samedi 5 octobre 2019

Je dirai malgré tout que cette vie fut belle. Jean D’Ormesson.

Le titre provient d’un poème splendide d’Aragon que l’ancien directeur du Figaro admirait :
« N'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle »
Pourtant j’ai encore dans l’oreille la colère de Ferrat qui avait popularisé le poète communiste lorsque Saïgon avait été rebaptisée Ho-Chi-Minh ville. « Ah Monsieur d’Ormesson ! » L’« Air de liberté », titre de la chanson qui écorchait le noble, soufflait alors. Il a depuis a perdu ses évidences. 
Ce roman autobiographique paru en 2016 est un hymne à la vie:
« C'est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midi d'incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes. »
Aragon
L’académicien suivant son père diplomate a connu avant guerre la Bavière, la Roumanie, et le Brésil atteint en transatlantique et tant de grands personnages quand il a eu des responsabilités à l’UNESCO, à la tête du Figaro ou à l’Académie.
Ses étonnements, ses admirations sont précieux en nos années essentiellement dénigrantes.
Il cite Jeanne Hersch par exemple :
«  N’importe quel tyran est capable de faire chanter à ses esclaves des hymnes à la liberté. »
Le procédé qui fait dialoguer son « moi » et son « sur-moi » est amusant un moment, puis lassant, avant que l’on s’habitue tout en regrettant quelques complaisances ;
« Moi : Parce qu’il vous arrive d’avoir du chagrin, perpétuel bilboquet ?
Moi : Je ne fais rien d’autre, maître des larmes et du rire. »
J’ai préfère ses anecdotes légères à foison que ses considérations sur le temps, la mort, bien que l’entrecroisement de la légèreté et de la gravité ait ses charmes :
«  Nous sommes déchirés entre notre petitesse et notre grandeur, entre notre misère et notre puissance. Il n’est rien d’impossible au pouvoir d’un esprit enfermé dans un corps destiné à pourrir et qui n’apparaît que pour se hâter de disparaître. Chacun d’entre nous est un roi très puissant, enchaîné, glorieux, misérable, voué à la poussière et dévoré d’espérance. »
Près de 500 pages avec suffisamment de substance pour goûter le passé sans s’y enfermer, et regarder le présent sans s’y aveugler. 

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