des noires profondeurs.
Commencé  en noir du bout d’une torche le trait se grave plus loin dans la roche tendre.
Le moyen duc tracé au doigt dans la pellicule argileuse a tourné sa tête pour nous suivre.
La magie de la chasse n’explique pas uniquement la profusion des représentations animales sur les 400 sites européens. 150 mammouths sont recensés à Rouffignac, les animaux totems ne sont pas tués, ce sont des mythes, des acteurs d’histoires sacrées.
En ces temps stables les religions n’évoluaient pas.
Le spécialiste de l'art préhistorique du Paléolithique recherche vers les rites chamaniques pour expliquer  la présence de tels ornements dans ces cavernes.
Les pratiquants entreprennent un voyage vers un monde surnaturel ou reçoivent la visite d’un esprit. Les univers, à leurs yeux, sont fluides, perméables.
Dans la foule des anecdotes que le  conférencier, plongeur émérite (il lui fallait ce diplôme de plus pour accéder à la fabuleuse grotte Cosquer à Cassis) : celle concernant des peintures  anciennes dans une zone tribale indienne recouvertes par le texte de la charte de l’ONU, nous scie les pattes.
Nous effleurons les vertiges du temps : le sanctuaire à 35 m sous le niveau de la mer méditerranée était à 200 m du bord, aujourd’hui il est inaccessible au public, ce qui en subsiste sera englouti : la planète se réchauffe.

mercredi 6 février 2013

Naples ville d’art. Eric Mathieu.


Modèle de désorganisation, Naples, celle de la Camorra, des montagnes de poubelles, et des thromboses circulatoires, la ville du chaos est passionnante!
Inspiré, le conférencier Eric Mathieu a su communiquer sa passion de la ville et des artistes aux amis du musée de Grenoble.
Dès le XVIII°  on savait qu’une personne sur six seulement travaillait là bas, un religieux sur six était un repris de justice, et une religieuse sur six venait de la prostitution.
Le royaume de Naples « La plus grande maîtresse de l’Europe »  passa de l'Autriche à la Sardaigne aux  Bourbons d'Espagne et connut les Bourguignons et les Angevins à sa tête.
Son vaste centre historique qui porte toute cette diversité historique est classé dans le patrimoine mondial de l’UNESCO.
La plus grande ville d’Europe au XVII° siècle comptait 400 000 habitants, trois fois la population de Rome, elle va chuter à 120 000 habitants après la peste de 1635.
Survenant après les éruptions de l’Etna de 1631 et des révoltes en 1647, ces évènements forment le caractère et la présence de 575 églises ne sera pas superflue.
Les fêtes durent après les ébranlements mortels.
L’église Pio Monte della Misericordia, Mont de Piété toujours en activité,  est riche, pas seulement du monumental Caravage intitulé « les sept œuvres de la miséricorde ».
« Nourrir les affamés. Donner à boire aux assoiffés. Vêtir les dénudés. Héberger les sans-logis.Libérer les prisonniers. Visiter les malades. Ensevelir les morts »  
Ce tableau  est complexe : celui dont on sait à présent qu’il est né à Milan, ajouta après une première couche de vernis, la vierge oubliée qui figurait dans le contrat.
Avec ses « modèles à 10 pesetas » comme disait Picasso, Merisi le vrai nom du plus cité des peintres dans nos conférences, marie culture savante et populaire, le divin et le prosaïque.
Le mauvais garçon protégé par les Colonna échappe à la loi papale et livre des tableaux où il se représente en Goliath  vaincu pour se faire pardonner. Il est présent  aussi dans son armure derrière Sainte Ursule qui vient de recevoir une flèche.
Il était fait pour Naples et la  représentation de la fin de Saint André était pour lui : le saint avant sa mort fut entouré d’une lumière qui dura trente minutes.
A Capodimonte  se trouve le christ à la colonne de notre chouchou avec  Artémisia Gentileschi et son Holopherne qui pisse le sang.
Ribera, suiveur du Caravage,  fut également un chef de bande qui menaça ses concurrents.
Il peint un aristocrate devant  des intestins de mouton, plat populaire pour illustrer un des cinq sens.
Les œuvres de Giovanni Battista Caracciolo se retrouvent dans de nombreuses églises napolitaines à la suite du maître des ténèbres, il accentue les reflets argentés des tissus.
Dans la rubrique faits divers alimentée par les artistes : Baglione est un ennemi personnel du Caravage qu’il admire pourtant et qu’il attaque.
Le Dominiquin,  représentant du baroque mourut empoisonné, Ribera le remplaça.
Dans l’abondance des chefs d’œuvres, d’une période pourtant brève, présentés en deux heures, il fallait un sculpteur magnifique : Giuseppe Sanmartino qui représenta le christ allongé sous un voile de marbre si léger que des interprètes jugent encore possible l’intervention de Raimondo di Sangro, un génial inventeur qui aurait transformé le tissu en pierre. Canova en voyant le chef d’œuvre aurait dit qu’il aurait donné quinze ans de sa vie pour l’avoir réalisé.
 C’est au siècle suivant, au XVIII°, que Pompéi fut découverte.

mardi 5 février 2013

La tour des miracles. Brassens. Davodeau Prudhomme.


La bande dessinée convient bien à cette adaptation du roman de Brassens dont la langue  est respectée avec l’esprit de la bande de copains qui vivaient chez Jeanne, la Jeanne.
« En ce temps-là nous habitions Montmartre. Une maison miraclifique de sept étages par temps calme et de six les jours de bourrasques. Nous occupions tout l’étage amovible et l’avions baptisé " l’abbaye gré-du-vent ", mais chez les pupazzi de pacotille on ne le désignait pas autrement que sous le nom de " tour des miracles " par allusion à la fameuse cour de malandrins. »
Le dessin qui évoque Dubout avec ses femmes callipyges a des airs surréalistes.
On retrouve les mots du poète qui tout en vivant au dessus de la ville en rendit toutes les fureurs, toutes les tendresses,  mais je préfère ses chansons.
Les belles images n’ont pas forcément rencontré les miennes et j’ai préféré les crayonnés qui revenaient à la réalité que les traits précis d’un l’imaginaire quelque peu daté.

lundi 4 février 2013

Comme un lion. Samuel Collardey.



Le film montre le miroir aux alouettes que constitue pour un jeune africain la carrière de footballeur professionnel mais alimente ce rêve vain avec une conclusion sirupeuse.
Pourtant des plans de stades noyés sous la brume en Franche Comté ou les terrains cabossés  du Sénégal portent  avec élégance la poésie du réel ; des personnages sont sympathiques, vivants, bien brossés.
Alors que la télévision filme de mieux en mieux le jeu,  le cinéma ne réussit pas à varier les plans, et  l’acteur principal est peu convaincant en prodige du foot. Ses passages en force à deux reprises pour montrer ses talents sont peu crédibles.
Le jeune tape un baratin bien troussé à une secrétaire mais se montre bien mutique vis-à-vis de ceux qui l’aident, hormis une effusion de dernière minute qui  surcharge encore la séquence émotion dans le temps additionnel.
Ce rêve persistant porté par les africains et leurs parents, ces agents véreux, existent comme la violence et  la solidarité entremêlés.  
Sur le même sujet, je viens de prêter à un jeune enfant talentueux balle au pied, la cassette du « Ballon d’or », film de 97 qui retrace le destin de Salif Keita, « la panthère noire », qui avait pris le taxi de Paris à Saint Etienne comme on prend le taxi de brousse. Il est joué sur un rythme reggae alors que  dans le film d’aujourd’hui  le rap est scandé dans le car qui emmène les jeunes vers la finale où l’un d’eux montre son cul par la fenêtre.

dimanche 3 février 2013

Chick Corea. Antoine Hervé



Il se prénommait Armando, mais Corea n’est pas un pseudo; avec  l’ajout de « Chick » son nom lui convient bien, qui allie un tempo claquant et du sentiment.
Notre professeur Hervé lors de sa deuxième leçon de jazz de la saison à la MC2 rassemble toujours une foule d’amateurs ; il joue d’une manière époustouflante du piano auquel il ajoute d’autres instruments de vive voix.
J’ai retenu ses interprétations de « Spain », « Children songs », « Armando’s rumba », « la fiesta »…
Il s’amuse avec les mots  et la musique en toute langue.
Pas besoin de traduire l’expression «  cross over » pour qualifier celui qu’il  évoque ce soir.
Né en 1941 dans le Massachussetts, d’origine sicilienne et espagnole, il  est mis au piano à 4 ans par son père trompettiste et montre des aptitudes à la caisse claire. Il découvre la musique classique et  le jazz.
Une de ses références majeures sera Bud Powell, par ailleurs ses dédicaces sont allées souvent au fondateur de la scientologie  Ron Hubbart qui l’avait « lavé » de ses addictions.
Interprète, compositeur, il tranche avec les usages du jazz en accordant du soin à l’écriture tout en restant un improvisateur hors pair.
Il enregistre une centaine de CD, de Miles Davis au jazz-rock, avec Bobby McFerrin, le vibraphoniste Gary Burton, toujours curieux des possibilités nouvelles apportées par la technique. Il s’illustre avec le groupe « Return to Forever ».
Aux claviers électriques, il combine jazz et rumba, des accents espagnols et  des dissonances à la Bartók.
Alors que sa formation de batteur et les commentaires sur son style insistent sur ses qualités rythmiques, j’ai surtout retenu une musique atmosphérique, aux mélodies distinguées, aux  accords recherchés.

samedi 2 février 2013

Solaire. Ian McEwan.



Délicieux.
Livre salutaire, documenté sur les enjeux concernant notre environnement, à la trame narrative enjouée, aux personnages burlesques.
« Puis il se lança dans des considérations sur la variabilité du climat, la hausse des températures, liées au doublement de la teneur en dioxyde de carbone depuis la révolution industrielle. Lorsqu’ils rentrèrent dans Londres ce fut le forçage radiatif, et ensuite la litanie familière de la fonte des glaciers, de l’expansion des déserts,  de la mort des récifs coralliens, de la perturbation des courants océaniques, de la montée du niveau de la mer, de la disparition de telle ou telle espèce, et ainsi de suite… »
La planète ne se porte pas mieux que le personnage principal dont les bonnes résolutions ne durent que quelques heures, à peine.
« Ce surpoids faisait gonfler ses articulations, l’arthrose le guettait, son foie était hypertrophié, sa tension artérielle remontait, et il courait un risque croissant d’infarctus. Même pour un anglais son taux de mauvais cholestérol était trop élevé. »
Beard, prix Nobel de physique quinquagénaire, en est à sa cinquième épouse.
Il est opportuniste, vulnérable, veule, mais sympathique : est ce  parce que sa paresse excuserait nos faiblesses ? La satire des milieux universitaire est féroce, le regard sur les politiques sans illusion, les coups de pattes au politiquement correct et aux abus féministes salutaires, la petitesse des humains se rachète dans un sourire.
Le conteur savoureux nous mène du Pôle Nord où il fait si froid avec des artistes conceptuels au torride Nouveau Mexique en passant par la dégustation d’un paquet de chips qui prend des allures de parabole.
Pas mieux que le cliché : « l’humour est la politesse du désespoir » pour donner mon sentiment sur ces 380 pages qui vous font l’effet euphorisant d’un bon whisky dont on sait qu’il ne faut pas abuser, mais  dont on se verse un deuxième verre.
Drôle, burlesque, grinçant, anglais, pédagogique :
« Un type est dans une forêt sous la pluie, et il meurt de soif. Il a une hache ; il se met à abattre les arbres pour en boire la sève. Une gorgée par arbre. Il se retrouve entouré d'un désert sans vie, et il sait qu'à cause de lui la forêt disparaît à toute vitesse. Alors pourquoi n'ouvre-t-il pas la bouche pour boire la pluie ? Parce qu'il abat très bien les arbres, qu'il a toujours fait ainsi, et qu'il se méfie des gens qui lui conseillent de boire la pluie. »

vendredi 1 février 2013

Rythmes scolaires. « C'est au bout de la vieille corde qu'on tisse la nouvelle. »



Faut-il que la profession de professeur soit devenue si dévalorisée pour que reviennent sans cesses,  les problèmes de rémunération ? Il fut un temps qu’enseigner la numération nous dispensait de  passer notre temps à compter nos paies : marchandisation des actes.
« Corporatiste » : l’expression revient dans le débat public concernant surtout les instits parisiens qui ont des conditions particulières. Signe des temps froids pour un syndicalisme qui ne porte guère sur ce coup de  flamboyant projet mais galope après des intérêts bien particuliers. L’émancipation des individus était sur les bannières de gauche au XVIII° et XIX° siècle, l’individualisme est un des marqueurs de la droitisation présente de la société. L’UMP vient courtiser FO.
La mauvaise foi  devient un élément de la dialectique, quand tous  semblent s’accorder à trouver que quatre jours de classe ce n’est bon pour personne, avant d’ajouter un « mais » fatal.
Revenir simplement à quatre jours et demi avec le mercredi à la place du samedi ne mettrait pas les collectivités locales sur les dents, et tarirait les récriminations concernant les frais de garde des enfants… de profs.
Trois quarts d’heure de classe de moins par jour, avec les déplacements supplémentaires,  ne diminuera pas la fatigue et vous aurez le temps de faire quoi ? Tranquillement.
Le surmenage des enfants ne tient pas qu’à l’école, cette pauvre bourrique chargée de tous les remèdes et de tous les maux.
La réduction du temps de sommeil de toute une société est préoccupante, qui fait marcher les plus petits à son allure folle à laquelle s’ajoute la farandole des activités qui n’a pas attendu quelque réforme pour s’emballer.
On ne clique pas seulement sur les souris, les  zapettes, on n’effleure pas que les tablettes, on consomme à toute blinde. Les applications se bousculent sous les vitres, mais sait on s’appliquer encore, s’impliquer ?
Petite séquence à l’imparfait, un temps fini.
Avec une semaine plus étalée, les journées pouvaient être plus apaisées. Nous nous permettions de rentrer doucement dans chaque journée : entretiens, présentations, poésies. Nous n’avions pas l’évaluation au bout de chaque parole et ce n’était pas la couleur de l’encre qui pouvait traumatiser si ce qui était dit était bienveillant mais franc, la confiance était de mise.
Et cette poésie : un temps pour laisser infuser les mots était nécessaire à la maison, va-t-on interdire encore une fois, ce qui avait résisté à des décennies de circulaires, de prendre du temps pour revoir, pour apprendre, tranquille ? Les devoirs.
Quand on réalisait un film d’animation que de travail ! La pate à modeler qui prenait vie s’inscrivait dans la cohérence des apprentissages,  ce n’était pas une activité !
Et on pouvait avoir la fraction distractive et l’expression écrite ludique. 27 h, c’était vraiment pas le bagne,  il y avait du stress qui va avec toute dynamique et du plaisir.
A présent.
Peillon : je suis complètement d’accord sur la priorité aux petits en maternelle, pour le reste j’entends les mots qu’il s’écoute prononcer, il est bien content, mais je ne le crois guère.
Il répare le Chatel, quant à la refondation,  « ainsi font font », elle fond comme banquise. 
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Dans le Canard de cette semaine: