jeudi 23 mai 2019

Peintres de la couleur et de saveurs. La Provence (1875-1920). Catherine De Buzon.

A l’ombre colorée de Cézanne, la conférencière devant les amis du musée  de Grenoble nous invite de façon fort antique : "Xaîpe" ( réjouis toi), à saisir de quelle manière les peintres fin XIX° début XX° ont traité la lumière sublime et redoutable de l’air et de la terre, au bord de la Méditerranée.
« Le Sud impose un monde de formes clairement définies, dévoile un paysage structuré de l’intérieur (« l’aridité, la netteté, la noblesse sobre et nue du pays méridional »). Le romantisme et l’impressionnisme appartiennent au Nord alors que le classicisme appartient au Sud. » Denis Coutagne. (Musée Granet)
A Aix-en-Provence, s’apprenait le dessin, pas la peinture. « La Sainte Victoire » de Barthélémy Niollon est vivement exécutée dans une écriture naturaliste.
Les artistes passaient par Paris pour revenir traduire la limpidité de leur ciel et retrouver les cafés. Alors que dans la capitale, la nature morte n’est plus de saison : «que peut signifier un potiron ? » Cette « Nature morte au Chaudron » ciselée de lumière comporte aussi des échos plus chuchotés.
En Avignon, au XV° siècle, l’école de peinture était réputée « Pietà de Villeneuve-lès-Avignon ».
 Au passage entre les deux siècles qui nous ont précédés, les images sont aimables : « L’intérieur d'un réparateur d'objets d'art » de Claude Firmin, est paisible.
Sur « La terrasse à midi » par Roux Renard, s’articule une rythmique de la lumière.
Son maître Grivolas encourageait le travail en plein air avec pochades (croquis) et, au temps des félibriges, cherchait  à valoriser une identité régionale. « Marché de la place Pie ».
Alors qu’à Paris Victor Leydet croise un « Désespéré »,
Jules Flour donne la vie à un corps de plâtre sous une délicate couleur de miel.
L’atelier de Vincent Cordouan est devenu à Toulon un lieu de rencontre important et lui un notable de la culture. «  Vue des environs de Toulon »
« Effet de Mistral dans la rade » par François Nardi est vigoureux.
« Le soleil qui claque comme un coup de feu, cette détonation silencieuse de la lumière, c'est Marseille ».
Un pêcheur boit « A la régalade », dans cette scène de genre d’Alphonse Moutte, d’autres préparent  la bouillabaisse :« quand ça bout, on abaisse ».
Les « Poissonnières aux halles » d’Edouard Crémieux annoncent un paysage gastronomique
qui pourra se compléter par «  le Plat avec fraises et citrons » de J.B.Olive
et « Le panier de légumes » pour la ratatouille de René Seyssaud.
« La rivière la Touloubre en automne », du même auteur, suinte de couleurs.
« Il faut aiguiser son regard au silex de cette lumière » disait De Staël.
Henri Manguin peint depuis une «  Fenêtre ouverte sur le vieux port » une table vivement éclairée, alors que dehors le paysage murmure.
« La roche percée » d’Adolphe Monticelli, est mystérieuse, traitée en des matières rugueuses.
Dans « Le Port de Saint-Tropez », véloce, Albert Marquet dépose comme des tesselles de mer. 
Dans ce village où se sont rendus tant d’artistes, la « Place aux herbes » de Camoin géométrise la couleur. Il appartiendrait à la famille « fauve », certains n’ont voulu voir qu’une « fauvette », pendant que dans ce lieu enchanteur se lançaient « chromoluminaristes », « néo-impressionnistes », « divisionnistes » voire « pointillistes », qui sont les mêmes.
Le plus célèbre, Paul Signac « plongeait dans le monde de la beauté ». Autour des « Femmes au puits », les ombres ondulent.
 « L’orage » est tonitruant.
A l’approche de « La Plage de Saint-Clair » d’Henri-Edmond Cross, les personnages se dissolvent sous l’insolation. 
Et toujours:
« Marseille sortie de la mer, avec ses poissons de roche, ses coquillages et l’iode,
Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont luisants d’eau marine,
Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel.»
Supervielle

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