jeudi 21 mars 2019

Basquiat : l’ange de l’asphalte. Damien Capelazzi.

Le président des amis du musée de Grenoble a eu l’idée d’une conférence à propos de « l’artiste incontournable des années 80 » depuis qu’il avait entendu une dame se pâmer devant un tableau de Jean Michel Basquiat :
« Oh mon Dieu ! Oh mon Dieu ! » telle Sainte Thérèse d’Avilla qui avait vu un ange à côté d’elle, ainsi que Le Bernin l’avait saisie. « Transverbération de Sainte Thérèse ».
Les chérubins et autres bienheureux se croisent  là où on ne les attend guère autour du  titre choisi par le conférencier" ange de l'asphalte". Celui-ci avait bien plus à faire valoir que le prix 110 millions de dollars auquel s’est vendu « Skull », puissant cri morbide poussé par le jeune Newyorkais, pour convaincre de l’importance de l’artiste urbain, humain, vaudou, en colère noire.
Dans la ville à la luminosité particulière, où la Statue de la liberté a été érigée depuis un moment, Jean Michel Basquiat vient au monde en 1960, quand s’atténue la guerre froide et que la promesse d’une égalité noir/blanc devient accessible.
Son père avait débarqué depuis Haïti, le premier pays abolitionniste, sa mère venait de Porto Rico. Il est expert comptable, elle l’emmène aux musées, ses grands parents jouent de la musique. Comme Van Gogh ou Dali, il débute dans la vie après un frère décédé. Percuté par une voiture à l’âge de 7 ans, il subit une ablation de la rate.
Sa mère lui offre alors un livre médical « Gray's Anatomy » qui va le hanter. Internée,  elle devient inaccessible, le jeune homme surdoué, il parlait trois langues à 11 ans, sera scolarisé à Porto Rico dans une école épiscopale, puis revenu à N-Y dans une école réputée de Brooklyn,  il rencontre Al Diaz, un graffeur.
Sous le pseudo de « Samo » (« same old shit » « la même vieille merde » « Rien de neuf ») il recouvre de tags les murs de Manhattan ou de Greenwich village, quartier de galeries, réinvestissant quelques signes de la culture afro cubaine, ainsi ces bandes horizontales et verticales. «  On ne nait pas noir on le devient ». Après la mort de Malcom X en 65 et celle de Luther King en 68, avec la répression contre les Black Panthers, dans les ghettos, les gangs s’arment alors que la « Zulu Nation » promeut une culture Hip Hop pacifique. 
JMB vend des T-shirts à l’entrée des musées, des cartes dans les restaurants, « Man made », se réinvente une vie, « performe »,  joue de la musique, fréquente Madonna, Blondie. A la question d’un critique d’art qui dîne avec Andy Warhol concernant son projet  il répond : «la royauté, l’héroïsme et les rues ».
Depuis que «  Samo is dead » à partir de 83, il multiplie les expositions à Los Angeles, Zurich, Tokyo... Après les squats, les palaces.
Parmi ses héros, ceux du jazz de l’époque de son père : Louis Amstrong, « Bird », Charlie Parker, mort bouffé par l’alcool et les drogues, en « Charles premier » où les références religieuses foisonnent. 
Dans le sport,  Owens, Robinson, « Cassius Clay ».
Son surnom «The Radiant Child », enfant flamboyant, rappelle le nom d’une figure de son ami et rival Keth Harring « Radiant babie ».
Warhol en perte de vitesse les récupère.  La rencontre artistique et personnelle est forte 
« Un miroir reflétant ce qu'il a été, ce qu'il est et aurait rêvé d'être » « Dos Cabezas ».
« In Italian» avec ses morceaux de  palissade préserve la rudesse du travail, les références religieuses «crown of thorns» ou «couronne d’épines» reviennent encore, il insiste sur les mots en les barrant : à qui appartient mon corps ? Il historicise le propos : 1594 : première expédition négrière française, 1752 : G. Washington achète une propriété qui compte 118 esclaves…
Il a été le plus jeune artiste à exposer, à la documenta de Bale, « Arroz con pollo », son plat préféré.
« Defacement »  peint après la mort d’un graffeur tué par la police a figuré longtemps au dessus de son lit.
Qui eut cru à une rencontre entre Léonard de Vinci, le précis, et les traits agressifs jaillissant de toutes les techniques ? « Leonardo da Vinci's Greatest Hits », il a su réinventer une représentation du corps.
Dans un de ses « Autoportraits », il porte la lance tribale, son corps n’est plus qu’une ombre,  dans un autre son regard est évidé. Lui l’adepte des accidents illustre bien la phrase de Louis Pasteur : 
«  le hasard favorise les esprits préparés. » 
« Riding Death » La mort  très présente parmi ses 800 tableaux et 1 500 dessins, le rattrape à 27 ans, sa vie abrégée par les drogues, au même âge que Jim Morrison, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Brian Jones, Kurt Cobain ou Amy Winehouse...
William Burroughs, qu’il avait rencontré, savait de quoi il parlait : « La came prend tout et n'apporte rien, sinon une assurance contre les douleurs du manque. »
« La came est le produit idéal, la marchandise par excellence. Nul besoin de boniment pour séduire l’acheteur ; il est prêt à traverser un égout en rampant sur les genoux pour mendier la possibilité d’en acheter. Le trafiquant ne vend pas son produit au consommateur, il vend le consommateur à son produit. »
« Jean-Michel a vécu comme brûle une flamme, répandant une véritable clarté. La flamme s’est éteinte, mais la chaleur demeure sous les braises. » (Fab 5 Freddy)

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